LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 20-80.786 F-D
N° 2094
23 SEPTEMBRE 2020
EB2
NON LIEU À RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 23 SEPTEMBRE 2020
M. R... P..., Mme S... H..., M.X... P... et Mmes J... Y... et O... H... ont présenté, par mémoires spéciaux reçus le 1er juillet 2020 deux questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion des pourvois formés par eux contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 8-2, en date du 15 novembre 2019, qui, notamment pour participation à la tenue d'une maison de jeux en bande organisée et infractions à la législation sur les contributions indirectes a condamné le premier à un an d'emprisonnement avec sursis et 75 000 euros d'amende, la deuxième à deux ans d'emprisonnement avec sursis et 75 000 euros d'amende et a prononcé à leur encontre des amendes et pénalités fiscales et pour participation à la tenue d'une maison de jeux, a condamné le troisième à six mois d'emprisonnement et 5 000 euros d'amende, la quatrième à huit mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d'amende et la dernière à dix mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende et a ordonné des mesures de confiscation.
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme S... H..., Mme J... Y..., Mme O... H..., M. R... P..., M. X... P..., les observations de la SCP Foussard et Froger avocat de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Mareville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Les deux questions prioritaires de constitutionnalité sont jointes en raison de leur connexité.
2. La première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article 1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative à la tenue d'une maison de jeux de hasard, codifié à l'article L. 324-1 du code de la sécurité intérieure, est-il contraire aux articles 5, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 34 de la Constitution ainsi qu'aux principes de légalité de la loi, de clarté de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique en ce qu'il incrimine « le fait de participer, y compris en tant que banquier, à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public est librement admis, même lorsque cette admission est subordonnée à la présentation d'un affilié », en prenant ainsi comme élément constitutif les « jeux de hasard », qui est un critère totalement aléatoire et imprévisible, et de surcroît sans définir ni mentionner les « jeux de hasard » visés par ledit texte ? »
3. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
4. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
5. La question posée ne présente pas un caractère sérieux.
6. En effet, si les jeux de hasard ne sont ni énumérés ni définis par la loi de 1983, la Cour de cassation juge, de manière ancienne et constante, qu'entrent dans cette catégorie les jeux dans lesquels la chance prédomine sur l'habileté, la ruse, l'audace et les combinaisons de l'intelligence (Crim., 5 janv. 1877, Bull. n°4).
7. Ainsi, l'article 1er de la loi n°86-628, du 12 juillet 1983, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits et telle que cette disposition est interprétée par la Cour de cassation, définit de manière suffisamment claire et précise les activités qu'il incrimine.
8. La seconde question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions combinées des articles 1er et 3 de la loi n°83-628 du 12/07/1983 et des articles 1559, 1560-I, 1563, 1565, 1791, 1797, 1799, 1799 A, 1802, 1804 B et 1822 du code général des impôts, sont-elles contraires à la Constitution au regard de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et des principes de nécessité et de proportionnalité de la peine, en ce qu'elles aboutissent, dans le cas de poursuites du chef de participation en bande organisée à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public est librement admis ainsi que d'infractions à la législation sur les contributions indirectes relative aux maisons de jeux de hasard, à pouvoir sanctionner une seule et même action par une condamnation à une peine d'emprisonnement, des amendes pénales et fiscales ainsi qu'une pénalité proportionnelle comprise entre une et trois fois le montant des droits fraudés ou compromis, outre le paiement des sommes fraudées ? »
9. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
10. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
11. La question posée ne présente pas un caractère sérieux.
12. En effet, les dispositions contestées tendent à réprimer des faits distincts, à savoir d'une part la participation à la tenue illégale d'une maison de jeux de hasard d'autre part la violation de la législation fiscale applicable à ce type d'établissement.
13. Ainsi, en autorisant un cumul de poursuites et de sanctions pour des faits différents, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe de nécessité des délits et des peines tel que défini par le Conseil constitutionnel.
14. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions posées au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt.