La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/09/2020 | FRANCE | N°18-21351

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 septembre 2020, 18-21351


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 septembre 2020

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 464 F-D

Pourvoi n° E 18-21.351

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 SEPTEMBRE 2020

1°/ M. T.

.. R..., domicilié [...] ,

2°/ M. S... R..., domicilié [...] ,

ont formé le pourvoi n° E 18-21.351 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2018 par la co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 septembre 2020

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 464 F-D

Pourvoi n° E 18-21.351

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 SEPTEMBRE 2020

1°/ M. T... R..., domicilié [...] ,

2°/ M. S... R..., domicilié [...] ,

ont formé le pourvoi n° E 18-21.351 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2018 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige les opposant à la société BRMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. E... B..., pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Automobiles Car Delivery, défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. T... et S... R..., de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société BRMJ, en qualité de liquidateur de la société Automobiles Car Delivery, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 14 juin 2018), la SARL Automobiles Car Delivery, dont M. S... R... était le gérant de droit à compter du 8 février 2013 et M. T... R... le gérant de fait, a été mise en liquidation judiciaire le 28 janvier 2015, M. B... étant désigné liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

3. MM. R... font grief à l'arrêt de prononcer leur faillite personnelle pour une durée de deux ans, alors que : « peut encourir la faillite personnelle, le dirigeant contre lequel a été relevé le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ; qu'en l'espèce, pour prononcer la faillite personnelle de MM. R... pour une durée de deux ans, la cour d'appel a retenu, d'une part, qu'au-delà du seul problème de la contribution aux charges fiscales, la dissimulation fiscale induit dans ce domaine de vente de véhicules d'occasion un mécanisme particulièrement anormal en termes de concurrence pour les autres acteurs de ce même marché et, d'autre part, que les exigences de la morale commerciale, de la probité comptable et fiscale sont gravement en cause, même si on fait abstraction d'éléments de contexte douteux mal éclaircis, et si on s'en tient aux seules constatations objectives, et multiples du contrôle fiscal, des informations internes tirées de la comptabilité connue de l'entreprise et également du registre ; qu'en se déterminant par ces seuls motifs, impropres à caractériser une absence de tenue de comptabilité ou l'existence d'une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 653-5, 6° du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt retient, tant par motifs propres qu'adoptés, que le registre des ventes de véhicules n'était pas tenu correctement, que des opérations de vente et achat étaient comptabilisées sans aucune cohérence avec ce registre, s'agissant aussi bien des prix indiqués que des fournisseurs ou acheteurs mentionnés, et que manquaient de nombreuses pièces justificatives, dont au moins dix-huit factures d'achat de véhicules à l'étranger pourtant enregistrées en comptabilité. Ayant ainsi fait ressortir, sans se déterminer par les seuls motifs reproduits par le moyen, le caractère fictif, manifestement incomplet ou irrégulier de la comptabilité, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de prononcer la faillite personnelle.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. S... et T... R... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par MM. S... et T... R... et les condamne à payer à la société BRMJ, en qualité de liquidateur de la société Automobiles Car Delivery, la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour MM. T... et S... R....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement MM. S... R... et T... R... à payer à Me B... ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Automobiles Car Delivery la somme de 265.788 euros en comblement d'insuffisance d'actif de la société Automobiles Car Delivery.

