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30/09/2020 | FRANCE | N°18-21724

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2020, 18-21724


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 838 F-D

Pourvoi n° K 18-21.724

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

M. I... Z..., domicilié [...] ,

a formé le pourvoi n° K 18-21.724 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'op...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 838 F-D

Pourvoi n° K 18-21.724

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

M. I... Z..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° K 18-21.724 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société agricole de Bologne, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La société agricole de Bologne a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. Z..., de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société agricole de Bologne, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 28 mai 2018), M. Z... a été engagé, le 1er juillet 1998, en qualité de directeur de production par la société agricole de Bologne.

2. Le 12 novembre 2014, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement.

3. Il a été licencié le 18 novembre 2015.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur, du devoir d'information et du travail dissimulé, alors « qu'en considérant que les tableaux produits par M. Z... avaient été établis pour les besoins de la cause, qu'ils ne présentaient aucune crédibilité et qu'ils ne peuvent être considérés comme reflétant la réalité des heures de travail effectuées par le salarié, la cour d'appel a fait peser sur M. Z... la charge de la preuve des horaires de travail réellement effectués, en violation de l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

6. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

7. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

9. Pour débouter le salarié de ses demandes formées au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur, du devoir d'information et du travail dissimulé, l'arrêt retient que le salarié, tenant compte de la motivation du premier juge, produit des tableaux excel sur lesquels apparaissent des décomptes journaliers d'heures de travail, qui comportent un paragraphe illisible, que dans une attestation en date du 13 décembre 2016, la secrétaire de l'entreprise atteste que les documents présentés, sur lesquels elle a apposé ses initiales et sa signature, correspondent bien aux fichiers excel à partir desquels elle établissait les fiches de paie pour les salariés, en précisant que la colonne portant en en-tête ''LEO'' correspondait aux informations concernant les heures supplémentaires effectuées par le salarié pendant les saisons de productions. Il en déduit que s'il en était ainsi, le salarié aurait été nécessairement payé des heures supplémentaires qu'il revendiquait et qu'il résulte de ces constatations que les fichiers excel avaient été confectionnés pour les besoins de la cause, sans correspondre ni à la réalité du travail journalier effectué par l'intéressé, ni aux listings qui manifestement avaient été soumis au premier juge, lesquels comportaient seulement l'horaire hebdomadaire de travail qu'aurait accompli le salarié au titre des années considérées, que ces documents ne présentaient aucune crédibilité et ne pouvaient être considérés comme reflétant la réalité des heures de travail effectuées par le salarié.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

11. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors « que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en procédant à une appréciation séparée des éléments invoqués par M. Z..., autre que la surcharge de travail purement et simplement négligée, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L.1154-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1, L. 1154-1, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 1152-3 du code du travail :

12. En application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

13. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt retient, d'abord, que si un stress au travail et la dépression qui a suivi ont pu être médicalement constatés, ces troubles ne résultent pas nécessairement d'un harcèlement moral de la part de l'employeur.

14. Il poursuit en énonçant que le salarié évoque ainsi la multiplication des desiderata émanant du directeur général, ainsi que des reproches injustifiés destinés à le déstabiliser et à démontrer son inaptitude à occuper son poste, que toutefois le fait de demander par courriel du 12 mai 2014 à M. Z... de faire une « auto-évaluation du temps qu'il consacre à chacune de ses missions » et d'établir « une fiche cadre qui pourra également servir à définir I'ensemble des postes du personnel sous sa responsabilité », a pour but légitime de faire préciser l'importance des tâches assurées par les différents personnels du secteur de production, et laisse en la matière, toute latitude d'appréciation au salarié, que pour celui-ci, la demande du directeur général consistant à lui confier la commande de matière sèche, constitue une opération de déstabilisation quand, en réalité, il ressort des courriels échangés à ce sujet, que le salarié, responsable du secteur embouteillage, était à même de connaître les besoins en la matière, et qu'il paraissait rationnel qu'il procède lui-même aux commandes, en sorte que la mesure ainsi préconisée par le directeur général ne peut être considérée comme procédant d'une « opération de déstabilisation » mais une disposition destinée à rationaliser l'approvisionnement du service, que l'ensemble des courriels échangés entre le directeur et le salarié ne font pas apparaître de faits constitutifs de harcèlement moral.

15. Il ajoute que la modification du mot de passe de la messagerie professionnelle de l'intéressé a été effectuée durant son arrêt maladie afin de sécuriser l'accès aux fichiers et dossiers informatiques du salarié et de permettre à la direction de disposer des informations nécessaires à la poursuite de l'activité, que le retrait de l'imprimante s'explique simplement par le fait qu'étant absent de son lieu de travail, le salarié n'en avait aucune utilité, de sorte que cette décision, qui relève strictement des pouvoirs d'organisation de l'employeur, ne peut être analysée comme contribuant à une situation de harcèlement.

