LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 septembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 571 F-D
Pourvoi n° Y 18-19.344
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020
La société Port Croisade, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Y 18-19.344 contre l'arrêt rendu le 9 mai 2018 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre A), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Tecta, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société Mutuelle des architectes français, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société Colas Midi Méditerranée, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
4°/ à la société Guintoli, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Lefebvre,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Port Croisade, de la SCP Boulloche, avocat des sociétés Tecta et Mutuelle des architectes français, de Me Le Prado, avocat de la société Colas Midi Méditerranée, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Guintoli, après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 mai 2018), la commune d'Aigues-Mortes (la commune) a entrepris la création d'une zone d'aménagement concertée dite « [...] » (la [...]) dont l'aménagement a été confié à la société Port croisade en vertu d'une convention qui prévoyait, notamment, la rétrocession de la propriété des ouvrages de voirie et de réseaux à la commune après la réception des travaux. L'aménageur devait réaliser cette [...] à titre gratuit en se rémunérant par la cession des terrains à construire. Sont intervenues aux opérations de construction la société Prejectec environnement, aux droits de laquelle vient la société Tecta, assurée auprès de la société MAF et chargée de la maîtrise d'oeuvre d'oeuvre de conception et d'exécution des travaux de Voirie et réseaux divers (VRD), la société Sacer Sud Est, aux droits de laquelle vient la société Colas Midi Méditerranée, chargée du lot voiries, voies piétonnes et espaces verts, et la société Lefebvre, aux droits de laquelle vient la société Guintoli, chargée du lot réseaux humides.
2. Estimant que les ouvrages de viabilisation n'étaient pas conformes aux devis et aux règles de l'art, la société Port croisade a sollicité une expertise en référé.
3. Le 19 novembre 2012, un protocole, valant remise et transfert de propriété, a été conclu entre la société Port croisade et la commune.
4. Puis la société Port croisade a assigné les sociétés Projetec environnement, MAF, Colas Midi Méditerranée, Guintoli en indemnisation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société Port croisade fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est dépourvue d'intérêt à agir en paiement contre la société Colas Midi Méditerranée au titre de la levée des réserves et de relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir pour les demandes en paiement dirigées contre les sociétés Tecta, MAF et Guintoli au titre de la levée des réserves, alors :
« 1°/ que le maître de l'ouvrage conserve, après sa cession, qualité et intérêt à agir en dommages-intérêts à raison des désordres affectant l'ouvrage s'il peut se prévaloir d'un préjudice personnel distinct de celui que subit l'acquéreur ; qu'en l'espèce, la société Port croisade se prévalait de ce que, en dépit de la cession des ouvrages, elle était restée tenue, à l'égard de la commune cessionnaire, de veiller à la reprise des désordres à l'effet de lever les réserves subsistantes ; qu'à cet égard, la cour d'appel a relevé que l'accord de rétrocession du 19 novembre 2012 stipulait d'une part que les ouvrages était restitués à la commune avec réserves (article 1er), et d'autre part que cette remise avec réserves s'effectuait en contrepartie de l'engagement de l'aménageur de réaliser à ses frais cinq ralentisseurs ainsi qu'un chemin piétonnier (article 3) ; qu'il s'en déduisait nécessairement que ces réserves ne se confondaient pas avec l'engagement de faire réaliser les ralentisseurs et le chemin piétonnier, et ne pouvaient dès lors que renvoyer aux malfaçons et défaut de conformité de l'ouvrage rétrocédé ; qu'en se fondant entièrement sur le préambule de cet accord pour juger que les seules réserves évoquées par les parties concernaient l'absence de ralentisseurs, à l'exclusion de toutes réserves relatives à la qualité ou à la conformité de l'ouvrage cédé par l'aménageur, sans tenir compte des stipulations même de cet accord, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 ancien du code civil, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
