LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 septembre 2020
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 599 F-D
Pourvoi n° K 19-14.943
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
La société Districhaume, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 19-14.943 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2018 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Juliette, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société [...] , société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
La SCI Juliette a formé un pourvoi incident dirigé contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l"appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Provost-Lopin, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société Districhaume, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Juliette, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Provost-Lopin, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il y a lieu de donner acte à la SCI Districhaume du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société [...] .
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 13 novembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 27 avril 2017, pourvoi n° 16-12.983), le 26 novembre 2008, la société Districhaume a vendu à terme une galerie marchande à la société Juliette. Par avenant du 9 juin 2011, les parties sont convenues de confier à la société de la [...] la rédaction et la conclusion des baux des locaux commerciaux de la galerie.
3. Le 21 juillet 2011, la société Districhaume a donné à bail commercial à M. B..., pharmacien, auquel s'est substituée la société [...], un local à usage d'officine de pharmacie, sous la condition suspensive de l'obtention d'une autorisation de transfert de sa pharmacie, avant le 15 mars 2012, délai prorogé au 20 avril 2012.
4. Le 18 avril 2012, le bail a été conclu entre la société Districhaume et la société [...] .
5. Le 10 mai 2012, l'Agence régionale de santé a rejeté la demande de transfert.
6. Le 24 mai 2012, la société Districhaume a vendu à la société Juliette la galerie marchande.
7. Le 24 juillet 2012, la société [...] a restitué les clés du local, puis, le 6 août 2012, a assigné la société Districhaume et la société Juliette en restitution du dépôt de garantie et des loyers payés par elle. La société Districhaume a formé une demande en paiement de dommages-intérêts contre la société Juliette qui a formé contre elle une demande aux mêmes fins.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Énoncé du moyen
8. La société Districhaume fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Juliette une certaine somme à titre de dommages-intérêts, en réparation de la perte de loyers subie de juillet 2012 à décembre 2015 avec intérêts au taux légal, alors « que le rédacteur d'un acte juridique, auquel il est reproché d'avoir par négligence ou imprudence engagé prématurément les parties dans les liens d'un contrat dont l'efficacité était subordonnée à l'obtention d'une autorisation administrative finalement refusée, ne peut être condamné à réparer la perte du gain qui serait résulté de l'exécution du contrat lorsqu'il est avéré que, sans la faute qui a été commise, la convention n'aurait pas été conclue et n'aurait de toute façon pu procurer aux parties l'avantage qu'elles escomptaient en retirer ; qu'en condamnant la SCI Districhaume, en tant que rédactrice du bail du 18 avril 2012, à indemniser une prétendue perte de loyer, tout en relevant que si elle avait agi de façon irréprochable, ou bien la signature du bail aurait été différée jusqu'à l'obtention de l'autorisation de transfert et, cette autorisation ayant été finalement refusée, le bail n'aurait jamais été conclu, ou bien la signature du bail définitif et l'installation du locataire dans les lieux aurait été subordonnée à la renonciation claire et non équivoque de ce dernier à la condition suspensive relative à l'autorisation de transfert, ce que le locataire aurait refusé, de sorte que, dans ce cas également, le bail n'aurait jamais été conclu et la SCI Juliette n'aurait pu percevoir de loyer, la cour d'appel, qui a refusé de tirer les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
9. Il résulte de ce texte qu'une faute ne peut être retenue comme cause d'un préjudice que s'il est démontré que, sans elle, il ne se serait pas produit.
10. Pour accueillir la demande de la société Juliette en paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'en insérant dans le bail du 18 avril 2012 une clause ambiguë, qui indiquait que « la condition suspensive est sur le point d'être réalisée » et qui ne formalisait pas de manière non équivoque la renonciation de la société locataire au bénéfice de la condition suspensive, et en précipitant la signature du bail avant d'avoir connaissance de la décision de l'agence régionale de santé sans accepter de proroger le délai, la société Districhaume a commis une double faute dont le résultat a été la perte des loyers subie par la société Juliette du 1er juillet 2012 au 30 décembre 2015.
