La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/2020 | FRANCE | N°18-16446;18-16447

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2020, 18-16446 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 761 F-D

Pourvois n°
Y 18-16.446
Z 18-16.447 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

1°/ M. B... J..., do

micilié [...] ,

2°/ Mme P... W..., domiciliée [...] ,

ont formé les pourvois n° Y 18-16.446 et Z 18-16.447 contre les arrêts rendus le 13 mars 20...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 761 F-D

Pourvois n°
Y 18-16.446
Z 18-16.447 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

1°/ M. B... J..., domicilié [...] ,

2°/ Mme P... W..., domiciliée [...] ,

ont formé les pourvois n° Y 18-16.446 et Z 18-16.447 contre les arrêts rendus le 13 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans les litiges les opposant respectivement :

1°/ à M. M... N..., domicilié [...] , pris en qualité de mandataire liquidateur de l'association Cercle Wagram,

2°/ à l'AGS CGEA IDF Ouest, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, chacun, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. J... et de Mme W..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. N..., ès qualités, après débats en l'audience publique du 24 juin 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Y 18-16.446 et Z 18-16.447 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 13 mars 2018), M. J... et Mme W... ont été engagés en qualité respectivement de croupier à compter du 1er février 2008 et de marqueuse à compter du 18 février 1998, par l'association Le Cercle Wagram (l'association), cercle de jeux accueillant des clients-adhérents. Par jugement du 22 septembre 2011, l'association a été placée en liquidation judiciaire, M. N... étant désigné en qualité de liquidateur.

3. Licenciés pour motif économique le 9 septembre 2011, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale le 19 août 2013.

4. Par jugement définitif du tribunal correctionnel de Paris du 4 novembre 2013, l'association a été relaxée des fins de la poursuite pour travail dissimulé pour la période allant de janvier 2008 à juin 2011.

Examen des moyens

Sur le second moyen de chacun des pourvois, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui sont irrecevables.

Sur le premier moyen, commun aux pourvois

Enoncé du moyen

6. Les salariés font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur d'une indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé, alors :

« 1°/ que la dissimulation volontaire d'emploi salarié instituée par l'article L. 8221-5 du code du travail est caractérisée lorsque l'employeur a de manière intentionnelle mentionné sur le bulletin de paye un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; que le caractère intentionnel du travail dissimulé peut se déduire du défaut de planning établi par l'employeur et du défaut d'enregistrement des horaires ; qu'en relevant que le salarié avait accompli des heures supplémentaires non rémunérées et qu'aucun des documents produits par Le Cercle Wagram ne justifiait des horaires effectivement réalisés, tout en le déboutant de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les articles L. 8221-1, L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail ;

2°/ que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé ; que lorsque le tribunal correctionnel fonde sa relaxe sur des faits de travail dissimulé sans fonder sa décision sur l'absence d'accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées, l'autorité au civil de la chose jugée au pénal ne s'oppose pas à ce que le salarié soit admis à soutenir, dans une instance civile, avoir effectué des heures supplémentaires non payées à l'appui d'une demande d'indemnité au titre du travail dissimulé ; que la cour d'appel a rejeté la demande d'indemnité à ce titre, au motif que la relaxe de l'association Cercle Wagram avait été motivée par le fait que l'association, personne morale, ne pouvait être déclarée pénalement responsable du délit de travail dissimulé, car cette infraction avait été commise non pour son compte mais à son seul préjudice ; qu'il en résultait que l'infraction pénale était écartée, non pas sur la matérialité des faits, mais sur leur portée et le préjudice qu'ils avaient pu entraîner ; qu'en jugeant que c'était à juste titre que le premier juge avait considéré que l'infraction de travail dissimulé ne pouvait être retenue du fait de la décision pénale, la cour d'appel a statué par des motifs erronés et inopérants et, partant, a violé les articles 4 du code pénal, L. 8221-1 et suivants du code du travail, et 1351 devenu 1355 du code civil ;