2°/ l'acquéreur d'un bien est en principe investi de tous les droits et actions qui s'attachent au bien cédé ; que les parties sont toutefois libres de déroger à cet effet translatif en réservant expressément au vendeur l'exercice de ces droits et actions ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'aux termes de l'article 5 de l'accord de rétrocession du 19 novembre 2012, la société Port croisade a déclaré faire son affaire personnelle de toutes procédures en cours et de leurs conséquences et que la commune a, ce faisant, accepté que l'aménageur poursuive la procédure introduite contre les entrepreneurs à raison des désordres affectant les ouvrages ; qu'en retenant néanmoins que cette stipulation ne suffisait pas à conférer à la société Port croisade un intérêt à agir pour cette raison que cette dernière ne démontrait pas avoir déjà indemnisé la commune de ces désordres ni s'être engagée à les reprendre, ni encore avoir déjà procédé leur réparation, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 1134 ancien du code civil, ensemble l'article 31 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a souverainement retenu, d'une part, que, selon l'article 5 de l'accord du 19 novembre 2012, la commune, actuel propriétaire des ouvrages, avait accepté que la société Port croisade se charge des contentieux en cours, à savoir le référé-expertise, à l'encontre des locateurs d'ouvrage, d'autre part, que, dans le préambule de ce protocole, la commune justifiait son refus de la rétrocession en 2008 par l'absence de ralentisseurs, que ni ce protocole ni la délibération du conseil municipal du 4 octobre 2012, ayant autorisé le maire à le signer, ni aucun autre document émanant de la mairie ne faisaient état de réserves sur la qualité ou la conformité des travaux de VRD et que la commune n'avait consenti à la rétrocession des ouvrages avec réserves (article 1 du protocole) à la seule condition que la société Port croisade s'engageât à exécuter, à ses frais, divers ouvrages non prévus au marché, à savoir cinq ralentisseurs et un chemin piétonnier (article 3 du protocole), sans subordonner son accord à la réalisation de travaux de parachèvement.
7. Dès lors, la cour d'appel, devant laquelle la société Port croisade ne soutenait pas qu'en vertu de l'article 5 du protocole du 19 novembre 2012 la commune avait accepté que l'aménageur se charge d'une procédure autre que le référé-expertise et qui ne s'est pas entièrement fondée sur le préambule de ce protocole pour dire que la société Port croisade était dépourvue d'intérêt à agir, a légalement justifié sa décision de ce chef.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. La société Port croisade fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre de ses préjudices personnels, alors :
« 1°/ les désordres affectant un ouvrage obligent à réparer le préjudice qui en résulte pour le maître de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, la société d'aménagement Port croisade expliquait que les malfaçons et défaut de conformité ayant affecté les ouvrages depuis 2008 avaient justifié le refus de la commune de procéder à leur acquisition comme il était prévu à la convention d'aménagement, jusqu'à ce que la commune accepte finalement, par acte du 19 novembre 2012, d'en prendre possession avec réserves, compte tenu de la procédure introduite par le vendeur pour purger les ouvrages de ces désordres et de la réalisation de nouveaux éléments d'équipements ; qu'elle s'appuyait à cet effet, non seulement sur les déclarations faites à l'expert judiciaire par le directeur des services techniques de la commune, mais également sur l'article 8 de la convention d'aménagement du 9 mai 2004 qui précisait que la remise des ouvrages à la commune ne se ferait qu'après levée de toutes les réserves, ainsi que sur une lettre du 8 novembre 2011 par laquelle la direction de l'urbanisme et des services techniques de la commune d'Aigues-Mortes rappelait que la remise des ouvrages ne pourrait avoir lieu qu'après levée de l'ensemble des réserves ; qu'en opposant que la simple déclaration verbale d'un agent de la mairie recueillie plusieurs années après la rétrocession des ouvrages ne pouvait suffire à établir à elle seule que la commune avait émis des réserves sur la qualité ou la conformité des travaux, et que ces réserves avaient justifié son refus de consentir à la rétrocession des ouvrages avant 2012, sans tenir compte, comme il lui était demandé, de ce que les déclarations verbales du directeur des services techniques de la commune étaient corroborées par un courrier de la direction de ces services techniques du 8 novembre 2011 ainsi que par les stipulations de la convention d'aménagement conclue entre les parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 anciens du code civil ;