11. En statuant ainsi, alors que, même si la société [...] avait renoncé au bénéfice de la condition suspensive, le bail n'aurait pas été conclu en raison de la décision administrative de rejet de l'autorisation de transfert, de sorte que la société Juliette n'aurait pu percevoir les loyers, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le deuxième moyen du pourvoi principal
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
12. Selon ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce et s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
13 . La cassation de l'arrêt sur le premier moyen entraîne l'annulation, par voie de conséquence, des dispositions qui sont critiquées par le deuxième moyen.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen du pourvoi principal ni sur le pourvoi incident, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Districhaume à payer à la société Juliette la somme de 150 683,73 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de loyers subie à compter de juillet 2012 avec intérêts légal à compter de l'arrêt en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le13 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Juliette aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Juliette et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Districhaume ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour la société Districhaume
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la SCI Districhaume à payer à la SCI Juliette la somme principale de 150.683,73 € à titre de dommages et intérêts, en réparation de la perte de loyers subie à compter du mois de juillet 2012 outre les intérêts au taux légal à compter de cette décision ;
AUX MOTIFS d'abord QUE, par avenant à l'avant contrat du 26 novembre 2008, conclu le 9 juin 2011, les parties ont stipulé en page 2 la clause suivante : « Il est convenu que les locataires seront recherchés par les parties. Les activités, enseignes, locataires et montant du loyer annuel seront arrêtés conjointement et d'un commun accord entre les parties, préalablement à la signature de tout premier bail pour chaque local (
). De convention expresse entre celles-ci et afin de simplifier la relation avec les locataires, il est convenu que la SCI Districhaume rédige les baux commerciaux, signe sous seing privé les baux conclus avec les locataires. En tout état de cause, la SCI Juliette s'oblige à reprendre au jour de la cession de ladite galerie l'ensemble des baux commerciaux signés par la SCI Districhaume à des conditions identiques » ; qu'ainsi que l'a retenu la cour de céans dans son arrêt du 15 décembre 2015, selon les dispositions que la SCI Districhaume a critiquées en régularisant un pourvoi incident, qui a été rejeté par la Cour de cassation dans son arrêt du 27 avril 2017, cette clause, stipulée dans l'intérêt commun des deux parties, a nécessairement, en attribuant à la SCI Districhaume la fonction de rédiger les baux commerciaux, imposé à cette dernière l'obligation d'assurer, dans cette rédaction, leur sécurité juridique, dans l'intérêt des deux parties ayant successivement la qualité de bailleresse, soit la SCI Districhaume puis la SCI Juliette à compter de la signature de l'acte de vente de la galerie marchande ; qu'en insérant dans le bail du 18 avril 2012 une clause qui ne formalisait pas de manière non équivoque la renonciation par la société [...] au bénéfice de la condition suspensive convenue dans le bail signé le 21 juillet 2011 et était ambigüe (« la condition suspensive étant sur le point d'être réalisée, les parties se sont rencontrées et ont régularisé bail définitif »), et en hâtant la signature du bail le 18 avril 2012, avant d'avoir connaissance de la décision administrative de l'Agence régionale de santé, sans accepter de proroger le délai de levée de la condition suspensive, ainsi que la locataire le sollicitait, la SCI Districhaume a commis une double faute dont la conséquence a été la signature d'un bail commercial avec la société [...] le 18 avril 2012, qui s'est révélé non sécurisé juridiquement puisque sa caducité a été reconnue par arrêt du 15 décembre 2015 devenu définitif sur ce point ; qu'or, c'est bien parce que le bail du 18 avril 2012 a été signé dans ces circonstances, quand il n'aurait pas dû l'être, que la SCI Juliette a été privée des loyers résultant de ce contrat puisque, dans l'avenant du 9 juin 2011, elle s'était obligée « à reprendre au jour de la cession de ladite galerie l'ensemble des baux commerciaux signés par la SCI Districhaume à des conditions identiques », et s'est donc trouvée liée par un bail sans percevoir les loyers, la société [...] s'étant à bon droit prévalue de la condition suspensive antérieure et ayant agi en justice pour faire reconnaître qu'elle n'y avait pas renoncé ; qu'en effet, si la SCI Districhaume avait attendu la décision de l'Agence régionale de santé intervenue le 7 mai 2012 ayant refusé le transfert de la pharmacie de M. B..., au lieu de hâter la signature du bail le 18 avril 2012, le bail commercial avec la [...] n'aurait pas été conclu, et certes la SCI Districhaume n'aurait pas eu le temps matériel de trouver un nouveau locataire et de régulariser un autre bail avant la réitération de l'acte authentique avant le 24 mai 2012 ; que néanmoins, les deux SCI auraient pu convenir d'une nouvelle prorogation du délai de réitération de la vente, ou bien, si la date de la vente avait été maintenue au 24 mai 2012, la SCI Juliette aurait pu dès après cette vente, rechercher un nouveau locataire ; que de même, il ressort du fait même que la SCI Districhaume a fait insérer dans le bail commercial la clause ambigüe susvisée, qu'elle n'a pu obtenir de la [...] la renonciation au bénéfice de la condition suspensive précédemment stipulée ; qu'il est en effet évident que si la SCI Districhaume avait obtenu cette renonciation, le bail commercial l'aurait stipulée, ce qui n'est pas le cas ; qu'il est donc certain que si la SCI Districhaume avait entendu conclure un bail commercial sécurisé juridiquement, sans la clause ambigüe susvisée, en réalité, le bail n'aurait pas été conclu avant la décision de l'Agence régionale de santé et comme il vient d'être dit, la SCI Juliette aurait au moins pu rechercher un nouveau locataire après réitération de la vente, sauf accord des deux parties pour retarder la date de signature de l'acte ; que les fautes commises par la SCI Districhaume sont donc à l'origine directe du préjudice lié à la perte de loyers subie par la SCI Juliette à compter de juillet 2012 et à l'obligation de restituer à la SARL [...] la somme de 6.296,94 € au titre du loyer de juin 2012 payé ;
