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23/09/2020 | FRANCE | N°18-25026

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 septembre 2020, 18-25026


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 septembre 2020

Cassation sans renvoi

M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 741 F-D

Pourvoi n° Z 18-25.026

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 SEPTEMBRE 2020

La société Caisse d'épargne Aq

uitaine Poitou Charentes, société coopérative de banque à forme anonyme à capital fixe, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Z 18-25...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 septembre 2020

Cassation sans renvoi

M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 741 F-D

Pourvoi n° Z 18-25.026

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 SEPTEMBRE 2020

La société Caisse d'épargne Aquitaine Poitou Charentes, société coopérative de banque à forme anonyme à capital fixe, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Z 18-25.026 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2018 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. X... J..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse d'épargne Aquitaine-Poitou-Charentes, de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. J..., après débats en l'audience publique du 24 juin 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 27 septembre 2018), M. J... a été engagé par la Caisse d'épargne Aquitaine Poitou Charentes à compter du 1er février 1976, en qualité de guichetier puis a occupé le poste d'agent administratif section prêt, classé B, en 1987, et celui d'agent de la production bancaire, classé T3, au 31 août 2011, tout en exerçant depuis le 17 mai 1986 plusieurs mandats de représentant du personnel.

2. Estimant avoir été victime d'une discrimination syndicale, il a saisi le 9 juillet 2008 la juridiction prud'homale afin qu'elle ordonnât à l'employeur de lui attribuer le coefficient minimum CM6 et le salaire correspondant.

3. Par arrêt du 12 janvier 2012, la cour d'appel de Pau après avoir retenu l'existence de la discrimination invoquée, a ordonné à la Caisse d'épargne de reclasser le salarié à la classification D à partir de 1987 et de lui attribuer le coefficient CM6 auquel il aurait pu prétendre s'il avait poursuivi une carrière normale et l'a condamnée à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice patrimonial résultant de la perte de salaire pour la période de 1987 à 2007, de son préjudice matériel et de son préjudice moral.

4. Estimant que cet arrêt du 12 janvier 2012 n'avait été exécuté que partiellement par l'employeur, M. J... a ensuite saisi le juge de l'exécution pour obtenir la mention de la classification CM6 sur ses bulletins de salaire, l'attribution d'un salaire correspondant à son classement CM6 avec le maintien des avantages acquis et le paiement d'un rappel de salaire et de cotisations Agirc depuis janvier 2008.

5. Par jugement du 20 octobre 2014, il a été débouté de ses demandes.

6. Après avoir été, par ailleurs, débouté, par décision de la cour d'appel de Pau du 30 avril 2015, de sa requête en interprétation de l'arrêt rendu le 12 janvier 2012, il a saisi à nouveau la juridiction prud'homale afin qu'elle fixe le montant de son salaire résultant de sa réintégration au coefficient CM6 et lui alloue un rappel de salaires et de cotisations à compter du 1er janvier 2008.

Examen du moyen

Sur le moyen unique pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de fixer le salaire mensuel du salarié à la somme de 3 283,99 euros par mois à compter du 1er janvier 2008 et de le condamner à lui payer la somme de 72 567,36 euros à titre de rappel de salaire dont à déduire les montants versés au titre de l'exécution provisoire ainsi que le rattrapage des cotisations Agirc à compter de 2008, alors « qu'en vertu du principe de l'unicité de l'instance, les demandes résultant d'instances nouvelles sont irrecevables, lorsqu'elles pouvaient être présentées dans l'instance primitive avant la clôture des débats devant la cour d'appel ; qu'en l'espèce, n'ayant pas sollicité la détermination du point de départ du coefficient de classification qu'il revendiquait en raison de la discrimination syndicale dont il s'estimait victime, ni la détermination du montant du salaire correspondant à ce coefficient, ni le rattrapage des cotisations retraite y afférentes, lors de l'instance ayant donné lieu au jugement du conseil de prud'hommes de Pau du 13 avril 2010 et à l'arrêt devenu définitif du 12 janvier 2012 de la cour d'appel de Pau ayant constaté que le salarié avait été victime d'une discrimination syndicale et ayant ordonné en conséquence à l'employeur de reclasser le salarié à la classification D à partir de 1987, de lui attribuer le coefficient CM6 auquel il aurait pu prétendre s'il avait poursuivi une carrière normale, et de lui verser diverses sommes au titre de la réparation de son préjudice patrimonial résultant de la perte de son salaire pour la période de 1987 à 2007, de la réparation de son préjudice matériel, et de la réparation de son préjudice moral, le salarié ne pouvait plus demander, dans une instance ultérieure, la fixation du point de départ du coefficient CM6, la fixation de la composition et du montant du salaire correspondant à ce coefficient ainsi que le rattrapage des cotisations Agirc y afférentes, depuis 2008 ; qu'en affirmant, pour déclarer recevables les demandes du salarié, que les prétentions formulées ne constituaient pas de nouvelles prétentions mais une difficulté d'exécution relative à une prétention soumise au conseil de prud'hommes et à la cour d'appel lors d'une précédente instance, que n'avait pas anticipé le salarié, que cette situation n'avait pas été envisagée par l'article R. 1452-6 alors applicable, que l'application de la règle de l'unicité de l'instance aurait pour effet d'aboutir à un déni de justice et que sans la précision demandée, l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 12 janvier 2012 ne pourrait pas être exécuté, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail, alors applicable. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 1452-6 du code du travail alors applicable :

