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30/09/2020 | FRANCE | N°19-15221

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2020, 19-15221


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 856 F-D

Pourvoi n° N 19-15.221

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

M. W... R..., domicilié [...] , a

formé le pourvoi n° N 19-15.221 contre l'arrêt rendu le 13 février 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 856 F-D

Pourvoi n° N 19-15.221

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

M. W... R..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 19-15.221 contre l'arrêt rendu le 13 février 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Picandine, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Depelley, conseiller référendaire, les observations de Me Occhipinti, avocat de M. R..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Picandine, après débats en l'audience publique du 15 juillet 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Depelley, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duvallet, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-7 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 13 février 2019), M. R... a été engagé le 25 juin 2001 en qualité d'ouvrier de production par la société Picandine. Le 18 décembre 2013, la société lui a proposé pour raison économique un avenant à son contrat de travail emportant modification de l'horaire de nuit en un horaire de jour. A la suite de son refus de cette modification, le salarié a été licencié pour motif économique le 6 juin 2014.

2. Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement pour motif économique fondé sur une cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'en se bornant à constater que la lettre de licenciement précisait que l'employeur était confronté à une baisse de sa collecte de lait de chèvre depuis 2013, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces difficultés n'étaient pas terminées en 2014 lors du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

2°/ qu'en se bornant à énoncer qu'il existait des difficultés économiques en raison de la fragilisation de la filière formage de chèvre au sein du groupe et au niveau national en raison de difficultés d'approvisionnement en lait de chèvre sans se fonder sur la moindre pièce ou présomption, la cour d'appel s'est prononcée par une simple affirmation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge doit rechercher la réalité des difficultés économiques alléguées ; qu'en se bornant à relever qu'il avait été nécessaire de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise pour maintenir sa présence sur un marché hautement concurrentiel, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, s'il ne résultait pas des documents communiqués par la société Picandine que son chiffre d'affaires et son résultat étaient en augmentation en 2013 et 2014, de sorte qu'elle ne souffrait d'aucune difficulté économique au moment du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

4°/ qu'un licenciement pour cause économique suppose la suppression de l'emploi du salarié ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était expressément invitée, si l'ancien poste de M. R... n'avait pas été maintenu, ses tâches étant notamment exécutées de façon identique par des intérimaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

6. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré que la proposition faite par l'employeur de modifier le contrat de travail du salarié est justifiée par des difficultés économiques rendant nécessaire une réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité et ses emplois en raison de la fragilisation de la filière fromage de chèvre au sein du groupe et plus généralement au niveau national liée à des difficultés d'approvisionnement en lait de chèvre. Elle a ajouté, qu'il a été nécessaire de maintenir les coûts de main-d'oeuvre non pour générer des profits mais pour maintenir à terme la présence de l'entreprise sur un marché hautement concurrentiel, de sorte que la modification du contrat de travail du salarié s'est bien inscrite dans une réorganisation de la production nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité et afin de préserver à terme les emplois dans ce secteur d'activité du groupe. La cour d'appel a ensuite constaté que la lettre de licenciement précise que l'entreprise est confrontée depuis 2013 à une baisse significative de sa collecte de lait de chèvre, ce qui l'a conduite à faire des choix quant aux produits fabriqués sur le site alors qu'aucune amélioration de la situation à court terme ne pouvait être sérieusement envisagée, ce qui a rendu nécessaire une modification des horaires de travail du salarié dans les conditions qu'il a refusées.

