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30/09/2020 | FRANCE | N°18-26799

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2020, 18-26799


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 755 F-D

Pourvoi n° B 18-26.799

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

M. N... O..., domicilié [...] , a

formé le pourvoi n° B 18-26.799 contre l'arrêt rendu le 30 octobre 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 755 F-D

Pourvoi n° B 18-26.799

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

M. N... O..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° B 18-26.799 contre l'arrêt rendu le 30 octobre 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'AGS CGEA de Nancy, dont le siège est [...] ,

2°/ à M. J... A..., domicilié [...] , pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Spiegel France,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. O..., de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. A..., ès qualités, après débats en l'audience publique du 24 juin 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 30 octobre 2018) et les pièces de procédure, M. O... a été engagé en qualité de vendeur-préparateur de commandes-livreur, statut agent de maîtrise, par la société Hubert Spiegel devenue R2S, aux droits de laquelle vient la société Spiegel France (la société), suivant contrat du 31 juillet 2009. Il a démissionné le 24 mai 2011.

2. Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société, qui a été convertie en liquidation judiciaire le 9 avril 2013, M. A... étant désigné en qualité de liquidateur.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la fixation au passif de la procédure collective de sa créance au titre d'un rappel de salaire et de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le second moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. O... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à faire fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société sa créance au titre d'un rappel de salaire, outre congés payés afférents, alors « que lorsque le juge déclare illicite ou invalide la convention de forfait hebdomadaire en heures, toutes ses dispositions sont privées d'effet, de sorte que le salarié concerné est considéré n'avoir été rémunéré que sur la base de la durée légale de 35 heures et non sur celle fixée contractuellement ; qu'il est donc fondé à obtenir le paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures hebdomadaires sans avoir à produire un décompte précis des heures revendiquées puisque l'employeur considère qu'elles sont comprises dans le forfait appliqué et visé dans le contrat de travail et les bulletins de salaire ; qu'en jugeant que la convention individuelle de forfait était illicite et en déboutant le salarié de sa demande tendant à voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Spiegel France des créances à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires accomplies au-delà de 35 heures et de congés payés afférents, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail et l'article 5.7.4 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par arrêté du 26 juillet 2002. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail et l'article L. 3121-22, alinéa 1er, du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

6. Selon le premier de ces textes, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

7. Aux termes du second, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires ; les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.

8. Pour débouter le salarié de ses demandes tendant à faire fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société certaines sommes à titre de rappel de salaire, outre congés payés afférents, la cour d'appel a retenu que la convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ayant été déclarée invalide, le salarié avait droit au paiement de ses heures de travail effectif selon le droit commun, c'est-à-dire sur la base de la durée légale du travail de 35 heures par mois, toute heure de travail accomplie au-delà étant une heure supplémentaire, qu'il appartenait, cependant, à ce dernier d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant les siens. Elle a précisé qu'à cet égard, le salarié produisait, tout d'abord, les témoignages de, collègues de travail, qui tous deux affirmaient qu'il travaillait habituellement plus de 48 heures par semaine mais sans fournir d'éléments précis sur son temps de travail effectif, qu'il se prévalait, ensuite, d'un décompte de temps travail mensuel établi du mois d'août 2009 jusqu'au mois de juin 2011 qui faisait systématiquement ressortir le même nombre d'heures de travail, à savoir 256 heures, alors qu'il était constant que la durée du travail variait constamment d'une semaine sur l'autre. Elle a ajouté que le salarié avait procédé à un calcul forfaitaire des heures supplémentaires dont il sollicitait le paiement sans fournir d'éléments précis et cohérents sur son temps de travail effectif de sorte qu'il n'étayait pas sa demande en paiement d'heures supplémentaires. Elle a encore constaté que l'attestation destinée à Pôle emploi faisait ressortir que le salarié avait travaillé 208 heures par mois, soit 48 heures par semaine, de septembre 2009 à avril 2010 et 218,40 heures par mois, soit 50,40 heures par semaine, pendant les mois de mai, juin et juillet 2010, que, toutefois, cette même attestation mettait en évidence que le salarié avait été payé pour l'ensemble des heures de travail accomplies et qu'il n'avait formulé aucune revendication spécifique à ce titre, notamment au regard des majorations légales.

9. Cependant, d'une part, en présence d'une convention de forfait de salaire irrégulière, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale hebdomadaire de 35 heures ou de la durée considérée comme équivalente.

