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17/09/2020 | FRANCE | N°19-21713

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 septembre 2020, 19-21713


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 septembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 601 F-D

Pourvoi n° U 19-21.713

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020

La société Gesbac, société civile immobilière, dont le sièg

e est [...] , a formé le pourvoi n° U 19-21.713 contre l'arrêt rendu le 10 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le liti...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 septembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 601 F-D

Pourvoi n° U 19-21.713

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020

La société Gesbac, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 19-21.713 contre l'arrêt rendu le 10 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société B. Home, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Provost-Lopin, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Gesbac, de la SCP Gaschignard, avocat de la société B. Home, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Provost-Lopin, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 avril 2019), le 31 juillet 2003, la société civile immobilière Vincennes Revert, aux droits de laquelle se trouve la société civile immobilière Gesbac, a consenti le renouvellement d'un bail commercial à M. et Mme S..., qui, le 3 novembre 2008, ont cédé leur fonds de commerce à la société B Home.

2. Le 16 mars 2011, la société civile immobilière Gesbac a donné congé à la société B Home avec offre de renouvellement au 30 septembre 2011, moyennant la fixation d'un loyer déplafonné.

3. Le 24 mars 2011, la société B Home a accepté le principe du renouvellement, mais s'est opposée à la fixation du loyer au-delà de l'évolution des indices INSEE du coût de la construction.

4. La société civile immobilière Gesbac a assigné la société B Home en fixation d'un loyer déplafonné.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société civile immobilière Gesbac fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de déplafonnement du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2011, alors :

« 1°/ qu'en l'absence de clause d'accession, les travaux d'amélioration financés par le preneur deviennent, par l'effet de l'accession, la propriété du bailleur lors du premier renouvellement qui suit leur réalisation et se valorisent à l'occasion du second renouvellement suivant leur exécution, étant alors susceptibles, d'entraîner un déplafonnement du loyer ; qu'il résulte des termes clairs et précis du contrat de bail que la clause d'accession prévue au numéro 5°) ne concerne que les travaux effectués par le locataire sur les gros murs ; qu'en décidant toutefois que la clause d'accession s'appliquait à l'ensemble des travaux effectués par le preneur, la cour d'appel a méconnu la loi des parties et les dispositions de l'article 1103 du code civil ;

2°/ que le bail renouvelé est un nouveau bail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'une clause du bail permettait au bailleur, à la « fin du bail », l'accession des travaux effectués par le preneur, sauf pour le bailleur à préférer y renoncer pour être en mesure d'exiger, à l'issue des relations contractuelles, la remise des lieux dans leur état primitif ; qu'en refusant au bailleur d'exercer cette faculté et de pouvoir bénéficier lors d'un second renouvellement de la prise en considération des modifications intervenues dans les lieux loués pour la fixation du prix du loyer en renonçant en conséquence à demander en fin de jouissance la remise en état des lieux, au motif inexact qu'un tel choix ne pourrait se faire qu'à la fin de la relation contractuelle, la cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis du contrat et a violé les dispositions de l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a relevé que les travaux effectués au cours du bail expiré par le locataire, à l'exception de ceux relatifs à la mise en conformité des locaux et à la réfection d'un plancher vétuste relevant de l'obligation de délivrance du bailleur, avaient tout à la fois modifié notablement les caractéristiques des locaux et amélioré l'utilisation commerciale du fonds de commerce, de sorte que le régime des améliorations devait prévaloir sur celui des modifications.

7. Elle a constaté qu'aux termes du bail, le preneur avait obligation « de laisser, à la fin du bail, ces modifications ou améliorations au bailleur sans indemnité, à moins que celui-ci ne préfère le rétablissement des lieux loués dans leur état primitif ».

8. Elle a retenu, par une interprétation souveraine de la commune intention des parties, que la clause d'accession s'appliquait à l'ensemble des travaux effectués par le preneur et que, le renouvellement du bail étant incompatible avec la remise des lieux dans leur état primitif, la clause d'accession ne pouvait jouer qu'à la fin des relations contractuelles.