AUX MOTIFS encore QUE la SCI Districhaume prétend que la demande de condamnation formée par la SCI Juliette à lui payer la somme de 6.296,94 € au titre du loyer de juin 2012 qu'elle a dû rembourser à la SARL [...] aurait été admise par la cour de céans aux termes de son arrêt du 15 décembre 2015, qui l'a condamnée à payer la somme totale de 37.886,94 € englobant cette somme, ainsi que celle de 31.590 € au titre de la perte de loyers à compter de juillet 2012 limitée à six mois, et aurait un caractère définitif à défaut de cassation sur ce point ; qu'en réalité, s'il est exact que la Cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt en ce qu'il avait limité l'indemnisation demandée au titre de la perte de loyers cependant que la faute de la SCI Juliette n'était pas dans les débats, la cassation porte sur l'ensemble de la condamnation au paiement de la somme de 37.886,94 €, incluant la somme de 6.296,94 € ; que les parties étant remises en l'état antérieur, la cour doit statuer sur cette demande formée par la SCI Juliette ; que la cour doit toutefois constater que la SCI Districhaume ne conteste pas son obligation à payer à la SCI Juliette la somme de 6.296,94 € et ne soulève pas de limitation de l'indemnisation concernant ce montant ; qu'elle sera donc condamnée à payer cette dernière somme, outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; que s'agissant de la demande de dommages et intérêts formée par la SCI Juliette au titre de la perte de loyers subie à compter de juillet 2017, la SCI Districhaume prétend que la SCI Juliette a commis des fautes de nature à rejeter ou au moins à limiter son indemnisation ; qu'ainsi qu'il a été dit, la SCI Juliette n'a pas participé à la rédaction du bail litigieux et était tenue par l'avenant du 9 juin 2011 de la reprendre au jour de la cession de la galerie marchande (ainsi que les autres baux) à des conditions identiques ; qu'en revanche, à partir de la signature de l'acte de vente le 24 mai 2012, elle a été substituée dans les droits et obligations de la SCI Districhaume et s'est retrouvée bailleresse de la société [...] à part entière ; qu'à cette date, elle avait connaissance de la décision de l'Agence régionale de santé qui lui avait été transmise avec le courriel de M. B..., par la SCI Districhaume le 10 mai 2012 (pièce 27 produite par la SCI Juliette) et elle avait en outre acquis la conviction que le bail du 18 avril 2012 tel que rédigé ne contenait pas de renonciation de la locataire à la condition suspensive, ainsi qu'elle l'a clairement indiqué à la SCI Districhaume dans deux courriers adressés les 16 et 21 mai 2012 (pièces 5 et 7 produites par la SCI Juliette) ; que si elle n'avait pas eu la possibilité d'intervenir avant la signature du bail litigieux, elle pouvait en revanche à partir du 24 mai 2012 tirer les conséquences de la situation, en sa qualité de bailleresse, en recherchant avec la SARL [...] un accord bilatéral permettant de mettre fin au bail, et la laissant ensuite libre de rechercher un nouveau locataire ; que la SARL [...] s'était d'ailleurs déclarée favorable à une telle solution, en indiquant dans son courrier adressé le 10 juillet 2012 à la SCI Juliette :
« Comme vous le savez, le Directeur de l'Agence régionale de santé n'a pas autorisé le transfert de l'officine que j'exploite aux [...] dans les locaux objet du bail consenti par la SCI Districhaume. Contrairement à ce qui a été indiqué par erreur, la condition suspensive ne s'est pas réalisée (
) Ce bail est donc frappé de nullité et je vous demande de bien vouloir en prendre acte avec toutes les conséquences qui s'y attachent »), puis en lui restituant les clés dès le 24 juillet 2012 ; que la SCI Juliette et la SARL [...] auraient donc pu parvenir à un accord car c'est seulement par acte du 6 août 2012 que cette dernière a saisi le tribunal de grande instance aux fins de voir reconnaître la caducité du bail ; qu'or, la SCI Juliette, tout en ayant la même analyse juridique du bail conclu le 18 avril 2012 (sauf à parler de caducité au lieu de nullité) et en reprenant les clés du local, n'a fait aucune démarche en ce sens et a au contraire tenté d'opposer à sa locataire le maintien de la force obligatoire du bail en demandant le paiement des loyers par courrier du 13 juillet 2012, en la mettant en demeure de le respecter par lettre recommandée avec avis de réception du 1er août 2012 puis en lui faisant signifier sommation de payer les loyers de juillet à septembre 2012 par acte du 4 octobre 2012 ; que par-là même, la SCI Juliette a eu un comportement fautif qui a concouru à la réalisation de son préjudice dans son ampleur puisqu'elle n'a pu percevoir de loyer pendant plus de trois ans ; que cette faute justifie une réduction de son droit à indemnisation à hauteur d'un tiers ;
AUX MOTIFS enfin QUE s'agissant de l'évaluation du préjudice, la perte de loyers subie à compter de juillet 2012 a persisté au-delà de la première période triennale du bail expirant le 20 avril 2015 ; qu'en effet, il n'est établi par aucune pièce que la SARL [...] ait entendu se prévaloir de la faculté octroyée au preneur par le bail de résilier le contrat à l'expiration de cette période, étant précisé que cette faculté n'appartenait pas au bailleur, qui ne pouvait résilier le bail à l'expiration de chaque période triennale que dans les hypothèses prévues par les articles L. 145-18, L. 145-21 et L. 145-24 du code de commerce, non réalisées en l'espèce ; que c'est donc seulement l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 15 décembre 2015 qui a mis fin au bail ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu d'inclure dans le préjudice subi par la SCI Juliette les intérêts au taux de 10 % stipulés dans le bail, car le non-paiement des loyers par la SARL [...] s'explique par les circonstances particulières du litige et le fait qu'elle entendait se prévaloir de la condition suspensive ; que la perte de loyer sur la base du montant hors taxe, doit être évalué comme suit : du 1er juillet 2012 au 30 avril 2013 : 52.650 € (10 x 5.265), du 30 avril 2013 au 30 avril 2014 : 64.895,88 € (12 x 5.407,99), du 30 avril 2014 au 30 avril 2015 : 65.075,88 € (12 x 5.422,99), du 30 avril 2015 au 30 décembre 2015 : 43.403,84 € (8 x 5.425,48), soit un total de 226.025,60 € ; que compte tenu de la réduction du droit à indemnisation de la SCI Juliette, la SCI Districhaume doit être condamnée à lui payer les deux tiers de cette somme, soit la somme de 150.683,93 € à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