8. En application de ce texte, une instance ne peut être engagée postérieurement à une première procédure prud'homale que lorsque le fondement des nouvelles prétentions est né ou s'est révélé après l'extinction de l'instance primitive. Il en résulte que sont irrecevables des demandes formées dans une nouvelle procédure dès lors que leur fondement est né avant la clôture des débats de l'instance antérieure.

9. Pour déclarer recevables les demandes du salarié l'arrêt retient que celles-ci ne peuvent être considérées comme de nouvelles prétentions, qu'il s'agit d'une difficulté d'exécution relative à une prétention soumise à l'appréciation du conseil de prud'hommes puis de la cour d'appel qui n'a été anticipée ni par les parties, ni par les juridictions saisies, situation qui n'avait pas été envisagée par l'article R. 1452-6 à ce jour abrogé, que l'application de la règle de l'unicité de l'instance aurait en outre pour effet d'aboutir à un déni de justice, puisque sans la précision demandée, l'arrêt du 12 janvier 2012 ne pourrait être exécuté, le juge de l'exécution puis la cour d'appel sur requête en interprétation, ayant, l'un et l'autre, refusé de statuer.

10. En statuant ainsi, alors que le salarié pouvait, dès l'instance initiale, joindre à sa demande principale tendant à l'indemnisation de la discrimination syndicale dont il avait été victime, toutes les demandes en découlant, et ainsi une demande de reconstitution de carrière et de règlement d'un rappel de salaires et de cotisations de retraite dues auprès de l'Agirc depuis le 1er janvier 2008, ce dont il résultait que le fondement des demandes nouvelles était né avant la clôture des débats devant la cour d'appel saisie de l'instance initiale, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire leur irrecevabilité en application du principe de l'unicité de l'instance, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 624 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie en effet que la Cour mette fin au litige par application de la règle de droit appropriée.

13. Le fondement des nouvelles prétentions du salarié existait déjà avant la clôture des débats dans la précédente procédure, en sorte que ces demandes qui se heurtent à la règle de l'unicité de l'instance sont irrecevables.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevables les demandes de M. J... ;

Condamne M. J... aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la Caisse d'épargne Aquitaine Poitou Charentes

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Pau du 1er février 2016 qui a fixé le salaire mensuel du salarié à 3 283,99 euros par mois à compter du 1er janvier 2008, qui a, en conséquence, condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 62 489 euros à titre de rappel de salaire, qui a dit que cette somme porterait intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement, qui a condamné l'employeur à payer le rattrapage des cotisations AGIRC à compter de 2008, qui a condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui a débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle à ce titre et qui l'a condamné aux entiers dépens, d'AVOIR y ajoutant, revalorisé le montant alloué par le conseil de prud'hommes (62 489 euros) au montant de 72 567,36 euros, somme due au 31 décembre 2017, dont à déduire les montants déjà versés au titre de l'exécution provisoire, d'AVOIR condamné l'employeur aux entiers dépens ainsi qu'à payer au salarié une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR débouté l'employeur de ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur l'application du principe de l'unicité d'instance
Il résulte de l'article R. 1452-6 du code du travail que «'toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes'».
Pour rejeter l'application de ce principe, M. J... fait valoir deux arguments':
- d'une part, le principe de l'unicité de l'instance a été abrogé par le décret du 20 mai 2016 et il s'agit d'une règle de procédure d'application immédiate -d'autre part, la difficulté concerne la composition et le montant de la rémunération réclamée pour la période, difficulté qui n'était pas connue lors du précédent litige puisque apparue en cours d'exécution de l'arrêt du 12 janvier 2012 alors que les débats étaient clos et que les parties se sont trouvées en désaccord quant au montant du salaire applicable.
Sur le premier point, il est constant que le principe de l'unicité de l'instance a été supprimé par le décret n°2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail. Cependant, cette règle n'est applicable qu'aux instances introduites postérieurement au 1er août 2016. Or, M. J... ayant saisi le conseil de prud'hommes par requête en date du 23 décembre 2014, la règle de l'unicité de l'instance reste applicable.

