LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 septembre 2020
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10306 F-D
Pourvoi n° M 19-14.116
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
Mme I... D..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° M 19-14.116 contre l'arrêt rendu le 22 janvier 2019 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. B... P..., domicilié [...] ), pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Compagnie d'assurance de droit danois Alpha Insurance à l'enseigne Gaia Insurance,
2°/ à la société Compagnie d'assurances Alpha Insurance, dont le siège est [...] ), à l'enseigne Gaia Insurance, représentée par son mandataire, la société Securities et Financial solutions Europe,
3°/ à Mme L... E..., domiciliée [...] , prise en qualité de mandataire ad hoc de la société U... R...,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme D..., de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. P..., ès qualités, et de la société Compagnie d'assurances Alpha Insurance, après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme D... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme D....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité l'indemnisation des préjudices subis par Mme D... à la suite du retard de livraison à la seule période comprise entre le 30 juin 2009 et le 17 février 2014 et d'AVOIR, en conséquence, fixé la créance de Mme I... D... sur la Sarl U... R... aux montants seulement de 56 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance, de 6 000 euros en réparation de son préjudice moral de 4 317,70 euros en remboursement de ses frais de logement, de 2 560,45 euros en remboursement des taxes, abonnements et assurances contractés en vain et de 2 064 euros en remboursement des frais de suivi de courrier, de rachat de vêtements et d'article d'hygiène, et d'AVOIR débouté Mme D... du surplus de ses demandes dirigées à l'encontre de la société U... R... ;
AUX MOTIFS QUE les premiers juges, sous le visa des articles R.261-1 du code de la construction et de l'habitation et 1611 du code civil, indiquent à bon droit dans leur décision que l'immeuble vendu en l'état futur d'achèvement n'est pas réputé achevé lorsque subsistent des défauts de conformité substantiels et que l'acquéreur peut valablement refuser de prendre livraison d'un immeuble non achevé et solliciter l'indemnisation des préjudices causés par le retard de livraison ; qu'il est constant en l'espèce que les travaux n'étaient pas achevés à la date initialement prévue du 30 juin 2009 et que la livraison a été repoussée jusqu'au 11 février 2010, date à laquelle Mme D... a fait constater par huissier de justice que les hauteurs sous plafond n'étaient pas conformes dans plusieurs pièces de l'appartement et refusé légitimement, en l'état, la livraison ; qu'il apparaît que la société U... R... a laissé ensuite les choses en l'état, sans procéder aux reprises, même limitées, préconisées par l'expert, sans provoquer une nouvelle livraison et sans remettre les clés à Mme D... qui été contrainte de demander sa mise en possession de l'appartement avec l'ouverture forcée des portes devant le tribunal de grande instance ; que la société U... R... a méconnu, à l'évidence, son obligation de livraison d'une chose conforme au temps convenu entre les parties et qu'il lui incombe d'en assumer les conséquences dommageables pour la période comprise entre le 30 juin 2009 et le 17 février 2014, date de sa mise en liquidation judiciaire ; que la cour, à l'instar du tribunal de grande instance, estime devoir lui allouer la somme de euros en réparation de la privation de jouissance liée au retard de livraison, sur la base d'une indemnité mensuelle de 1.000 euros pendant 56 mois ; que Mme D... réclame également une indemnisation au titre de frais et pertes consécutifs au retard de livraison ; qu'il résulte des circonstances de la cause que Mme D... a dû exposer des frais de logement supplémentaire entre juillet et décembre 2009, régler des abonnements, assurances et taxes contractés en vain, des frais de suivi de courrier et de rachat de vêtements et articles d'hygiène, en raison de l'indisponibilité de ses effets personnels, entreposés par le vendeur dans des locaux auxquels elle n'avait pas accès ; qu'au vu des pièces produites, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il lui a alloué de ce chef, respectivement, les sommes de 4.317,70 euros, 2.561,45 euros, et 2.064 euros et aussi, en ce qu'il a rejeté pour le surplus les frais de logement chez ses parents, les pertes de salaire et la