1/ ALORS QUE le rédacteur d'un acte juridique, auquel il est reproché d'avoir par négligence ou imprudence engagé prématurément les parties dans les liens d'un contrat dont l'efficacité était subordonnée à l'obtention d'une autorisation administrative finalement refusée, ne peut être condamné à réparer la perte du gain qui serait résulté de l'exécution du contrat lorsqu'il est avéré que, sans la faute qui a été commise, la convention n'aurait pas été conclue et n'aurait donc de toute façon pu procurer aux parties l'avantage qu'elles escomptaient en retirer ; qu'en condamnant la SCI Districhaume, en tant que rédactrice du bail du 18 avril 2012, à indemniser une prétendue perte de loyer, tout en relevant que si elle avait agi de façon irréprochable, ou bien la signature du bail aurait été différée jusqu'à l'obtention de l'autorisation de transfert et, cette autorisation ayant été finalement refusée, le bail n'aurait jamais été conclu, ou bien la signature du bail définitif et l'installation du locataire dans les lieux aurait été subordonnée à la renonciation claire et non équivoque de ce dernier à la condition suspensive relative à l'autorisation de transfert, ce que le locataire aurait refusé, de sorte que, dans ce cas également, le bail n'aurait jamais été conclu et la SCI Juliette n'aurait pu percevoir de loyer (arrêt p. 7, pénultième et dernier al. et suite p. 8), la cour d'appel, qui a refusé de tirer les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2/ ALORS QUE le rédacteur d'un acte juridique, auquel il est reproché d'avoir par négligence ou imprudence engagé prématurément les parties dans les liens d'un contrat de bail dont l'efficacité était subordonnée à l'obtention d'une autorisation administrative finalement refusée, n'est tenu de réparer que le préjudice résultant directement de sa faute, lequel ne peut perdurer au-delà du moment où le bailleur s'est trouvé, du fait de la libération des lieux par le locataire, dans la situation même qui aurait été la sienne si le bail n'avait jamais été conclu ; qu'en condamnant la société Districhaume à indemniser la perte de loyers prétendument subie par la société Juliette au titre la période comprise entre le 1er juillet 2012 et le 30 décembre 2015, tout en relevant que la SARL [...] avait invoqué la caducité du bail dès le 10 juillet 2012, puis restitué les clés dès le 24 juillet 2012 (cf. arrêt p. 8 in fine et suite p. 9), ce dont il s'infère qu'au plus tard à cette dernière date, la SCI Juliette s'était retrouvée placée dans la situation qui aurait été la sienne si la société Districhaume n'avait commis aucune faute lors de la mise au point du bail litigieux et si, par conséquent, ce bail n'avait jamais été conclu ni le locataire installé dans les lieux, la cour d'appel a de nouveau refusé de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1147 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la SCI Juliette a commis des fautes réduisant son droit à indemnisation d'un tiers et condamné, en conséquence, la SCI Districhaume à payer à la SCI Juliette la somme principale de 150.683,73 € à titre de dommages et intérêts, en réparation de la perte de loyers subie à compter du mois de juillet 2012 outre les intérêts au taux légal à compter de cette décision ;
AUX MOTIFS d'abord QUE, par avenant à l'avant contrat du 26 novembre 2008, conclu le 9 juin 2011, les parties ont stipulé en page 2 la clause suivante : « Il est convenu que les locataires seront recherchés par les parties. Les activités, enseignes, locataires et montant du loyer annuel seront arrêtés conjointement et d'un commun accord entre les parties, préalablement à la signature de tout premier bail pour chaque local (
). De convention expresse entre celles-ci et afin de simplifier la relation avec les locataires, il est convenu que la SCI Districhaume rédige les baux commerciaux, signe sous seing privé les baux conclus avec les locataires. En tout état de cause, la SCI Juliette s'oblige à reprendre au jour de la cession de ladite galerie l'ensemble des baux commerciaux signés par la SCI Districhaume à des conditions identiques » ; qu'ainsi que l'a retenu la cour de céans dans son arrêt du 15 décembre 2015, selon les dispositions que la SCI Districhaume a critiquées en régularisant un pourvoi incident, qui a été rejeté par la Cour de cassation dans son arrêt du 27 avril 2017, cette clause, stipulée dans l'intérêt commun des deux parties, a nécessairement, en attribuant à la SCI Districhaume la fonction de rédiger les baux commerciaux, imposé à cette dernière l'obligation d'assurer, dans cette rédaction, leur sécurité juridique, dans l'intérêt des deux parties ayant successivement la qualité de bailleresse, soit la SCI Districhaume puis la SCI Juliette à compter de la signature de l'acte de vente de la galerie marchande ; qu'en insérant dans le bail du 18 avril 2012 une clause qui ne formalisait pas de manière non équivoque la renonciation par la société [...] au bénéfice de la condition suspensive convenue dans le bail signé le 21 juillet 2011 et était ambigüe (« la condition suspensive étant sur le point d'être réalisée, les parties se sont rencontrées et ont régularisé bail définitif »), et en hâtant la signature du bail le 18 avril 2012, avant d'avoir connaissance de la décision administrative de l'Agence régionale de santé, sans accepter de proroger le délai de levée de la condition suspensive, ainsi que la locataire le sollicitait, la SCI Districhaume a commis une double faute dont la conséquence a été la signature d'un bail commercial avec la société [...] le 18 avril 2012, qui s'est