16. En statuant ainsi, en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par le salarié, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident formé par la société agricole de Bologne ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. Z... de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur, du devoir d'information sur le repos compensateur, du travail dissimulé, ainsi que des dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 28 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée ;

Condamne la société agricole de Bologne aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société agricole de Bologne et la condamne à payer à M. Z... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits, au pourvoi principal, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour M. Z...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Z... de ses demandes formées au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur et devoir d'information, du travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE : « sur la demande de paiement d'heures supplémentaires et de repos compensateurs : L'examen minutieux des documents produits par M. Z... à l'appui de sa demande de paiement d'heures supplémentaires révèle des incohérences, et pour le moins des anomalies, qui leur ôtent toute crédibilité. Tout d'abord dans son jugement, le premier juge relève que M. Z... n'est pas en mesure de produire des éléments de preuve précis, tels qu'un décompte journalier des horaires de travail, alors qu'il résulte d'une attestation produite par l'intéressé que c'est lui qui transcrivait les horaires des salariés, sur des fiches informatiques Excel qui étaient utilisées par la secrétaire pour établir les paies. Le premier juge fait valoir qu'un agenda aurait pu permettre, le cas échéant, de se convaincre des horaires de travail effectivement réalisés par le salarié. Le premier juge poursuit sa réflexion en estimant légitime de se demander sur quels documents s'est appuyé M. Z... pour établir les décomptes communiqués, retraçant le nombre d'heures travaillées semaine par semaine depuis 2009 (49 heures du 23 mars au 28 mars 2009, 75,5 heures du 30 mars au 4 avril 2009, 67,5 heures du 6 avril au 11 avril 2009...). En cause d'appel, curieusement, M. Z..., tenant compte de la motivation du premier juge, produit des tableaux Excel sur lesquels apparaissent des décomptes journaliers d'heures de travail concernant : - pour une période s'étendant de février à juin 2014, les salariés suivants : ST GERMAIN, JACKY, LEO (pièce 39 de M. Z...), - pour une période s'étendant de février à août 2013, les salariés V..., PHILOU, LEO (pièce 40 de M. Z...), - pour une période s'étendant de février à. juillet 2012, les salariés PHILOU, LEO, PROSPER (pièce 41 de M. Z...), - pour une période s'étendant de février à septembre 2011, les salariés V..., PHILOU, LEO (pièce 42 de M. Z...), - pour la période janvier à septembre 2010, les salariés V..., PHILOU, LEO (pièce 43 de M. Z...), - pour la période de janvier à août 2009, pour les salariés V..., PHILOU, LEO (pièce 44 de M. Z...). Ces documents portent un paraphe illisible. Or dans une attestation en date du 13 décembre 2016 (pièce 45 de M. Z...), Mme H... SARGENTON-C..., atteste, en sa qualité de secrétaire de l'entreprise, que les documents présentés sur lesquels elle a apposé ses initiales et sa signature, correspondent bien aux fichiers Excel à partir desquels elle établissait les fiches de paie pour les employés, en précisant que la colonne portant en en-tête "LEO", correspond aux informations concernant les heures supplémentaires effectuées par M. I... Z... pendant les saisons de productions. S'il en avait été ainsi, M. Z... aurait été nécessairement payé pour les heures supplémentaires qu'il revendique. Il résulte de ces constatations que les fichiers Excel suscités, versés au débat par M. Z... sous les numéros 39 à 44, ont été confectionnés pour les besoins de la cause, sans qu'ils correspondent à la réalité du travail journalier effectué par l'intéressé. En outre l'examen comparé desdits tableaux Excel retraçant les soi-disant horaires journaliers, ne correspondent pas aux listings (pièces 3 à 8 de M. Z...), qui manifestement ont été soumis au premier juge, et qui comportent seulement l'horaire hebdomadaire de travail qu'aurait accompli M. Z... au