LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 septembre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 558 FS-P+B
Pourvoi n° C 19-11.187
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020
M. E... N..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° C 19-11.187 contre l'arrêt rendu le 31 octobre 2018 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme B... N..., épouse Y..., domiciliée [...] ,
2°/ à la société Prédica Prévoyance Dialogue du Crédit agricole, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. E... N..., de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Prédica Prévoyance Dilaogue du Crédit agricole, et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Le Cotty, Gargoullaud, Azar, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 octobre 2018), G... K... est décédée le [...], laissant pour lui succéder ses deux enfants, M. E... et Mme Q... N..., en l'état d'un testament olographe du 27 décembre 2001 instituant sa fille légataire de la moitié de la quotité disponible et Mme B... N..., fille de M. E... N..., légataire de l'autre moitié. Désignée tutrice de sa mère, Mme Q... N... a été autorisée en 2007 par le juge des tutelles à souscrire au nom de celle-ci un contrat d'assurance sur la vie auprès de la société Prédica, dont le paragraphe « bénéficiaires des garanties en cas de décès » indique « mes héritiers ».
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
3. M. E... N... fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que les seuls héritiers de G... K... sont Mme Q... N... et M. E... N..., que la société Predica a commis une faute d'imprudence en procédant elle-même à la répartition des fonds provenant du contrat d'assurance sur la vie selon sa propre appréciation, contraire à celle du juge des tutelles, et que cette dernière soit condamnée à lui payer la somme de 30 497,61 euros en principal, alors « que seuls les légataires universels peuvent être assimilés à des héritiers ; qu'en retenant, pour juger que la société Predica avait pu valablement verser un sixième de la valeur de l'assurance à Mme B... N..., petite-fille de la défunte et légataire à titre universel, que le terme d' héritiers "présent dans la clause bénéficiaire devait s'entendre des héritiers légaux et testamentaires", quand un légataire à titre universel ne saurait être assimilé à un héritier, la cour d'appel a violé les articles 724 et 731 du code civil, ensemble les articles 1003 et 1010 du même code. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 132-8 du code des assurances, le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés. Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la désignation comme bénéficiaires des héritiers ou ayants droit de l'assuré. Les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires et conservent ce droit en cas de renonciation à la succession.
5. Pour identifier le bénéficiaire désigné sous le terme d'« héritier », qui peut s'entendre d'un légataire à titre universel, il appartient aux juges du fond d'interpréter souverainement la volonté du souscripteur, en prenant en considération, le cas échéant, son testament.
6. Après avoir relevé que G... K... avait, par testament olographe désignant ses héritiers et précisant la part revenant à chacun d'eux, formalisé ses volontés avant son placement en tutelle et la souscription en son nom du contrat d'assurance sur la vie, et souverainement apprécié la volonté de la défunte, la cour d'appel a pu en déduire que le capital garanti devait être réparti entre les héritiers légaux et les légataires à titre universel de G... K....
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. E... N... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. E... N... et le condamne à payer à la société Prédica la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. E... N...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. N... de l'ensemble des demandes tendant à ce qu'il soit jugé que les seuls héritiers de Mme G... K... sont Mme Q... N... et M. E... N..., que la société Predica avait commis une faute d'imprudence en procédant elle-même à la répartition des fonds provenant du contrat d'assurance-vie selon sa propre appréciation, contraire à celle du Juge des tutelles, et à ce que la société Predica soit condamnée à lui payer la somme de 30 497,61 € en principal ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE M. N... reproche au premier juge d'avoir retenu que les héritiers de G... K... avaient été désignés par celle-ci dans son testament olographe du 27 décembre 2001 par lequel elle léguait la quotité disponible de sa succession à sa fille Q... et sa petite-fille B... ; qu'il souligne que le contrat d'assurance vie Floriane signé le 24 juillet 2007 vise comme bénéficiaires les héritiers et que l'acte du décembre 2001 institue des légataires notion distincte de celle d'héritiers comme retenu par la jurisprudence ; qu'il relève que le juge des tutelles lui a confirmé avoir autorisé la souscription d'assurance vie au bénéfice des héritiers ; que dès lors, il soutient que le tribunal a mal interprété les dispositions de l'article L. 132-8 du code des assurances et qu'il a droit à la moitié du capital décès soit à la somme de 30 497,61 € n'ayant reçu que 60 249 €, sa fille B... 30 124 € et sa soeur Q... 90 374 €, le montant à répartir étant de 180 748,87 € ; que la société Predica rétorque que l'appelant n'est pas héritier pour la moitié de la succession et qu'il ne peut donc prétendre à la moitié du contrat d'assurance vie souscrit par sa mère ; qu'elle rappelle en tout état de cause que si l'expression d'« héritiers » devait être considérée comme