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17/09/2020 | FRANCE | N°19-17729

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 septembre 2020, 19-17729


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 septembre 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 607 F-D

Pourvoi n° P 19-17.729

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020

Mme C... I..., veuve JA..., domiciliée [...] , a formé le p

ourvoi n° P 19-17.729 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 septembre 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 607 F-D

Pourvoi n° P 19-17.729

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020

Mme C... I..., veuve JA..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° P 19-17.729 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme N... M..., épouse T..., domiciliée [...] ,

2°/ à la société La ferme de Préaux, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,

3°/ à M. K... P..., domicilié [...] ,

4°/ à Mme V... P..., épouse Y..., domiciliée [...] ,

5°/ à Mme VP... P..., domiciliée [...] ,

6°/ à M. KF... P..., domicilié [...] ,

tous quatre pris en qualité d'ayants-droit de J... Q..., épouse P..., décédée,

défendeurs à la cassation.

Mme T... a formé un pourvoi incident dirigé contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l"appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de Mme I... veuve JA..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société La ferme de Préaux, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme M... épouse T..., de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat des consorts P..., après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 mars 2019), la SCI la Ferme de Préaux (la SCI), propriétaire des parcelles cadastrées [...] , [...] et [...] acquises de J... Q... en 2008, a assigné en dénégation de servitude Mmes I... et M... T..., respectivement usufruitière et nue-propriétaire d'un terrain agricole cadastré [...] , ainsi que sa venderesse, aux droits de laquelle se trouvent les consorts P..., sur le fondement de la garantie des vices cachés et de l'obligation de délivrance.

2. Mmes I... et M... T... ont reconventionnellement revendiqué une servitude de passage pour cause d'enclave. Examen des moyens

Enoncé des moyens

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal et sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche, du pourvoi incident, réunis

3. Mmes I... et M... T... font grief à l'arrêt de juger que la parcelle [...] n'est pas enclavée, alors « que l'existence d'une tolérance de passage ne peut être établie contre la volonté d'un propriétaire d'une parcelle traversée, lequel en outre peut en mettre fin à une tolérance à tout moment l'eût-il accordée ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la parcelle cadastrée [...] sans accès la voie publique ne serait pas enclavée puisqu'elle bénéficierait d'une tolérance de passage sur les parcelles [...], [...], [...], [...], [...] et [...] ; que la cour d'appel a fondé sa décision sur les deux rapports établis en 2011 constatant à cette date l'existence de traces de passage selon ce tracé ; que cependant ainsi que le relève la cour d'appel, l'exposante a produit au débat une attestation de M. L..., propriétaire de la parcelle [...], datant de 2013 et ainsi postérieure aux rapports d'huissier de 2011, par lequel il affirmait refuser d'accorder un quelconque droit de passage sur sa parcelle aux propriétaires de la parcelle cadastrée [...] ; qu'en estimant cependant que la parcelle [...] n'était pas enclavée puisqu'elle bénéficiait d'une tolérance de passage traversant en particulier la parcelle [...] , la cour d'appel a violé l'article 682 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 682 du code civil :

4. Il résulte de ce texte que le fonds qui bénéficie d'une tolérance de passage permettant un libre accès à la voie publique pour les besoins de son exploitation n'est pas enclavé tant que cette tolérance est maintenue.

5. Pour juger que la parcelle litigieuse n'est pas enclavée, l'arrêt retient que
la SCI consentait à laisser passer les engins agricoles par la parcelle [...] dont elle est propriétaire pour accéder à la parcelle [...] et que cet accès se prolongeait par un passage s'exerçant, fût-ce à titre de tolérance, par la parcelle [...] , propriété de M. L..., comme le démontraient les traces de passage laissées sur le terrain.

6. En statuant ainsi, après avoir constaté que, dans une attestation versée aux débats, M. L... affirmait qu'il n'existait aucune servitude de passage ni droit de circuler sur son terrain, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société La Ferme de Préaux et les consorts P... aux dépens des pourvois ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour Mme I..., veuve JA... (demanderesse au pourvoi principal).