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « SUR LA CONDAMNATION POUR INSUFFISANCE D'ACTIF - L'article L 651 -2 du Code de Commerce énonce : " Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit au de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée. Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l'activité d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté. L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire. Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrant dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés. " Sur l'existence d'une insuffisance d'actif Il faut relever que l'existence d'une insuffisance d'actif n'est pas contestée en son principe et en son quantum, correspondant à l'état des créances définitif allégué par le juge commissaire le 20 août 2015, pour la somme totale de 293 210,24 € dont 246 205 € au titre des dettes fiscales, 2113 € à l'URSSAF, 22 081,20 € pour un prêt et 13 566,07 € de compte courant pour les de sommes dues au crédit mutuel, La société étant locataire et en considération d'un stock inexistant, sans aucun actif (ce que les consorts R... ne contestent pas) après quelques ajustements liés à des rejets très partiels de deux déclarations de créances, l'état définitif établi de l'insuffisance d'actif est arrêté le 9 octobre 2017 à 290 627,24 € . L'insuffisance d'actif est établie à hauteur de cette dernière somme. Sur l'existence de fautes de gestion ; Il convient de relever in limine que seules peuvent constituer des fautes de gestion permettant la mise en oeuvre du texte précité des actes commis antérieurement à l'ouverture de la procédure collective. Il convient de relever également que la déclaration de cessation des paiements est intervenue le 25 janvier 2015 et le tribunal de commerce a reconnu cette date comme étant la date de cessation des paiements, alors que le gérant de la société avait déclaré une date antérieure en décembre 2014, et qu'il existe aucune contestation judiciaire de cette date. Maître B... ne tire aucun argument de la date de la déclaration de cessation des paiements et n'invoque aucune faute de gestion pour tardiveté de celle-ci. Il invoque en réalité le fait que, de façon systématique, le fonctionnement de l'entreprise, en ce compris les éléments relatifs au registre propre à la vente de Véhicules, ainsi que le suivi comptable global et plus particulièrement la comptabilisation de la TVA, était gravement et volontairement défectueux. Il soutient qu'il ne s'agissait pas d'erreurs ponctuelles de mécanismes organisés qui ont été révélés et confirmés par le contrôle fiscal ; que ne payant pas la totalité de la TVA due pour les opérations commerciales réalisées, le gérant de droit et le gérant de fait ont maintenu artificiellement en vie dans leur intérêt personnel une société en réalité déficitaire. A juste titre, Maître B... indique que le classement sans suite de la plainte de Monsieur J... ne vaut pas certificat de bonne conduite des gérants d'autant que l'absence de démonstration d'une faute pénale n'empêche pas l'appelant de rappeler une faute civile. Dans le procès-verbal d'enquête sommaire, T... R... - gérant de fait- a reconnu avoir reçu la somme de 83 000 € de Monsieur J... ex-gérant de droit, et avoir encaissé le chèque sur un compte personnel dans une banque suisse, la police concluant que le compte avait été fermé en 2010-2011 sur la base de relevés faibles d'intérêts à cette date, alors qu'entendu par l'enquête ordonnée par le Procureur T... R... a reconnu cette opération effectuée en 2014. La disparition d'une mallette contenant en espèces une somme sensiblement du même montant n'a pas plus été éclaircie. Il est singulier encore de noter que le gérant ne semble pas surpris de l'apparition pendant la période de contrôle fiscal d'une facture établie au profit d'une acheteuse d'un véhicule qui porte l'en-tête les références du garage, avec l'indication de l'absence de tout paiement de TVA, ce que la cliente ne pouvait certes pas inventer. Le tribunal à juste titre a écarté sommairement la poursuite d'activité déficitaire anormale qui n'est en fait que la conséquence d'une faute de gestion en amont et de la possible réintégration de dettes fiscales sur des exercices antérieurs qui étaient en tout état de cause positifs lors de l'arrêté des comptes. Il a à tort - mais non sans raisonnement sensé - aussi considéré qu'une société portant sensiblement le même nom, constituée en juin 2014 à la veille de la synthèse du contrôle fiscal, alors que le gérant de fait de la société contrôlée en devenait le salarié apparent, constituerait par celui-ci en son action une faute de gestion de la société qu'il dirigeait de fait et qu'il abandonnait ainsi. On aurait pu en effet penser à une faute personnelle de ce dirigeant de fait, nécessairement connue de son fils dirigeant de droit et qui l'aurait fautivement laissé faire. Mais cette faute ne sera pas retenue, pour des raisons de preuve, par la cour. Il faut fondamentalement enfin, relever qu'il est désormais acquis - aucune contestation n'ayant été formulée à l'encontre du contrôle fiscal et de ses résultats - que la société ne respectait pas les règles en matière de comptabilité de TVA. Plus gravement, et notamment avec la disparition du registre des ventes de la société qui a été reconstitué à une date incertaine, il apparaît que toute la comptabilité n'est pas crédible et n'est pas en cohérence avec le registre même reconstitué en des circonstances plus que suspectes. À juste titre Maître B... souligne l'identité constante de l'auteur des mentions sur ce registre, caractéristiques d'un document fait dans un seul espace bref de temps. Il a été remis à la cour le dernier registre, les éléments de la comptabilité de l'entreprise avec Grand Livre général et l'ensemble des factures connues. On constate parmi de multiples incohérences que le vendeur d'un véhicule au garage est parfois le garage lui-même, ce qui n'a bien sûr aucun sens puisque le registre a vocation à tracer l'origine d'un véhicule. On voit entre multiples anomalies aussi au 20 avril 2013 un véhicule de grand prix " MÀSERATI " (17 000 kms) avec le renvoi pour l'identification " Voir comptable", sans indication de prix, l'acheteur étant le garage lui-même pour un prix indéterminé et un sort indéterminé ultérieur du véhicule . Ainsi au registre au numéro d'ordre de 267 on voit un véhicule BMW X6 de 6150 kms immatriculé le 15 mars 2013 avec une commission " chèque virement " de 3590 € pour une vente " A..." (dates d'entrée et de sortie identiques le 3 novembre 2013), avec pour vendeur PLAZA AUTOMOBILE à Montpellier. Dans la comptabilité on voit apparaître dans le compte fournisseur PLAZA AUTOMOBILES différents paiements pour ce véhicule, puis le paiement du solde, à mettre en relation avec la facture 222 du 11 décembre 2013 ( BMW X6 immatriculée le 15 mars 2013 pour 55599.99 € dont 9111.70 € de TVA), l'acheteur étant M... A.... La transcription comptable et sur le registre pour une telle somme et un tel montant de TVA de l'opération est ainsi bien déficiente. A propos du registre Les intimés rappellent eux même à toutes fins les obligation légales, articles R 321-3 Code Pénal et suivants du Code pénal R 321-3 " Le registre d'objets mobiliers prévu au premier alinéa de l'article 321-7 comporte : 1° Les nom, prénoms, qualité et domicile de chaque personne qui a vendu, apporté à l'échange ou remis en dépôt en vue de la vente un ou plusieurs objets, ainsi que la nature, le numéro et la date de délivrance de la pièce d'identité produite par la personne physique qui a réalisé la vente, l'échange ou le dépôt, avec l'indication de l'autorité qui l'a établie ; 2° Lorsqu'il s'agit d'une personne morale, la dénomination et le siège de celle-ci ainsi que les nom, prénoms, qualité et domicile du représentant de la personne morale qui a effectué l'opération pour son compte, avec les références de la pièce d'identité produite ; 3° La nature, la provenance et la description des objets acquis ou détenus en vue de la vente ou de l'échange. La description de chaque objet comprend ses caractéristiques ainsi que les noms, signatures, monogrammes, lettres, chiffres, numéros de série, emblèmes et signes de toute nature apposés sur lui et qui servent à l'identifier. Toutefois, les objets dont la valeur unitaire n'excède pas un montant fixé par un arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre de l'intérieur et du ministre chargé du commerce et qui ne présentent pas un intérêt artistique ou historique peuvent être regroupés et faire l'objet d'une mention et d'une description communes sur le registre," R 321-5 Le registre comporte également : 1.1° Le prix d'achat et le mode de règlement de chaque objet ou lot d'objets ou, en cas d'échange, d'acquisition à titre gratuit ou de dépôt en vue de la vente, une estimation de la valeur vénale de chaque objet ou lot d'objets ; 2° Le cas échéant, l'indication de la mesure de protection de l'objet mobilier en application des dispositions du code du patrimoine, lorsqu'il en est donné connaissance au revendeur d'objets mobiliers. Article R 321-6 1. Les mentions figurant sur le registre sont inscrites à l'encre indélébile, sans blanc, rature ni abréviation. Le registre est coté et paraphé par le commissaire de police ou, à défaut, par le maire de la commune où est situé l'établissement ouvert au public. (...) Le registre est conservé pendant un délai de cinq ans à compter de sa date de clôture. " Il résulte des règles applicables en la matière notamment que le précédent registre aurait dû être conservé en tout état de cause, que les indications des prix d'achat et de vente devraient être mentionnés et que les gérants de droit et de fait se sont en définitive exemptés de la plupart de leurs obligations essentielles en la matière. Il faut au regard des obligations fiscales et comptables rappeler que pour le contrôleur « l'examen de la comptabilité des comptes bancaires montre qu'en réalité l'entreprise continue de régler aux fournisseurs le prix d'achat des véhicules et encaisser l'intégralité du prix de vente des véhicules auprès de ses clients » pour un total de 2 491 653 € sur la période vérifiée; il s'agit donc bien d'un mandataire opaque et non transparent. Le contrôleur fiscal a constaté que la société était dans la possibilité de produire des factures fournisseurs, ou les copiés du certificat d'immatriculation des précédents propriétaires, ou les "certificats d'acquisition des véhicules terrestres à moteur"; qu'il y avait utilisation abusive du régime de la marge par les fournisseurs intermédiaires; qu'il manquait pas moins de 18 factures d'achat de véhicules en provenance de l'étranger et pourtant passées en comptabilité. Le document de synthèse de la fin du contrôle fiscal retient une majoration de 40 % des sanctions fiscales pour manquement délibéré, l'intéressé ayant nécessairement eu connaissance des faits ou des situations qui motivent les rectifications. Il souligne l'ampleur du contrôle car pour 103 mandats de vente 42 font l'objet d'une rectification pour un chiffre d'affaires non déclarées à la TVA sur la période vérifiée de 885 989 €, pour un chiffre d'affaires hors taxes déclaré à la TVA dans la même péri ode de 349 386 €, soit 253 % du chiffre d'affaires déclaré. Le même document énonce : « enfin, de nombreuses omissions et/ ou irrégularités dans la comptabilité de la société ont été décelées au cours des opérations de vérification (çf « examen critique de la comptabilité ») rendant la comptabilité présentée non probante. » « La nature et la répétition du procédé sur l'ensemble de la période vérifiée ainsi que l'importance des insuffisances constatées constitue des éléments matériels caractéristiques d'un manquement délibéré » (...)" Enfin, à la demande d'information adressée aux clients de la société, un grand nombre d'entre eux ont répondu que le véhicule, les clés, le certificat d'immatriculation étranger et la facture ont été remis sur le lieu d'exploitation de la société aux Angles par Monsieur R... T.... Monsieur R... ne pouvait donc pas ignorer à la vue de ces documents que le régime de la marge pouvait pas être systématiquement applicables. (...) « Ce comportement est donc particulièrement caractéristique d'un manquement délibéré » En définitive le redressement opéré porte sur 175 861 €, les intérêts de retard pour 10 724 €, les majorations et amendes pour 79 204 soit un total de 265 788 €. Il suffit donc pour caractériser en l'espèce la faute de gestion du gérant de droit et du gérant de fait mis en causé qu'ils ont, en connaissance de cause, nécessairement tant en qualité de professionnels qu'en l'état de la multiplicité des opérations effectuées pour masquer la réalité de leur activité, non respecté leurs obligations au regard du registre des véhicules occasion et leurs obligations fiscales. Cette situation contribue à aggraver l'insuffisance d'actif par le paiement par la société d'une somme très importante à titre de rappel de TVA, pénalités et majorations pour fraude fiscale. Pour la période des dettes considérées le fils gérant est en exercice des lors qu'il prend ses fonctions le 8 février 2013 et en exercice lors de la fixation avec la comptabilité 2012 du récapitulatif annuel 2012 pour la TVA. Il est surabondant que cela leur ait permis de poursuivre l'activité déficitaire manifeste ou leurs manoeuvres pour la poursuite d'une activité sous le couvert d'une autre société, où l'existence d'opérations suspectes parallèles de vente ou de finances. Le tribunal a déjà et a juste titre retenu en son principe qu'il s'agissait d'un comportement fautif tant du gérant de droit que du gérant de fait, la persistance d'un comportement à l'évidence anormal pour un professionnel et l'ensemble des errements comptables ou de registre, excluant l'hypothèse d'une simple erreur ou négligence. Sur la sanction des dirigeants pour insuffisance d'actif Il convient d'entrer en voie de condamnation de confirmer en son principe le jugement de première instance à l'encontre du gérant de droit et du gérant de fait. À juste titre Maître B... fait valoir qu'il existe aucune considération pour limiter le quantum de la condamnation au comblement de l'insuffisance d'actif au montant du redressement de TVA, et il y a lieu de faire droit partiellement sa prétention en la portant non à la totalité de l'insuffisance d'actif mais à la totalité du redressement fiscal. En effet, en l'état du dossier, seule cette somme apparaît en relation certaine et directe avec une faute de gestion imputable indifféremment tant au gérant de droit qu'au gérant de fait, qui doivent être solidaires dans la sanction comme ils l'étaient dans la faute. La condamnation sera donc confirmée en son principe mais interviendra donc à hauteur de 265 788 € » ;