révélé non sécurisé juridiquement puisque sa caducité a été reconnue par arrêt du 15 décembre 2015 devenu définitif sur ce point ; qu'or, c'est bien parce que le bail du 18 avril 2012 a été signé dans ces circonstances, quand il n'aurait pas dû l'être, que la SCI Juliette a été privée des loyers résultant de ce contrat puisque, dans l'avenant du 9 juin 2011, elle s'était obligée « à reprendre au jour de la cession de ladite galerie l'ensemble des baux commerciaux signés par la SCI Districhaume à des conditions identiques », et s'est donc trouvée liée par un bail sans percevoir les loyers, la société [...] s'étant à bon droit prévalue de la condition suspensive antérieure et ayant agi en justice pour faire reconnaître qu'elle n'y avait pas renoncé ; qu'en effet, si la SCI Districhaume avait attendu la décision de l'Agence régionale de santé intervenue le 7 mai 2012 ayant refusé le transfert de la pharmacie de M. B..., au lieu de hâter la signature du bail le 18 avril 2012, le bail commercial avec la [...] n'aurait pas été conclu, et certes la SCI Districhaume n'aurait pas eu le temps matériel de trouver un nouveau locataire et de régulariser un autre bail avant la réitération de l'acte authentique avant le 24 mai 2012 ; que néanmoins, les deux SCI auraient pu convenir d'une nouvelle prorogation du délai de réitération de la vente, ou bien, si la date de la vente avait été maintenue au 24 mai 2012, la SCI Juliette aurait pu dès après cette vente, rechercher un nouveau locataire ; que de même, il ressort du fait même que la SCI Districhaume a fait insérer dans le bail commercial la clause ambigüe susvisée, qu'elle n'a pu obtenir de la [...] la renonciation au bénéfice de la condition suspensive précédemment stipulée ; qu'il est en effet évident que si la SCI Districhaume avait obtenu cette renonciation, le bail commercial l'aurait stipulée, ce qui n'est pas le cas ; qu'il est donc certain que si la SCI Districhaume avait entendu conclure un bail commercial sécurisé juridiquement, sans la clause ambigüe susvisée, en réalité, le bail n'aurait pas été conclu avant la décision de l'Agence régionale de santé et comme il vient d'être dit, la SCI Juliette aurait au moins pu rechercher un nouveau locataire après réitération de la vente, sauf accord des deux parties pour retarder la date de signature de l'acte ; que les fautes commises par la SCI Districhaume sont donc à l'origine directe du préjudice lié à la perte de loyers subie par la SCI Juliette à compter de juillet 2012 et à l'obligation de restituer à la SARL [...] la somme de 6.296,94 € au titre du loyer de juin 2012 payé ;
AUX MOTIFS encore QUE la SCI Districhaume prétend que la demande de condamnation formée par la SCI Juliette à lui payer la somme de 6.296,94 € au titre du loyer de juin 2012 qu'elle a dû rembourser à la SARL [...] aurait été admise par la cour de céans aux termes de son arrêt du 15 décembre 2015, qui l'a condamnée à payer la somme totale de 37.886,94 € englobant cette somme, ainsi que celle de 31.590 € au titre de la perte de loyers à compter de juillet 2012 limitée à six mois, et aurait un caractère définitif à défaut de cassation sur ce point ; qu'en réalité, s'il est exact que la Cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt en ce qu'il avait limité l'indemnisation demandée au titre de la perte de loyers cependant que la faute de la SCI Juliette n'était pas dans les débats, la cassation porte sur l'ensemble de la condamnation au paiement de la somme de 37.886,94 €, incluant la somme de 6.296,94 € ; que les parties étant remises en l'état antérieur, la cour doit statuer sur cette demande formée par la SCI Juliette ; que la cour doit toutefois constater que la SCI Districhaume ne conteste pas son obligation à payer à la SCI Juliette la somme de 6.296,94 € et ne soulève pas de limitation de l'indemnisation concernant ce montant ; qu'elle sera donc condamnée à payer cette dernière somme, outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; que s'agissant de la demande de dommages et intérêts formée par la SCI Juliette au titre de la perte de loyers subie à compter de juillet 2017, la SCI Districhaume prétend que la SCI Juliette a commis des fautes de nature à rejeter ou au moins à limiter son indemnisation ; qu'ainsi qu'il a été dit, la SCI Juliette n'a pas participé à la rédaction du bail litigieux et était tenue par l'avenant du 9 juin 2011 de la reprendre au jour de la cession de la galerie marchande (ainsi que les autres baux) à des conditions identiques ; qu'en revanche, à partir de la signature de l'acte de vente le 24 mai 2012, elle a été substituée dans les droits et obligations de la SCI Districhaume et s'est retrouvée bailleresse de la société [...] à part entière ; qu'à cette date, elle avait connaissance de la décision de l'Agence régionale de santé qui lui avait été transmise avec le courriel de M. B..., par la SCI Districhaume le 10 mai 2012 (pièce 27 produite par la SCI Juliette) et elle avait en outre acquis la conviction que le bail du 18 avril 2012 tel que rédigé ne contenait pas de renonciation de la locataire à la condition suspensive, ainsi qu'elle l'a clairement indiqué à la SCI Districhaume dans deux courriers adressés les 16 et 21 mai 2012 (pièces 5 et 7 produites par la SCI Juliette) ; que si elle n'avait pas eu la possibilité d'intervenir avant la signature du bail litigieux, elle pouvait en revanche à partir du 24 mai 2012 tirer les conséquences de la situation, en sa qualité de bailleresse, en recherchant avec la SARL [...] un accord bilatéral permettant de mettre fin au bail, et la laissant ensuite libre de rechercher un nouveau locataire ; que la SARL [...] s'était d'ailleurs déclarée favorable à une telle solution, en indiquant dans son courrier adressé le 10 juillet 2012 à la SCI Juliette :
« Comme vous le savez, le Directeur de l'Agence régionale de santé n'a pas autorisé le transfert de l'officine que j'exploite aux [...] dans les locaux objet du bail consenti par la SCI Districhaume. Contrairement à ce qui a été indiqué par erreur, la condition suspensive ne s'est pas réalisée (