2°/ les juges du fond ont l'obligation de se prononcer sur l'ensemble des pièces versées aux débats ; qu'en l'espèce, la société d'aménagement Port croisade expliquait que les malfaçons et défaut de conformité ayant affecté les ouvrages depuis 2008 avaient justifié le refus de la commune de procéder à leur acquisition comme il était prévu à la convention d'aménagement, jusqu'à ce que la commune accepte finalement, par acte du 19 novembre 2012, d'en prendre possession avec réserves ; qu'elle s'appuyait à cet effet, non seulement sur les déclarations faites à l'expert judiciaire par le directeur des services techniques de la commune, mais également sur l'article 8 de la convention d'aménagement du 9 mai 2004 qui précisait que la remise des ouvrages à la commune ne se ferait qu'après levée de toutes les réserves, ainsi que sur une lettre du 8 novembre 2011 par laquelle la direction de l'urbanisme et des services techniques de la commune d'Aigues-Mortes rappelait que la remise des ouvrages ne pourrait avoir lieu qu'après levée de l'ensemble des réserves ; qu'en affirmant que la simple déclaration verbale d'un agent de la mairie ne pouvait suffire à établir à elle seule que la commune avait émis des réserves sur la qualité ou la conformité des travaux, et que ces réserves avaient justifié son refus de consentir à la rétrocession des ouvrages avant 2012, sans analyser ni la lettre du 8 novembre 2011 ni la convention d'aménagement du 9 mai 2004, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel, sans être tenue de s'expliquer sur des éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a souverainement retenu que l'absence de levée de certaines réserves par les locateurs d'ouvrage n'était pas à l'origine du préjudice subi par la société Port croisade dès lors que la commune avait justifié son refus de la rétrocession en 2008 par l'absence d'ouvrage non prévus au marché et non par les défauts de parachèvement, ainsi que cela résultait du protocole du 19 novembre 2012.
10. Elle a donc légalement justifié sa décision de rejeter les demandes d'indemnisation de la société Port croisade.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Port croisade aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Port croisade et la condamne à payer les sommes de 3 000 euros à la société MAF, 3 000 euros à la société Guintoli et 3 000 euros à la société Colas Midi Méditerranée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Port Croisade.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR jugé que la société Port Croisade est dépourvue d'intérêt à agir en paiement contre la société Colas Midi Méditerranée au titre de la levée des réserves et d'AVOIR relevé d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir pour les demandes en paiement dirigées contre les sociétés Tecta, Maf et Guintoli au titre de la levée des réserves ;
AUX MOTIFS QUE la société Colas Midi Méditerranée conclut à l'irrecevabilité des demandes en faisant valoir que la société Port Croisade n'est plus propriétaire des ouvrages de VRD depuis leur rétrocession à la commune le 19 novembre 2012 et qu'elle ne justifie pas d'un intérêt à agir en reprise des réserves ; que selon l'article 5 de l'accord passé le 19 novembre 2012 entre la commune d'Aigues Mortes et la société Port Croisade, cette dernière a déclaré faire son affaire personnelle de toutes procédures en cours et de leurs conséquences en relation avec les ouvrages de VRD, ce que la commune a déclaré accepter irrévocablement ; que la commune, actuel propriétaire des ouvrages, a donc accepté que la société Port Croisade fasse son affaire des contentieux en cours (à savoir le référé expertise) à l'encontre des locateurs d'ouvrage ; que toutefois, pour justifier d'un intérêt à agir en reprise des désordres sur des ouvrages dont elle n'est plus propriétaire, la société Port Croisade doit démontrer soit qu'elle a déjà procédé à la réparation ou à l'indemnisation des malfaçons et non-conformités soit qu'elle s'est engagée envers le propriétaire à les reprendre ou à les lui indemniser ; que la société Port Croisade soutient que la rétrocession a été acceptée par la commune « avec réserves » ce qui fait la preuve de son obligation de les reprendre et démontre ainsi son intérêt à agir contre les locateurs d'ouvrage ; que dans le préambule du protocole d'accord du 19 novembre 2012 la commune justifie