Au regard du second point soulevé, il convient, toutefois, de rejeter le principe de l'unicité d'instance.
Effectivement, il résulte des écritures des parties et des pièces jointes que les prétentions formulées par M. J... ne doivent et ne peuvent pas être considérées comme de nouvelles prétentions. Il s'agit uniquement d'une difficulté d'exécution relative à une prétention soumise à l'appréciation du conseil de prud'hommes puis de la cour qui n'a pas été anticipée ni par les parties ni par les juridictions saisies, situation qui n'avait pas été envisagée par l'article R 1452-6 à ce jour abrogé.
L'application de la règle de l'unicité de l'instance, aurait, en outre, pour effet, d'aboutir à un déni de justice, puisque sans la précision demandée, l'arrêt de la cour d'appel de PAU du 12 janvier 2012 ne pourrait être exécuté, le juge de l'exécution puis la cour d'appel sur requête en interprétation ayant l'une et l'autre refusé de statuer.
Dès lors, les demandes de M. J... doivent être déclarées recevables.
Sur la détermination du salaire correspondant au coefficient CM6
La chambre sociale a ordonné en 2012 à la Caisse d'Epargne de reclasser M. J... à la qualification «'D'» à partir de 1987 et de lui attribuer le coefficient CM6 auquel il aurait pu prétendre s'il avait poursuivi une carrière normale. Il ne fait pas de doute que l'attribution du coefficient CM6 s'applique à compter de 1987 et il en résulte que c'est bien le salaire correspondant au coefficient CM6 à savoir la rémunération annuelle brute minimale (RAM) correspondant au niveau CM6, soit la rémunération brute annuelle sur 13 mois de 32.470 euros, soit 2.497,69 euros par mois, qui est applicable.
Les parties ne s'accordent pas en ce que M. J... a ajouté à la rémunération brute annuelle minimale (RAM) telle qu'elle résulte de l'accord d'entreprise national du 11 décembre 2003, les avantages individuels acquis au sens de l'article L. 2261-13 du code du travail.
Effectivement, M. J... sollicite que sa rémunération soit fixée à 3.283,99 euros par mois soit 2.497,69 + 426,74 (prime d'ancienneté) + 286,66 (prime de durée d'expérience) + 72,90 (prime de vacance mensuelle) soit la somme de 3.285, 91 euros ramenée à celle de 3.283,99 euros par le salarié lui-même.
D'une part, l'accord collectif national sur la rémunération annuelle minimale prévoit en son article 2 que «'la rémunération brute annuelle, en dehors des sommes éventuellement versées au titre de la participation, de l'intéressement ou de la part variable de chaque salarié travaillant à temps complet doit être au moins égale à la rémunération brute annuelle du niveau de classification de l'emploi occupé (tableau ci- dessus).
Il convient de rappeler la jurisprudence constante de la cour de cassation selon laquelle, sauf disposition contraire, la prime d'ancienneté n'a pas à être intégrée dans le calcul de la rémunération de référence pour la détermination des minima conventionnels parce qu'elle ne correspond pas à un temps de travail effectif mais valorise le temps de présence du salarié dans l'entreprise.
Or, il ne ressort pas de l'article 2 de l'accord collectif national sur la rémunération annuelle minimale que les partenaires sociaux aient entendu remettre en cause ce principe, faute de l'avoir expressément énoncé.
D'autre part, l'article L. 2261-13 du code du travail, applicable aux faits de l'espèce, indique que «'lorsque la convention ou l'accord qui a été dénoncé n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou par un nouvel accord dans le délai d'un an à compter de l'expiration du préavis, les salariés des entreprises concernés conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis en application de la convention ou de l'accord, à l'expiration de ce délai.'»
Enfin, la jurisprudence de la Cour de Cassation citée par la Caisse d'Epargne ne trouve pas matière à application au présent litige puisqu'elle concerne la situation de salariés embauchés postérieurement à la dénonciation des avantages individuels.
Il convient de rappeler que l'avantage acquis est celui qui au jour de la dénonciation de la convention ou de l'accord collectif procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit ouvert, ce qui correspond bien au cas de M. J....
En l'espèce, le rattrapage entre les salaires versés et les salaires dus en vertu de l'arrêt de la chambre sociale doit avoir lieu depuis l'année 2008 et les avantages individuels acquis devant être conservés, il en résulte que, conformément à ce que soutient M. J... et comme retenu par le conseil de prud'hommes, la prime d'ancienneté aurait dû être maintenue au même titre que la prime de durée d'expérience et la prime de vacance.
Dès lors, la rémunération qu'aurait dû percevoir M. J... s'élève à':
RAM CM6 = 32.470 euros par an en 13 fois, soit 2.497,61 euros par mois auxquels doivent être rajoutées les primes d'ancienneté, de durée d'expérience et de vacance, dont les montants sont déterminés ci-dessus dans les prétentions de M. J..., ces montants ne faisant l'objet d'aucune contestation et résultant, en outre, expressément des bulletins de salaire produits aux débats (en ce qui concerne la prime de durée d'expérience et la prime de vacance).
Or, il résulte de la comparaison entre les montants que M. J... aurait dû percevoir et ceux perçus au regard de ses bulletins de salaire (2.613,99 euros) une différence de 671,92 euros par mois, soit un manque à gagner depuis le 1er janvier 2008 de 62.489 euros.
Le jugement déféré ne pourra qu'être confirmé sur ce point.
Il conviendra, conformément à la demande de M. J... de réactualiser ce montant au 31 décembre 2017, soit la somme de 9X12 X 671,92 =72.567,36 euros dont à déduire la somme de 22.911,05 euros réglée au titre de l'exécution provisoire.
La Caisse d'Epargne, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens. Il n'apparaît pas inéquitable de lui laisser la charge de ses frais irrépétibles.
Par contre, il sera alloué à M. J... une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur la recevabilité Vu l'article R. 1452-6 du code du travail ;
Que la clôture des débats est intervenue le 31 octobre 2011 ;
Que M. X... J... exprime une nouvelle demande apparue postérieurement à la saisine du Conseil de Prud'hommes ;
Le conseil juge recevable la demande de M. X... J....
Sur la demande principale
La Cour d'appel de Pau dans son arrêt du 12 janvier 2012 a ordonné « le reclassement de M. X... J... à la classification D à partir de 1987, lui a attribué le coefficient CM6 auquel il aurait pu prétendre s'il avait poursuivi une carrière normale » et la question est de déterminer quel est le salaire correspondant de façon à calculer la somme dûe au titre de rappel de salaire.
Il ne fait pas de doute, à la lecture de l'arrêt que l'attribution du coefficient CM6 s'applique à compter de 1987 or, les bulletins de salaires de l'année 2014 indiquent toujours un classement à T3.
Il s'agit en conséquence de déterminer quel aurait dû être la rémunération de M. X... J... afin de calculer les sommes à payer.
A ce titre, M. X... J... considère qu'on lui a supprimé sa prime d'ancienneté en appliquant les dispositions de Rémunération Annuelle Minimum (RAM) et qu'il aurait dû garder cette prime sous forme spécifique au titre d'avantage acquis.
Il fait observer que sur ses bulletins de salaire, on ne lui a conservé que les avantages acquis de durée d'expérience et de prime de vacances.
Que l'article L. 2261-13 du code du travail spécifie que les salariés conservent les avantages individuels acquis ; il résulte que la prime d'ancienneté aurait dû être maintenue au même titre que la prime de durée d'expérience et la prime de vacance, et qu'ainsi la RAM ne pouvait pas inclure la prime d'ancienneté ;
Sur le montant de cette prime, M. X... J... fait un calcul qui n'a pas lieu d'être contesté et qui s'élève à 426,74 euros.
Ainsi la rémunération qu'aurait dû percevoir M. X... J... en passant à la classification CM6 s'élève à :
RAM CM6 = 32 470 euros par an
(Selon qu'il figure à l'accord) en 13 fois Soit : 2 497,61 euros/mois
Prime d'ancienneté 426,74 euros
Prime de durée d'expérience 288,66 euros
Prime de vacance 72,90 euros
= 3 285,91 euros/mois
Or selon les bulletins de salaires fournis, M. X... J... n'a été rémunéré que sur la base de :
Base 2 252,43 euros
Prime de durée d'expérience 288,66 euros
Prime de vacances 72,90 euros
2 613,99 euros
Soit une différence de 671,92 euros et un manque à gagner depuis le 01 janvier 2008 c'est à dire 93 mois soit :
671,92 euros x 93 = 62 489 euros
Cette somme correspond à celle qui est réclamé par M. X... J... et elle lui sera accordée.
Sur les autres demandes
- La demande de rattrapage des cotisations AGIRC s'impose à partir du moment où c'est une obligation de l'employeur de payer les cotisations en fonction des salaires versés ;
IL faut donc faire droit à M. X... J... de sa demande sur ce point ;
- Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Qu'en l'espèce la Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charentes est la partie perdante, le Conseil juge équitable de condamner cette dernière au paiement d'une somme de 1 000 euros et de la débouter de sa propre demande à ce titre ;
- Concernant l'exécution provisoire,
Le Conseil juge qu'il n'y a pas lieu de l'ordonner en dehors de ce qui est de droit par application de l'article R. 1454-28 du code du travail » ;

1°) ALORS QU'en vertu du principe de l'unicité de l'instance, les demandes résultant d'instances nouvelles sont irrecevables, lorsqu'elles pouvaient être présentées dans l'instance primitive avant la clôture des débats devant la cour d'appel ; qu'en l'espèce, n'ayant pas sollicité la détermination du point de départ du coefficient de classification qu'il revendiquait en raison de la discrimination syndicale dont il s'estimait victime, ni la détermination du montant du salaire correspondant à ce coefficient, ni le rattrapage des cotisations retraite y afférentes, lors de l'instance ayant donné lieu au jugement du conseil de prud'hommes de Pau du 13 avril 2010 et à l'arrêt devenu définitif du 12 janvier 2012 de la cour d'appel de Pau ayant constaté que le salarié avait été victime d'une discrimination syndicale et ayant ordonné en conséquence à l'employeur de reclasser le salarié à la classification D à partir de 1987, de lui attribuer le coefficient CM6 auquel il aurait pu prétendre s'il avait poursuivi une carrière normale, et de lui verser diverses sommes au titre de la réparation de son préjudice patrimonial résultant de la perte de son salaire pour la période de 1987 à 2007, de la réparation de son préjudice matériel, et de la réparation de son préjudice moral, M. J... ne pouvait plus demander, dans une instance ultérieure, la fixation du point de départ du coefficient CM6, la fixation de la composition et du montant du salaire correspondant à ce coefficient ainsi que le rattrapage des cotisations AGIRC y afférentes, depuis 2008 ; qu'en affirmant, pour déclarer recevables les demandes du salarié, que les prétentions formulées ne constituaient pas de nouvelles prétentions mais une difficulté d'exécution relative à une prétention soumise au conseil de prud'hommes et à la cour d'appel lors d'une précédente instance, que n'avait pas anticipé le salarié, que cette situation n'avait pas été envisagée par l'article R. 1452-6 alors applicable, que l'application de la règle de l'unicité de l'instance aurait pour effet d'aboutir à un déni de justice et que sans la précision demandée, l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 12 janvier 2012 ne pourrait pas être exécuté, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail, alors applicable ;