titre des années considérées. A titre d'exemple, la Cour relève que : - selon le tableau Excel figurant en pièce 44 de M. Z..., celui-ci aurait accompli 60h50 de travail pendant la semaine du 6 au 11 avril 2009, alors que dans son listing figurant en numéro 3 de ses propres pièces, il mentionne "67,5" heures pour la même semaine, l'intéressé prenant d'ailleurs pour base cet horaire pour calculer le montant qu'il réclame, - selon le même tableau Excel figurant en pièce 44 de M. Z..., celui-ci aurait accompli 56h de travail pendant la semaine du 27 avril au 2 mai 2009, alors que dans son listing figurant an numéro 3 de ses propres pièces, il mentionne "63" heures pour la même semaine, l'intéressé prenant également pour base cet horaire pour calculer le montant qu'il réclame. Il est ainsi démontré que les tableaux Excel et les listings produits respectivement aux pièces 39 à 44, et aux pièces 3 à 8 de M. Z..., ne présentent aucune crédibilité et ne peuvent être considérés comme reflétant la réalité des heures de travail effectuées par le salarié qui les a confectionnés pour les besoins de la cause. En conséquence M. Z... doit être débouté de ses demandes de paiement d'heures supplémentaires, de repos compensateurs et de travail dissimulé. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner la délivrance de bulletins de salaire rectifiés mentionnant des heures supplémentaires, ni de faire procéder par l'employeur à ta régularisation des déclarations auprès des organismes sociaux » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTÉS, QUE : « sur le non paiement des heures supplémentaires : Qu'il n'est pas contesté qu'aucune convention de forfait n'avait été signée entre les parties, de sorte que les heures accomplies au-delà des 35 heures hebdomadaires doivent être rémunérées sous le régime des heures supplémentaires; Que Monsieur Z... produit, à l'appui de ses demandes, un relevé de ses heures de travail par semaine sur les mois de janvier à août 2010, février à août 2011, février à juin 2012, février à août 2013, et février à juin 2014 ; Que ce décompte, établi par Monsieur Z... lui-même, ne peut constituer un élément de preuve suffisamment précis et crédible ; Qu'en effet, on ne peut que s'étonner du fait que Monsieur Z... ne soit pas en mesure de produire des éléments de preuve précis, tels qu'un décompte journalier des horaires de travail, alors qu'il résulte d'une attestation produite par le demandeur lui-même que c'est lui qui retranscrivait les horaires des salariés, sur des fichiers informatiques Excel qui étaient utilisés par la secrétaire pour établir les paies ; Que la production d'un agenda aurait par ailleurs pu permettre, le cas échéant, de se convaincre des horaires de travail effectivement réalisés par le salarié ; Qu'il est légitime de se demander sur quels documents s'est appuyé Monsieur Z... pour établir les décomptes communiqués, retraçant le nombre d'heures travaillées semaine par semaine depuis 2009 (49 heures du 23 mars 2009 au 28 mars 2009, 75.5 heures du 30 mars 2009 au 4 avril 2009, 67.5 heures du 6 avril 2009 au 11 avril 2009...) , et par là même de regretter que ces documents n'aient pas été versés aux débats, lesquels auraient pu permettre de calculer le nombre d'heures accomplies ; Que le seul éléments de preuve communiqué consiste en deux attestations de salariés, rédigées de façon identique, indiquant que pendant la période de production, Monsieur Z... était présent depuis l'ouverture de la distillerie jusqu'à sa fermeture le soir ; Que ces attestations sont très peu précises, et ne permettent aucunement d'établir la véracité des décomptes produits par le demandeur ; Qu'en résumé, sans avoir sollicité le paiement de ces supposées heures supplémentaires entre 1998 et 2014, Monsieur Z... fournit un tableau établi par ses soins, pour réclamer le paiement de 3091 heures supplémentaires pour un total de 193 004,83 euros, alors que seul un décompte précis établi au jour le jour serait de nature à constituer un élément de preuve recevable ; Qu'il s'ensuit que Monsieur Z... sera débouté de sa demande faite au titre des heures supplémentaires et par conséquent au titre du travail dissimulé ; Que les mêmes lacunes probatoires existent quant à la demande relative au congé compensateur, de sorte que la demande formée à ce titre sera également rejetée » ;