7. En statuant ainsi, par de simples affirmations, sans viser ni analyser même sommairement les pièces sur lesquelles elle fondait sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement pour motif économique fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboute M. R... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 13 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne la société Picandine aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Picandine et la condamne à payer à M. R... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président et Mme Duvallet, conseiller référendaire ayant voix délibérative, conformément aux dispositions des articles R. 431-7 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour M. R...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement pour motif économique de M. R... était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'en application de l'article L 1233 —3 du code du travail, constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Le licenciement économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise. Il appartient au juge de vérifier la réalité de la suppression de l'emploi ainsi que la réalité des difficultés économiques invoquées. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises. La recherche des possibilités de reclassement s'apprécie à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Doivent être proposés au salarié dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou à défaut d'une catégorie inférieure. Le premier juge par des motifs que la cour approuve, a considéré que la proposition faite par l'employeur de modifier le contrat de travail du salarié concernant l'horaire de nuit comme hygiéniste pour le passer de jour est justifiée par des difficultés économiques rendant nécessaire une réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité et ses emplois en raison de la fragilisation de la filière fromage de chèvre au sein du groupe et plus généralement au niveau national lié à des difficultés de l'approvisionnement en lait de chèvre et qu'il a été nécessaire de maintenir les coûts de main-d'oeuvre non pour générer des profits mais pour maintenir à terme la présence de l'entreprise sur un marché hautement concurrentiel de sorte que la modification du contrat de travail du salarié s'est bien inscrite dans une réorganisation de la production nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité entreprise et préserver à terme les emplois dans ce secteur d' activité du groupe. La cour constate en effet que la lettre de licenciement précise que l'entreprise est confrontée depuis 2013 à une baisse significative de sa collecte de lait de chèvre ce qui l'a conduite à faire des choix quant aux produits fabriqués sur le site alors qu'aucune amélioration de la situation à court terme ne pouvait être sérieusement envisagée ce qui a rendu nécessaire une modification des horaires de travail du salarié dans les conditions qu'il a refusées. C'est donc à juste titre que le refus de modification du contrat de travail par le salarié a donné lieu à une recherche de solution de reclassement au sein des entreprises du groupe laquelle s'est traduite par deux propositions de reclassement qui ont été rejetées par le salarié. En effet il est démontré que l'activité actuelle de l'entreprise ne justifiait plus d'effectuer des opérations de nettoyage la nuit complète dans la mesure où la plupart des lignes se terminent vers 15 heures 30. Il s'en évince que le licenciement pour motif économique est justifié et que l'employeur s'est acquitté de son obligation de reclassement de sorte que le salarié sera débouté de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la lettre de licenciement adressée le 6 juin 2014 par la SAS Picandine à Monsieur W... R... indique : « Cette modification est motivée par la nécessité de rationaliser les coûts, y compris de main d'oeuvre, pour préserver les emplois à terme et sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et de ce secteur dans notre groupe confronté à un marché mal orienté. En effet : L'entreprise Picandine est confrontée depuis 2013 à une baisse significative de sa collecte de lait de chèvre. Cette situation a conduit l'entreprise à faire des choix quant aux produits fabriqués sur le site. Le tonnage de produits fabriqués annuellement et vendus frais a été réduit au profit des produits les plus rentables, soit les produits affinés (baisse de 150 tonnes des produits frais pour un gain de + 85 tonnes en produits affinés. Cette nouvelle répartition a nécessité une nouvelle organisation du travail. Celle-ci s'ajoutant à des considérations de coût de production, nous a conduits à envisager à ne plus effectuer les opérations de nettoyage et d'hygiène la nuit, cette plage horaire d'intervention ne se justifiant plus par les impératifs de production. Ces opérations seront dorénavant organisées sur une plage horaire de jour, donc moins couteuse. Les mauvais résultats de l'entreprise (baisse de 5% du chiffre waffaires et de 3096 du résultat net) nous conduisent à rechercher toutes les sources d'économie et celle-ci a été retenue. La Direction de la SAS Picandine, lors de la réunion de la délégation unique du personne' du 27 juin 2013 déclare : « Le Président annonce que nous rentrons dans une période de collecte de lait difficile. Nous démarrons déjà la décongélation du caillé (globalement