2°) ALORS QUE les juges ne peuvent méconnaitre l'autorité de la chose jugée attachée à une précédente décision de justice ; que dans sa décision du 20 octobre 2014, le juge de l'exécution, saisi d'une contestation relative à l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 12 janvier 2012, et considérant qu'il n'y avait pas de difficulté d'exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Pau qu'il puisse trancher, avait débouté le salarié de ses demandes tendant notamment à ce qu'il soit dit qu'il conviendrait d'appliquer la rémunération annuelle minimale du coefficient CM6 telle qu'ordonnée par la cour d'appel, soit la somme de 32 470 euros annuels pour 13 mois, outre les avantages individuels acquis par lui comprenant l'ancienneté, la prime de durée d'expérience et la prime de vacance pour un montant total mensuel de 786,30 euros, et à ce qu'il soit dit que l'employeur devrait procéder au rattrapage des salaires et avantages individuels et au rattrapage de cotisation AGIRC à compter de l'année 2008 ; qu'en affirmant que les prétentions formulées devant elle par le salarié ne constituaient pas de nouvelles prétentions mais une difficulté d'exécution relative à une prétention soumise au conseil de prud'hommes et à la cour d'appel lors d'une première instance, que n'avait pas anticipé le salarié, et qu'elle pouvait donc trancher, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 devenu l'article 1355 du code civil ;

