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30/09/2020 | FRANCE | N°18-26796

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2020, 18-26796


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 752 F-D

Pourvoi n° Y 18-26.796

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

M. B... L..., domicilié [...],

a formé le pourvoi n° Y 18-26.796 contre l'arrêt rendu le 30 octobre 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le li...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 752 F-D

Pourvoi n° Y 18-26.796

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

M. B... L..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° Y 18-26.796 contre l'arrêt rendu le 30 octobre 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'AGS CGEA de Nancy, dont le siège est [...] ,

2°/ à M. Q... D..., domicilié [...] , pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Spiegel France,

défendeurs à la cassation.

M. D... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les moyens deux de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. L..., de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. D..., ès qualités et après débats en l'audience publique du 24 juin 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 30 octobre 2018) et les pièces de la procédure, M. L... a été engagé en qualité de vendeur-préparateur de commandes-livreur, statut agent de maîtrise, par la société R2S suivant contrat du 13 septembre 2008. Ce contrat s'est poursuivi, à compter du 22 août 2011, avec la société Spiegel France (la société).

2. Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société, convertie, le 9 avril 2013, en liquidation judiciaire, M. D... étant désigné en qualité de liquidateur.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la fixation au passif de la procédure collective de sa créance au titre d'un rappel de salaire et de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal du salarié et sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à faire fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société sa créance au titre d'un rappel de salaire, outre congés payés afférents, alors « que lorsque le juge déclare illicite ou invalide la convention de forfait hebdomadaire en heures, toutes ses dispositions sont privées d'effet, de sorte que le salarié concerné est considéré n'avoir été rémunéré que sur la base de la durée légale de 35 heures et non sur celle fixée contractuellement ; qu'il est donc fondé à obtenir le paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures hebdomadaires sans avoir à produire un décompte précis des heures revendiquées puisque l'employeur considère qu'elles sont comprises dans le forfait appliqué et visé dans le contrat de travail et les bulletins de salaire ; qu'en jugeant que la convention individuelle de forfait était illicite et en déboutant le salarié de sa demande tendant à voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Spiegel France des créances pour rappel d'heures supplémentaires accomplies au-delà de 35 heures et de congés payés afférents, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail et l'article 5.7.4 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par arrêté du 26 juillet 2002. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail et l'article L. 3121-22, alinéa 1er, du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

6. Selon le premier de ces textes, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

7. Aux termes du second, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires ; les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.

8. Pour débouter le salarié de ses demandes tendant à faire fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société certaines sommes à titre de rappel de salaire, outre congés payés afférents, la cour d'appel a retenu que la convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ayant été déclarée illicite, le salarié avait droit au paiement de ses heures de travail effectif selon le droit commun, c'est-à-dire sur la base de la durée légale du travail de 35 heures par semaine, toute heure de travail accomplie au-delà étant une heure supplémentaire, qu'il appartenait cependant à ce dernier d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant les siens. Elle a précisé que le salarié se prévalait, en premier lieu, de feuilles de contrôle journalier récapitulant ses temps de conduite, de pause et de repos pour les périodes du 16 septembre 2010 au 28 octobre 2010, du 26 juillet 2011 au 27 septembre 2011, du 17 juillet 2012 au 19 septembre 2012, du 20 septembre 2012 au 9 novembre 2012 et enfin du 17 décembre 2012 au 1er mars 2013, qu'il produisait également un décompte mensuel des heures de travail qu'il prétendait avoir exécutées de juin 2009 à mars 2013 qui faisait systématiquement ressortir un même nombre d'heures de travail et le même nombre d'heures supplémentaires et que dans ses conclusions soutenues à l'audience, il indiquait que ses horaires de travail étaient toujours identiques, se référant à une semaine type qui aurait été reconduite tout au long de la relation contractuelle. Elle en a déduit que le salarié procédait à un calcul forfaitaire de son temps de travail alors qu'il devait étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires par des éléments concrets portant sur son temps de travail effectif. Elle a relevé que ce calcul forfaitaire était contradictoire avec ses relevés journaliers qui mettaient en évidence une grande variabilité du temps de travail au jour le jour. Elle a ajouté que le salarié se prévalait, par ailleurs, de témoignages de collègues de travail qui soulignaient l'ampleur des heures de travail accomplies par lui sans fournir d'éléments précis sur son temps de travail effectif que l'employeur pouvait discuter. Elle a conclu que ces éléments se contredisaient et que le salarié n'étayait pas sa demande en paiement d'heures supplémentaires. Elle a encore constaté que pour les mois de septembre, octobre et novembre 2012, d'une part, et les mois de janvier, février et mars 2013, d'autre part, l'attestation destinée à Pôle Emploi établie par l'employeur révélait que le salarié avait accompli 218,40 heures de travail pendant chacun de ces mois, ce qui correspondait à 50,40 heures de travail par semaine, que, cependant, il ressortait de cette attestation qu'il avait été intégralement payé pour ces heures de travail et que le salarié n'avait formé aucune revendication spécifique à ce sujet notamment sur d'éventuelles majorations légales.