3°/ qu'en statuant ainsi, sans examiner, comme elle y était pourtant invitée, si le tribunal correctionnel, qui avait retenu des infractions pour travail dissimulé, n'avait pas reconnu l'existence d'heures supplémentaires effectuées par les salariés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 4 du code pénal, L. 8221-1 et suivants du code du travail, et 1351 devenu 1355 du code civil ;

4°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et à la condition que la demande soit entre les mêmes parties ; qu'en faisant application au cas d'espèce d'une décision définitive prononcée par le tribunal correctionnel de Paris, dans une affaire à laquelle M. J... [Mme W...], l'exposant[e], n'était pas partie, la cour d'appel a violé l'article 1351 devenu 1355 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a constaté que l'association, poursuivie en sa qualité d'employeur des salariés du Cercle Wagram, pour avoir mentionné sur le bulletin de paie des salariés un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué, avait été relaxée du chef du travail dissimulé par une décision définitive d'une juridiction de jugement qui, statuant sur le fond de l'action publique, a retenu qu'elle ne pouvait pas en être responsable.

8. Tirant les conséquences légales de ces constatations dont il résultait que le caractère intentionnel de la dissimulation par l'employeur avait été écarté, et sans être tenue de procéder à une recherche que celles-ci rendaient inopérante, elle en a exactement déduit que la chose jugée au pénal sur ce point avait, au civil, autorité absolue à l'égard de tous et que la décision pénale s'imposait à la juridiction civile.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. J... et Mme W... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi n° Y 18-16.446 par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. J...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de l'association Le Cercle Wagram d'une indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé.

AUX MOTIFS propres QU'au soutien de sa demande, Monsieur J... fait valoir que n'étant pas partie au jugement pénal, la relaxe de l'association Le Cercle Wagram a été prononcée, non en raison de l'absence d'accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées, mais du fait que les irrégularités commises par ses organes ou représentants l'avaient été au préjudice de l'association et non pour son compte en sorte que les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal permettant de retenir la responsabilité pénale de l'association, personne morale, n'étaient pas réunies et que, par ailleurs, les paiements en espèces n'étaient pas destinés à rémunérer les heures supplémentaires effectuées mais à régler une somme négociée lors de l'embauche ; que la demande de Monsieur J... repose sur l'article L.8223-1 du code du travail qui prévoit qu'en cas de rupture du contrat, le salarié, auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; que l'association Le Cercle Wagram, employeur de Monsieur J..., a été relaxée par le jugement définitif rendu par le tribunal correctionnel de Paris le 4 novembre 2013 de l'infraction de travail dissimulé, telle que définie par les articles L. 8221-1, L. 8221-5, L.8224-3, L. 8224-4 anciennement L. 324-9, L.324-10, L. 362-3, L. 362-4 et L. 362-5 du code du travail ; que cette relaxe a été motivée par le fait que l'association, personne morale, ne pouvait être déclarée pénalement responsable du délit de travail dissimulé car cette infraction avait été commise non pour son compte mais à son seul préjudice ; que les décisions de la justice pénale ont au civil autorité absolue à l'égard de tous et l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité ou l'innocence de celui à qui le fait est imputé ; que la décision rendue par le tribunal correctionnel s'impose ainsi à la juridiction civile ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que l'infraction de travail dissimulé ne pouvait être retenue du fait de la décision pénale et a débouté Monsieur J... de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L.8223-1 du code du travail.

AUX MOTIFS adoptés QUE les décisions de la justice pénale ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé ; qu'or, en l'espèce, il est constant que dans un jugement du 4 novembre 2013, devenu définitif, le Tribunal correctionnel de Paris a relaxé l'association LE CERCLE WAGRAM des fins de la poursuite pour les faits de travail dissimulé, prévus et réprimés par les articles L.8221-1 et suivants du code du travail, dans leur version applicable à l'époque des faits ; que les faits pour lesquels l'association a été relaxée étant identiques à ceux dont le salarié se prévaut pour solliciter une indemnité pour travail dissimulé, la décision pénale s'impose ; qu'il en découle que l'existence d'un travail dissimulé dont se serait rendue coupable l'association LE CERCLE WAGRAM ne peut être établie ; que la demande d'indemnité pour travail dissimulé ne pourra donc qu'être rejetée, tout comme la demande de fixation du salaire et la demande de remise de bulletins de paie modifiés pour les années 2009 et 2010.