1°/ ALORS, DE PREMIÈRE, PART QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que si les pièces produites en première instance étaient insuffisantes pour étayer sa demande, le salarié produisait désormais en cause d'appel les décomptes journaliers des heures de travail qu'il soutenait avoir effectuées pendant la période considérée ; qu'en se fondant, pour le débouter néanmoins, sur le fait que ces décomptes auraient été « confectionnés pour les besoins de la cause », cependant que la règle selon laquelle nul ne peut se forger de preuve à soi même, n'est pas applicable à l'étaiement d'une demande au titre des heures supplémentaires et qu'il lui appartenait de vérifier si les tableaux produits en cause d'appel étaient suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour que l'employeur puisse y répondre, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé l'article L. 3171-4 du Code du travail ;

2°/ QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QU'en considérant que les tableaux produits par Monsieur Z... avaient été établis pour les besoins de la cause, qu'ils ne présentaient aucune crédibilité et qu'ils ne peuvent être considérés comme reflétant la réalité des heures de travail effectuées par le salarié, la cour d'appel a fait peser sur Monsieur Z... la charge de la preuve des horaires de travail réellement effectués, en violation de l'article L. 3171-4 du Code du travail ;

3°/ ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE pour débuter Monsieur Z... de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, la cour d'appel énonce que les tableaux produits par lui correspondaient aux fichiers « excel » remis aux services comptables de l'entreprise pour le paiement des salaires, de sorte que « s'il en avait été ainsi, M. Z... aurait été nécessairement payé pour les heures supplémentaires qu'il revendique » (arrêt p.4, al.4) ; qu'en déboutant ainsi le salarié de sa demande de rappel d'heures supplémentaires du seul fait que les tableaux récapitulatifs de ses heures de travail qu'il remettait à la comptabilité de l'entreprise n'avaient pas trouvé de traduction concrète sur ses bulletins de paie, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants et a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 3171-4 du Code du travail ;

4°/ ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QU'en se fondant, pour débouter Monsieur Z... de sa demande, sur les différences entre le décompte produit en cause d'appel et les récapitulatifs seuls produits en première instance, cependant que le salarié pouvait faire évoluer sa demande en cause d'appel et l'étayer par de nouveaux éléments pourvu qu'ils soient suffisamment précis, la cour d'appel a là encore statué par des motifs inopérants et a de plus fort privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Z... de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