9. Cependant, d'une part, en présence d'une convention de forfait de salaire irrégulière, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale hebdomadaire de 35 heures ou de la durée considérée comme équivalente.

10. D'autre part, lorsqu'il a été rémunéré sur la base du nombre d'heures stipulé dans la convention de forfait en heures reconnue irrégulière et au-delà de ce nombre, si le salarié ne peut prétendre au paiement du salaire de base une deuxième fois, il peut prétendre aux majorations afférentes aux heures supplémentaires, effectuées au-delà de la durée légale, dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre.

11. En statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait déclaré illicite la clause du contrat de travail du salarié instaurant un forfait en heures sur une base de 43 heures par semaine et constaté que le salarié avait accompli des heures supplémentaires au-delà du nombre d'heures ainsi convenues en sorte que de ce seul chef, l'intéressé pouvait prétendre aux majorations pour heures supplémentaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen pris en ses six autres branches, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident formé par M. D..., en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Spiegel France ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. L... de ses demandes au titre d'un rappel de salaire, outre congés payés afférents et au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il laisse à sa charge les dépens exposés en appel, l'arrêt rendu le 30 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne M. D..., en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Spiegel France, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. D..., ès qualités, et le condamne, ès qualités, à payer à M. L... la somme de 2 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. L...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes tendant à voir fixer au passif de la liquidation judicaire de la société Spiegel France les sommes de 60.289,82 euros bruts à titre de rappel de salaire et 6.028,98 euros bruts à titre de congés payes y afférents ;