1° ALORS QUE la dissimulation volontaire d'emploi salarié prévue par l'article L.8221-5 du code du travail est caractérisée lorsque l'employeur a de manière intentionnelle mentionné sur le bulletin de paye un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; que le caractère intentionnel du travail dissimulé peut se déduire du défaut de planning établi par l'employeur et du défaut d'enregistrement des horaires ; qu'en relevant que le salarié avait accompli des heures supplémentaires non rémunérées et qu'aucun des documents produits par Le Cercle Wagram ne justifiait des horaires effectivement réalisés, tout en le déboutant de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les articles L.8221-1, L.8221-3 et L.8221-5 du code du travail.

2° ALORS ensuite QUE les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé ; que lorsque le tribunal correctionnel fonde sa relaxe sur des faits de travail dissimulé sans fonder sa décision sur l'absence d'accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées, l'autorité au civil de la chose jugée au pénal ne s'oppose pas à ce que le salarié soit admis à soutenir, dans une instance civile, avoir effectué des heures supplémentaires non payées à l'appui d'une demande d'indemnité au titre du travail dissimulé ; que la cour d'appel a rejeté la demande d'indemnité à ce titre, au motif que la relaxe de l'association Cercle Wagram avait été motivée par le fait que l'association, personne morale, ne pouvait être déclarée pénalement responsable du délit de travail dissimulé, car cette infraction avait été commise non pour son compte mais à son seul préjudice ; qu'il en résultait que l'infraction pénale était écartée, non pas sur la matérialité des faits, mais sur leur portée et le préjudice qu'ils avaient pu entraîner ; qu'en jugeant que c'était à juste titre que le premier juge avait considéré que l'infraction de travail dissimulé ne pouvait être retenue du fait de la décision pénale, la cour d'appel a statué par des motifs erronés et inopérants et, partant, a violé les articles 4 du code pénal, L.8221-1 et s du code du travail, et 1351 (devenu 1355) du code civil.

3° ALORS encore QU'en statuant ainsi, sans examiner, comme elle y était pourtant invitée, si le tribunal correctionnel, qui avait retenu des infractions pour travail dissimulé, n'avait pas reconnu l'existence d'heures supplémentaires effectuées par les salariés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 4 du code pénal, L.8221-1 et s du code du travail, et 1351 (devenu 1355)
du code civil.

4° ALORS enfin en toute hypothèse QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et à la condition que la demande soit entre les mêmes parties ; qu'en faisant application au cas d'espèce d'une décision définitive prononcée par le tribunal correctionnel de Paris, dans une affaire à laquelle Monsieur J..., l'exposant, n'était pas partie, la cour d'appel a violé l'article 1351 (devenu 1355) du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de l'association Le Cercle Wagram de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

AUX MOTIFS propres QU'au visa des articles 1103, 1104 du code civil et L.1222-1 du code du travail, Monsieur J... soutient que l'association Le Cercle Wagram a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat en versant une partie de la rémunération de base en espèces et en ne rémunérant pas les heures supplémentaires effectuées, lui causant ainsi un préjudice caractérisé par : - la réduction de ses ressources du fait du non-paiement des heures de travail effectivement réalisées, - le redressement fiscal subi par suite de l'enquête pénale, - le déficit de cotisations sociales aux caisses de retraite et à l'assurance chômage qui a minoré l'indemnisation versée par Pôle Emploi suite à la rupture de son contrat de travail ; que les intimés concluent au rejet de cette demande au motif que les salariés ont contribué par leur propre fraude à la réalisation du préjudice dont ils sollicitent réparation et, pour le surplus, qu'ils ne justifient pas d'un préjudice indépendant du retard apporté dans le paiement des sommes dues par l'employeur, outre que le quantum des sommes sollicitées n'est pas justifié ; que d'une part, la demande en paiement au titre des heures supplémentaires étant rejetée, Monsieur J... ne peut valablement invoquer la réduction de ses ressources du fait du non-paiement des heures de travail effectivement réalisées ; que d'autre part, en application du principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre fraude, il sera relevé que Monsieur J... se prévaut notamment des témoignages recueillis au cours de l'enquête pénale dont il ressort que l'ensemble des salariés percevait chaque mois des sommes en espèces, dont le montant était fixé et décidé dès l'embauche, indépendamment du temps de travail, Monsieur J... ayant déclaré aux enquêteurs avoir ainsi reçu une somme de 1.000 € par mois ; qu'or, Monsieur J... ne justifie ni même n'allègue d'une situation de contrainte lui ayant imposé d'accepter des modalités de paiement dont le caractère frauduleux ne pouvait être ignoré ; que plusieurs salariés ont d'ailleurs déclaré que les dirigeants, avisés préalablement aux contrôles, donnaient des consignes en conséquence, ce qui témoigne à tout le moins d'une connivence entre les employés et les dirigeants de l'association pour dissimuler une partie des recettes encaissées (pages 31 et 32 du jugement du tribunal correctionnel de Paris) ; qu'acceptant ce mode de paiement illicite tout au long de la relation contractuelle, Monsieur J... a ainsi contribué, par sa propre fraude, au préjudice dont il est sollicité réparation, d'autant que les sommes ainsi perçues n'ont pas été déclarées auprès de l'administration fiscale, cette abstention lui ayant permis de réaliser, par la minoration frauduleuse du montant des sommes perçues, un profit sur le montant de l'impôt sur le revenu acquitté qui, en raison de la prescription, n'a fait l'objet d'un redressement que pour l'année 2010 à hauteur de 10.728 € ; qu'ayant ainsi profité pendant plusieurs années d'un "gain" frauduleux au détriment de l'administration fiscale, Monsieur J... ne peut valablement se prévaloir d'une exécution déloyale du contrat par l'employeur, y ayant volontairement et sciemment participé, et ce, à son propre bénéfice.

AUX MOTIFS adoptés QUE le salarié sollicite la condamnation de son employeur au paiement de dommages et intérêts, expliquant avoir subi un préjudice du fait du redressement fiscal intervenu ; que cependant, nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes ; que le salarié, qui n'établit pas avoir été contraint par son employeur de ne pas déclarer une partie des sommes perçues, ne peut donc valablement soutenir qu'un redressement fiscal serait un préjudice subi du fait de son employeur.

1° ALORS tout d'abord QUE la fraude corrompt tout ; que caractérise une fraude à la loi constitutive d'une inexécution déloyale du contrat de travail le fait pour un employeur de verser au salarié une partie de sa rémunération en espèces sans effectuer les déclarations sociales et fiscales obligatoires ; qu'en constatant que les dirigeants du Cercle Wagram donnaient des consignes pour dissimuler les recettes encaissées, tout en en déduisant qu'une connivence existait entre les salariés et l'employeur pour dissimuler une partie des recettes encaissées, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et, partant, violé l'article L.1222-1 du code du travail.

2° ALORS ensuite QUE la fraude corrompt tout ; que caractérise une fraude à la loi constitutive d'une inexécution déloyale du contrat de travail le fait pour un employeur de verser au salarié une partie de sa rémunération en espèces sans effectuer les déclarations sociales obligatoires ; que l'accord du salarié pour ce versement en espèces, recueilli dans le cadre du lien de subordination, ne saurait ôter au comportement patronal son caractère frauduleux ; qu'à cet égard, le salarié, se référant à la décision définitive du tribunal correctionnel en date du 4 novembre 2013, avait exposé que c'était l'employeur qui fixait lui-même dès l'embauche le montant des rémunérations en espèces ; qu'en énonçant que celui-ci avait sciemment et volontairement participé aux agissements frauduleux, sans examiner les conditions de la fixation de la rémunération à l'embauche, comme elle y était pourtant invitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1222-1 du code du travail.