AUX MOTIFS QUE « sur le harcèlement moral allégué par M. Z.... A l'appui de ses allégations de harcèlement moral, M. Z... fait état, à la suite d'un premier arrêt de travail du 18 juin au 3 juillet 2014, d'un second arrêt de travail du 4 juillet au 18 juillet 2014 pour "stress au travail", puis d'une prolongation de cet arrêt, du 19 juillet au 19 septembre 2014 pour " dépression sévère sur stress au travail". M. Z... ne peut utilement reprocher à son employeur de l'avoir fait convoquer par les services de la médecine du travail lors de la reprise du 3 juillet 2014, puisque le médecin du travail a établi ce jour là une fiche le déclarant "inapte temporaire ce jour", l'intéressé devant voir son médecin traitant. Si un stress au travail et la dépression qui a suivi ont pu être médicalement constatés, ces troubles ne résultent pas nécessairement d'un harcèlement moral de la part de l'employeur. L'examen des pièces versées au débat, et plus précisément des nombreux courriels échangés entre d'une part M. T..., nouveau directeur général de l'entreprise à compter de mars 2014, et d'autre part M. Z..., montre qu'en réalité, celui-ci a souffert d'une inadaptation, se traduisant par une résistance, aux mesures de réorganisation initiées par le nouveau directeur général, sans que les mesures prises par celui-ci puissent s'analyser en agissements constitutifs de harcèlement moral. Ainsi M. Z... évoque la multiplication des desiderata émanant du directeur général, ainsi que des reproches injustifiés qui auraient été destinés à le déstabiliser et à démontrer son inaptitude à occuper son poste. Toutefois le fait de demander par courriel du 12 mai 2014 à M. Z... de faire une "auto-évaluation du temps qu'il consacre à chacune de ses missions" et d'établir "une fiche cadre qui pourra également servir à définir I 'ensemble des postes du personnel sous sa responsabilité", a pour but légitime de faire préciser l'importance des tâches assurées par les différents personnels du secteur de production, et laisse en la matière, toute latitude d'appréciation à M. Z.... Pour obtenir des éléments précis, cette demande devait nécessairement être formulée pendant la campagne de production, et non pas pendant la période de maintenance, ce qui ne saurait constituer un élément de déstabilisation à l'égard de M. Z..., comme celui-ci le soutient. Pour M. Z..., la demande du directeur général consistant à lui confier la commande de matière sèche, constituerait une opération de déstabilisation. En réalité il ressort des courriels échangés à ce sujet, que M. Z..., responsable du secteur embouteillage, était à même de connaître les besoins en la matière, et qu'il paraissait rationnel qu'il procède lui-même aux commandes. Toutefois ce dernier, se saisissant d'arguties tenant au choix des lignes de produits, de la durée de vie des produits, de l'absence d'antériorité avec les fournisseurs, entend contester la responsabilité qui lui est ainsi confiée, alors que son supérieur hiérarchique lui explique que toute autre méthode conduirait immanquablement à des erreurs, et qu'il sera secondé par la secrétaire pour assurer cette tâche. La mesure ainsi préconisée par le directeur général ne peut être considérée comme procédant d'une "opération de déstabilisation" visant M. Z..., mais une disposition destinée à rationaliser l'approvisionnement de son service. Quant au courriel que M. Z... a adressé le 18 juin 2014 à son supérieur hiérarchique, loin de mettre en évidence des faits de harcèlement moral de la part de ce dernier, comporte essentiellement des critiques à l'égard de celui-ci, l'accusant de vouloir avant tout autre chose le" prendre en faute", alors qu'il devait répondre du retard pris pour transmettre les propositions d'acquisition d'agitateurs de cuves, le directeur général lui ayant fait observé qu'il n'avait transmis que le 15 mai 2014 un devis que M. Z... avait réceptionné le 18 avril 2014, ce qui, compte tenu du délai de mise à disposition de 6 semaines, mettait cette opération hors délai pour la campagne en cours. L'ensemble des courriels échangés entre le directeur général et M. Z..., qui ont pour objet des considérations techniques destinées à assurer et améliorer le fonctionnement de l'entreprise, mais également de préciser le périmètre des tâches de chacun, ne font pas apparaître de faits constitutifs de harcèlement moral. De même la mise en place d'un mot de passe donnant accès aux fichiers et dossiers informatiques de M. Z..., pendant son absence, n'avait pour but que de sécuriser cet accès et de permettre à la direction de disposer des informations nécessaires à la poursuite de l'activité de l'entreprise. Au demeurant M. Z... a pu solliciter du directeur général la communication du code d'accès, aucune entrave n'étant ainsi apportée à l'exercice de ses fonctions. Aucun des éléments produits au débat ne permet de mettre en évidence l'introduction de fichiers erronés dans les dossiers de M. Z..., comme allégué par celui-ci. Par ailleurs M. Z... ne peut reprocher à son employeur d'avoir mis son imprimante à disposition d'une stagiaire pendant son absence, s'agissant d'une utilisation rationnelle des moyens matériels de l'entreprise, étant précisé que M. Z... a pu garder à sa disposition une imprimante/fax/scanner reliée en réseau à tous les postes informatiques de l'entreprise, laquelle se trouvait dans son bureau. Aucun agissement caractérisant un harcèlement moral n'étant mis en évidence, M. Z... doit être débouté de sa demande de paiement de la somme de 100 000 euros de dommages et intérêt en réparation d'un préjudice moral résultant d'un harcèlement moral » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « sur le harcèlement moral : que le salarié estime qu'en multipliant les reproches qui lui étaient adressés, et désorganisant et bloquant son environnement de travail, en ne payant pas ses heures supplémentaires, en ne clarifiant pas les tâches qui lui incombaient, l'employeur s'était rendu coupable de harcèlement moral, de sorte qu'il avait dû se voir prescrire un arrêt de travail ; d'une part que Monsieur Z... estim. è gué la multiplication de désidératas et de reproches injustifiés, par le Directeur Général, est un élément qui contribue à caractériser le harcèlement moral dont il se\dit victime ; Que néanmoins, l'étude des mails échangés entre le salarié et son employeur ne laisse rien transparaître d'anormal dans les rapports existants entre Monsieur Z... et Monsieur T..., ce dernier se contentant de répondre de façon détaillée au salarié quant à sa charge de travail, de solliciter Monsieur Z... quant