AUX MOTIFS QUE le contrat de travail de M. L... en date du 22 août 2011 contient en son article 3 une clause dont la teneur est la suivante : « Eu égard aux responsabilités qui lui sont confiées, à la grande indépendance dont il jouit dans l'organisation de son emploi du temps, ainsi qu'à l'impossibilité de prédéterminer les horaires de travail en raison des conditions d'exercice de sa mission, Monsieur B... L... sera soumis à un forfait hebdomadaire de 43 heures avec attribution de 12 jours de repos répartis sur l'année dans les conditions de l'article 5.7.4. de la convention collective applicable» ; que l'article L. 3121-38 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " la durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois » ; qu'une telle convention peut être conclue avec n'importe quel salarié et non seulement avec un cadre ; qu'il n'est pas obligatoire qu'elle soit instaurée par un accord collectif ; que l'article 5.7.4 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par arrêté du 26 juillet 2002, énonce que les agents de maîtrise peuvent bénéficier d'une convention individuelle de forfait en heures mais uniquement sur une base mensuelle et non hebdomadaire ; que le contrat de travail ne contient aucune disposition sur le respect de la durée maximale relative de travail sur 12 semaines prévue aussi bien par l'article L.3121-36, dans sa rédaction applicable à la cause, que par la convention collective (respectivement 44 heures et 42 heures) ; qu'au contraire, les dispositions de l'article 5.7.4 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans leur rédaction applicable à la cause dispose que des forfaits en heure sur le mois peuvent être conclus avec les agents de maîtrise « dans le respect du contingent annuel d'heures supplémentaires » fixé à 180 heures par an, ce qui est plus protecteur des salariés puisque le nombre d'heures à accomplir dans ce cadre est inférieur à celui résultant du forfait sur la semaine prévu par le contrat de travail ; qu'en conséquence, la convention de forfait en heures sur la semaine insérée dans le contrat de travail de M. L... doit être considérée comme illicite ; que le salarié sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 60.289,82 euros à titre d'heures supplémentaires qui auraient été accomplies entre juin 2009 et mars 2013 (
) ; que la demande en paiement des heures supplémentaires est donc recevable en sa totalité de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point ; que la convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ayant été déclarée illicite, le salarié a droit au paiement de ses heures de travail effectif selon le droit commun, c'est à dire sur la base de la durée légale du travail de 35 heures par semaine, toute heure de travail accomplie au-delà étant une heure supplémentaire ; que s'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant les siens ; qu'il y a lieu de préciser qu'il ne s'agit pas de vérifier si les seuils et plafonds prévus tant par le droit de l'Union européenne que par le droit interne ont ou non été respectés mais de déterminer le temps de travail effectif du salarié ; que celui-ci se prévaut en premier lieu de feuilles de contrôle journalier récapitulant ses temps de conduite, de pause et de repos pour les périodes du 16 septembre 2010 au 28 octobre 2010, du 26 juillet 2011 au 27 septembre 2011, du 17 juillet 2012 au 19 septembre 2012, du 20 septembre 2012 au 9 novembre 2012 et enfin du 17 décembre 2012 au ler mars 2013 ; qu'il produit également un décompte mensuel des heures de travail qu'il prétend avoir exécutées de juin 2009 à mars 2013 qui fait systématiquement ressortir un même nombre d'heures de travail et le même nombre d'heures supplémentaires ; qu'en outre, dans ses conclusions soutenues à l'audience, le salarié indique que ses horaires de travail étaient toujours identiques, se référant à une semaine type qui aurait été reconduite tout au long de la relation contractuelle ; que le salarié procède donc à un calcul forfaitaire de son temps de travail alors qu'il doit étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires par des éléments concrets portant sur son temps de travail effectif ; que de plus, ce calcul forfaitaire est contradictoire avec ses relevés journaliers qui mettent en évidence une grande variabilité du temps de travail au jour le jour ; que par ailleurs il se prévaut de témoignages de collègues de travail qui soulignent l'ampleur des heures de travail accomplies par lui sans fournir d'éléments précis sur son temps de travail effectif que l'employeur pourrait discuter ; qu'au vu de ces éléments qui se contredisent, force est de constater que le salarié n'étaye pas sa demande en paiement d'heures supplémentaires ; qu'il y a lieu d'observer que pour les mois de septembre, octobre et novembre 2012, d'une part, et les mois de janvier, février et mars 2013, d'autre part, l'attestation destinée à Pôle Emploi établie par l'employeur révèle que le salarié a accompli 218,40 heures de travail pendant chacun de ces mois, ce qui correspond à 50,40 heures de travail par semaine ; que cependant, il ressort de cette attestation qu'il a été intégralement payé pour ces heures de travail ; qu'il n'a formé aucune revendication spécifique à ce sujet et notamment sur d'éventuelles majorations légales ; qu'en conséquence, le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a fixé profit du salarié des créances de 29.000 euros à titre de rappel de salaire et de 2.900 € au titre des congés payés afférents ; que, statuant sur ce point, ce dernier doit être débouté de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et des congés payés afférents ; que par application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ; que le salarié soutient que l'employeur aurait manqué à son obligation de sécurité en lui imposant des horaires de travaillant débouchant sur un dépassement des durées maximales de travail hebdomadaires absolues et relatives telles que fixées aux articles L.3121-35 et L.3121-36 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ainsi que par la convention collective applicable ; que l'attestation destinée à Pôle Emploi met en évidence que pendant les mois de septembre, octobre et novembre 2012 et les mois de janvier, février et mars 2013, le salarié a travaillé au-delà de la durée maximale hebdomadaire absolue fixée à 48 heures par l'article L.3121-35 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause et à la durée maximale hebdomadaire relative fixée à 42 heures sur 12 semaines consécutives par l'article 5.6 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 ; qu'une telle durée de travail sur une période quasi-continue de six mois a généré une fatigue anormale portant atteinte à la santé physique et mentale du salarié, d'une part, et créant un danger pour sa sécurité, d'autre part, puisqu'il devait conduire dans un état d'éreintement qui l'exposait à des accidents ; que l'employeur a ainsi manqué à son obligation légale de sécurité ; que les premiers juges ont intégralement réparé le préjudice qui en est résulté par la fixation d'une créance de 4000 € à titre de dommages et intérêts ; que le jugement doit être confirmé sur ce point ;