perte de chance d'une promotion, dès lors que la preuve de ces frais n'est pas rapportée, ni l'existence d'un lien de causalité directe entre ces pertes et le retard de livraison de l'appartement ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE vu l'article R. 261-1 du code de la construction et de l'habitation, vu l'article 1611 du code civil ; l'immeuble vendu en l'état futur d'achèvement n'est pas réputé achevé lorsque subsistent des défauts de conformité de caractère substantiel ; que l'acquéreur peut valablement refuser de prendre livraison d'un immeuble non achevé et solliciter l'indemnisation des préjudices causés par le retard de livraison ; qu'il est admis en l'espèce que les travaux n'étaient pas achevés à la date du 30 juin 2009, de sorte que la livraison a été successivement repoussée jusqu'au 11 février 2010 ; que Mme D... a pu constater à cette date que les hauteurs n'étaient pas conformes, ce dont elle a fait dresser constat par huissier de justice ; que le défaut de conformité des hauteurs sous plafond affectait une zone de 17 mètres carrés et dépassait les 25 centimètres, pour atteindre 50 centimètres par endroits ; qu'il présentait par son ampleur un caractère substantiel permettant à Madame D... de refuser la livraison ; qu'ensuite des conclusions de l'expert, dont il résultait que la reprise des non conformités s'avérait possible pour une surface de 1,40 mètres carrés dans le couloir d'entrée, il appartenait à la SARL U... R... de pourvoir aux travaux de réfection nécessaires ; que la carence de cette société dans l'accomplissement des travaux attendus a contraint Madame D... à opter pour la prise de possession avec réduction du prix ou la résolution de la vente ; que par conclusions d'assignation signifiées le 16 février 2012, la demanderesse a clairement opté pour la prise de possession et la diminution du prix, en faisant grief à la Sarl U... R... de n'avoir point procédé aux reprises nécessaires, d'avoir omis de provoquer une nouvelle livraison et de s'être abstenue de lui remettre les clefs ; que la SARL U... R... a méconnu son obligation de livraison d'une chose conforme en refusant de procéder aux travaux de reprises limités dont l'expert avait constaté la faisabilité et de remettre les clefs à Madame D... ; qu'il lui incombe à ce titre d'assumer les conséquences du retard de livraison pour la période comprise entre la date du 30 juin 2009, initialement retenue pour la livraison et celle de son placement en liquidation judiciaire le 17 février 2014 ; que Madame D... a enduré une privation de jouissance justifiant le versement d'une indemnité de 1 000 euros par mois entamé, soit 56 000 euros ; que le retard de livraison et l'inertie de la SARL U... R... dans la résolution du litige et la remise des clefs ont également causé un préjudice moral qu'il convient d'indemniser à concurrence de 4 000 euros ; qu'à ces réparations s'ajoutent : - l'indemnisation des frais de logement exposés de juillet à décembre 2009, soit 4 317,70 euros, - l'indemnisation des taxes, abonnements et assurances contractés en vain, soit 2 560,45 euros ; - l'indemnisation des frais de suivi de courrier et de rachat de vêtements et d'articles d'hygiène, exposés par suite de l'indisponibilité des effets personnels de la demanderesses remisés dans un local inaccessible, soit 2 064 euros ; que la demanderesse ne justifie pas du surplus des postes de préjudice matériel mis en compte, notamment des frais de logement chez ses parents, non plus que du lien de causalité entre le retard de livraison et ses arrêts maladie, pertes de salaire et de chance d'être promue ; qu'il y a lieu de rejeter les demandes forcées de ces chefs ;
1°) ALORS QUE le juge doit préciser le fondement de sa décision ; qu'en limitant la dette de la société U... R... aux seules conséquences dommageables résultant du retard de livraison de l'immeuble litigieux pour la période comprise entre le 30 juin 2009 et le février 2014, date de sa mise en liquidation judiciaire, sans préciser en vertu de quelle règle légale la société U... R... ne serait pas tenue envers Mme D... des conséquences dommageables de ce retard pour la période postérieure, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'ouverture d'une procédure collective ne fait pas obstacle à ce que le débiteur soit jugé débiteur de l'indemnisation des conséquences dommageables d'une inexécution contractuelle antérieure à cette date ; qu'en limitant la dette de la société U... R... aux seules conséquences dommageables résultant du retard de livraison de l'immeuble litigieux pour la période comprise entre le 30 juin 2009 et le 17 février 2014, date de sa mise en liquidation judiciaire, quand aucune règle légale ne faisait obstacle à ce que la société U... R... soit tenue envers Mme D... des conséquences dommageables de ce retard pour la période postérieure, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les prétentions dirigées par Mme I... D... contre la société d'assurances Alpha Insurance, exerçant sous l'enseigne Gaia Insurance, et fondées sur l'assurance dommage ouvrage souscrite par la SARL U... R... et d'AVOIR rejeté le surplus de ses prétentions dirigées contre la société Alpha Insurance ;