à l'embauche de personnes en CDD et quant à un retard dans la transmission d'un devis, de lui demander des nouvelles quant au recours à un artisan pour intervenir sur une chaîne, de lui demander de se renseigner pour trouver une solution technique pour l'utilisation de capsules de différentes tailles ; Que six thématiques ayant conduit à des échanges de mails sur une période allant du 6 mai au 18 juin, concernant des préoccupations professionnelles légitimes, et ne contenant aucun propos dénigrants, hostiles ou dégradants, ne sont pas de nature à entrer dans la caractérisation d'un harcèlement moral ; d'autre part que Monsieur Z... estime avoir subi une désorganisation et un blocage de son environnement de travail, de nature à contribuer à la caractérisation du harcèlement moral ; Que notamment, il fait grief à son employeur d'avoir modifié son mot de passe afin de lui bloquer tout accès à sa messagerie professionnelle ; Que cette démarche, qui n'est pas contestée par l'employeur, a été réalisée afin de pouvoir permettre un accès et le cas échéant pouvoir apporter une réponse aux mails adressés à monsieur Z..., alors que celui-ci était en congés maladie, du 19 juillet 2014 au 19 septembre 2014 ; Que le salarié, qui n'était donc pas au travail en raison d'un stress qui aurait été provoqué par son activité professionnelle, n'avait pas vocation à se connecter à cette boîte mail professionnelle ; Qu'à son retour, il était à nouveau donné à Monsieur Z... sans difficulté l'accès à sa messagerie ; Que le fait que ce changement de mode de passe n'ait pas été réalisé dès le premier arrêt de travail, le 18 juin 2014, s'explique par le fait que le nouvel arrêt qui lui avait été délivré était de 2 mois, longue période pendant laquelle l'employeur devait pouvoir accéder aux mails adressés au Directeur de Production ; Qu'il n'est pas établi que ce changement de mot de passe aurait été motivé par la réception du courrier de Monsieur Z... aux termes de laquelle il sollicitait le paiement d'heures supplémentaires ; Que par ailleurs, Monsieur Z... n'est pas en mesure d'apporter la preuve de ce que des fichiers erronés auraient été introduits dans son ordinateur, ce que son employeur réfute ; Qu'en outre, les raisons de sécurité invoquées pour justifier du changement de mot de passe pour accéder aux fichiers informatiques de Monsieur Z... sont tout à fait légitimes, et là encore ne pouvaient porter grief à l'intéressé, qui n'était pas sur son lieu de travail, et qui a pu, à son retour, à nouveau accéder à l'ensemble de ses documents ; Que par ailleurs, le retrait de l'imprimante de Monsieur Z... s'explique simplement par le fait qu'étant absent de son lieu de travail, ce dernier n'en avait aucune utilité, alors qu'une stagiaire de la société avait besoin d'avoir accès, ponctuellement, à une imprimante ; Que cette décision, relevant strictement des pouvoirs d'organisation de l'employeur, ne peut être analysée comme contribuant à une situation de harcèlement moral, pour être parfaitement justifiée par les contraintes matérielles de l'entreprise ; Qu'en outre, s'agissant des congés payés, il est vrai qu'il a été indiqué à Monsieur Z... que les dates sollicitées par lui ne correspondaient pas à la période de fermeture de la distillerie, ce qui engendrait nécessairement un problème d'encadrement du personnel ; Qu'il suffit pour s'en convaincre d'analyser les dates de congés des autres salariés, qui reviennent tous dans l'entreprise le 23 août 2014, à l'exception de 3 salariés revenant entre le 28 août et le 1er septembre 2014 ; Que les propos de Monsieur T... dans le mail adressé le 23 mai 2014 à Monsieur Z... étaient tout à fait mesurés ; Que le courrier daté du 3 juin 2014 exigeait simplement de Monsieur Z... qu'il soit de retour à l'issue du mariage de sa fille, au plus tard au début de la semaine qui suit cet événement ; Que ces exigences de l'employeur sont purement justifiées par des considérations organisationnelles, et ne peuvent nullement être analysées comme contribuant à une situation de harcèlement moral ; Que par ailleurs, l'absence de Monsieur T... à deux réunions qui avaient été organisées ne saurait avoir eu ni pour objet, ni pour effet, de dégrader les conditions de travail de Monsieur Z... ; Qu'enfin, à la demande de Monsieur Z..., Monsieur T... lui a adressé, le 12 mai 2014, un mail énumérant l'ensemble de ses tâches, et lui demandant de bien vouloir établir une "fiche de poste" en établissant une auto-évaluation du temps consacré à chaque tâche, pour éventuellement pouvoir déléguer certaines missions ne relevant pas des responsabilités d'un cadre supérieur ; Qu'il n'est pas établi qu'une telle fiche de poste aurait été dressée par monsieur Z... ; Attendu que les arrêts maladie produits par Monsieur Z..., s'ils démontrent l'existence d'un syndrome dépressif, ne peuvent en eux-mêmes induire une présomption de harcèlement moral ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Monsieur Z... ne fait pas état de faits qui permettraient d'établir une présomption de harcèlement moral ; Que ce grief ne sera donc pas de nature à entraîner la résiliation de son contrat de travail, et Monsieur Z... devra être débouté de sa demande de réparation du préjudice résultant du harcèlement moral » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le harcèlement moral est caractérisé par un ensemble d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits ou à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que le salarié qui soutient avoir été victime de harcèlement moral doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que Monsieur Z... avait notamment fait valoir qu'il avait subi, à la suite de l'arrivée du nouveau directeur général en mars 2014, une surcharge de travail qui avait participé à la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, que Monsieur Z... invoquait aussi une remise en cause injustifiée de ses congés, la convocation à des réunions qui n'avaient pas lieu, des propos destinés à le rabaisser et une marginalisation hiérarchique ; qu'en s'abstenant d'examiner ces éléments de fait présentés par le salarié tout en constatant qu'il établissait, par ailleurs, la dégradation de son état de santé et le stress professionnel qu'il subissait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en procédant à une appréciation séparée des éléments invoqués par Monsieur Z..., autre que la surcharge de travail purement et simplement négligée, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail. Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société agricole de Bologne