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la parcelle sise à [...] (Seine et Marne) cadastrée A [...] n'était pas enclavée, d'avoir débouté Mme I... veuve M... et Mme T... de toutes leurs demandes et d'avoir ordonné la restitution à la SCI La Ferme de Préaux de la somme de 300 € versée par celle-ci en exécution de l'arrêt de référé ;

Aux motifs que « pour dire enclavée la parcelle [...] , le jugement entrepris retient que le plan cadastral ne montre aucun accès à la voie publique et que, bien que cette parcelle provienne de la division de la parcelle [...], en 1894, l'accès à la voie publique de la parcelle [...] par les parcelles [...] et [...] est trop étroit pour les besoins de 1'exploitation agricole des consorts M... T..., ce qui justifie que le passage soit pris sur la-parcelle [...] ; que le tribunal a également considéré qu'il était prouvé que les engins agricoles utilisés pour l'exploitation de la parcelle [...] passaient depuis plus de trente ans par les parcelles [...] et [...], la prescription des auteurs des époux M... s'ajoutant à la leur ; que toutefois, en droit, n'est pas enclavé le fonds qui bénéficie d'une tolérance de passage lui permettant un libre accès à la voie publique pour les besoins de son exploitation tant que cette tolérance est maintenue ; qu'en outre, il ne peut être obtenu de servitude de passage d'une largeur excédant manifestement la largeur de la voie publique pour y accéder ; qu'alors que les consorts M... T... affirment avoir besoin d'un passage de plus de 10 mètres de large pour le passage d'engins de type moissonneuse, la SCI La Ferme de Préaux soutient que les engins agricoles n'ont jamais emprunté le passage revendiqué au travers de sa parcelle [...] ; qu'alors qu'il est constant que la parcelle [...] est cultivée, les constats d'huissiers produits par la SCI La Ferme de Préaux révèlent par des traces sur le sol l'existence du passage d'engins agricoles selon un trajet différent de celui revendiqué à titre de servitude ; qu'en effet, par un premier constat du 26 avril 2011, il est démontré que la largeur de la rue de Préaux, peu après l'entrée du 17 à hauteur de l'ancienne mare et pratiquement à hauteur du début de la parcelle [...] mesure 5,18 mètres de largeur ; qu'à hauteur du n° 2 de la même rue, l'huissier indique que la rue fait 5.37 mètres de largeur ; que ces mesures ne permettent donc pas de retenir la nécessité de ménager une servitude de 11 mètres de largeur sur la parcelle [...] , à partir de la rue de Préaux, pour les besoins de l'exploitation de la parcelle [...] ; que ce même constat révèle que la parcelle [...] a été traversée par un engin agricole et que cette marque est visible sur la parcelle [...] et, au-delà sur la parcelle [...] ; qu'un second constat d'huissier du 14 septembre 2011 établit l'existence d'un trajet pour différents engins agricoles, en périphérie de la parcelle [...] , commençant derrière le hangar implanté sur cette parcelle, contournant également la parcelle [...] et en retour des parcelles [...] , [...], [...], [...] et [...] ; qu'il est prouvé également par la pièce n° 18 de Mme T... que la parcelle [...] appartient à Mme F... B..., que la parcelle [...] appartient à M A... et Mme G... S..., que la parcelle [...] appartient aux consorts O... S...-U... X..., W... S...-E... D..., A... S...-H... S... ; qu'à la lumière de ces éléments, la cour ne peut tirer les mêmes conclusions que le tribunal des attestations produites ; que si, par une attestation du 9 avril 2013, M. L..., propriétaire de la parcelle [...] , contiguë à la parcelle [...] , affirme qu'il n'existe pas de servitude de passage sur son fonds qui n'est pas contigu aux parcelles enclavées [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...] et que la parcelle [...] supporte seule la servitude, cela est à rapprocher des constatations de l'huissier, qui établissent que le passage s'exerce pourtant sur la parcelle [...] , située derrière le hangar de la SCI, ne serait-ce qu'à titre de tolérance ; que parmi les attestations qui affirment que la famille M... T... est toujours passée sur la parcelle [...] depuis plus de trente ans pour accéder à la parcelle [...] , il résulte de ce qui précède que les attestations de R... B... et de A... S... sont également insuffisantes à établir la réalité de l'exercice du passage sur la parcelle [...] de la SCI La Ferme de Préaux ; que parmi les attestations qui, semblablement rédigées, affirment que « plusieurs exploitants agricoles ont toujours passé sur les terrains [...]... », leur imprécision conduit à les écarter (HT..., AR..., HP...) ; que, quant à l'attestation de M. HN... produite par les consorts M... T..., sa force probante est détruite par une seconde attestation du même technicien agricole qui affirme avoir écrit, en premier lieu, selon les dires de M. T... ; qu'au total, nulle attestation n'établit que le passage s'est effectivement exercé sur la parcelle [...] depuis plus de trente ans, ce qui ne permet pas de retenir que l'assiette d'un droit de passage sur la parcelle [...] serait acquise par prescription ; que le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point ; qu'il est constant qu'il est nécessaire de passer sur la parcelle [...] , propriété de la SCI La Ferme de Préaux, pour accéder à la parcelle [...] , l'état d'enclave n'est pas caractérisé pour autant dès lors que la SCI Le Ferme de Préaux, tel que l'établissent ses propres écritures, laisse passer les engins agricoles sur sa parcelle [...] ; qu'en conséquence, l'état d'enclave de la parcelle [...] n'est nullement caractérisé et le jugement entrepris sera infirmé dans toutes ses dispositions » (arrêt attaqué p. 4 à 6) ;

1°) Alors que, d'une part, le désenclavement d'un fonds n'ayant aucun accès à une voie publique du fait d'une tolérance de passage requiert la constatation de l'accord exprès du ou des propriétaires des fonds sur laquelle est censée s'exercer ladite tolérance ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la parcelle cadastrée [...] , qui n'a aucun accès à la voie publique, ne serait pas enclavée puisqu'elle bénéficierait d'une tolérance de passage sur les parcelles [...], [...], [...], [...], [...] et [...] ; que la cour d'appel a fondé sa décision sur les deux rapports d'huissier établis en 2011 relevant l'existence, à cette date, de traces de passage selon ce tracé ; que cependant, aucun motif de l'arrêt ne retient que les propriétaires des parcelles [...], [...], [...], [...] et [...] auraient manifesté leur accord pour laisser passer les exploitants de la parcelle [...] sur leur terrain, même à titre de tolérance ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du code civil ;

2°) Alors que, d'autre part, l'état d'enclave et corrélativement l'existence d'une tolérance de passage s'apprécient à la date à laquelle le juge statue ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la parcelle cadastrée [...] qui n'a aucun accès à la voie publique, ne serait pas enclavée puisqu'elle bénéficierait d'une tolérance de passage sur les parcelles [...], [...], [...], [...], [...] et [...] ; que la cour d'appel a fondé sa décision sur les deux rapports établis en 2011 relevant l'existence, à cette date, de traces de passage selon ce tracé ; que cependant, aucun motif de l'arrêt ne relève que Mmes T... et I... auraient été autorisées depuis 2011 à titre de tolérance, par les propriétaires des parcelles [...], [...], [...], [...] et [...], à circuler sur leur terrain pour rejoindre leur parcelle ni même qu'elles aient utilisé ce chemin récemment ; qu'en fondant sa décision sur des constatations datant de 2011 et sans se placer au 30 janvier 2019, date où elle statuait, pour déterminer l'état d'enclave de la parcelle cadastrée [...] , la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du code civil ;

3°) Alors que, de troisième part, l'existence d'une tolérance de passage ne peut être établie contre la volonté d'un propriétaire d'une parcelle traversée, lequel en outre peut en mettre fin à une tolérance à tout moment l'eût-il accordée ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la parcelle cadastrée [...] sans accès la voie publique ne serait pas enclavée puisqu'elle bénéficierait d'une tolérance de passage sur les parcelles [...], [...], [...], [...], [...] et [...] ; que la cour d'appel a fondé sa décision sur les deux rapports établis en 2011 constatant à cette date l'existence de traces de passage selon ce tracé ; que cependant ainsi que le relève la cour d'appel, l'exposante a produit au débat une attestation de M. L..., propriétaire de la parcelle [...], datant de 2013 et ainsi postérieure aux rapports d'huissier de 2011, par lequel il affirmait refuser d'accorder un quelconque droit de passage sur sa parcelle aux propriétaires de la parcelle cadastrée [...] ; qu'en estimant cependant que la parcelle [...] n'était pas enclavée puisqu'elle bénéficiait d'une tolérance de passage traversant en particulier la parcelle [...], la cour d'appel a violé l'article 682 du code de procédure civile ;

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour de Mme M... épouse T... (demanderesse au pourvoi incident).

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la parcelle sise à [...] (Seine et Marne) cadastrée A [...] n'était pas enclavée, d'avoir débouté Mme I... veuve M... et Mme T... de toutes leurs demandes et d'avoir ordonné la restitution à la SCI La Ferme de Préaux de la somme de 300 € versée par celle-ci en exécution de l'arrêt de référé ;