deux mois plus tôt que les années précédentes) mais le souci c'est que nos stocks de caillés congelés sont dramatiquement bas. Diminution de 14 % de la collecte de lait depuis le début de l'année par rapport à 2012. » Le 06 septembre 2013, lors d'une réunion extraordinaire de la délégation unique du personnel, la Direction annonce : « Le groupe collecte 45 millions de litres de lait par an en situation normale. Sur la période de septembre 2013 à février 2014, il manque d'après les prévisions 1 million de litres de lait pour répondre nos besoins. » et : « Sur Picandine, on arrive à un déficit global de 400 heures travaillées par semaine. » La pénurie de lait de chèvre a entrainé une augmentation du prix de 13% entre janvier 2012 et janvier 2014. En conséquence : Le Conseil de Prud'hommes dit que la SAS Picandine est bien confrontée à des difficultés économiques liées à la baisse de production de lait de chèvre. Ces difficultés économiques justifient la nécessité pour l'entreprise de se réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité et les emplois. L'article L 1222-6 du Code du Travail dispose que : « Lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3 il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire. A défaut de réponse dans le délai d'un mois, ou de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée. » Qu'en l'espèce : Le 18 décembre 2013, SAS Picandine adresse à Monsieur W... R... par courrier recommandé avec accusé de réception reçu par Monsieur W... R... te 21 décembre 2013, un avenant au contrat de travail a durée indéterminée pour raison économique à compter du 01 février 2014. Cet avenant indique : « 1/ raison économique : La modification est justifiée par les raisons économiques suivantes : difficulté d'approvisionnement en lait de chèvre - baisse des volumes en produits frais - baisse de rentabilité globale. Cette modification s'appuie sur la nécessité de nous réorganiser pour faire face à ces difficultés afin de rester compétitif. Les difficultés rencontrées et la nécessité de réorganiser notre production ont fait l'objet de réunions d'information et de consultation des représentants du personnel les 21/10, 06/11 et 27/11/2013. Cette réorganisation touche en particulier le personnel d'hygiène dans lequel vous êtes employé aujourd'hui. A l'avenir, cette activité n'existera plus en tant que telle, les opérations de nettoyage s'effectueront désormais au fur et à mesure de la production et tout le personnel sera susceptible d'apporter son concours aux dites opérations. Pour ce qui vous concerne, et c'est l'objet de cet avenant, les conséquences touchent vos horaires de travail. En effet, vous pourrez être désormais amené à travailler tous les jours de la semaine, les samedis, dimanches et jours fériés soit en journée normale soit en 2x8, soit en 3x8 ceci en fonction des besoins d'organisation. Vous ne serez donc plus affecté systématiquement en horaire de nuit. 2/ Rémunération et indemnité différentielle : Cette modification entraine une réduction de votre rémunération car les majorations pour heures de nuit ne vous seront plus appliquées. Le montant de ces majorations est évalué à 400 euros brut en moyenne par mois. En cas d'acceptation de votre part de cette modification, une allocation temporaire dégressive vous sera allouée (conformément à l'article 12.1 de la convention collective) à compter de la date d'application de ces modifications : Application d'une allocation dégressive égale à 10096 de la différence entre votre ancienne rémunération et la nouvelle pendant 4 mois soit 400 euros brut par mois. Application d'une allocation dégressive égale à de la différence, pendant les cinquième, sixième et septième mois soit 320 euros brut par mois. Application d'une allocation dégressive égale à 60 % de la différence, pendant les huitième et neuvième mois soit 240 euros brut par mois. Application d'une allocation dégressive égale à 50% de la différence pendant les trois mois suivants soit 200 euros brut par mois. Pendant cette période de 12 mois, les majorations de nuit éventuellement perçues viendront en déduction des indemnités dégressives. A l'issue de cette période de 12 mois, maintien d'une indemnité de reclassement égale à 100 euros brut par mois. Les autres clauses de votre contrat de travail non visées par le présent avenant demeurent applicables dans leur intégralité. S'agissant d'une modification individuelle de votre contrat de travail qui ne peut vous être imposée vous disposez d'un délai maximum de 6 semaines pour accepter ou refuser la modification proposée à compter de la date de réception de la présente lettre recommandée AR. En rabsence de réponse de votre part dans ce délai, votre silence vaudra acceptation de la modification proposée, en application de l'article L 12226 du code du travaiL C'est pourquoi, en cas de désaccord vous voudrez bien également nous le notifier par écrit. En cas de refus de [a modification proposée, nous vous informons que nous pourrions être amenés à envisager votre licenciement pour motif économique. » Le 30 janvier 2014, Monsieur W... R... écrit à la SAS Picandine par courrier recommandé avec AR : « Vous m'avez notifié le 18/12/2013 un avenant de mon contrat de travail, concernant une modification de ma rémunération et conditions de travail. Or, je ne peux vous donner une réponse sur ma décision d'accepter ou pas votre avenant. J'ai besoin d'avoir plus de précision sur les points suivants : 1/ quel serait mon nouveau poste de travail étant donné que vous me notifiez la suppression de mon poste d'hygiéniste de nuit et que vous indiquez que les tâches seraient effectuées par mes collègues ? 