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. Z... était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné l'employeur à lui payer la somme de 90 000 euros de ce chef ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « dans sa lettre de licenciement pour faute lourde, en date du 18 novembre 2015, l'employeur reproche à M. Z... un comportement 'déloyal et une attitude trompeuse, qui s'apparente à une démarche d'escroquerie et, ou d'abus de confiance', l'employeur annonçant qu'il allait déposer plainte pour escroquerie, tentative d'escroquerie et autres infractions pénales ; que l'employeur expose, dans sa lettre, que M. Z... était en arrêt de travail pour maladie depuis l'été 2014, et qu'il a voulu, à l'insu de son employeur, faire prendre en charge ses arrêts de travail au titre de 'maladie professionnelle' ; qu'il soutient qu'avec la complicité ou l'aide spontanée ou provoquée de Mme C... (secrétaire), il a cherché à faire aboutir sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle, en faisant en sorte que son employeur ne puisse pas connaître l'existence de cette demande, une tromperie ou fraude vis-à-vis de la Caisse Générale de Sécurité Sociale étant parallèlement mise en oeuvre ; que l'employeur relève l'intention de nuire à l'entreprise de la part de M. Z..., qui aurait 'demandé ou ordonné à Mme C... de ne pas répondre aux interrogations de la Caisse Générale de Sécurité Sociale et/ou de renvoyer des documents signés par elle', ce qui engageait la société Agricole de Bologne ; que toutefois il ne ressort d'aucune des pièces versées au débat qu'une collusion ait existé entre d'une part M. Z... et d'autre part Mme C..., secrétaire, pour dissimuler à l'employeur la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie à l'origine des arrêts de travail du salarié ; qu'il y a lieu de rappeler que selon l'article L. 461-5 du code de la sécurité sociale, il appartient au salarié de prendre l'initiative de déclarer auprès de la caisse de sécurité sociale, la maladie professionnelle dont il se dit atteint ; que l'examen des pièces versées à l'appui de la plainte pénale déposée par l'employeur, s'il révèle que Mme C... était bien la correspondante de la Caisse Générale de Sécurité Sociale, notamment pour l'envoi des attestations de salaire pour maladie professionnelle, ce qui ne paraît pas irrégulier dans la mesure où elle exerçait les fonctions de secrétaire, il ne ressort nullement de ces pièces que la direction générale de l'entreprise ait été délibérément écartée de la procédure de reconnaissance professionnelle ; que le seul courriel adressé par M. Z... à Mme C... au sujet de son arrêt de travail pour maladie professionnelle, est en date du 1er avril 2015, et a pour objet une demande d'envoi à la caisse de sécurité sociale, d'attestations de salaire pour maladie professionnelle ; qu'il ne ressort nullement de ce message qu'une collusion ait existé pour dissimuler à la direction générale, la procédure de reconnaissance professionnelle de l'arrêt de travail de M. Z... ; qu'il est soutenu par la société Agricole de Bologne que Mme C... était l'unique destinataire de lettres recommandées avec avis de réception adressées par la caisse de sécurité sociale, or cela ne ressort d'aucune pièce versée au débat ; qu'au demeurant il n'apparaît pas que la plainte déposée par la société Agricole de Bologne ait donné lieu à des poursuites à l'encontre de M. Z... ; que la réalité des manoeuvres reprochées à M. Z... n'étant pas établie, il y a lieu de considérer que le licenciement de celui-ci est sans cause réelle et sérieuse » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « l'employeur reproche à son salarié d'avoir frauduleusement manoeuvré avec Mme C..., afin que celle-ci ne communique pas à sa hiérarchie les courriers qui lui étaient adressés par la sécurité sociale ; qu'à titre liminaire, il convient de souligner que depuis le 5 novembre 2014, l'employeur était informé de l'arrêt de travail de nature professionnelle émis par le médecin, puisqu'il ne conteste pas en avoir été destinataire ; que nécessairement dans le cadre d'une telle procédure, M. Z... avait été amené à faire une demande de reconnaissance de la maladie professionnelle, demande reçue par l'organisme de sécurité sociale le 19 février 2015, sans avoir aucune obligation d'information à l'égard de son employeur, contrairement aux reproches qui lui ont été faits lors de l'entretien préalable tel que cela résulte de l'attestation dressée par Mme S... ; que par la suite, la caisse a instruit ce dossier, et, dans la mesure où la dépression n'entrait pas dans le tableau des maladies professionnelles, a saisit le CRRMP pour examen de la demande de M. Z... ;qu'il est établi par les pièces produites qu'un premier courrier recommandé en date du 21 avril 2015 avait été adressé à la société agricole de Bologne, .afin de l'informer de la transmission d'une déclaration de maladie