ALORS en premier lieu QUE la condamnation solidaire de plusieurs dirigeants d'une personne morale au paiement des dettes sociales est une décision devant être spécialement motivée ; qu'en l'espèce, pour condamner solidairement MM. S... R... et T... R... à payer à Me B... ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Automobiles Car Delivery la somme de 265.788 euros en comblement d'insuffisance d'actif de la société Automobiles Car Delivery, la cour d'appel a retenu que cette somme apparaît en relation certaine et directe avec une faute de gestion imputable indifféremment tant au gérant de droit qu'au gérant de fait, qui doivent être solidaires dans la sanction comme ils l'étaient dans la faute ; qu'en se déterminant ainsi par une motivation insuffisante à justifier la condamnation solidaire de MM. S... R... et T... R..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 652-1 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 ;

ALORS en second lieu QUE la condamnation solidaire de plusieurs dirigeants d'une personne morale au paiement des dettes sociales est une décision devant être spécialement motivée ; qu'en l'espèce, pour condamner solidairement MM. S... R... et T... R... à payer à Me B... ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Automobiles Car Delivery la somme de 265.788 euros en comblement d'insuffisance d'actif de la société Automobiles Car Delivery, la cour d'appel a retenu que pour la période des dettes considérées le fils gérant est en exercice dès lors qu'il prend ses fonctions le 8 février 2013 et en exercice lors de la fixation avec la comptabilité 2012 du récapitulatif annuel 2012 pour la TVA ; qu'en se déterminant ainsi, par une motivation insuffisante à justifier la condamnation solidaire de MM. S... R... et T... R... au comblement de la totalité de l'insuffisance d'actif, qui s'est constituée en 2011 et 2012, antérieurement à la prise de fonction du premier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 652-1 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à celle issue de loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la faillite personnelle de MM. S... R... et T... R... pour une durée de deux ans.