10. D'autre part, lorsqu'il a été rémunéré sur la base du nombre d'heures stipulé dans la convention de forfait en heures reconnue irrégulière et au-delà de ce nombre, si le salarié ne peut prétendre au paiement du salaire de base une deuxième fois, il peut prétendre aux majorations afférentes aux heures supplémentaires, effectuées au-delà de la durée légale, dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre.

11. En statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait déclaré illicite la clause du contrat de travail du salarié instaurant un forfait en heures sur une base de 48 heures par semaine et constaté que le salarié avait accompli des heures supplémentaires au-delà du nombre d'heures ainsi convenues en sorte que de ce seul chef, l'intéressé pouvait prétendre aux majorations pour heures supplémentaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. O... de ses demandes en fixation de créances au titre d'un rappel de salaire, outre congés payés afférents et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il laisse à sa charge les dépens exposés en appel, l'arrêt rendu le 30 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne M. A..., en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Spiegel France, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. A..., ès qualités, et le condamne, ès qualités, à payer à M. O... la somme de 2 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. O...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes tendant à voir fixer au passif de la liquidation judicaire de la société Spiegel France les sommes de 24.947,31 euros bruts à titre de rappel de salaire et 2.494,73 euros bruts à titre de congés payes y afférents ;

AUX MOTIFS QUE l'avenant au contrat de travail de M. O... en date du 1er février 2010 contient une clause aux termes de laquelle : « Eu égard aux responsabilités qui lui sont confiées, à la grande indépendance dont il jouit dans l'organisation de son emploi du temps, ainsi qu'à l'impossibilité de prédéterminer les horaires de travail en raison des conditions d'exercice de sa mission, Monsieur N... O... sera soumis à un forfait hebdomadaire de 48 heures avec attribution de 12 jours de repos répartis sur l'année dans les conditions de l'article 5.7.4. de la convention collective applicable» ; que l'article L.3121-38 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " la durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois » ; qu'une telle convention peut être conclue avec n'importe quel salarié et non seulement avec un cadre ; qu'il n'est pas obligatoire qu'elle soit instaurée par un accord collectif ; que l'article 5.7.4 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par arrêté du 26 juillet 2002, énonce que les agents de maîtrise peuvent bénéficier d'une convention individuelle de forfait en heures mais uniquement sur une base mensuelle et non hebdomadaire ; que ces dispositions conventionnelles sont plus favorables pour le salarié que celles prévues au contrat de travail ; que le contrat de travail prévoit une durée hebdomadaire forfaitaire de 48 heures ce qui correspond au maximum de la durée absolue du travail hebdomadaire autorisée par l'article L. 3121-35 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause ; que le contrat de travail ne contient aucune disposition sur le respect de la durée maximale relative de travail sur 12 semaines prévue aussi bien par l'article L.3121-36, dans sa rédaction applicable à la cause, que par la convention collective (respectivement 44 heures et 42 heures) ; qu'au contraire, les dispositions de l'article 5.7.4 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans leur rédaction applicable à la cause dispose que des forfaits en heure sur le mois peuvent être conclus avec les agents de maîtrise « dans le respect du contingent annuel d'heures supplémentaires » fixé à 180 heures par an, ce qui est plus protecteur des salariés puisque le nombre d'heures à accomplir dans ce cadre est inférieur à celui résultant du forfait sur la semaine prévu par le contrat de travail ; qu'en conséquence, la convention de forfait en heures sur la semaine insérée dans le contrat de travail de M. O... doit être considérée comme illicite ; que le salarié sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 24.947,31 euros à titre d'heures supplémentaires qui auraient été accomplies entre août 2009 à juin 2011 ; que la convention individuelle de forfait en heure sur la semaine ayant été déclarée invalide, le salarié a droit au paiement de ses heures de travail effectif selon le droit commun , c'est à dire sur la base de la durée légale du travail de 35 heures par mois, toute heure de travail accomplie au-delà étant une heure supplémentaire ; que s'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant les siens ; qu'il y a lieu de préciser qu'il ne s'agit pas de vérifier si les seuils et plafonds prévus tant par le droit de l'Union européenne que par le droit interne ont ou non été respectés mais de déterminer le temps de travail effectif du salarié ; qu' à cet égard, le salarié produit tout d'abord les témoignages de MM. P... S... et M... E..., collègues de travail, qui tous deux affirment qu'il travaillait habituellement plus de 48 heures par semaines mais sans fournir d'éléments précis sur son temps de travail effectif ; qu'il se prévaut d'un décompte de temps de travail mensuel établi du mois d'août 2009 jusqu'au mois de juin 2011 qui fait systématiquement ressortir le même nombre d'heures de travail, à savoir 256 heures, alors qu'il est constant que la durée du travail variait constamment d'une semaine sur l'autre ; que le salarié a procédé à un calcul forfaitaire des heurs supplémentaires dont il sollicite le paiement sans fournir d'éléments précis et cohérents sur son temps de travail effectif de sorte qu'il n'étaye pas sa demande en paiement d'heures supplémentaires ; qu'il doit être observé que l'attestation destinée à Pôle emploi fait ressortir que le salarié a travaillé 208 heures par mois, soit 48 heures par semaine, de septembre 2009 à avril 2010 et 218,40 heures par mois, soit 50,40 heures par semaine, pendant les mois de mai, juin et juillet 2010 ; que toutefois, cette même attestation met en évidence que le salarié a été payé pour l'ensemble des heures qu'il a accomplies ; qu'il n'a formulé aucune revendication spécifique à ce titre, notamment au regard des majorations légales ; qu'au vu de ce qui précède, le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a fixé au profit du salarié des créances de 14.000 euros brut à titre de rappel de salaire et de 1.400 € brut au titre des congés payés afférents ; que, statuant sur ce point, le salarié doit être débouté de ce chef de demande ; que par application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ; que le salarié soutient que l'employeur aurait manqué à son obligation de sécurité en lui imposant des horaires de travaillant débouchant sur un dépassement des durées maximales de travail hebdomadaires absolues et relatives telles que fixées aux articles L.3121-35 et L.3121-36 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ainsi que par la convention collective applicable ; que l'attestation destinée à Pôle Emploi met en évidence que de septembre 2009 à août 2010, le salarié a travaillé au-delà de la durée maximale hebdomadaire absolue fixée à 48 heures par l'article L.3121-35 du code du travail, et de la durée maximale hebdomadaire relative fixée à 42 heures sur 12 semaines consécutives par l'article 5.6 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 ; qu'une telle durée de travail sur une période continue de douze mois a généré une fatigue anormale portant atteinte à la santé physique et mentale du salarié, d'une part, et créant un danger pour sa sécurité, d'autre part, puisqu'il devait conduire dans un état d'éreintement qui l'exposait à des accidents ; que l'employeur a ainsi manqué à son obligation légale de sécurité ; que les premiers juges ont intégralement réparé le préjudice qui en est résulté par la fixation d'une créance de 4000 € à titre de dommages et intérêts ; que le jugement doit être confirmé sur ce point ;