) Ce bail est donc frappé de nullité et je vous demande de bien vouloir en prendre acte avec toutes les conséquences qui s'y attachent »), puis en lui restituant les clés dès le 24 juillet 2012 ; que la SCI Juliette et la SARL [...] auraient donc pu parvenir à un accord car c'est seulement par acte du 6 août 2012 que cette dernière a saisi le tribunal de grande instance aux fins de voir reconnaître la caducité du bail ; qu'or, la SCI Juliette, tout en ayant la même analyse juridique du bail conclu le 18 avril 2012 (sauf à parler de caducité au lieu de nullité) et en reprenant les clés du local, n'a fait aucune démarche en ce sens et a au contraire tenté d'opposer à sa locataire le maintien de la force obligatoire du bail en demandant le paiement des loyers par courrier du 13 juillet 2012, en la mettant en demeure de le respecter par lettre recommandée avec avis de réception du 1er août 2012 puis en lui faisant signifier sommation de payer les loyers de juillet à septembre 2012 par acte du 4 octobre 2012 ; que par-là même, la SCI Juliette a eu un comportement fautif qui a concouru à la réalisation de son préjudice dans son ampleur puisqu'elle n'a pu percevoir de loyer pendant plus de trois ans ; que cette faute justifie une réduction de son droit à indemnisation à hauteur d'un tiers ;
AUX MOTIFS enfin QUE s'agissant de l'évaluation du préjudice, la perte de loyers subie à compter de juillet 2012 a persisté au-delà de la première période triennale du bail expirant le 20 avril 2015 ; qu'en effet, il n'est établi par aucune pièce que la SARL [...] ait entendu se prévaloir de la faculté octroyée au preneur par le bail de résilier le contrat à l'expiration de cette période, étant précisé que cette faculté n'appartenait pas au bailleur, qui ne pouvait résilier le bail à l'expiration de chaque période triennale que dans les hypothèses prévues par les articles L. 145-18, L. 145-21 et L. 145-24 du code de commerce, non réalisées en l'espèce ; que c'est donc seulement l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 15 décembre 2015 qui a mis fin au bail ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu d'inclure dans le préjudice subi par la SCI Juliette les intérêts au taux de 10 % stipulés dans le bail, car le non-paiement des loyers par la SARL [...] s'explique par les circonstances particulières du litige et le fait qu'elle entendait se prévaloir de la condition suspensive ; que la perte de loyer sur la base du montant hors taxe, doit être évalué comme suit : du 1er juillet 2012 au 30 avril 2013 : 52.650 € (10 x 5.265), du 30 avril 2013 au 30 avril 2014 : 64.895,88 € (12 x 5.407,99), du 30 avril 2014 au 30 avril 2015 : 65.075,88 € (12 x 5.422,99), du 30 avril 2015 au 30 décembre 2015 : 43.403,84 € (8 x 5.425,48), soit un total de 226.025,60 € ; que compte tenu de la réduction du droit à indemnisation de la SCI Juliette, la SCI Districhaume doit être condamnée à lui payer les deux tiers de cette somme, soit la somme de 150.683,93 € à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
1/ ALORS QUE le rédacteur d'un acte juridique, auquel il est reproché d'avoir par négligence ou imprudence engagé prématurément les parties dans les liens d'un contrat dont l'efficacité était subordonnée à l'obtention d'une autorisation administrative finalement refusée, ne peut être condamné à réparer que le préjudice résultant directement de ce manquement, à l'exclusion de tout dommage distinct qui ne trouverait sa cause que dans l'impéritie de la partie qui s'est déraisonnablement obstinée à refuser de tirer les conséquences de l'inefficacité de l'acte ; qu'ayant elle-même relevé que, tandis que la SCI Juliette avait eu connaissance dès le 10 mai 2012 du refus de l'Agence régionale de santé d'autoriser le transfert de la [...] et qu'elle avait manifesté dès les 16 et 21 mai 2012 sa parfaite conscience de l'inefficacité du bail en résultant (cf. l'arrêt p. 8, antépénultième al.), puis que la société [...] s'était elle-même prévalue de la caducité du bail le 10 juillet 2012 avant de restituer les clés dès le 24 juillet 2012 (arrêt p. 8, 2 derniers § et suite p. 9), la bailleresse avait pourtant pris inexplicablement le parti de résister et d'attendre le dénouement de la procédure judiciaire qui s'en était suivie sans se préoccuper de faire relouer le local (arrêt p. 9, § 2 et s.), la cour d'appel ne pouvait se borner à réduire, en considération de la faute ainsi commise par la SCI Juliette, son droit à indemnisation, quand cette faute était la cause exclusive de la perte de loyer invoquée au titre de la période postérieure à la restitution des clés, laquelle était en revanche sans lien direct avec la faute initialement commise par la société Districhaume, sauf à violer les articles 1147 et 1151 du code civil, pris dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2/ ALORS QUE la caducité du contrat consécutive à la défaillance d'une condition suspensive opère de plein droit et indépendamment de toute décision judiciaire, l'obligation étant en ce cas réputée n'avoir jamais existé ; qu'en considérant néanmoins que seul l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 15 décembre 2015 avait mis fin au bail, quand la caducité du bail était en réalité automatiquement acquise dès la défaillance de la condition suspensive relative à l'autorisation de transfert de l'officine pharmaceutique et que la SCI Juliette eût donc été à même d'en tirer toutes les conséquences sans attendre une décision judiciaire, la cour d'appel a violé les articles 1176 et 1181 du code civil, pris dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Juliette
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la SCI Juliette a commis des fautes réduisant son droit à indemnisation d'un tiers, et d'avoir en conséquence limité la condamnation de la SCI Districhaume à la somme de 150.683,73 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de loyers subie à compter de juillet 2012 ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le lien de causalité :
Par avenant à l'avant contrat du 26 novembre 2008, conclu le 9 juin 2011, les parties ont stipulé en page 2 la clause suivante :
"Il est convenu que les locataires seront recherchés par les parties. Les activités, enseignes, locataires et montant du loyer annuel seront arrêtés conjointement et d'un commun accord entre les parties, préalablement à la signature de tout premier bail pour chaque local (..).