3° ALORS en tout état de cause QUE la fraude corrompt tout ; que caractérise une fraude à la loi constitutive d'une inexécution déloyale du contrat de travail le fait pour un employeur de verser au salarié une partie de sa rémunération en espèces sans effectuer les déclarations sociales obligatoires ; que l'accord du salarié à ce versement en espèces sans déclaration, recueilli dans le cadre du lien de subordination, ne saurait ôter au comportement patronal son caractère frauduleux ; qu'en jugeant que le salarié ne pouvait valablement se prévaloir d'une exécution déloyale du contrat par l'employeur, y ayant volontairement et sciemment participé à son propre bénéfice, la cour d'appel a violé l'article L.1222-1 du code du travail. Moyens produits au pourvoi n° Z 18-16.447 par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme W...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de l'association Le Cercle Wagram d'une indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé.

AUX MOTIFS propres QU'au soutien de sa demande, Madame W... fait valoir que n'étant pas partie au jugement pénal, la relaxe de l'association Le Cercle Wagram a été prononcée, non en raison de l'absence d'accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées, mais du fait que les irrégularités commises par ses organes ou représentants l'avaient été au préjudice de l'association et non pour son compte en sorte que les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal permettant de retenir la responsabilité pénale de l'association, personne morale, n'étaient pas réunies et que, par ailleurs, les paiements en espèces n'étaient pas destinés à rémunérer les heures supplémentaires effectuées mais à régler une somme négociée lors de l'embauche ; que la demande de Madame W... repose sur l'article L.8223-1 du code du travail qui prévoit qu'en cas de rupture du contrat, le salarié, auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; que l'association Le Cercle Wagram, employeur de Madame W..., a été relaxée par le jugement définitif rendu par le tribunal correctionnel de Paris le 4 novembre 2013 de l'infraction de travail dissimulé, telle que définie par les articles L. 8221-1, L. 8221-5, L.8224-3, L. 8224-4 anciennement L. 324-9, L.324-10, L. 362-3, L. 362-4 et L. 362-5 du code du travail ; que cette relaxe a été motivée par le fait que l'association, personne morale, ne pouvait être déclarée pénalement responsable du délit de travail dissimulé car cette infraction avait été commise non pour son compte mais à son seul préjudice ; que les décisions de la justice pénale ont au civil autorité absolue à l'égard de tous et l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité ou l'innocence de celui à qui le fait est imputé ; que la décision rendue par le tribunal correctionnel s'impose ainsi à la juridiction civile ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que l'infraction de travail dissimulé ne pouvait être retenue du fait de la décision pénale et a débouté Madame W... de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L.8223-1 du code du travail.

AUX MOTIFS adoptés QUE les décisions de la justice pénale ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé ; qu'or, en l'espèce, il est constant que dans un jugement du 4 novembre 2013, devenu définitif, le Tribunal correctionnel de Paris a relaxé l'association LE CERCLE WAGRAM des fins de la poursuite pour les faits de travail dissimulé, prévus et réprimés par les articles L.8221-1 et suivants du code du travail, dans leur version applicable à l'époque des faits ; que les faits pour lesquels l'association a été relaxée étant identiques à ceux dont le salarié se prévaut pour solliciter une indemnité pour travail dissimulé, la décision pénale s'impose ; qu'il en découle que l'existence d'un travail dissimulé dont se serait rendue coupable l'association LE CERCLE WAGRAM ne peut être établie ; que la demande d'indemnité pour travail dissimulé ne pourra donc qu'être rejetée, tout comme la demande de fixation du salaire et la demande de remise de bulletins de paie modifiés pour les années 2009 et 2010.

1° ALORS QUE la dissimulation volontaire d'emploi salarié prévue par l'article L.8221-5 du code du travail est caractérisée lorsque l'employeur a de manière intentionnelle mentionné sur le bulletin de paye un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; que le caractère intentionnel du travail dissimulé peut se déduire du défaut de planning établi par l'employeur et du défaut d'enregistrement des horaires ; qu'en relevant que la salariée avait accompli des heures supplémentaires non rémunérées et qu'aucun des documents produits par Le Cercle Wagram ne justifiait des horaires effectivement réalisés, tout en la déboutant de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les articles L.8221-1, L.8221-3 et L.8221-5 du code du travail.