1) ALORS QUE lorsque le juge déclare illicite ou invalide la convention de forfait hebdomadaire en heures, toutes ses dispositions sont privées d'effet, de sorte que le salarié concerné est considéré n'avoir été rémunéré que sur la base de la durée légale de 35 heures et non sur celle fixée contractuellement ; qu'il est donc fondé à obtenir le paiement des heures supplémentaires effectuées au delà de 35 heures hebdomadaires sans avoir à produire un décompte précis des heures revendiquées puisque l'employeur considère qu'elles sont comprises dans le forfait appliqué et visé dans le contrat de travail et les bulletins de salaire ; qu'en jugeant que la convention individuelle de forfait était illicite et en déboutant le salarié de sa demande tendant à voir fixer au passif de la liquidation judicaire de la société Spiegel France des créances à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires accomplies au-delà de 35 heures et de congés payés afférents, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail et l'article 5.7.4 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par arrêté du 26 juillet 2002 ;

2) ALORS, SUBSIDIAREMENT, QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, s'il appartient au salarié soumis à une convention de forfait hebdomadaire en heures déclarée illicite d'étayer ses demandes par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, doit être considéré comme suffisamment précis, le décompte des heures de travail établi forfaitairement sur la base d'un temps de travail minimum incontestable ; qu'en constatant que le salarié produisait aux débats un décompte mensuel de ses heures de travail et des attestations de collègues mentionnant qu'il effectuait de très nombreuses heures de travail dépassant la durée de 48 heures par semaine - ce dont il résultait que le salarié étayait sa demande par la production d'éléments suffisamment précis auxquels l'employeur pouvait répondre -, et en jugeant néanmoins que le salarié devait être débouté de sa demande tendant à voir fixer au passif de la liquidation judicaire de la société Spiegel France des créances à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents, la cour d'appel a violé l'article L.3171-4 du code du travail ;

3) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la preuve des heures supplémentaires n'incombe à aucune des parties et que le salarié doit seulement préalablement fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en reprochant au salarié de n'avoir produit qu'un simple décompte forfaitaire de ses heures de travail et en exigeant la production d'un décompte correspondant avec exactitude au temps de travail effectif, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi que celle-ci ne prévoit pas et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

4) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, le juge ne peut, pour rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires, faire peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires en se fondant exclusivement sur l'insuffisance des preuves rapportées par le salarié ; qu'en constatant que le salarié produisait aux débats un décompte de travail mensuel établi pour la période d'août 2009 à juin 2011 mentionnant 256 heures mensuelles de travail et des attestations de collègues mentionnant qu'il effectuait de nombreuses heures de travail excédant 48 heures par semaine, et en jugeant néanmoins que l'ensemble de ces pièces n'était pas de nature à étayer la demande en paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, quand il résultait de ses constatations que le salarié avait produit des éléments précis auxquels l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel, qui a fait peser sur le salarié la charge de preuve, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

5) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE, QUE constitue un élément suffisamment précis pour étayer la demande en paiement d'heures supplémentaires, la production par le salarié de deux attestations de collègues de travail, l'une mentionnant qu'il avait « été témoin du nombre d'heures de travail excessif dépassant allégrement les 48 heures hebdomadaires pour mes collègues de travail (R... T..., M... E... et Y... K...) » (cf. attestation de M. S..., production), l'autre soulignant que le salarié effectuait « des horaires de travail allant à l'encontre de toutes les lois du travail » (cf. attestation de M. E... production) ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a fait peser sur le salarié la charge de la preuve et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

6) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (cf. p. 7 et 8, production), le salarié faisait valoir que le mandataire judiciaire en charge de la procédure de redressement judiciaire, Maître X..., avait évoqué dans le rapport qu'il avait établi que les 48 heures de travail « devaient constituer une rémunération forfaitaire et non un horaire de travail puisque les livreurs étaient régulièrement amenés à travailler prés de 50 heures par semaine »; qu'en jugeant que le salarié devait être débouté de sa demande tendant à voir fixer au passif de la liquidation judicaire de la société Spiegel France des créances à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents, sans avoir répondu à ce chef pertinent des conclusions de l'exposant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7) ALORS QUE constitue un élément suffisamment précis pour étayer la demande en paiement d'heures supplémentaires, la production par le salarié d'un décompte de temps de travail mensuel d'août 2009 à juin 2011 mentionnant 256 heures mensuelles équivalent à une durée de travail hebdomadaire de 59 heures ; qu'en déboutant le salarié de sa demande tendant à voir fixer au passif de la liquidation judicaire de la société Spiegel France des créances à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents aux motifs que l'attestation destinée à Pôle emploi, établie unilatéralement par l'employeur, faisait ressortir que le salarié avait travaillé 208 heures par mois, soit 48 heures par semaine de septembre 2009 à avril 2010 et 218,40 heures par mois, soit 50,40 heures par semaine, pendant les mois de mai, juin et juillet 2010, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de M. O... tendant à voir fixer sa créance au passif de la société Spiegel France à la somme de 29.764,14 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE le salarié n'apporte pas la preuve que l'employeur ait sciemment dissimulé l'accomplissement d'heures de travail pendant la période d'emploi ; que la circonstance que l'attestation destinée à Pôle Emploi porte la mention d'heures de travail dépassant la durée légale hebdomadaire tend à démontrer le contraire ; que le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu'il a fixé au profit du salarié une créance de 14.910 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ; que statuant à nouveau sur ce point, il doit être débouté de ce chef de demande ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur l'une des branches du premier moyen de cassation devra entraîner, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation du chef de dispositif de l'arrêt ayant rejeté la demande du salarié tendant à voir fixer sa créance au passif de la société Spiegel France à la somme de 29.764,14 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-26799
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 30 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2020, pourvoi n°18-26799


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.26799
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