De convention expresse entre celles-ci et afin de simplifier la relation avec les locataires, il est convenu que la SCI Districhaume :
- rédige les baux commerciaux,
- signe sous seing privé les baux conclus avec les locataires.
En tout état de cause, la SCI Juliette s'oblige à reprendre au jour de la cession de ladite galerie l'ensemble des baux commerciaux signés par la SCI Districhaume à des conditions identiques".
Ainsi que l'a retenu la cour de céans dans son arrêt du 15 décembre 2015, selon des dispositions que la SCI Districhaume a critiquées en régularisant un pourvoi incident, qui a été rejeté par la Cour de cassation dans son arrêt du 27 avril 2017, cette clause, stipulée dans l'intérêt commun des deux parties, a nécessairement, en attribuant à la SCI Districhaume la fonction de rédiger les baux commerciaux, imposé à cette dernière l'obligation d'assurer, dans cette rédaction, leur sécurité juridique, dans l'intérêt des deux parties ayant successivement la qualité de bailleresse, soit la SCI Districhaume puis la SCI Juliette à compter de la signature de l'acte de vente de la galerie marchande.
En insérant dans le bail du 18 avril 2012 une clause qui ne formalisait pas de manière non équivoque la renonciation par la société [...] au bénéfice de la condition suspensive convenue dans le bail signé le 21 juillet 2011 et était ambigüe ("la condition suspensive étant sur le point d'être réalisée, les parties se sont rencontrées et ont régularisé bail définitif"), et en hâtant la signature du bail le 18 avril 2012, avant d'avoir connaissance de la décision administrative de l'Agence régionale de santé, sans accepter de proroger le délai de levée de la condition suspensive, ainsi que la locataire le sollicitait, la SCI Districhaume a commis une double faute dont la conséquence a été la signature d'un bail commercial avec la société [...] le 18 avril 2012, qui s'est révélé non sécurisé juridiquement puisque sa caducité a été reconnue par arrêt du 15 décembre 2015 devenu définitif sur ce point.
Or, c'est bien parce que le bail du 18 avril 2012 a été signé dans ces circonstances, alors qu'il n'aurait pas dû l'être, que la SCI Juliette a été privée des loyers résultant de ce contrat puisque dans l'avenant du 9 juin 2011, elle s'était obligée "à reprendre au jour de la cession de ladite galerie l'ensemble des baux commerciaux signés par la SCI Districhaume à des conditions identiques", et s'est donc trouvée liée par un bail sans percevoir les loyers, la société [...] s'étant à bon droit prévalue de la condition suspensive antérieure et ayant agi en justice pour faire reconnaître qu'elle n'y avait pas renoncé.
En effet, si la SCI Districhaume avait attendu la décision de l'Agence régionale de santé intervenue le 7 mai 2012 ayant refusé le transfert de la pharmacie de M. B..., au lieu de hâter la signature du bail le 18 avril 2012, le bail commercial avec la [...] n'aurait pas été conclu, et certes la SCI Districhaume n'aurait pas eu le temps matériel de trouver un nouveau locataire et de régulariser un autre bail avant la réitération de l'acte authentique avant le 24 mai 2012 ; néanmoins, les deux SCI auraient pu convenir d'une nouvelle prorogation du délai de réitération de la vente, ou bien, si la date de la vente avait été maintenue au 24 mai 2012,la SCI Juliette aurait pu dès après cette vente, rechercher un nouveau locataire.
De même, il ressort du fait même que la SCI Districhaume a fait insérer dans le bail commercial la clause ambigüe susvisée, qu'elle n'a pu obtenir de la [...] la 'renonciation au- bénéfice de la condition suspensive précédemment stipulée. Il est en effet évident que si la SCI Districhaume avait obtenu cette renonciation, le bail commercial l'aurait stipulée, ce qui n'est pas le cas. Il est donc certain que si la SCI Districhaume avait entendu conclure- un bail commercial sécurisé juridiquement, sans la clause ambigüe susvisée, en réalité, le bail n'aurait pas été conclu avant la décision de l'Agence régionale de santé et comme il vient d'être dit, la SCI Juliette aurait au moins pu rechercher un nouveau locataire après réitération de la vente, sauf accord des deux parties pour retarder la date de signature de l'acte.
Les fautes commises par la SCI Districhaume sont donc à l'origine directe du préjudice lié à la perte de loyers subie par la SCI Juliette à compter de juillet 2012, et à l'obligation de restituer à la SARL [...] la somme de 6296,94€ au titre du loyer de juin 2012 payé.
Sur le préjudice et les fautes commises par la SCI Juliette
La SCI Districhaume prétend que la demande de condamnation formée par la SCI Juliette à lui payer la somme de 6296,94€ au titre du loyer de juin 2012 qu'elle a dû rembourser à la SARL [...] , aurait été admise par la cour de céans aux termes de son arrêt du 15 décembre 2015, qui l'a condamnée à payer la somme totale de 37.886,94€ englobant cette somme, ainsi que celle de 31590 € au titre de la perte de loyers à compter de juillet 2012 limitée à six mois, et aurait un caractère définitif à défaut de cassation sur ce point.