2° ALORS ensuite QUE les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé ; que lorsque le tribunal correctionnel fonde sa relaxe sur des faits de travail dissimulé sans fonder sa décision sur l'absence d'accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées, l'autorité au civil de la chose jugée au pénal ne s'oppose pas à ce que le salarié soit admis à soutenir, dans une instance civile, avoir effectué des heures supplémentaires non payées à l'appui d'une demande d'indemnité au titre du travail dissimulé ; que la cour d'appel a rejeté la demande d'indemnité à ce titre, au motif que la relaxe de l'association Cercle Wagram avait été motivée par le fait que l'association, personne morale, ne pouvait être déclarée pénalement responsable du délit de travail dissimulé, car cette infraction avait été commise non pour son compte mais à son seul préjudice ; qu'il en résultait que l'infraction pénale était écartée, non pas sur la matérialité des faits, mais sur leur portée et le préjudice qu'ils avaient pu entraîner ; qu'en jugeant que c'était à juste titre que le premier juge avait considéré que l'infraction de travail dissimulé ne pouvait être retenue du fait de la décision pénale, la cour d'appel a statué par des motifs erronés et inopérants et, partant, a violé les articles 4 du code pénal, L.8221-1 et s. du code du travail, et 1351 (devenu 1355) du code civil.

3° ALORS encore QU'en statuant ainsi, sans examiner, comme elle y était pourtant invitée, si le tribunal correctionnel, qui avait retenu des infractions pour travail dissimulé, n'avait pas reconnu l'existence d'heures supplémentaires effectuées par les salariés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 4 du code pénal, L.8221-1 et s du code du travail, et 1351 (devenu 1355) du code civil.

4° ALORS enfin en toute hypothèse QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et à la condition que la demande soit entre les mêmes parties ; qu'en faisant application au cas d'espèce d'une décision définitive prononcée par le tribunal correctionnel de Paris, dans une affaire à laquelle Madame W..., l'exposante, n'était pas partie, la cour d'appel a violé l'article 1351 (devenu 1355) du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de l'association Le Cercle Wagram de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

AUX MOTIFS propres QU'au visa des articles 1103, 1104 du code civil et L.1222-1 du code du travail, Madame W... soutient que l'association Le Cercle Wagram a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat en versant une partie de la rémunération de base en espèces et en ne rémunérant pas les heures supplémentaires effectuées, lui causant ainsi un préjudice caractérisé par : - la réduction de ses ressources du fait du non-paiement des heures de travail effectivement réalisées, - le redressement fiscal subi par suite de l'enquête pénale, - le déficit de cotisations sociales aux caisses de retraite et à l'assurance chômage qui a minoré l'indemnisation versée par Pôle Emploi suite à la rupture de son contrat de travail ; que les intimés concluent au rejet de cette demande au motif que les salariés ont contribué par leur propre fraude à la réalisation du préjudice dont ils sollicitent réparation et, pour le surplus, qu'ils ne justifient pas d'un préjudice indépendant du retard apporté dans le paiement des sommes dues par l'employeur, outre que le quantum des sommes sollicitées n'est pas justifié ; que d'une part, la demande en paiement au titre des heures supplémentaires étant rejetée, Madame W... ne peut valablement invoquer la réduction de ses ressources du fait du non-paiement des heures de travail effectivement réalisées ; que d'autre part, en application du principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre fraude, il sera relevé que Madame W... se prévaut notamment des témoignages recueillis au cours de l'enquête pénale dont il ressort que l'ensemble des salariés percevait chaque mois des sommes en espèces, dont le montant était fixé et décidé dès l'embauche, indépendamment du temps de travail, Madame W... ayant déclaré aux enquêteurs avoir ainsi reçu une somme de 1.000 € par mois ; qu'or, Madame W... ne justifie ni même n'allègue d'une situation de contrainte lui ayant imposé d'accepter des modalités de paiement dont le caractère frauduleux ne pouvait être ignoré ; que plusieurs salariés ont d'ailleurs déclaré que les dirigeants, avisés préalablement aux contrôles, donnaient des consignes en conséquence, ce qui témoigne à tout le moins d'une connivence entre les employés et les dirigeants de l'association pour dissimuler une partie des recettes encaissées (pages 31 et 32 du jugement du tribunal correctionnel de Paris) ; qu'acceptant ce mode de paiement illicite tout au long de la relation contractuelle, Madame W... a ainsi contribué, par sa propre fraude, au préjudice dont il est sollicité réparation, d'autant que les sommes ainsi perçues n'ont pas été déclarées auprès de l'administration fiscale, cette abstention lui ayant permis de réaliser, par la minoration frauduleuse du montant des sommes perçues, un profit sur le montant de l'impôt sur le revenu acquitté qui, en raison de la prescription, n'a fait l'objet d'un redressement que pour l'année 2010 à hauteur de 10.728 € ; qu'ayant ainsi profité pendant plusieurs années d'un "gain" frauduleux au détriment de l'administration fiscale, Madame W... ne peut valablement se prévaloir d'une exécution déloyale du contrat par l'employeur, y ayant volontairement et sciemment participé, et ce, à son propre bénéfice.

