LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 septembre 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 904 F-D
Pourvoi n° A 19-19.442
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
La société Pacifica, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 19-19.442 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme T... A..., veuve C...,
2°/ à M. H... C...,
3°/ à M. V... C...,
4°/ à M. S... C...,
5°/ à M. K... C...,
domicilié tous cinq [...],
défendeurs à la cassation.
Mme T... A... veuve C..., MM. H..., V..., S... et K... C... ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Pacifica, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme T... A... veuve C..., de MM. H..., V..., S... et K... C..., et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 mai 2019), L... C..., gérant de la société Adept SPR, est décédé le 16 août 2013 dans un accident de la circulation, dans lequel était impliqué un tracteur agricole qui n'était pas assuré.
2. L... C... ayant souscrit auprès de la société Pacifica un contrat d'assurance automobile comportant une garantie " protection corporelle du conducteur ", sa veuve, Mme T... A... épouse C... et ses quatre fils, MM. H..., V..., S... et K... C... (les consorts C...) ont assigné cette société pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices économiques en exécution du contrat.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche, et le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société Pacifica fait grief à l'arrêt de dire qu'elle doit indemniser aux termes du contrat l'ensemble du préjudice économique subi par les consorts C... du fait du décès de L... C... survenu le 16 août 2013 et de la condamner à verser à Mme T... A... veuve C..., M. H... C..., M. V... C..., M. S... C... et M. K... C..., la somme de 179 575,96 euros avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil, alors « que, le contrat forme la loi des parties et s'impose aux juges du fond ; que la cour d'appel a exactement énoncé que le contrat d'assurance souscrit par M. L... C... auprès de la société Pacifica, qui stipule que « les préjudices pouvant donner lieu à indemnisation sont : (
) au titre de la perte de revenus des proches : l'incidence économique découlant de la perte de revenus du défunt sur les ayants-droit » (p. 23), avait pour objet d'indemniser toutes les conséquences économiques induites par la perte des revenus du défunt sur ses proches ; que le contrat prévoyait donc l'indemnisation des seules conséquences de la perte de revenus du défunt et non, partant, de toutes les conséquences économiques et financières résultant du décès, telles que la perte de valeurs patrimoniales, les dépréciations d'actifs ou de valeur mobilières ; qu'en retenant, pour condamner la société Pacifica à garantir les ayants droit de M. C... à hauteur de 179 575,96 euros, qu'elle devait garantir les frais liés à la dissolution de la SARL Adept SPR, société d'imprimerie et de reprographie que gérait le défunt (frais de comblement de passif, solde débiteur du compte bancaire et perte de valeur des comptes courants d'associés), la cour d'appel lui a fait supporter des préjudices économiques qui ne découlaient pas de la perte de revenus du défunt, a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
5. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
6. Pour dire que la société Pacifia doit indemniser aux termes du contrat l'ensemble du préjudice économique subi par les consorts C... du fait du décès de L... C... et la condamner à verser à Mme T... A... veuve C..., M. H... C..., M. V... C..., M. S... C... et M. K... C..., la somme de 179 575,96 euros avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil, l'arrêt retient que les conditions générales du contrat d'assurance conclu par L... C... avec la société Pacifica comportant notamment une garantie « protection corporelle de l'assuré » mentionnent en page 23 relativement aux « préjudices garantis » en cas de décès du conducteur « au titre de la perte de revenus des proches : l'incidence économique découlant de la perte de revenus du défunt sur les ayants-droit ».
7. Il relève ensuite que cette clause est claire et précise et que la garantie a pour objet d'indemniser toutes les conséquences économiques induites par la perte des revenus du défunt sur ses proches et non la seule perte des revenus du défunt, de sorte que la disposition selon laquelle les préjudices sont évalués selon les règles du droit commun est sur ce point sans incidence particulière.
8. Il retient enfin, s'agissant des frais liés à la dissolution de la société Adept SPR, que ces frais (frais de comblement du passif, solde débiteur du compte bancaire, perte de valeur sur les comptes courants d'associés) qui ont été exposés par les héritiers de L... C... correspondent à l'une des incidences économiques de la perte des revenus du défunt sur Mme T... A... veuve C....