2/ Selon vos dires, ma rémunération ne serait réduite que de 400 euros bruts , orj'ai constaté sur les 12 derniers mois de salaire en moyenne, une réduction de 490 euros net ainsi que la perte de 100 euros net de prime paniers qui sont directement liées aux horaires de nuit. Soit un total de 590 euros net par mois en moyenne. Y aura-t-il une indemnité différentielle ? 3/ Quels seront mes nouveaux horaires de travail tout en respectant le délai de prévenance ? Vous comprendrez bien que de telles précisions sont importantes à mon égard pour que je puisse prendre une décision qui imputera ma vie. Je reste à votre entière disposition pour un nouvel entretien. Dans la mesure où ces informations nécessaires me manquent, je ne suis pas en mesure de vous répondre. Je considère donc que le délai de 6 semaines que vous m'avez donné n'a pas commencé à courir. » En réponse à la demande de précisions de Monsieur W... R..., SAS Picandine a convoqué son salarié afin de lui donner t'occasion de préciser sa position, avant d'envisager toute suite à donner à ses réponses, à un entretien le 12 février 2014. Le 12 février 2014, suite à l'entretien, une nouvelle proposition de modification du contrat de travail à effet du 1 mars 2014 est rédigée, en tenant compte des observations de Monsieur W... R.... Ce nouvel avenant complète le précédent : « Les secteurs dans lesquels vous êtes susceptible d'être affecté sont : Décaillage et Moulage, Hygiène, Emballage et suremballage produits frais et affinés, Congélation et Décongélation, Retournement et à l'avenir tout autre poste susceptible d'être compatible avec votre qualification. Votre qualification demeure inchangée, soit : Ouvrier de Production coefficient 145. » 2/ Rémunération et indemnité différentielle : Cette modification entraine une réduction de votre rémunération car les majorations pour heures de nuit ne vous seront plus appliquées. Le montant de ces majorations est évalué à 478,85 euros bruts en moyenne par mois (y compris l'incidence sur l'indemnisation CP). Le montant mensuel moyen des primes de panier est évaluée 107,00 euros. En cas d'acceptation de votre part de cette modification, une allocation temporaire dégressive vous sera allouée (conformément à l'article 12.1 de la convention collective) à compter de la date d'application de ces modifications : Application d'une allocation dégressive égale à 100% de la différence entre votre ancienne rémunération et la nouvelle pendant 4 mois soit 585,85 euros brut par mois. Application d'une allocation dégressive égale à 8096 de la différence, pendant les cinquième, sixième et septième mois soit 468,68 euros bruts par mois. Application d'une allocation dégressive égale à 60 % de la différence, pendant les huitième et neuvième mois soit 351,51 euros bruts par mois. Application d'une allocation dégressive égale à 50 %de la différence pendant les trois mois suivants soit 292,92 euros brut par mois. Pendant cette période de 12 mois, les majorations de nuit éventuellement perçues viendront en déduction des indemnités dégressives. A l'issue de cette période de 12 mois, maintien d'une indemnité de reclassement égale à 150 euros brut par mois. Cette indemnité ayant la nature d'un salaire sera revalorisée tous les ans en fonction du taux d'augmentation générale appliqué aux salaires dans l'entreprise. Les autres clauses de votre contrat de travail non visées par le présent avenant demeurent applicables dans leur intégralité. Cette proposition fait courir un nouveau délai de réflexion (jusqu'au jeudi 20 février 2014) qui vous est accordé pour accepter ou refuser les modifications proposées. En l'absence de réponse de votre part dans ce délai, votre silence vaudra acceptation de la modification proposée, en application de rarticle L 1222-6 du code du travail. C'est pourquoi, en cas de désaccord vous voudrez bien également nous le notifier par écrit. En cas de refus de la modification proposée, nous vous informons que nous pourrions être amenés à envisager votre licenciement pour motif économique. » Le 20 février 2014 Monsieur W... R... indique dans un courrier recommandé avec AR adressé à SAS Picandine : « Vous m'avez notifié le 12/02/2014 un avenant de mon contrat de travail concernant une modification de ma rémunération et condition de travail. Or je suis dans le regret de vous annoncer le refus de ce dernier pour les raisons suivantes 1/ le délai de réflexion concernant l'article L 1222-6 n'est pas respecté. 