1) ALORS QUE lorsque le juge déclare illicite ou invalide la convention de forfait hebdomadaire en heures, toutes ses dispositions sont privées d'effet, de sorte que le salarié concerné est considéré n'avoir été rémunéré que sur la base de la durée légale de 35 heures et non sur celle fixée contractuellement ; qu'il est donc fondé à obtenir le paiement des heures supplémentaires effectuées au delà de 35 heures hebdomadaires sans avoir à produire un décompte précis des heures revendiquées puisque l'employeur considère qu'elles sont comprises dans le forfait appliqué et visé dans le contrat de travail et les bulletins de salaire ; qu'en jugeant que la convention individuelle de forfait était illicite et en déboutant le salarié de sa demande tendant à voir fixer au passif de la liquidation judicaire de la société Spiegel France des créances pour rappel d'heures supplémentaires accomplies au-delà de 35 heures et de congés payés afférents, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail et l'article 5.7.4 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par arrêté du 26 juillet 2002 ;

2) ALORS, SUBSIDIAREMENT, QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, s'il appartient au salarié soumis à une convention de forfait hebdomadaire en heures déclarée illicite d'étayer ses demandes par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, doit être considéré comme suffisamment précis, le décompte des heures de travail établi forfaitairement sur la base d'un temps de travail minimum incontestable ; qu'en constatant que le salarié produisait aux débats un décompte mensuel de ses heures de travail et des témoignages de collègues mentionnant l'ampleur des heures de travail accomplies par lui - ce dont il résultait que le salarié étayait sa demande par la production d'éléments suffisamment précis auxquels l'employeur pouvait répondre -, et en jugeant néanmoins que le salarié devait être débouté de ses demandes tendant à voir fixer au passif de la liquidation judicaire de la société Spiegel France des créances à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents, la cour d'appel a violé l'article L.3171-4 du code du travail ;

3) ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE la preuve des heures supplémentaires n'incombe à aucune des parties et que le salarié doit seulement préalablement fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en reprochant au salarié de n'avoir produit qu'un simple décompte forfaitaire de ses heures de travail et en exigeant la production d'un décompte correspondant avec exactitude au temps de travail effectif, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi que celle-ci ne prévoit pas et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

4) ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, le juge ne peut, pour rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires, faire peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires en se fondant exclusivement sur l'insuffisance des preuves rapportées par le salarié ; qu'en constatant que le salarié produisait aux débats un décompte de travail mensuel établi pour la période de juin 2009 à mars 2013 et des attestations de collègues soulignant l'ampleur des heures accomplies par lui, et en jugeant néanmoins que l'ensemble de ces pièces n'était pas de nature à étayer la demande en paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, quand il résultait de ses constatations que le salarié avait produit des éléments précis auxquels l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel, qui a fait peser sur le salarié la charge de preuve, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

5) ALORS EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE constitue un élément suffisamment précis pour étayer la demande en paiement d'heures supplémentaires, la production par le salarié de deux attestations de collègues de travail, l'une mentionnant qu'il avait « été témoin du nombre d'heures de travail excessif dépassant allégrement les 48 heures hebdomadaires pour mes collègues de travail (A... H..., X... U... et B... L...) » (cf. attestation de M. V..., production), l'autre soulignant que le salarié effectuait « des horaires de travail allant à l'encontre de toutes les lois du travail » (cf. attestation de M. U..., production) ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a fait peser sur le salarié la charge de la preuve et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

6) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (cf. p. 7 et 8, production), le salarié faisait valoir que le mandataire judiciaire en charge de la procédure de redressement judiciaire, Maître N..., avait évoqué dans le rapport qu'il avait établi que les 48 heures de travail « devaient constituer une rémunération forfaitaire et non un horaire de travail puisque les livreurs étaient régulièrement amenés à travailler prés de 50 heures par semaine »; qu'en jugeant que le salarié devait être débouté de sa demande tendant à voir fixer au passif de la liquidation judicaire de la société Spiegel France des créances à titre de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, sans avoir répondu à ce chef pertinent des conclusions de l'exposant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7) ALORS QUE constitue un élément suffisamment précis pour étayer la demande en paiement d'heures supplémentaires, la production par le salarié d'un décompte de temps de travail mensuel de juin 2009 à mars 2013 établissant une durée de travail hebdomadaire moyenne de 59 heures ; qu'en déboutant le salarié de sa demande tendant à voir fixer au passif de la liquidation judicaire de la société Spiegel France des sommes à titre de rappel de salaires et congés payés afférents aux motifs que l'attestation destinée à Pôle emploi, établie unilatéralement par l'employeur, faisait ressortir que le salarié avait accompli 218,40 heures de travail pendant les mois de septembre, octobre et novembre 2012 et janvier, février et mardi 2013, ce qui correspondait à 50,40 heures de travail par semaine, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de M. L... tendant à voir fixer sa créance au passif de la société Spiegel France à la somme de 27.880,74 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE le salarié n'apporte pas la preuve que l'employeur ait sciemment dissimulé l'accomplissement d'heures de travail pendant la période d'emploi ; que la circonstance que l'attestation destinée à Pôle Emploi porte la mention d'heures de travail dépassant la durée légale hebdomadaire tend à démontrer le contraire ; que, statuant à nouveau sur ce point, il doit être débouté de ce chef de demande ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur l'une des branches du premier moyen de cassation devra entraîner, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation du chef de dispositif de l'arrêt ayant rejeté la demande du salarié tendant à voir fixer sa créance au passif de la société Spiegel France à la somme de 29.764,14 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. D...

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir débouté Me Q... D..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Spiegel France, de sa demande reconventionnelle ;

aux motifs que « sur la demande reconventionnelle de l'employeur en remboursement de la somme de 16 242,29 € : qu'à l'appui de sa demande reconventionnelle, l'employeur produit un acte sous seing privé daté du 30 janvier 2013 rédigé en allemand et accompagné d'une traduction en langue française ; que ce document est constitué d'un récapitulatif de créances pour un montant global de 12 242,29 € accompagné des mentions suivantes : « en complément de mon courrier et me référent (sic) à nos entretiens du 27.09.2013 et du 30.01.2013, je vous transmets par la présente une liste des fonds non versés » ; qu'il mentionne ensuite les modalités de remboursement de la somme de 16 242,99 € par compensation avec des créances salariales de M. L... ; que l'employeur n'apporte pas la preuve de l'inexécution de cette convention par le salarié de sorte que le mandataire liquidateur doit être débouté de ce chef de demande » ;

alors qu'il incombe à l'auteur d'une reconnaissance de dette de démontrer qu'il s'est libéré de son obligation en la payant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ayant constaté que par acte sous seing privé en date du 30 janvier 2013, M. L... avait reconnu devoir à son employeur une somme de 16 242,29 €, laquelle devait être payée par compensation avec ses créances salariales c'est à ce dernier qu'il appartenait de justifier qu'il avait payé cette somme ; que pour débouter l'exposant de sa demande en paiement, la cour d'appel a retenu que « l'employeur n'apporte pas la preuve de l'inexécution de cette convention » ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-26796
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 30 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2020, pourvoi n°18-26796


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.26796
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