ambigüe, il appartient à la juridiction de déterminer la volonté clairement exprimée par l'assurée par son testament de 2001 ; que le contrat d'assurance vie Floriane n°[...] souscrit auprès de Predica le 24 juillet 2007 et ouvert au nom de G... K... divorcée N... et sur autorisation du juge des tutelles, vise dans son paragraphe bénéficiaires des garanties en cas de décès : mes héritiers ; qu'effectivement par son courrier du 26 juillet 2011, le juge des tutelles rappelle qu'il n'a pas été autorisé de libellé de la clause bénéficiaire au profit d'autres personnes que les héritiers ; qu'il est établi que par son testament olographe du 27 décembre 2001, G... N... a institué sa fille comme légataire de la moitié de la quotité disponible (1/3) soit 1/6 de la succession en pleine propriété et sa petite fille B... légataire de l'autre moitié de la quotité disponible (1/3) soit 1/6 de la succession en pleine propriété ; ainsi M. N... est héritier pour 1/3 en pleine propriété, sa soeur pour 1/2 en pleine propriété et sa fille pour 1/6 en pleine propriété ; que le terme d'héritier doit s'entendre des héritiers légaux ou testamentaires et alors que G... K... divorcée N... a précisément formalisé ses volontés sur ce point et antérieurement à son placement sous le régime de tutelle et à la souscription du contrat d'assurance vie ; que l'article L. 312-8 du code des assurances dispose que le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés, est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au moment de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis ; qu'il est précisé que les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires ; que puisque la mention mes héritiers a été portée à la rubrique des bénéficiaires, à raison, la société Predica a donc procédé à la répartition entre les héritiers testamentaires et selon donc les modalités clairement déterminées de son vivant par G... K... veuve N... ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est constant qu'il résulte de l'article L. 132-8 du Code des assurances que le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés ; qu'est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au moment de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis ; qu'est notamment considérée comme remplissant cette condition la désignation comme bénéficiaires des héritiers de l'assuré et que les héritiers ainsi désignés ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que Madame K... a, par testament olographe, désigné ses héritiers et précisé la part revenant à chacun d'eux ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que la société PREDICA a réglé la somme de 30 124€ à Madame B... N... épouse Y... au titre du contrat d'assurance vie litigieux et il convient de débouter Monsieur E... N... de l'ensemble de ses demandes ;
1° ALORS QUE seuls les successeurs désignés par la loi ont la qualité d'héritiers ; qu'en retenant, pour juger que la société Predica avait pu valablement verser un sixième de la valeur de l'assurance-vie à Mme B... N..., petite-fille de la défunte et légataire à titre universel, que le terme d'« héritiers » présent dans la clause bénéficiaire devait s'entendre « des héritiers légaux et testamentaires », quand les successeurs désignés par testament sont des légataires, et non des héritiers, la cour d'appel a violé les articles 724 et 731 du code civil ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, le terme d' « héritiers » employé par le juge des tutelle ne peut recevoir que son acceptation légale, et viser les successeurs désignés par la loi ; qu'en retenant, pour juger que la société Predica avait pu valablement verser un sixième de la valeur de l'assurance à Mme B... N..., petite-fille de la défunte et légataire à titre universel, que le terme d'« héritiers » présent dans la clause bénéficiaire devait s'entendre « des héritiers légaux et testamentaires », tout en constatant que ladite clause bénéficiaire avait été autorisée par le juge des tutelles (arrêt, p. 4, al. 3) qui ne pouvait employer ce terme que dans son sens légal qui vise les successeurs désignés par la loi, la cour d'appel a violé les articles 724 et 731 du code civil, ensemble les articles 457 et 495 anciens du code civil ;
3° ALORS QU'en toute hypothèse, les descendants d'un majeur sous tutelle ne peuvent être valablement gratifiés que s'ils sont des héritiers légaux et en avancement de part successorale ; qu'en retenant, pour juger que la société Predica avait pu valablement verser un sixième de la valeur de l'assurance à Mme B... N..., que le terme d'« héritiers » présent dans la clause bénéficiaire autorisée par le juge des tutelles devait s'entendre « des héritiers légaux et testamentaires », quand Mme B... N..., petite-fille de la défunte, n'était pas héritière mais légataire à titre universel, de sorte qu'elle ne pouvait être valablement gratifiée par sa grand-mère sous tutelle, même avec autorisation du juge des tutelles, la cour d'appel a violé l'article 505 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
4° ALORS QU'en toute hypothèse, seuls les légataires universels peuvent être assimilés à des héritiers ; qu'en retenant, pour juger que la société Predica avait pu valablement verser un sixième de la valeur de l'assurance à Mme B... N..., petite-fille de la défunte et légataire à titre universel, que le terme d'« héritiers » présent dans la clause bénéficiaire devait s'entendre « des héritiers légaux et testamentaires », quand un légataire à titre universel ne saurait être assimilé à un héritier, la cour d'appel a violé les articles 724 et 731 du code civil, ensemble les articles 1003 et 1010 du même code.