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23/09/2020 | FRANCE | N°19-13214

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 23 septembre 2020, 19-13214


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 septembre 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 494 FS-P+B

Pourvoi n° F 19-13.214

Aide juridictionnelle partielle en demande
au profit de M. X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 8 janvier 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISr>_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020

M. K... X..., domicilié [...] , a formé ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 septembre 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 494 FS-P+B

Pourvoi n° F 19-13.214

Aide juridictionnelle partielle en demande
au profit de M. X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 8 janvier 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020

M. K... X..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 19-13.214 contre l'arrêt rendu le 14 février 2018 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à M. O... M..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Teiller, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. X..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. M..., et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Teiller, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Girardet, Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 14 février 2018), M. M..., avocat au barreau de Dijon (l'avocat), a été mandaté par M. X... afin de défendre ses intérêts devant un tribunal des affaires de sécurité sociale. Par acte du 12 février 2010, les parties ont conclu une convention d'honoraires stipulant un honoraire forfaitaire pour la première instance et pour l'éventuelle procédure d'appel, ainsi qu'un honoraire de résultat.

2. En cours d'instance, en l'absence d'acte ou de décision juridictionnelle irrévocable, M. X... a dessaisi l'avocat et lui a versé la somme conventionnellement prévue au titre de la première instance.

3. Considérant que ce paiement n'était pas satisfactoire, l'avocat a dressé une facture d'honoraires, qui a été contestée. Une ordonnance du 27 mai 2013, devenue irrévocable après le rejet du pourvoi formé par M. X... (2e Civ., 10 septembre 2015, pourvoi n° 14-15.348), a taxé les honoraires de l'avocat, en application des dispositions de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

4. Soutenant que l'avocat avait manqué à son obligation d'information relative à la détermination de ses honoraires, M. X... l'a assigné, le 14 octobre 2015, en responsabilité et indemnisation.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que l'avocat doit informer son client, dès sa saisine, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant, cette information figurant, le cas échéant, dans la convention d'honoraires ; que cette obligation d'information implique que l'avocat avertisse son client dès sa saisine de ce que, en cas de dessaisissement, il sera fait application des critères prévus par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 pour fixer le montant de ses honoraires, à l'exclusion des dispositions de la convention d'honoraires qu'ils avaient éventuellement conclue ; qu'en retenant que l'avocat avait respecté son obligation d'information, puisque le montant prévisible des honoraires avait été fixé forfaitairement pour chaque étape de la procédure, aux termes d'une convention, que ces derniers sous-entendaient que l'avocat resterait en charge du dossier jusqu'à sa conclusion et qu'aucune disposition n'impose à l'avocat de faire figurer dans la convention d'honoraires les modalités de fixation de sa rémunération dans l'hypothèse d'un dessaisissement anticipé, la cour d'appel a méconnu l'obligation d'information pesant sur l'avocat dès sa saisine quant aux modalités de fixation de sa rémunération, en cas de dessaisissement, et a ainsi violé l'article 1147 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 10 du décret du 12 juillet 2005, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1226 du 2 août 2017, et l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 1991. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, et l'article 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 :

6. Il résulte de ces textes que l'avocat informe son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant. Cette obligation implique que l'avocat avertisse son client des modalités de calcul de ses honoraires en cas de dessaisissement et son inexécution l'expose au paiement de dommages-intérêts.