En réalité, s'il est exact que la Cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt en ce qu'il avait limité l'indemnisation demandée au titre de la perte de loyers alors que la faute de la SCI Juliette n'était pas dans les débats, la cassation porte sur l'ensemble de la condamnation au paiement de la somme de 37886,94 €, incluant la somme de 6296,94 €. Les parties étant remises en l'état antérieur, la cour doit statuer sur cette demande formée par la SCI Juliette.
La cour doit toutefois constater que la SCI Districhaume ne conteste pas son obligation à payer à la SCI Juliette la somme de 6296,94€ et ne soulève pas de limitation de l'indemnisation concernant ce montant. Elle sera donc condamnée à payer à cette dernière cette somme, outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
S'agissant de la demande de dommages et intérêts formée par la SCI Juliette au titre de la perte de loyers subie à compter de juillet 2017, la SCI Districhaume prétend que la SCI Juliette a commis des fautes de nature à rejeter ou au moins à limiter son indemnisation.
Ainsi qu'il a été dit, la SCI Juliette n'a pas participé à la rédaction du bail litigieux et était tenue par avenant du 9 juin 2011 de le reprendre au jour de la cession de la galerie marchande (ainsi que les autres baux) à des conditions identiques.
En revanche, à partir de la signature de l'acte de vente le 24 mai 2012, elle a été substituée dans les droits et obligations de la SCI Districhaume et s'est retrouvée bailleresse de la société [...] à part entière.
A cette date, elle avait connaissance de la décision de l'Agence régionale de santé qui lui avait été transmise avec le courriel de M. B..., par la SCI Districhaume le 10 mai 2012 (pièce 27 produite par la SCI Juliette) et elle avait en outre acquis la conviction que le bail du 18 avril 2012 tel que rédigé ne contenait pas de renonciation de la locataire à la condition suspensive, ainsi qu'elle l'a clairement indiqué à la SCI Districhaume dans deux courriers adressés les 16 et 21 mai 2012 (pièces 5 et 7 produites par la SCI Juliette).
Si elle n'avait pas eu la possibilité d'intervenir avant la signature du bail litigieux, elle pouvait en revanche à partir du 24 mai 2012 tirer les conséquences de la situation, en sa qualité de bailleresse, en recherchant avec la SARL. [...] un accord bilatéral permettant de mettre fin au bail, et la laissant ensuite libre de rechercher un nouveau locataire.
La SARL [...] s'était d'ailleurs déclarée favorable à une telle solution, en indiquant dans son courrier adressé le 10 juillet 2012 à la SCI Juliette : "Comme vous le savez, le Directeur de l'Agence régionale de santé n'a pas autorisé le transfert de l'officine que j'exploite aux [...] dans les locaux objet du bail consenti par la SCI Districhaume. Contrairement à ce qui a été indiqué par erreur, la condition suspensive ne s'est pas réalisée. (..) Ce bail est donc frappé de nullité et je vous demande de bien vouloir en prendre acte avec toutes les conséquences qui s'y attachent"), puis en lui restituant les clés dès le 24 juillet 2012.
La SCI Juliette et la SARL [...] auraient donc pu parvenir à un accord car c'est seulement par acte du 6 août 2012 que cette dernière a saisi le tribunal de grande instance aux fins de voir reconnaître la caducité du bail.
Or, la SCI Juliette, tout en ayant la même analyse juridique du bail conclu le 18 avril 2012 (sauf à parler de caducité au lieu de nullité) et en reprenant les clés du local, n'a fait aucune démarche en ce sens et a au contraire tenté d'opposer à sa locataire le maintien de la force obligatoire du bail en demandant le paiement des loyers par courrier du 13 juillet 2012, en la mettant en demeure de le respecter par lettre recommandée avec avis de réception du 1er août 2012 puis en lui faisant signifier une sommation de payer les loyers de juillet à septembre 2012 par acte du 4 octobre 2012. (Pièces 21, 29, 30 produites par la SCI Districhaume).
Par là même, la SCI Juliette a eu un comportement fautif qui a concouru à la réalisation de son préjudice dans son ampleur puisqu'elle n'a pu percevoir de loyer pendant plus de trois ans. Cette faute justifie une réduction de son droit à indemnisation à hauteur d'un tiers » (arrêt attaqué p. 7 à 9) ;
ALORS D'UNE PART QUE l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a reproché à la SCI Districhaume de ne pas avoir fait figurer dans le bail commercial qu'elle avait rédigé et conclu une clause portant renonciation de la société [...] à la condition suspensive de l'obtention de l'autorisation de transfert, ce qui aurait obligé le locataire à régler des loyers pendant la première période triennale, même en cas de refus d'autorisation ; qu'en retenant, pour limiter le montant des dommages et intérêts qu'elle a condamné la SCI Districhaume à payer, qu'il appartenait à la SCI Juliette de tirer les conséquences de la situation préjudiciable créée par la SCI Districhaume en formalisant un accord avec le locataire qu'avait trouvé la SCI Districhaume, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la SCI Juliette avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'il ne pouvait en tout état de cause lui être reproché de ne pas avoir cherché un accord avec le locataire, la société [...], dès lors que son co-contractant, la société Districhaume maintenait que le bail signé n'était pas soumis à une condition suspensive d'obtention du transfert, et que la société Districhaume avait soutenu judiciairement cette position, ce qui avait d'ailleurs conduit le Tribunal de grande des Sables d'Olonne à débouter le locataire de ses demandes par un jugement du 28 novembre 2014, et qu'une telle situation était de nature à dissuader un nouveau locataire d'accepter de s'engager alors qu'un procès était en cours (conclusions d'appel de la SCI Juliette p. 21 et 22) ; qu'en retenant un comportement fautif de la SCI Juliette, sans s'expliquer sur ce moyen, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.