9. En statuant ainsi alors que selon la police d'assurance seule était couverte au titre de la perte de revenus des proches, l'incidence économique découlant de la perte de revenus du défunt sur les ayants-droit et que les frais litigieux liés à la dissolution de la société dont L... C... était le gérant ne constituaient pas une incidence économique de la perte de revenus du défunt mais une conséquence de son décès, ce dont il résultait qu'ils n'étaient pas garantis, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne Mme T... A... épouse C... et MM. H..., V..., S... et K... C... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Pacifica
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Pacifica doit indemniser au terme du contrat l'ensemble du préjudice économique subi par les Consorts C... du fait du décès de M. L... C... survenu le 16 août 2013 et d'avoir condamné la société Pacifica à verser à Mme T... A... veuve C..., M. H... C..., M. V... C..., M. S... C... et M. K... C..., la somme de 179 575,96 euros avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
Aux motifs propres que, sur l'étendue de la garantie, les conditions générales du contrat d'assurance conclu par L... C... avec la SA Pacifica comportant notamment une garantie « protection corporelle de l'assuré » mentionnent en page 23 relativement aux « préjudices garantis » en cas de décès du conducteur « au titre de la perte de revenus des proches : l'incidence économique découlant de la perte de revenus du défunt sur les ayants-droit » ; que cette clause est claire et précise et la garantie a ainsi pour objet d'indemniser toutes les conséquences économiques induites par la perte des revenus du défunt sur ses proches et non la seule perte des revenus du défunt, de sorte que la disposition selon laquelle les préjudices sont évalués selon les règles du droit commun est sur ce point sans incidence particulière ; que les demandes de Mme T... A... veuve C...., M. H... C..., M. V... C..., M. S... C... et M. K... C... sont ainsi fondées en leur principe ; que sur les préjudices, s'agissant de la perte de revenus de Mme T... A... veuve C... : la part d'autoconsommation du défunt a été justement fixée à 20 % par l'expert ; que le revenu de référence du foyer doit intégrer l'évolution des revenus propres de Mme T... A... veuve C... qui a définitivement cessé son activité d'urbaniste libérale le 31 mars 2017 après une baisse régulière de cette activité depuis le décès de son conjoint, liée à la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée de gérer la SARL Adept SPR à la place de son mari décédé ; qu'il y a lieu afin de tenir compte de cette situation de calculer la perte annuelle du foyer du décès au 31 décembre 2013, du 1er janvier 2014 jusqu'au 31 mars 2017, date à laquelle Mme T... A... veuve C... a cessé son activité personnelle d'urbaniste en appliquant l'hypothèse n° 1, puis la période échue à compter de cette date en appliquant l'hypothèse n° 2 et ce de façon temporaire jusqu'à ce jour, date de la liquidation, puis en appliquant une capitalisation temporaire jusqu'à l'âge de 70 ans, car à cet âge L... C... aurait cessé son activité dans la société SARL Adept SPR, étant précisé que l'expert a bien tenu compte de la pension de retraite perçue personnellement par Mme T... A... veuve C... ; que pour la période postérieure à la date à laquelle L... C... aurait atteint l'âge de 70 ans l'expert a précisé que la pension de réversion à percevoir par Mme T... A... veuve C... au titre de l'activité de L... C... dans la SARL Adept SPR sera compensée par la part d'autoconsommation de L... C... ; qu'il s'avère ainsi que Mme T... A... veuve C... ne subira pas de perte de gains durant cette période, étant précisé que le barème de capitalisation qui sera utilisé est celui publié par la Gazette du palais le 28 novembre 2017 ainsi que demandé par les consorts C... qui est le plus approprié et qu'il ne tient compte de la perte des droits à la retraite du défunt subie par le conjoint survivant ; que la perte est donc la suivante : - perte de revenus du décès de L... C... jusqu'au 31 décembre 2013, pages 38, 44 et 45 du rapport d'expertise : 85 254 euros x 4,5 mois /12 mois = 31 970,25 euros ; - perte de revenus du 1er janvier 2014 au 31 mars 2017 : 4 867 euros x 3,24 ans = 15 769,08 euros ; - perte de revenus à compter du 1er avril 2017 jusqu'à ce jour : 13 375 euros x 2,12 ans = 28 355 euros ; - perte de revenus à compter du 17 mai 2019 jusqu'à l'âge de 70 ans qu'aurait atteint L... C..., soit en janvier 2022 par capitalisation temporaire en fonction de l'euro de rente viagère d'un homme âgé de 67 ans à la liquidation jusqu'à l'âge de 70 ans déterminé par la moyenne entre l'euro de rente temporaire d'un homme âgé de 66 ans jusqu'à l'âge de 69 ans et d'un homme âgé de 67 ans jusqu'à l'âge de 69 ans soit 3,343 (3,806 + 2,880/2) : 13 375 euros x 3,343 = 44 712,63 euros ; - perte totale : 31 970,25 euros + 15 769,08 euros + 28 355 euros + 44 712,63 euros = 120 806,96 euros ; - déduction du capital décès versé par le RSI : 120 806,96 euros - 7 406 euros = 113 400,96 euros ; que s'agissant de la perte des revenus d'activité libérale de Mme T... A... veuve C... en 2014 et 2015 : cette perte a été intégrée dans le calcul de la perte de revenus du 1er janvier 2014 jusqu'au 31 mars 2017 ; qu'aucune somme ne sera donc allouée distinctement à ce titre ; que sur la perte des revenus fonciers 2014 : l'expert a précisé en pages 31 et 40 de son rapport qu'il y a eu une période de latence de 8 mois entre le décès de L... C... et la signature d'un nouveau bail commercial pour les locaux dans lesquels était exploitée la SARL Adept SPR et que la perte sur les loyers commerciaux entre le décès de L... C... et la signature d'un nouveau contrat de location a été de 6 688 euros ; que cette perte n'a été intégrée dans les calculs de la perte de revenus du foyer que pour l'année 2013 ; que les consorts C... sont donc fondés en leur demande en paiement de la somme de 3 344 euros au titre de la perte de revenus fonciers 2014 qui correspond à l'une des incidences économiques de la perte des revenus du défunt sur Mme T... A... veuve C... ; que sur les frais liés à la dissolution de la SARL Adept SPR : ces frais (frais de comblement du passif, solde débiteur du compte bancaire, perte de valeur sur les comptes courants d'associés) qui ont été exposés par les héritiers de L... C... correspondent à l'une des incidences économiques de la perte des revenus du défunt sur Mme T... A... veuve C... ; qu'il y a lieu d'allouer la somme de 17 622 euros au titre des frais de comblement de passif, 7 954 euros au titre du découvert bancaire et celle de 37 255 euros au titre de la perte de valeur des comptes courants d'associé (pages 41, 50 et 51 du rapport d'expertise) ; qu'il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent que la SA Pacifica doit être condamnée à payer à Mme T... A... veuve C..., M. H... C..., M. V... C..., M. S... C... et M. K... C... la somme totale de 179 575,96 euros (113 400,96 euros + 3 344 euros + 17 622 euros + 7 954 euros + 37 255 euros) avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
Et aux motifs adoptés que, en l'espèce, il résulte du contrat d'assurance « garantie corporelle du conducteur » qu'en cas de décès, les préjudices pouvant donner lieu à indemnisation sont au titre de la perte de revenus des proches : l'incidence économique découlant de la perte de revenus du défunt sur les ayants droits ; qu'il doit être pris en compte comme le soutiennent les consorts C... l'ensemble des préjudices subis sur le plan économique du fait du décès de leur époux et père ; qu'il résulte du rapport de l'expert que L... C... était gérant unique d'une société d'imprimerie reprographie papeterie la SARL Adept SPR qui avait été créée en 1997, SARL composée de 500 parts sociales réparties à parts égales entre lui et son épouse, le fonds de commerce avait été acquis pour la somme de 47 259 euros ; que la SARL Adept SPR était bénéficiaire d'un bail commercial établi par la SCI Adpet, SCI immobilière constituée par les membres de la famille C... ; que Mme T... C... pour sa part exerçait une profession d'urbaniste, profession qu'elle a définitivement arrêtée le 31 mars 2017, l'expert a relevé une chute d'activité de résultat sur l'année 2013 ; qu'au décès de son époux, Mme C... est devenue gérant de la société et a dû organiser sa dissolution, l'activité de la société étant liée à la personne de M. C... qui en était l'homme clef ; que l'expert a examiné les dires des parties et a relevé certaines contradictions dans le rapport de M. J... qui assistait la compagnie Pacifica ; qu'il a listé l'ensemble des pièces comptables et les a vérifiées ; que comme il le lui a été demandé, l'expert a pris en compte les revenus moyens du foyer sur la période des quatre années précédant le décès et a intégré la part d'autoconsommation du défunt ; qu'il a calculé la perte de revenu 2013 particulièrement affectée par la perte de L... C... et la perte de revenus définitive et pérenne ;