AUX MOTIFS adoptés QUE la salariée sollicite la condamnation de son employeur au paiement de dommages et intérêts, expliquant avoir subi un préjudice du fait du redressement fiscal intervenu ; que cependant, nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes ; que la salariée, qui n'établit pas avoir été contraint par son employeur de ne pas déclarer une partie des sommes perçues, ne peut donc valablement soutenir qu'un redressement fiscal serait un préjudice subi du fait de son employeur.

1° ALORS tout d'abord QUE la fraude corrompt tout ; que caractérise une fraude à la loi constitutive d'une inexécution déloyale du contrat de travail le fait pour un employeur de verser au salarié une partie de sa rémunération en espèces sans effectuer les déclarations sociales et fiscales obligatoires ; qu'en constatant que les dirigeants du Cercle Wagram donnaient des consignes pour dissimuler les recettes encaissées, tout en en déduisant qu'une connivence existait entre les salariés et l'employeur pour dissimuler une partie des recettes encaissées, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et, partant, violé l'article L.1222-1 du code du travail.

2° ALORS ensuite QUE la fraude corrompt tout ; que caractérise une fraude à la loi constitutive d'une inexécution déloyale du contrat de travail le fait pour un employeur de verser au salarié une partie de sa rémunération en espèces sans effectuer les déclarations sociales obligatoires ; que l'accord du salarié pour ce versement en espèces, recueilli dans le cadre du lien de subordination, ne saurait ôter au comportement patronal son caractère frauduleux ; qu'à cet égard, la salariée, se référant à la décision définitive du tribunal correctionnel en date du 4 novembre 2013, avait exposé que c'était l'employeur qui fixait lui-même dès l'embauche le montant des rémunérations en espèces ; qu'en énonçant que celle-ci avait sciemment et volontairement participé aux agissements frauduleux, sans examiner les conditions de la fixation de la rémunération à l'embauche, comme elle y était pourtant invitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1222-1 du code du travail.

3° ALORS en tout état de cause QUE la fraude corrompt tout ; que caractérise une fraude à la loi constitutive d'une inexécution déloyale du contrat de travail le fait pour un employeur de verser au salarié une partie de sa rémunération en espèces sans effectuer les déclarations sociales obligatoires ; que l'accord du salarié à ce versement en espèces sans déclaration, recueilli dans le cadre du lien de subordination, ne saurait ôter au comportement patronal son caractère frauduleux ; qu'en jugeant que la salariée ne pouvait valablement se prévaloir d'une exécution déloyale du contrat par l'employeur, y ayant volontairement et sciemment participé à son propre bénéfice, la cour d'appel a violé l'article L.1222-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-16446;18-16447
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2020, pourvoi n°18-16446;18-16447


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.16446
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award