2/ les horaires ne sont pas plus précis puisque "alternance entre les 2x8, 3x8 et les heures de journées ne sont pas indiquées. » En conséquence Le Conseil de Prud'hommes dit que la SAS Picandine a proposé par avenant par lettre recommandée avec avis de réception, une modification des horaires de travail et de la base de la rémunération de Monsieur W... R... le 18 décembre 2013. Que le terme du délai de réflexion est fixé au 01 février 2014. Dit que ces modifications du contrat de travail résultent des difficultés économiques de l'entreprise. Que ces propositions de modification résultent d'une nécessité pour l'entreprise de se réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité et tes emplois tel que confirmé dans le présent jugement. Dit que la proposition informe le salarié qu'il dispose d'un délai de six semaines à compter de sa réception pour faire connaître son refus, et qu'en l'absence de réponse pendant ce délai, le silence vaut acceptation. Que Monsieur W... R... a demandé des précisions concernant son éventuelle nouvelle affectation et nouvelles conditions d'horaires et financières le 30 janvier 2014 soit pendant le délai de réflexion de six semaines accordé par SAS Picandine. Que la réponse de Monsieur W... R... à la proposition de modification du contrat de travail du 18 décembre 2013 n'exprime pas clairement un refus d'accepter ces modifications. Que la deuxième proposition de modification du contrat de travail ne résulte que d'une demande de Monsieur W... R... de révision des aspects financiers. Que les motifs entrainant les modifications contenues dans la première proposition sont repris dans la seconde proposition. Que les demandes de renseignements complémentaires concernant les éléments de modification du contrat de travail ne sauraient repousser les délais de réflexion sauf précision expresse de la part de l'employeur, comme indiqué dans la seconde proposition, et en faveur du salarié. Que Monsieur W... R... s'est prévalu du nouveau délai de réflexion expressément accordé par SAS Picandine pour exprimer clairement son refus d'accepter la modification de son contrat de travail. Que le refus d'accepter une modification du contrat de travail peut entrainer un licenciement pour motif économique. L'article L 1233-2 du Code du Travail dispose que : « Tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. » Qu'en l'espèce : La lettre de licenciement adressée à Monsieur W... R... en recommandé avec accusé de réception le 06 juin 2014 fixe les limites du litige, indique : « 1- Le 20 février 2014, vous avez refusé une proposition d'avenant à votre contrat de travail. Cette proposition d'avenant consistait à modifier vos horaires de travail, comme suit : Passage d'un horaire de travail de nuit à un horaire de travail de jour, cette modification est le résultat de notre décision d'effectuer les opérations d'hygiène, auxquelles vous êtes affecté dorénavant sur une plage horaire de jour. Cette modification est motivée par la nécessité de rationaliser les coûts, y compris de main d'oeuvre, pour préserver les emplois à terme et sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et de ce secteur dans notre groupe confronté à un marché mal orienté. En effet : L'entreprise Picandine est confrontée depuis 2013 à une baisse significative de sa collecte de lait de chèvre. Cette situation a conduit l'entreprise à faire des choix quant aux produits fabriqués sur le site. Le tonnage de produits fabriqués annuellement et vendus frais a été réduit au profit des produits les plus rentables, soit les produits affinés (baisse de 150 tonnes des produits frais pour un gain de +85 tonnes en produits affinés). Cette nouvelle répartition a nécessité une nouvelle organisation du travail. Celle-ci s'ajoutant à des considérations de coût de production, nous a conduits à envisager à ne plus effectuer les opérations de nettoyage et d'hygiène la nuit, cette plage horaire d'intervention ne se justifiant plus par les impératifs de production. Ces opérations seront dorénavant organisées sur une plage horaire de jour, donc moins couteuse. Les mauvais résultats de l'entreprise (baisse de 5% du chiffre d'affaires et de 30% du résultat net) nous conduisent à rechercher toutes les sources d'économie et celle-ci a été retenue. Aucune amélioration de la situation à court terme ne pouvant être sérieusement envisagée, ces motifs nous ont conduits à modifier vos horaires de travail dans les conditions que vous avez refusées. 2- Suite à votre refus de modification, nous avons activement recherché des solutions de reclassement au sein de l'entreprise et du groupe RIANS. A défaut de possibilité de reclassement sur un poste autre que celui proposé au sein de l'entreprise nous vous avons proposés des solutions de reclassement dans le groupe que vous avez également refusées par courrier du 17 avril 2014. N'ayant pas d'autre solution à vous proposer, nous sommes amenés à vous notifier, par la présente, votre licenciement pour motif économique, suite au refus de la modification de votre contrat de travail. » En conséquence : Le Bureau de Jugement constate que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, énonce un motif économique de licenciement. Que ce licenciement est la conséquence du refus de Monsieur W... R... d'accepter les 2 propositions de modification de son contrat de travail pour motif économique proposées par son employeur. Que le licenciement pour motif économique prononcé sur la base du refus de modification du contrat de travail pour motif économique, repose sur une cause réelle et sérieuse. Il ne sera pas fait droit à la demande de Monsieur W... R... en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1°) - ALORS QUE constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'en se bornant à constater que la lettre de licenciement précisait que l'employeur était confronté à une baisse de sa collecte de lait de chèvre depuis 2013, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces difficultés n'étaient pas terminées en 2014 lors du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1233-3 du code du travail ;