Alors 1°) que, le contrat forme la loi des parties et s'impose aux juges du fond ; que la cour d'appel a exactement énoncé que le contrat d'assurance souscrit par M. L... C... auprès de la société Pacifica, qui stipule que « les préjudices pouvant donner lieu à indemnisation sont : (
) au titre de la perte de revenus des proches : l'incidence économique découlant de la perte de revenus du défunt sur les ayants-droit » (p. 23), avait pour objet d'indemniser toutes les conséquences économiques induites par la perte des revenus du défunt sur ses proches ; que le contrat prévoyait donc l'indemnisation des seules conséquences de la perte de revenus du défunt et non, partant, de toutes les conséquences économiques et financières résultant du décès, telles que la perte de valeurs patrimoniales, les dépréciations d'actifs ou de valeur mobilières ; qu'en retenant, pour condamner la société Pacifica à garantir les ayants droit de M. C... à hauteur de 179 575,96 euros, qu'elle devait garantir les frais liés à la dissolution de la SARL Adept SPR, société d'imprimerie et de reprographie que gérait le défunt (frais de comblement de passif, solde débiteur du compte bancaire et perte de valeur des comptes courants d'associés), la cour d'appel lui a fait supporter des préjudices économiques qui ne découlaient pas de la perte de revenus du défunt, a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;
Alors 2°) que, en toute hypothèse, en faisant application de l'hypothèse n°1 proposée par l'expert pour calculer la perte annuelle du foyer à partir du décès de M. C... jusqu'au décembre 2013 et du 1er janvier 2014 au 31 mars 2017, date à laquelle Mme C... avait cessé son activité personnelle d'urbaniste, sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions, p. 6) si cette hypothèse ne conduisait pas à une majoration indue de l'indemnité en tant qu'elle ne prenait pas en considération les revenus annuels perçus par Mme C... postérieurement à l'accident, évalués à 8 508 euros en moyenne, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard du principe de réparation intégrale du préjudice. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme T... A... veuve C..., MM. H..., V..., S... et K... C...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir limité à 179.575,96 €, avec intérêts au taux légal et capitalisation, la somme qu'elle a condamné la société Pacifica à verser à Mme T... A..., veuve C..., à M. H... C..., à M. V... C..., à M. S... C... et à M. K... C... ;
Aux motifs que : « Sur les préjudices
Perte de revenus de Mme T... A... veuve C... :
La part d'autoconsommation a été justement fixée à 20 % par l'expert.
Le revenu de référence du foyer doit intégrer l'évolution des revenus propres de Mme T... A... veuve C... qui a définitivement cessé son activité d'urbaniste libérale le 31 mars 2017 après une baisse régulière de cette activité depuis le décès de son conjoint, liée à la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée de gérer la SARL Adept SPR à la place de son mari décédé.
Il y a lieu afin de tenir compte de cette situation de calculer la perte annuelle du foyer du décès au 31 décembre 2013, du 1er janvier 2014 jusqu'au 31 mars 2017, date à laquelle Mme T... A... veuve C... a cessé son activité personnelle d'urbaniste en appliquant l'hypothèse n° 1, puis la période échue à compter de cette date en appliquant l'hypothèse n° 2 et ce de façon temporaire jusqu'à ce jour, date de la liquidation, puis en appliquant une capitalisation temporaire jusqu'à l'âge de 70 ans, car à cet âge L... C... aurait cessé son activité dans la société SARL Adept SPR, étant précisé que l'expert a bien tenu compte de la pension de retraite perçue personnellement par Mme T... A... veuve C....
Pour la période à la date à laquelle L... C... aurait atteint l'âge de 70 ans l'expert a précisé que la pension de réversion à percevoir par Mme T... A... veuve C... au titre de l'activité de L... C... dans la SARL Adept SPR sera compensée par la part d'autoconsommation de L... C... ; il s'avère ainsi que Mme T... A... veuve C... ne subira pas de perte de gains durant cette période, étant précisé que le barème de capitalisation qui sera utilisé est celui publié par la Gazette du Palais le 28 novembre 2017 ainsi que demandé par les consorts C... qui est le plus approprié et qu'il ne tient pas compte de la perte des droits à la retraite du défunt subie par le conjoint survivant.
La perte est donc la suivante :
- perte de revenus du décès de L... C... jusqu'au 31 décembre 2013, pages 38, 44 et 45 du rapport d'expertise :
85 254 € x 4,5 mois / 12 mois = 31 9720, 25 €
- perte de revenus du 1er janvier 2014 au 31 mars 2017 :
4 867 € x 3,24 ans = 15 769,08 €
- perte de revenus à compter du 1er avril 2017 jusqu'à ce jour :
13 375 € x 2,12 ans = 28 355 €
- perte de revenus à compter du 17 mai 2019 jusqu'à l'âge de 70 ans qu'aurait atteint L... C..., soit en janvier 2022 par capitalisation temporaire en fonction de l'euro de rente viagère d'un homme âgé de 67 ans à la liquidation jusqu'à l'âge de 70 ans déterminé par la moyenne entre l'euro de rente temporaire d'un homme âgé de 66 ans jusqu'à l'âge de 69 ans et d'un homme âgé de 67 ans jusqu'à l'âge de 69 ans, soit 3,343 (3,806 + 2,880 / 2) !
13 375 € x 3,343 = 44 712,63 €
- perte totale :
31 970,25 € + 15 769,08 € + 28 355 € + 44 712,63 € = 120 806,96 €
- déduction du capital décès versé par le RSI :
120 806,96 € - 7 406,96 €
Perte des revenus d'activité libérale de Mme T... A... veuve C... en 2014 et 2015 :
Cette perte a été intégrée dans le calcul de la perte de revenus du 1er janvier 2014 jusqu'au 31 mars 2017 ; aucune somme ne sera donc allouée distinctement à cet titre.
Sur la perte des revenus fonciers 2014 :
L'expert a précisé en pages 31 et 40 de son rapport qu'il y a eu une période de latence de 8 mois entre le décès de L... C... et la signature d'un nouveau bail commercial pour les locaux dans lesquels était exploitée la SARL Adept SPR et que la perte sur les loyers commerciaux entre le décès de L... C... et la signature d'un nouveau contrat de location a été de 6 688 € ; cette perte n'a été intégrée dans les calculs de la perte de revenus du foyer que pour l'année 2013.
Les consorts C... sont donc fondés en leur demande en paiement de la somme de 3 344 € au titre de la perte de revenus fonciers 2014 qui correspond à l'une des incidences économiques de la perte de revenus du défunt sur Mme T... A... veuve C....
Sur les frais liés à la dissolution de la SARL Adept SPR :
Ces frais (frais de comblement du passif, solde débiteur du compte bancaire, perte de valeur sur les comptes courants d'associés) qui ont été exposés par les héritiers de L... C... correspondent à l'une des incidences économiques de la perte de revenus du défunt sur Mme T... A... veuve C....
Il y a lieu d'allouer la somme de 17 622 € au titre des frais de comblement de passif, 7 954 € au titre du découvert bancaire et celle de 37 255 € au titre de la perte de valeur des comptes courants d'associé (pages 41, 50 et 51 du rapport d'expertise).
Il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent que la SA Pacifica doit être condamnée à payer à Mme T... A... veuve C..., M. H... C..., M. V... C..., M. S... C... et M. K... C... la somme totale de 179 575,96 € (113 400,96 + 3 344 € + 17 622 € + 7 954 € + 37 255 €) avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil » ;
1. Alors que, d'une part, lorsqu'il évalue la perte de revenus futurs subie en raison du décès de la victime, le juge, tenu de réparer intégralement le dommage, sans perte ni profit, ne saurait capitaliser la perte de gains professionnels futurs sur la base d'un euro de rente temporaire en s'arrêtant à l'âge de ce qu'aurait été le départ à la retraite de la victime, mais doit procéder à une capitalisation viagère, seule à même de réparer, aussi, la perte des droits à la retraite du défunt ; qu'en l'espèce, en appliquant une capitalisation temporaire jusqu'à l'âge de soixante-dix ans, censé correspondre à l'âge auquel feu M. L... C... aurait cessé son activité dans la société SARL Adept SPR, plutôt que de procéder à une capitalisation viagère, la cour d'appel a violé la règle de de la réparation intégrale du dommage, sans perte ni profit ensemble l'article 1382 du Code civil.
2. Alors que, d'autre part, le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en l'espèce, en énonçant que, pour la période postérieure à la date à laquelle feu M. L... C... aurait atteint l'âge de soixante-dix ans, la pension de réversion à percevoir par sa veuve au titre de l'activité de celui-ci dans la SARL Adept SPR serait compensée par la part d'autoconsommation du défunt et que ladite veuve ne subirait donc pas de perte de gains durant cette période, sans s'expliquer sur le fondement juridique qui justifierait un tel lien entre ce qu'aurait été l'âge de la retraite du défunt et la date à partir de laquelle sa veuve a pu percevoir la pension de réversion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 353-1 du Code de la sécurité sociale.