AUX MOTIFS QUE « pour dire enclavée la parcelle [...] , le jugement entrepris retient que le plan cadastral ne montre aucun accès à la voie publique et que, bien que cette parcelle provienne de la division de la parcelle [...], en 1894, l'accès à la voie publique de la parcelle [...] par les parcelles [...] et [...] est trop étroit pour les besoins de 1'exploitation agricole des consorts M... T..., ce qui justifie que le passage soit pris sur la-parcelle [...] ; que le tribunal a également considéré qu'il était prouvé que les engins agricoles utilisés pour l'exploitation de la parcelle [...] passaient depuis plus de trente ans par les parcelles [...] et [...], la prescription des auteurs des époux M... s'ajoutant à la leur ; que toutefois, en droit, n'est pas enclavé le fonds qui bénéficie d'une tolérance de passage lui permettant un libre accès à la voie publique pour les besoins de son exploitation tant que cette tolérance est maintenue ; qu'en outre, il ne peut être obtenu de servitude de passage d'une largeur excédant manifestement la largeur de la voie publique pour y accéder ; qu'alors que les consorts M... T... affirment avoir besoin d'un passage de plus de 10 mètres de large pour le passage d'engins de type moissonneuse, la SCI La Ferme de Préaux soutient que les engins agricoles n'ont jamais emprunté le passage revendiqué au travers de sa parcelle [...] ; qu'alors qu'il est constant que la parcelle [...] est cultivée, les constats d'huissiers produits par la SCI La Ferme de Préaux révèlent par des traces sur le sol l'existence du passage d'engins agricoles selon un trajet différent de celui revendiqué à titre de servitude ; qu'en effet, par un premier constat du 26 avril 2011, il est démontré que la largeur de la rue de Préaux, peu après l'entrée du 17 à hauteur de l'ancienne mare et pratiquement à hauteur du début de la parcelle [...] mesure 5,18 mètres de largeur ; qu'à hauteur du n° 2 de la même rue, l'huissier indique que la rue fait 5.37 mètres de largeur ; que ces mesures ne permettent donc pas de retenir la nécessité de ménager une servitude de 11 mètres de largeur sur la parcelle [...] , à partir de la rue de Préaux, pour les besoins de l'exploitation de la parcelle [...] ; que ce même constat révèle que la parcelle [...] a été traversée par un engin agricole et que cette marque est visible sur la parcelle [...] et, au-delà sur la parcelle [...] ; qu'un second constat d'huissier du 14 septembre 2011 établit l'existence d'un trajet pour différents engins agricoles, en périphérie de la parcelle [...] , commençant derrière le 5 hangar implanté sur cette parcelle, contournant également la parcelle [...] et en retour des parcelles [...] , [...], [...], [...] et [...] ; qu'il est prouvé également par la pièce n° 18 de Mme T... que la parcelle [...] appartient à Mme F... B..., que la parcelle [...] appartient à M A... et Mme G... S..., que la parcelle [...] appartient aux consorts O... S...-U... X..., W... S...-E... D..., A... S...-H... S... ; qu'à la lumière de ces éléments, la cour ne peut tirer les mêmes conclusions que le tribunal des attestations produites ; que si, par une attestation du 9 avril 2013, M. L..., propriétaire de la parcelle [...] , contiguë à la parcelle [...] , affirme qu'il n'existe pas de servitude de passage sur son fonds qui n'est pas contigu aux parcelles enclavées [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...] et que la parcelle [...] supporte seule la servitude, cela est à rapprocher des constatations de l'huissier, qui établissent que le passage s'exerce pourtant sur la parcelle [...] , située derrière le hangar de la SCI, ne serait-ce qu'à titre de tolérance ; que parmi les attestations qui affirment que la famille M... T... est toujours passée sur la parcelle [...] depuis plus de trente ans pour accéder à la parcelle [...] , il résulte de ce qui précède que les attestations de R... B... et de A... S... sont également insuffisantes à établir la réalité de l'exercice du passage sur la parcelle [...] de la SCI La Ferme de Préaux ; que parmi les attestations qui, semblablement rédigées, affirment que « plusieurs exploitants agricoles ont toujours passé sur les terrains [...]... », leur imprécision conduit à les écarter (HT..., AR..., HP...) ; que, quant à l'attestation de M. HN... produite par les consorts M... T..., sa force probante est détruite par une seconde attestation du même technicien agricole qui affirme avoir écrit, en premier lieu, selon les dires de M. T... ; qu'au total, nulle attestation n'établit que le passage s'est effectivement exercé sur la parcelle [...] depuis plus de trente ans, ce qui ne permet pas de retenir que l'assiette d'un droit de passage sur la parcelle [...] serait acquise par prescription ; que le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point ; qu'il est constant qu'il est nécessaire de passer sur la parcelle [...] , propriété de la SCI La Ferme de Préaux, pour accéder à la parcelle [...] , l'état d'enclave n'est pas caractérisé pour autant dès lors que 1a SCI Le Ferme de Préaux, tel que l'établissent ses propres écritures, laisse passer les engins agricoles sur sa parcelle [...] ; qu'en conséquence, l'état d'enclave de la parcelle [...] n'est nullement caractérisé et le jugement entrepris sera infirmé dans toutes ses dispositions » ;