professionnelle ; qu'il est également établi que le 13 mai 2015-, un nouveau courrier avait été adressé à l'employeur, l'informant d'un délai complémentaire d'instruction ; qu'il est également constant qu'un troisième courrier avait été.adressé à l'employeur, le 27 juillet 2015, l'informant de la saisine du CRAMP et accordant à l'employeur la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier ; qu'il n'est en revanche pas établi que l'employeur n'aurait pas.eu connaissance de ces courriers ; qu'au surplus, quand bien il aurait été démontré que ceux-ci ne lui avaient pas été transmis, il n'est pas davantage établi que: Mme C... aurait volontairement, et sur ordre de M. Saint-Alary, bloqué ces courriers ; qu'il est fait état par l'employeur du fait que des. appels auraient également été bloqués par le secrétariat, sans qu'aucune attestation émanant de l'organisme de sécurité sociale ne le confirme ; qu'il est en outre expliqué par l'employeur, au sein de la lettre de licenciement de Mme C..., de ce qu'elle aurait elle-même répondu à certains courriers, pour le compte de l'employeur, de façon à faire penser à l'organisme social que la société accepterait ou reconnaissait le caractère professionnel de la maladie ; que cela n'est corroboré par aucune pièce, à à l'exception de la transmission de l'attestation de salaire par Mme C..., qui est sans incidence aucune sur la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, alors qu'il était loisible à l'employeur de solliciter de l'organisme de sécurité sociale la communication des réponses faites par Mme C... ; que par ailleurs, l'employeur se targue d'un mail qui a été adressé le 1er avril 2015 par M. Z... à Mme C..., pour affirmer que des ordres avaient été donnés à celle-ci, et caractériseraient des manoeuvres frauduleuses constitutives .du délit d'escroquerie ; que ce mail.en réalité atteste simplement du peu de maîtrise de M. Saint-Alary quant à cette procédure de reconnaissance de maladie professionnelle, puisqu'il indiquait à la secrétaire "le problème viendrait du fait que le Médecin m'avait fait un arrêt de travail de maladie professionnelle alors que les attestations de salaires que tu as envoyées étaient des imprimés arrêt de travail pour maladie simple" ; qu'il demandait ensuite alors à la secrétaire d'adresser les bons formulaires à l'organisme de sécurité sociale ; que cette procédure est tout à fait conforme aux prescriptions de la sécurité sociale, qui sollicite; en cas de délivrance d'un arrêt de travail pour maladie professionnelle, l'utilisation de l'imprimé CERFA adéquat ; que l'employeur ne peut déduire de ce mail que des ordres auraient été donnés à Mme C... afin qu'elle bloque les courriers qui lui étaient adressés ; qu'alors que l'employeur a produit de très nombreux courriels, après avoir "restauré'' les mails envoyés par M. Z..., aucun des échanges versés aux débats ne permet de confirmer .l'organisation de telles manoeuvres par le salarié ; qu'il résulte de l'article 4 du code de procédure civile que l'action civile peut être exercée séparément de l'action publique, mais qu'il est sursis à statuer au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique, lorsque celle-ci a été mise en mouvement ; que pour autant, la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ; qu'en l'espèce, quand bien même une plainte aurait été déposée à l'encontre de M. Saint-Alary, cela ne fait pas obstacle à l'action engagée par le salarié devant la présente juridiction ; qu'en l'état des pièces produites dans le cadre de cette procédure prud'homale, et sans préjuger de la décision qui interviendra en matière pénale, il n'est pas suffisamment établi que M. Z... aurait donné l'ordre à Mme C... de détourner les courriers qui étaient adressés à la société par l'organisme de sécurité sociale ; qu'il s'ensuit que le licenciement de M. Z..., qui repose exclusivement sur cette prétendue faute, sera requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

ALORS QU'il appartient au juge de qualifier les faits invoqués par l'employeur à l'appui de la rupture et d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement ; qu'en retenant que n'était pas rapportée la preuve d'une collusion entre M. Z... et Mme C..., pour dissimuler à l'employeur la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie à l'origine des arrêts de travail du salarié, ce qui était seulement de nature à écarter l'élément intentionnel des fait reprochés au salarié, sans dire en quoi ceux-ci n'étaient pas davantage constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, comme il était demandé subsidiairement, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-21724
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 28 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2020, pourvoi n°18-21724


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.21724
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