3°) ALORS QUE les juges ne peuvent méconnaitre l'autorité de la chose jugée attachée à une précédente décision de justice ; que dans sa décision du 12 janvier 2012, devenue définitive, la cour d'appel de Pau avait ordonné à l'employeur d'attribuer au salarié le coefficient CM6 auquel il aurait pu prétendre s'il avait poursuivi une carrière normale ; que cette cour d'appel, saisie d'une requête en interprétation par le salarié, avait, dans un arrêt du 30 avril 2015, retenu qu'aucune demande de prise d'effet du coefficient CM6 ou d'effet rétroactif n'avait été formulée dans la procédure ayant abouti à son précédent arrêt, et avait débouté le salarié de sa demande tendant à ce qu'il soit dit y avoir lieu à interprétation de l'arrêt du 12 janvier 2012, et y avoir lieu de comprendre que le salarié devait être réintégré dans la classification CM6 à compter du 1er janvier 2008 ; que dans son arrêt du 12 janvier 2012, tel qu'interprété par son arrêt du 30 avril 2015, la cour d'appel de Pau avait donc définitivement tranché la date de prise d'effet du coefficient CM6 comme n'ayant pas de caractère rétroactif ; qu'en affirmant cependant par motifs adoptés qu'à la lecture de l'arrêt du 12 janvier 2012, l'attribution du coefficient CM6 s'appliquait à compter de 1987, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 devenu l'article 1355 du code civil ;

4°) ALORS QUE lorsque la convention collective énumère les éléments de rémunération à exclure de la comparaison avec les minima conventionnels, tous les autres doivent être pris en considération, et ce peu important leur statut d'avantage individuel acquis, ou qu'ils ne soient pas versés en contrepartie du travail ; que l'article 2 de l'accord collectif national sur la rémunération annuelle minimale du 11 décembre 2003 précise que « la rémunération brute annuelle, en dehors des sommes éventuellement versées au titre de la participation, de l'intéressement, ou de la part variable de chaque salarié travaillant à temps complet, doit être au moins égale à la rémunération brute annuelle minimale (ou « RAM ») au niveau de l'emploi occupé » ; qu'il en résulte que doit être incluse dans la rémunération à comparer à la RAM l'intégralité des rémunérations perçues par le salarié et notamment les avantages individuels acquis, à la seule exception de la participation, de l'intéressement et de la part variable ; que pour dire que les primes d'ancienneté, de durée d'expérience et de vacances, devaient être exclues de la rémunération à comparer à la RAM, la cour d'appel a considéré d'une part que ces éléments de rémunération constituaient des avantages acquis devant être conservés et d'autre part que la prime d'ancienneté ne correspondait pas à un temps de travail effectif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 2 de l'accord collectif national sur la rémunération annuelle minimale du 11 décembre 2003, ensemble l'article 1134 devenu les articles 1103 et 1104 du code civil ;

5°) ALORS QUE les juges ne peuvent pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience (arrêt p.6), l'employeur faisait valoir que la prime d'ancienneté invoquée par le salarié résultait « de sa propre création » (conclusions d'appel de l'exposante p.5 § 2) ; qu'en affirmant que le montant de la prime d'ancienneté ne faisait l'objet d'aucune contestation, quand l'employeur contestait pourtant son montant dès lors qu'il en contestait l'existence, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de ce dernier et partant a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

6°) ALORS QUE les juges sont tenus de motiver leur décision ; qu'en affirmant péremptoirement que le salarié bénéficiait d'une prime d'ancienneté de 426,74 euros mensuels, sans à aucun moment motiver sa décision, quand pourtant l'existence d'une telle prime, dont la preuve incombait au salarié, était contestée par l'employeur, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-25026
Date de la décision : 23/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 27 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 sep. 2020, pourvoi n°18-25026


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Jean-Philippe Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.25026
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