7. Pour rejeter les demandes de M. X..., l'arrêt retient qu'il a décidé, de façon unilatérale, de dessaisir l'avocat sans l'avoir prévenu préalablement et que, la convention d'honoraires étant devenue caduque, celui-ci était fondé à facturer ses honoraires en application de l'article 11.1 du Règlement intérieur national, de sorte qu'aucune faute ne peut être retenue à son égard.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. M... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré l'appel de M. K... X... mal fondé et d'avoir rejeté sa demande tendant à voir Me O... M... condamné à lui payer les sommes de 4 123,81 euros sur le préjudice matériel, de 7000 euros sur les conséquences procédurales et financières qui en ont résulté, de 3000 euros au titre du préjudice moral, et de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU'au soutien de ses prétentions, M. K... X... fait valoir : - que la convention d'honoraires susmentionnée prévoyait des forfaits de rémunération dissociés, d'une part, pour la procédure en première instance et, d'autre part, pour la procédure d'appel, - qu'elle ne mentionnait pas qu'il devait conserver le même avocat en procédure d'appel, le « forfait en cas d'appel » ne constituant qu'une hypothèse, - que la convention ne prévoyait rien quant aux modalités de rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement par son client ; que M. K... X... estime que Me O... M... a manqué à son obligation d'information et de conseil pour ne pas l'avoir averti des conséquences que son dessaisissement aurait quant au montant des rémunérations lui étaient dues, étant rappelé que ni le bâtonnier, ni sur recours le premier président, ne pouvaient connaître, même à titre incident, d'un manquement de l'avocat à son devoir de conseil et d'information, ce qui justifie sa saisine du tribunal de grande instance d'une action en responsabilité professionnelle de Me O... M... en l'absence de respect par celui-ci des dispositions de l'article 11.2 du règlement intérieur national des avocats (RIN) lequel énonce : « l'avocat informe son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant. Le cas échéant, ces informations figurent dans la convention d'honoraires » ; qu'en l'espèce, l'avocat apparaît, cependant, avoir respecté ces prescriptions, le montant prévisible des honoraires ayant, dès le début des relations avocat/client été fixé forfaitairement pour chacune des étapes de la procédure, aux termes d'une convention ; qu'en outre, en prévoyant un forfait pour une éventuelle procédure d'appel ainsi qu'un forfait de résultat, ladite convention d'honoraires sous-entendait nécessairement que l'avocat resterait en charge du dossier jusqu'à sa conclusion, éventuellement devant la cour d'appel, ce qui, à l'évidence, était en corrélation avec le faible montant des forfaits proposés ; qu'or, il n'est pas contesté que M. K... X... a décidé de façon unilatérale de dessaisir Me O... M... du dossier sans l'en avoir prévenu préalablement, de sorte qu'une discussion qui aurait pu apporter des informations complémentaires à M. K... X... n'a pas eu lieu ; que dès lors, la convention d'honoraires étant devenue caduque, l'avocat, mis devant le fait accompli, était fondé à facturer ses honoraires, comme il l'a fait, en application de l'article 11.1 du RIN qui dispose que « A défaut d'une convention entre l'avocat et son client, les honoraires sont fixés selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété et des diligences de celui-ci. L'avocat chargé d'un dossier peut demander des honoraires à son client même si ce dossier lui est retiré avant sa conclusion, dans la mesure du travail accompli » ; qu'en conséquence, aucune faute ne pouvant être retenue à l'encontre de Me O... M..., le jugement déféré qui a rejeté les prétentions de M. K... X... mérite d'être confirmé ; que succombant, M. K... X... sera condamné aux dépens d'appel, les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance étant, par ailleurs, confirmées ; qu'aucune considération tirée de l'équité ne justifie qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Monsieur X... reproche à Me O... M... de ne pas l'avoir informé de l'évolution prévisible de ses honoraires contrairement au Règlement Intérieur National des avocats mais, ainsi que la Cour d'Appel de Dijon l'a retenu dans ses motifs, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à l'avocat de faire figurer dans la convention d'honoraires les modalités de fixation de sa rémunération dans l'hypothèse d'un dessaisissement anticipé ; que le défaut d'information de ses droits à l'aide juridictionnelle invoqué par le demandeur ne peut davantage être retenu, en effet Monsieur X... avait bénéficié de cette aide dans le cadre d'une précédente procédure, il connaissait donc parfaitement l'étendue de ses droits et il ne peut se prévaloir d'une faute de son conseil de l'époque ; que Monsieur X... reproche à Me M... d'avoir rompu unilatéralement la convention qui les liait en facturant « différemment » les diligences accomplies, mais c'est lui, qui en décidant de confier ses intérêts à un autre avocat alors qu'aucune décision irrévocable n'avait été rendue, est à l'origine de cette rupture ; qu'en outre, du fait d'un lien de confiance qui avait disparu, Me M... pouvait difficilement conseiller à son client de le garder afin de faire des économies ; que les demandes présentées ne sont donc pas justifiées et il convient de les rejeter ; qu'il est équitable de condamner Monsieur X... à participer à concurrence de 2000 euros aux frais irrépétibles exposés par Me M... en la procédure ; que Monsieur X... devra supporter la charge des dépens ;

1) ALORS QUE l'avocat doit informer son client, dès sa saisine, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant, cette information figurant, le cas échéant, dans la convention d'honoraires ; que cette obligation d'information implique que l'avocat avertisse son client dès sa saisine de ce que, en cas de dessaisissement, il sera fait application des critères prévus par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 pour fixer le montant de ses honoraires, à l'exclusion des dispositions de la convention d'honoraires qu'ils avaient éventuellement conclue ; qu'en retenant que Me M... avait respecté son obligation d'information, puisque le montant prévisible des honoraires avait été fixé forfaitairement pour chaque étape de la procédure, aux termes d'une convention, que ces derniers sous-entendaient que l'avocat resterait en charge du dossier jusqu'à sa conclusion et qu'aucune disposition n'impose à l'avocat de faire figurer dans la convention d'honoraires les modalités de fixation de sa rémunération dans l'hypothèse d'un dessaisissement anticipé, la cour d'appel a méconnu l'obligation d'information pesant sur l'avocat dès sa saisine quant aux modalités de fixation de sa rémunération, en cas de dessaisissement, et a ainsi violé l'article 1147 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 10 du décret du 12 juillet 2005, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1226 du 2 août 2017, et l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 1991 ;

2) ALORS QU'en toute hypothèse, l'information sur le mode de fixation des honoraires en cas de dessaisissement doit être délivrée au client, à tout le moins, à l'occasion du dessaisissement ; qu'en rejetant les demandes indemnitaires de M. X... fondées sur le manquement de l'avocat à son obligation d'information, motifs pris que M. X... étant à l'initiative de la rupture, Me M... n'aurait pu lui apporter des informations complémentaires quant au mode de fixation des honoraires en cas de dessaisissement, quand cette information devait nécessairement lui être délivrée, à tout le moins, à l'occasion du dessaisissement, peu important que le client ait lui-même pris l'initiative de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article 1147 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 10 du décret du 12 juillet 2005 dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1226 du 2 août 2017 et l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 1991.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-13214
Date de la décision : 23/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Honoraires - Obligation d'information préalable du client - Etendue - Modalité de calcul des honoraires en cas de dessaisissement - Défaut - Effet - Paiement de dommages-intérêts

L'obligation pour l'avocat d'informer son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination de ses honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant, implique qu'il l'avertisse des modalités de calcul de ses honoraires en cas de dessaisissement et s'expose, à défaut, au paiement de dommages-intérêts


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 14 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 23 sep. 2020, pourvoi n°19-13214, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Claire Leduc et Solange Vigand

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.13214
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