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, «II - SUR LA FAILLITE PERSONNELLE - Les textes applicables L'article L 653-5 du Code de Commerce dispose : " Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après : (...) 6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables : (...) " L'article L 653-1 du Code de Commerce ainsi cité énonce : I. - Lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du présent chapitre sont applicables ; 1° Aux personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, aux agriculteurs et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire pu dont le titre est protégé ; 2° Aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ; (
) " L'article L 653-2 du Code de Commerce dispose : "La faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale." L'article L 653 - 8 du Code de Commerce dispose - en sa version alors applicable - : " Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou .contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci. L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22. Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation." L'article L 653 -11 du Code de Commerce dispose : " Lorsque le tribunal prononce la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L, 653-8, il fixe la durée de la mesure, qui ne peut être supérieure à quinze ans. Il peut ordonner l'exécution provisoire de sa décision. Les déchéances, les interdictions et l'incapacité d'exercer une fonction publique élective cessent de plein droit au terme fixé, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'un jugement. (...) " Au regard des principes ci-dessus rappelés, le gérant de droit et le gérant de fait peuvent pareillement être concernés et semblablement condamnés. Il faut souligner dans l'appréciation de l'opportunité de la sanction l'ampleur de la dissimulation fiscale qui au-delà du seul problème de la contribution aux charges fiscales, induit dans ce domaine de vente de véhicules d'occasion un mécanisme particulièrement anormal en termes de concurrence pour les autres acteurs de ce même marché. Par ailleurs les exigences de la morale commerciale, de la probité comptable et fiscale sont gravement en cause, même si on fait abstraction d'éléments de contexte douteux mal éclaircis, et si on s'en tient aux seules constatations objectives, et multiples du contrôle fiscal, des informations internes tirées de la comptabilité connue de l'entreprise et également du registre. Il y a lieu en conséquence d'entrer en voie de condamnation en prononçant à l'encontre du gérant de droit et de fait , pour comptabilité irrégulière, la sanction de faillite personnelle selon l'article L 653-2 du Code de Commerce pour une durée de deux ans » ;

ALORS QUE peut encourir la faillite personnelle, le dirigeant contre lequel a été relevé le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ; qu'en l'espère, pour prononcer la faillite personnelle de MM. S... R... et T... R... pur une durée de deux ans, la cour d'appel a retenu, d'une part, qu'au-delà du seul problème de la contribution aux charges fiscales, la dissimulation fiscale induit dans ce domaine de vente de véhicules d'occasion un mécanisme particulièrement anormal en termes de concurrence pour les autres acteurs de ce même marché et, d'autre part, que les exigences de la morale commerciale, de la probité comptable et fiscale sont gravement en cause, même si on fait abstraction d'éléments de contexte douteux mal éclaircis, et si on s'en tient aux seules constatations objectives, et multiples du contrôle fiscal, des informations internes tirées de la comptabilité connue de l'entreprise et également du registre ; qu'en se déterminant par ces seuls motifs, impropres à caractériser une absence de tenue de comptabilité ou l'existence d'une une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 653-5, 6° du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-21351
Date de la décision : 23/09/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 14 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 sep. 2020, pourvoi n°18-21351


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.21351
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award