AUX MOTIFS QUE sur l'action dirigée à l'encontre de la compagnie Alpha Insurance, au titre de l'assurance dommages-ouvrage ; qu'aux termes de l'article L.114-1 du code des assurances, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance et ce délai ne court, en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là ;
que l'article 114-2 prévoit que la prescription est interrompue par la désignation d'un expert amiable ou judiciaire à la suite d'un sinistre, par une lettre recommandée avec AR adressée par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité et par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription, notamment une demande en justice au fond ou en référé ; que dans tous ces cas, l'acte interruptif émanant de l'assuré doit s'adresser à l'assureur qu'on veut empêcher de prescrire ; qu'en l'espèce, que Mme D... a eu connaissance des non-conformités reprochées à la société U... R... en février 2010 et que l'ampleur de ces non-conformités lui a été confirmée le 22 août 2011, date du dépôt du rapport d'expertise ayant pour effet de faire courir le délai de prescription biennale ; que Mme D... n'a pas assigné la compagnie Alpha Insurance dans la procédure de référé-expertise et n'a agi contre cet assureur que le 18 novembre 2013, par son appel en cause devant le juge du fond ; que les décisions rendues sur le recours formé contre l'ordonnance de référé du 12 juillet 2010, contrairement aux dires de l'appelante, n'ont aucune incidence sur le délai de prescription en cause, notamment au regard d'une prétendue modification de la mesure d'expertise qui fonderait une extension de l'effet interruptif ; qu'en conséquence, le tribunal de grande instance a jugé à bon droit que la demande formée par Mme D... à l'encontre de la société Alpha Insurance, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, était irrecevable comme prescrite, puisque le délai biennal était expiré à la date de l'assignation au fond de cet assureur ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE sur la demande dirigée contre la société Alpha Insurance au titre de l'assurance décennale de la Sarl U... R..., vu l'article L. 124-3 du code des assurances ; qu'en droit le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ; qu'en fait l'assurance responsabilité civile « constructeur non réalisateur » souscrite par la Sarl U... R... ne s'applique qu'aux dommages engageant sa responsabilité en vertu des articles 1792 et 1792-2 du code civil, à savoir les dommages compromettant la solidité de l'ouvrage, le rendant impropre à sa destination ou affectant la solidité d'un élément d'équipement faisant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos et de couvert ; que les non conformités affectant la hauteur sous plafonds du lot de Madame D... ne s'étendent qu'à une surface limitée et n'affectent pas outre mesure le standing du logement ; qu'elles ne rendent pas l'immeuble impropre à sa destination non plus qu'ils n'en compromettent la solidité ; qu'il s'ensuit qu'elles n'entrent pas dans le champ des garanties offertes par la société Alpha Insurance au titre de la responsabilité décennale de la SARL U... R... et qu'elles ne peuvent valablement fonder les demandes indemnitaires formées par Madame D... à l'endroit de l'assureur ; qu'il y a lieu partant de rejeter l'intégralité des demandes dirigées contre la société Alpha Insurance ;
ALORS QUE l'action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable ; qu'en retenant, pour déclarer prescrite l'action directe formée par Mme D..., à l'encontre de la société Alpha Insurance, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage de la société U... R..., que Mme D... avait assigné l'assureur au-delà du délai biennal prévu à l'article L. 114-1 du code des assurances, quand ce délai n'est pas applicable à l'action directe exercée par la victime à l'encontre de l'assureur du responsable, la cour d'appel a violé les articles L. 114-1 et L. 124-3 du code des assurances.