9. Elle a pu en déduire que la société bailleresse ne pouvait se prévaloir des travaux effectués par la société locataire au cours du bail expiré pour obtenir le déplafonnement du loyer du bail renouvelé.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. La société civile immobilière Gesbac fait le même grief à l'arrêt, alors « que le bailleur qui a participé aux travaux d'amélioration en les prenant en charge, au moins en partie, est en droit de réclamer le déplafonnement du loyer lors du premier renouvellement ; que constitue une telle participation les travaux effectués par le bailleur, qui incombaient, en vertu du contrat de bail, au preneur ; qu'en l'espèce, aux termes du numéro 1°) du contrat de bail, le preneur s'est engagé à « prendre les lieux loués dans l'état où il se trouvent actuellement, le preneur ne pouvant réclamer au bailleur aucune réparation, ni mise en état, de quelque nature qu'elle soit, pendant toute la durée du bail », seuls les travaux de « réfection des couvertures du bâtiment central » restant à la charge du bailleur, « tous les autres prévus par l'article 606 tant pour les murs, clôtures que pour les bâtiments annexés, y compris même la reconstruction de ces murs et locaux restant à la charge du preneur. » ; qu'il en résulte que les travaux de mise en conformité avec la législation en matière d'hygiène, de sécurité et d'incendie chambres froides, issues de secours, remise aux normes de l'électricité, désamiantage, flocage, ainsi que les travaux de réfection du plancher situé entre le rez-de-chaussée et le premier étage et les frais d'architecte, étaient à la charge exclusive du locataire ; qu'en décidant au contraire que ces travaux incombaient au bailleur, qui ne pouvait en conséquence pas demander, malgré sa participation aux travaux, un déplafonnement du loyer à l'occasion du premier renouvellement, la cour d'appel a méconnu la loi des parties et les dispositions de l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel a retenu qu'en l'absence de clause expresse, les travaux de mise aux normes de sécurité et ceux relatifs à la réfection d'un plancher vétuste relevaient de l'obligation de délivrance et étaient à la charge du bailleur.

13. Elle a pu en déduire qu'en dépit de la participation financière du bailleur, ces travaux ne pouvaient justifier le déplafonnement du loyer lors du premier renouvellement.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Gesbac aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gesbac et la condamne à payer à la société B Home la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Gesbac

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la SCI Gesbac de sa demande de déplafonnement du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2011 et d'AVOIR fixé à la somme de 36.500 euros par an hors taxes et hors charges le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2011 ;

AUX MOTIFS QUE « Enfin, la cour relève que le bail comporte les dispositions suivantes :
« De ne pouvoir toucher aux gros murs qu'avec l'autorisation expresse et par écrit du bailleur, et sous la direction et la surveillance de son architecte, dont les honoraires seront payés par le preneur.
De laisser à la fin du bail ces modifications ou améliorations au bailleur sans indemnité, à moins que celui-ci ne préfère le rétablissement des lieux loués dans leur état primitif. »
Lorsque le bailleur dispose comme en l'espèce d'une option lui permettant de demander la remise des lieux dans leur état primitif, l'accession ne joue qu'au départ du locataire, à la fin des relations contractuelles, puisque ce n'est pas à l'occasion d'un renouvellement que les locaux doivent être remis dans leur état d'origine.
Il s'ensuit que les travaux effectués par la locataire portant modification des locaux, comprenant la suppression de piliers porteurs, de parties de murs porteurs, et /ou améliorations ne sont en tout état de cause pas susceptibles d'entraîner le déplafonnement du bail puisqu'ils ne peuvent devenir la propriété de la bailleresse qu'à la fin des relations contractuelles entre les parties et non en cas de renouvellement du bail.
Par conséquent la SCI GESBAC sera déboutée de sa demande de voir déplafonner le loyer en raison des travaux effectués dans les locaux donnés à bail à la société B HOME. » ;

1°) ALORS QU' en l'absence de clause d'accession, les travaux d'amélioration financés par le preneur deviennent, par l'effet de l'accession, la propriété du bailleur lors du premier renouvellement qui suit leur réalisation et se valorisent à l'occasion du second renouvellement suivant leur exécution, étant alors susceptibles, d'entraîner un déplafonnement du loyer ; qu'il résulte des termes clairs et précis du contrat de bail que la clause d'accession prévue au numéro 5°) ne concerne que les travaux effectués par le locataire sur les gros murs ; qu'en décidant toutefois que la clause d'accession s'appliquait à l'ensemble des travaux effectués par le preneur, la Cour d'appel a méconnu la loi des parties et les dispositions de l'article 1103 du Code civil ;