2°) - ALORS QU'en se bornant à énoncer qu'il existait des difficultés économiques en raison de la fragilisation de la filière formage de chèvre au sein du groupe et au niveau national en raison de difficultés d'approvisionnement en lait de chèvre sans se fonder sur la moindre pièce ou présomption, la cour d'appel s'est prononcée par une simple affirmation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) - ALORS QUE le juge doit rechercher la réalité des difficultés économiques alléguées ; qu'en se bornant à relever qu'il avait été nécessaire de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise pour maintenir sa présence sur un marché hautement concurrentiel, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, s'il ne résultait pas des documents communiqués par la société Picandine que son chiffre d'affaires et son résultat étaient en augmentation en 2013 et 2014, de sorte qu'elle ne souffrait d'aucune difficulté économique au moment du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1233-3 du code du travail ;

4°) - ALORS QU'un licenciement pour cause économique suppose la suppression de l'emploi du salarié ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était expressément invitée, si l'ancien poste de M. R... n'avait pas été maintenu, ses tâches étant notamment exécutées de façon identique par des intérimaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1233-3 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Picandine à payer à M. R... la seule somme de 117,98 € au titre du solde des congés payés ;

AUX MOTIFS QUE la cour constate qu'au regard de ce qui a été payé au salarié, il lui est dû un jour de congé payé pour la période de juin 2014 à août 2014 soit la somme de 117,98 euros ;

ALORS QUE la cour d'appel, qui ne donne aucune indication sur les sommes payées au salarié, les jours de congés qui lui étaient dus ou son salarie moyen utilisé pour calculer ses droits en application de l'article L 3141-22 du code du travail, s'est prononcée par une simple affirmation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-15221
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 13 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2020, pourvoi n°19-15221


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Occhipinti, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.15221
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