1°) ALORS QUE l'accord des propriétaires d'un fonds sur lequel le propriétaire d'une parcelle enclavée doit passer pour accéder à la voie publique, exprimé en cours d'instance, doit conduire le juge à consacrer l'existence d'une servitude légale de désenclavement ; qu'en retenant qu'il s'évinçait des écritures de la SCI La Ferme de Préaux qu'elle laissait passer sur son fonds, cadastré [...] , les engins agricoles afin qu'ils accèdent à la parcelle [...] , qui est enclavée et en en déduisant qu'il n'y avait pas lieu de consacrer l'existence d'une servitude légale de désenclavement quand, en l'état d'un tel accord, exprimé en cours d'instance, et d'une situation d'enclave reconnue, le propriétaire du fonds enclavé avait droit que soit reconnue l'existence d'une servitude légale de désenclavement, la cour d'appel a violé l'article 682 du code civil ;

2°) ALORS QUE le désenclavement d'un fonds n'ayant aucun accès à une voie publique du fait d'une tolérance de passage requiert la constatation de l'accord exprès du ou des propriétaires des fonds sur laquelle est censée s'exercer ladite tolérance ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la parcelle cadastrée [...] , qui n'a aucun accès à la voie publique, ne serait pas enclavée puisqu'elle bénéficierait d'une tolérance de passage sur les parcelles [...], [...], [...], [...], [...] et [...] ; que la cour d'appel a fondé sa décision sur les deux rapports d'huissier établis en 2011 relevant l'existence, à cette date, de traces de passage selon ce tracé ; que cependant, aucun motif de l'arrêt ne retient que les propriétaires des parcelles [...], [...], [...], [...] et [...] auraient manifesté leur accord pour laisser passer les exploitants de la parcelle [...] sur leur terrain, même à titre de tolérance ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du code civil ;

3°) ALORS QUE l'état d'enclave et corrélativement l'existence d'une tolérance de passage s'apprécient à la date à laquelle le juge statue ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la parcelle cadastrée [...] qui n'a aucun accès à la voie publique, ne serait pas enclavée puisqu'elle bénéficierait d'une tolérance de passage sur les parcelles [...], [...], [...], [...], [...] et [...] ; que la cour d'appel a fondé sa décision sur les deux rapports établis en 2011 relevant l'existence, à cette date, de traces de passage selon ce tracé ; que cependant, aucun motif de l'arrêt ne relève que Mmes T... et I... auraient été autorisées depuis 2011 à titre de tolérance, par les propriétaires des parcelles [...], [...], [...], [...] et [...], à circuler sur leur terrain pour rejoindre leur parcelle ni même qu'elles aient utilisé ce chemin récemment ; qu'en fondant sa décision sur des constatations datant de 2011 et sans se placer au 30 janvier 2019, date où elle statuait, pour déterminer l'état d'enclave de la parcelle cadastrée [...] , la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du code civil ;

4°) ALORS QUE l'existence d'une tolérance de passage ne peut être établie contre la volonté d'un propriétaire d'une parcelle traversée, lequel en outre peut en mettre fin à une tolérance à tout moment l'eût-il accordée ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la parcelle cadastrée [...] sans accès la voie publique ne serait pas enclavée puisqu'elle bénéficierait d'une tolérance de passage sur les parcelles [...], [...], [...], [...], [...] et [...] ; que la cour d'appel a fondé sa décision sur les deux rapports établis en 2011 constatant à cette date l'existence de traces de passage selon ce tracé ; que cependant ainsi que le relève la cour d'appel, Mme I... a produit au débat une attestation de M. L..., propriétaire de la parcelle [...], datant de 2013 et ainsi postérieure aux rapports d'huissier de 2011, par lequel il affirmait refuser d'accorder un quelconque droit de passage sur sa parcelle aux propriétaires de la parcelle cadastrée [...] ; qu'en estimant cependant que la parcelle [...] n'était pas enclavée puisqu'elle bénéficiait d'une tolérance de passage traversant en particulier la parcelle [...], la cour d'appel a violé l'article 682 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-17729
Date de la décision : 17/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 17 sep. 2020, pourvoi n°19-17729


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.17729
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