2°) ALORS QU' en tout état de cause, le bail renouvelé est un nouveau bail ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté qu'une clause du bail permettait au bailleur, à la « fin du bail », l'accession des travaux effectués par le preneur, sauf pour le bailleur à préférer y renoncer pour être en mesure d'exiger, à l'issue des relations contractuelles, la remise des lieux dans leur état primitif ; qu'en refusant au bailleur d'exercer cette faculté et de pouvoir bénéficier lors d'un second renouvellement de la prise en considération des modifications intervenues dans les lieux loués pour la fixation du prix du loyer en renonçant en conséquence à demander en fin de jouissance la remise en état des lieux, au motif inexact qu'un tel choix ne pourrait se faire qu'à la fin de la relation contractuelle, la Cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis du contrat et a violé les dispositions de l'article 1103 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la SCI Gesbac de sa demande de déplafonnement du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2011 et d'AVOIR fixé à la somme de 36.500 euros par an hors taxes et hors charges le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2011 ;

AUX MOTIFS QUE «Contrairement à ce que prétend la société B HOME, il ne s'agit pas de travaux d'adaptation à l'activité exercée dans les locaux conformément à la destination contractuelle alors que le fonds de commerce était précédemment déjà exploité à usage de restaurant. En revanche certains travaux relèvent de la mise en conformité avec la législation en matière d'hygiène, de sécurité et d'incendie (chambres froides, issues de secours, remise aux nonnes de l'électricité, désamiantage) de sorte qu'ils ne peuvent donner lieu à déplafonnement. Il s'ensuit que le fait que le bailleur ait participé financièrement à une partie des travaux portant sur les issues de secours, le désamiantage et le déflocage (pour la somme de 10 830 euros) ne peut être considéré comme une participation indirecte au financement des travaux susceptible d'entraîner, si les travaux étaient qualifiés d'amélioration, un déplafonnement lors du 1er renouvellement même si la création de deux issues de secours était le cas échéant liée à l'agrandissement des locaux. » ;
[
] ;
« La bailleresse a assumé pour un montant de 36.612 euros la charge des travaux de réfection du plancher entre le rez-dechaussée et le 1er étage, travaux réalisés par la copropriété.

Le bail du 31 juillet 2003 met à la charge de la locataire les travaux dépendant de l'article 606 du code civil (sauf la réfection des couvertures du bâtiment central) mais il ne transfère pas, sur la locataire les travaux issus de la vétusté.
Il résulte du rapport technique du bureau d'études mandaté par la copropriété portant sur le plancher haut du restaurant que certaines solives sont vermoulues ; qu'une poutre présente des fers plats en plateaux rouillés ou inexistants ; que les poutres de reprise de la façade doivent être changées et sont en partie attaquées par les xylophages. Si le rapport indique que les solives situées sur la zone de la cuisine ne sont pas suffisantes pour reprendre les surcharges d'exploitation, il est précisé que leur mauvais état ne permet pas de les renforcer. Il s'ensuit qu'il ne peut être imputé à la société B HOME la nécessité de la réfection du plancher haut dont le mauvais état résulte de sa vétusté.
Dans ces conditions la prise en charge des travaux du plancher haut relève de l'obligation de délivrance de la bailleresse en raison de sa vétusté et ne saurait constituer un financement des travaux de la locataire ouvrant droit au déplafonnement lors du 1er renouvellement. » ;

ALORS QUE le bailleur qui a participé aux travaux d'amélioration en les prenant en charge, au moins en partie, est en droit de réclamer le déplafonnement du loyer lors du premier renouvellement ; que constitue une telle participation les travaux effectués par le bailleur, qui incombaient, en vertu du contrat de bail, au preneur ; qu'en l'espèce, aux termes du numéro 1°) du contrat de bail, le preneur s'est engagé à « prendre les lieux loués dans l'état où il se trouvent actuellement, le preneur ne pouvant réclamer au bailleur aucune réparation, ni mise en état, de quelque nature qu'elle soit, pendant toute la durée du bail », seuls les travaux de « réfection des couvertures du bâtiment central » restant à la charge du bailleur, « tous les autres prévus par l'article 606 tant pour les murs, clôtures que pour les bâtiments annexés, y compris même la reconstruction de ces murs et locaux restant à la charge du preneur.» ; qu'il en résulte que les travaux de mises en conformité avec la législation en matière d'hygiène, de sécurité et d'incendie chambres froides, issues de secours, remise aux normes de l'électricité, désamiantage, flocage, ainsi que les travaux de réfection du plancher situé entre le rez-de-chaussée et le 1er étage et les frais d'architecte, étaient à la charge exclusive du locataire ; qu'en décidant au contraire que ces travaux incombaient au bailleur, qui ne pouvait en conséquence pas demander, malgré sa participation aux travaux, un déplafonnement du loyer à l'occasion du premier renouvellement, la Cour d'appel a méconnu la loi des parties et les dispositions de l'article 1103 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-21713
Date de la décision : 17/09/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 17 sep. 2020, pourvoi n°19-21713


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.21713
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