LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 septembre 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 826 FS-D
Pourvoi n° B 18-23.625
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
La société Müflis T. Imar Bankasi T.A.S. Iflas Idaresi, dont le siège est [...], agissant en qualité de liquidateur de la banque T.Imar Bankasi T.A.S. représenté par F... M... domicilé [...], a formé le pourvoi n° B 18-23.625 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à M. X... R... U..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de la société Müflis T. Imar Bankasi T.A.S. Iflas Idaresi, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. U..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Maunand, Leroy-Gissinger, M. Fulchiron, conseillers, M. de Leiris, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mme Dumas, conseillers référendaires, M. Girard, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mai 2018), la société T. Imar Bankasi T.A.S.(la banque) ayant fait faillite, la société Müflis T. Imar Bankasi T.A.S Iflas Idaresi (le liquidateur) a engagé des procédures judiciaires à l'encontre de ses dirigeants, dont M. U.... Ce dernier ayant été condamné par un jugement du tribunal de première d'instance d'Istanbul à payer une certaine somme à la banque, le liquidateur de la banque a fait procéder à plusieurs saisies conservatoires de créances et de droits d'associé et valeurs mobilières, ainsi qu'à une saisie conservatoire de meubles corporels pratiquée au domicile de M. U.... Il a saisi un juge de l'exécution à fin de contester ces mesures.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
3. Le liquidateur de la banque fait grief à l'arrêt d'annuler la saisie conservatoire de meubles du 25 août 2017, alors :
« 1° / que l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, qui dispose qu'à l'expiration d'un délai de huit jours à compter d'un commandement de payer signifié par un huissier de justice et resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant, faire procéder à l'ouverture des portes et meubles, n'est applicable qu'aux mesures d'exécution forcée et non aux mesures conservatoires ; qu'en annulant les saisies conservatoires mobilières pratiquées le 25 août 2017 pour non-respect de l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, ce texte étant inapplicable aux saisies conservatoires, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°/ que la référence, par l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, à un commandement de payer signifié par un huissier de justice resté sans effet, en ce qu'elle laisse penser que le texte se rapporte à la seule saisie vente, ainsi d'ailleurs qu'il ressort des travaux parlementaires, puisque l'exigence d'un commandement de payer pour une saisie conservatoire retirerait tout effet utile à la saisie, en affecte la cohérence et la clarté quant à son champ d'application ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ qu'à supposer l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution applicable aux mesures conservatoires, le non-respect de cette disposition, qui prévoit qu'à l'expiration d'un délai de huit jours à compter d'un commandement de payer signifié par un huissier de justice resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant, faire procéder à l'ouverture des portes et meubles, n'est pas sanctionné par la nullité de la saisie conservatoire ; qu'en annulant les saisies conservatoires mobilières pratiquées le 25 août 2017 pour non-respect de l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, ce texte, à le supposer applicable aux saisies conservatoires, n'étant pas sanctionné par la nullité de la saisie conservatoire, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, à l'expiration d'un délai de huit jours à compter d'un commandement de payer signifié par un huissier de justice et resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant, faire procéder à l'ouverture des portes et des meubles.
5. Nonobstant l'emplacement de ce texte dans le Livre 1 du code des procédures civiles d'exécution, intitulé « dispositions générales », sa lettre même, qui exige que l'entrée dans un lieu servant à l'habitation et l'ouverture éventuelle des portes et des meubles soient précédées d'un commandement et que l'huissier de justice justifie d'un titre exécutoire, exclut son application à une mesure conservatoire, qui, en application de l'article L. 511-1 du même code, ne nécessite pas la délivrance préalable d'un commandement et peut être accomplie sans titre exécutoire.
6. Toutefois, s'il résulte de l'article L. 521-1 du même code, selon lequel la saisie conservatoire peut porter sur tous les biens meubles, corporels ou incorporels appartenant au débiteur, que le créancier peut faire procéder à la saisie conservatoire des biens de son débiteur situés dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant procéder à cet effet à l'ouverture des portes et des meubles, le droit, à valeur constitutionnelle, au respect de la vie privée et à l'inviolabilité du domicile, également consacré par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, exclut qu'une telle mesure puisse être pratiquée sans une autorisation donnée par un juge.
7. Une mesure conservatoire ne peut, par conséquent, être pratiquée dans un lieu affecté à l'habitation du débiteur par le créancier sans que le juge de l'exécution l'y ait autorisé en application de l'article R. 121-24 du code des procédures civiles d'exécution, et ce même dans l'hypothèse prévue à l'article L. 511-2 du même code dans laquelle le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire. A défaut, la mesure doit être annulée.
8. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, l'arrêt, qui a constaté que l'huissier de justice n'était pas muni de l'autorisation d'un juge pour pénétrer dans le lieu servant à l'habitation de M. U..., se trouve légalement justifié.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Müflis T. Imar Bankasi T.A.S. Iflas Idaresi agissant en qualité de liquidateur de la banque T. Imar Bankasi T.A.S, représenté par F... M... O... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Müflis T. Imar Bankasi T.A.S. Iflas Idaresi agissant en qualité de liquidateur de la banque T. Imar Bankasi T.A.S, représenté par F... M... O... et la condamne à payer à M. U... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Müflis T. Imar Bankasi T.A.S. Iflas Idaresi
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il a rejeté la contestation de Monsieur U... portant sur la saisie conservatoire de meubles du 25 août 2017 et, statuant à nouveau, d'avoir annulé la saisie conservatoire de meubles du 25 août 2017 ;
AUX MOTIFS que l'intimé soutient que Monsieur U... n'indique à aucun moment dans ses conclusions, les chefs du jugement qu'il entend critiquer ni, a fortiori, n'en fait pas état dans le dispositif, qu'il ne sollicite pas non plus la réformation ni l'annulation du jugement querellé dans son dispositif, qu'en l'absence de prétentions d'infirmation énoncées au dispositif et de l'énoncé des chefs de jugement critiqués, l'appel est irrecevable. Il résulte, ainsi que l'invoque l'intimé, de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. En l'espèce, si le dispositif des précédentes écritures de l'appelant, signifiées le 4 avril 2018, ne demandait pas expressément l'infirmation du jugement attaqué, les demandes qui y étaient énoncées, tendant à voir annuler les saisies, ordonner leur mainlevée ou leur cantonnement, s'analysent nécessairement comme des critiques du jugement ayant rejeté les demandes de l'appelant tendant aux mêmes fins. L'appelant a ainsi satisfait aux exigences du texte susvisé, ce dont il s'évince que la cour est tenue de statuer sur ces chefs de demande. En outre, le dispositif de ses dernières écritures tend expressément à l'infirmation du jugement attaqué. L'appel est donc recevable.
ALORS QUE selon l'article 954, alinéa 3, du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; que selon l'alinéa 4 du même texte, faute par les parties de reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures, elles sont réputées les avoir abandonnés ; que toutes les conclusions successives, en demande ou en défense, qui, avant la clôture de l'instruction, déterminent l'objet du litige ou soulèvent un incident de nature à mettre fin à l'instance, doivent exposer l'ensemble des prétentions de la partie et la totalité des moyens qui les fondent ; qu'en prononçant l'infirmation du jugement en ce qu'il avait rejeté la contestation de Monsieur U... portant sur la saisie conservatoire de meubles du 25 août 2017 et en ce qu'il l'avait aux dépens, après avoir pourtant constaté que dans le dispositif de ses conclusions du 4 avril 2018, signifiées, il n'était pas demandé l'infirmation du jugement, ce dont il résultait que cette prétention ayant été abandonnée, peu importait qu'elle figure au dispositif de ses dernières conclusions du 30 avril suivant, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il a rejeté la contestation de Monsieur U... portant sur la saisie conservatoire de meubles du 25 août 2017 et, statuant à nouveau, d'avoir annulé la saisie conservatoire de meubles du 25 août 2017 ;
AUX MOTIFS que contrairement à ce qui est soutenu par l'intimé, si l'autorisation du juge n'est pas requise pour qu'un créancier, détenteur d'une décision de justice non exécutoire fasse procéder à une saisie conservatoire, il résulte a contrario de l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution que l'huissier de justice non porteur d'un titre exécutoire ne peut procéder à l'ouverture forcée des portes d'un lieu servant à l'habitation. Il convient donc, l'huissier de justice ayant recouru à la force publique sans être porteur d'un titre exécutoire, d'annuler la saisie conservatoire du 25 août 2017, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à son encontre par Monsieur U... ;
1°) ALORS QUE l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, qui dispose qu'à l'expiration d'un délai de huit jours à compter d'un commandement de payer signifié par un huissier de justice et resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant, faire procéder à l'ouverture des portes et meubles, n'est applicable qu'aux mesures d'exécution forcée et non aux mesures conservatoires ; qu'en annulant les saisies conservatoires mobilières pratiquées le 25 août 2017 pour non-respect de l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, ce texte étant inapplicable aux saisies conservatoires, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la référence, par l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, à un commandement de payer signifié par un huissier de justice resté sans effet, en ce qu'elle laisse penser que le texte se rapporte à la seule saisie vente, ainsi d'ailleurs qu'il ressort des travaux parlementaires, puisque l'exigence d'un commandement de payer pour une saisie conservatoire retirerait tout effet utile à la saisie, en affecte la cohérence et la clarté quant à son champ d'application ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'à supposer l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution applicable aux mesures conservatoires, le non-respect de cette disposition, qui prévoit qu'à l'expiration d'un délai de huit jours à compter d'un commandement de payer signifié par un huissier de justice resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant, faire procéder à l'ouverture des portes et meubles, n'est pas sanctionné par la nullité de la saisie conservatoire ; qu'en annulant les saisies conservatoires mobilières pratiquées le 25 août 2017 pour non-respect de l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, ce texte, à le supposer applicable aux saisies conservatoires, n'étant pas sanctionné par la nullité de la saisie conservatoire, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution.
Le greffier de chambre
Le greffier de chambre