son refus de la rétrocession en 2008 par l'absence de ralentisseurs sur l'avenue Mont Joye (alors que ces équipements n'étaient pas prévus au programme des équipements publics) ; que surpris par l'absence de réserves de la commune sur la qualité et la conformité des travaux de VRD, l'expert L... a interrogé la mairie ; que le directeur des services techniques lui a alors indiqué oralement que le refus de rétrocession de 2008 avait été motivé par les défauts de parachèvement et d'exécution, indépendamment de la question des ralentisseurs (page 27 du rapport) ; mais que la simple déclaration orale d'un agent de la mairie, recueillie plusieurs années après la rétrocession, ne peut suffire à démontrer l'existence des réserves alléguées alors que ni la transaction du 19 novembre 2012 passée avec l'aménageur ni la délibération du conseil municipal du 4 octobre 2012 ayant autorisé le maire à la signer ni aucun autre document émanant de la mairie ne font état de réserves sur la qualité ou la conformité des travaux de VRD ; qu'il faut donc en conclure que les seules réserves ayant justifié le refus de la commune de consentir à la rétrocession des ouvrages de VRD en 2008 concernaient l'absence de ralentisseurs ainsi que cela est exposé clairement dans le préambule du protocole d'accord ; que d'ailleurs, la commune n'a consenti à la rétrocession des ouvrages avec réserves (article 1 du protocole) qu'à la condition que la société Port Croisade s'engage à réaliser, à ses frais, divers ouvrages non prévus au marché (à savoir cinq ralentisseurs sur l'avenue [...] et un chemin piétonnier de 350 mètres longeant les berges du canal du Rhône à Sète en continuité de celui déjà réalisé au droit de la [...] (cf article 3 du protocole) sans subordonner son accord à la réalisation de quelconques travaux de parachèvement ; que contrairement à ce qu'elle soutient, la société Port Croisade ne démontre pas avoir pris l'engagement envers la commune d'Aigues Mortes de lever les réserves figurant en annexe 1 du procès-verbal des opérations préalables à la réception ; que n'étant plus propriétaire de ces ouvrages et ne justifiant d'aucun engagement envers l'actuel propriétaire de lever les réserves existantes à la réception, la société Port Croisade est par conséquent dépourvue d'intérêt à agir en paiement contre la société la société Colas Midi Méditerranée au titre de la levée des réserves ; que les autres intimés ne soulèvent pas cette irrecevabilité dans le dispositif de leurs écritures (la société Tecta et la Maf n'ayant pas repris leur prétention dans le dispositif de leurs conclusions) mais la cour décide, ainsi que le lui permet l'article 125 alinéa 2 du code de procédure civile, de relever d'office cette fin de non-recevoir pour les demandes en paiement dirigées contre les sociétés Tecta, Maf et Guintoli au titre de la levée des réserves et invite les parties à présenter leurs observations sur cette irrecevabilité relevée d'office suivant les modalités prévues au dispositif ;
1) ALORS QUE le maître de l'ouvrage conserve, après sa cession, qualité et intérêt à agir en dommages-intérêts à raison des désordres affectant l'ouvrage s'il peut se prévaloir d'un préjudice personnel distinct de celui que subit l'acquéreur ; qu'en l'espèce, la société Port Croisade se prévalait de ce que, en dépit de la cession des ouvrages, elle était restée tenue, à l'égard de la commune cessionnaire, de veiller à la reprise des désordres à l'effet de lever les réserves subsistantes ; qu'à cet égard, la cour d'appel a relevé que l'accord de rétrocession du 19 novembre 2012 stipulait d'une part que les ouvrages était restitués à la commune avec réserves (article 1er), et d'autre part que cette remise avec réserves s'effectuait en contrepartie de l'engagement de l'aménageur de réaliser à ses frais cinq ralentisseurs ainsi qu'un chemin piétonnier (article 3) ; qu'il s'en déduisait nécessairement que ces réserves ne se confondaient pas avec l'engagement de faire réaliser les ralentisseurs et le chemin piétonnier, et ne pouvaient dès lors que renvoyer aux malfaçons et défaut de conformité de l'ouvrage rétrocédé ; qu'en se fondant entièrement sur le préambule de cet accord pour juger que les seules réserves évoquées par les parties concernaient l'absence de ralentisseurs, à l'exclusion de toutes réserves relatives à la qualité ou à la conformité de l'ouvrage cédé par l'aménageur, sans tenir compte des stipulations même de cet accord, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 ancien du code civil, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE l'acquéreur d'un bien est en principe investi de tous les droits et actions qui s'attachent au bien cédé ; que les parties sont toutefois libres de déroger à cet effet translatif en réservant expressément au vendeur l'exercice de ces droits et actions ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'aux termes de l'article 5 de l'accord de rétrocession du 19 novembre 2012, la société Port Croisade a déclaré faire son affaire personnelle de toutes procédures en cours et de leurs conséquences, et que la commune a ce faisant accepté que l'aménageur poursuive la procédure introduite contre les entrepreneurs à raison des désordres affectant les ouvrages ; qu'en retenant néanmoins que cette stipulation ne suffisait pas à conférer à la société Port Croisade un intérêt à agir pour cette raison que cette dernière ne démontrait pas avoir déjà indemnisé la commune de ces désordres ni s'être engagée à les reprendre, ni encore avoir déjà procédé leur réparation, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 1134 ancien du code civil, ensemble l'article 31 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Port Croisade de toutes ses demandes au titre de ses préjudices personnels ;
AUX MOTIFS QUE la société Port Croisade soutient que la rétrocession a été acceptée par la commune « avec réserves » ce qui fait la preuve de son obligation de les reprendre et démontre ainsi son intérêt à agir contre les locateurs d'ouvrage ; que dans le préambule du protocole d'accord du 19 novembre 2012 la commune justifie son refus de la rétrocession en 2008 par l'absence de ralentisseurs sur l'avenue Mont Joye (alors que ces équipements n'étaient pas prévus au programme des équipements publics) ; que surpris par l'absence de réserves de la commune sur la qualité et la conformité des travaux de VRD, l'expert L... a interrogé la mairie ; que le directeur des services techniques lui a alors indiqué oralement que le refus de rétrocession de 2008 avait été motivé par les défauts de parachèvement et d'exécution, indépendamment de la question des ralentisseurs (page 27 du rapport) ; mais que la simple déclaration orale d'un agent de la mairie, recueillie plusieurs années après la rétrocession, ne peut suffire à démontrer l'existence des réserves alléguées alors que ni la transaction du 19 novembre 2012 passée avec l'aménageur ni la délibération du conseil municipal du 4 octobre 2012 ayant autorisé le maire à la signer ni aucun autre document émanant de la mairie ne font état de réserves sur la qualité ou la conformité des travaux de VRD ; qu'il faut donc en conclure que les seules réserves ayant justifié le refus de la commune de consentir à la rétrocession des ouvrages de VRD en 2008 concernaient l'absence de ralentisseurs ainsi que cela est exposé clairement dans le préambule du protocole d'accord ; que d'ailleurs, la commune n'a consenti à la rétrocession des ouvrages avec réserves (article 1 du protocole) qu'à la condition que la société Port Croisade s'engage à réaliser, à ses frais, divers ouvrages non prévus au marché (à savoir cinq ralentisseurs sur l'avenue [...] et un chemin piétonnier de 350 mètres longeant les berges du canal du Rhône à Sète en continuité de celui déjà réalisé au droit de la [...] (cf article 3 du protocole) sans subordonner son accord à la réalisation de quelconques travaux de parachèvement ; que contrairement à ce qu'elle soutient, la société Port Croisade ne démontre pas avoir pris l'engagement envers la commune d'Aigues Mortes de lever les réserves figurant en annexe 1 du procès-verbal des opérations préalables à la réception ;
AUX MOTIFS QUE la société Port Croisade sollicite l'indemnisation de ses préjudices personnels consécutifs au refus de rétrocession de la mairie en 2008 ; qu'elle soutient que le refus des locateurs d'ouvrage de lever les réserves a rendu la rétrocession impossible en 2008, l'acte d'engagement stipulant que la rétrocession ne pouvait concerner que des ouvrages réceptionnés sans réserve, ce qui est à l'origine de plusieurs préjudices : • coût de gestion des ouvrages non rétrocédés entre 2008 et 2012 (EDF, Eau et espaces verts et équipement communs) : 99.125,63 € ; • coût du maintien de la garantie extrinsèque d'achèvement : nantissement non levé avant la réception : 605.840 € (rémunérution des comptes à terme) ; • coût des ouvrages supplémentaires exigés par la commune en raison du retard dans la rétrocession (5 ralentisseurs et 350 mètres supplémentaires de chemin piétonnier) : 35.307,05 € HT et 19.915 € HT ; mais que, ainsi qu'il a été indiqué dans les motifs qui précèdent, il n'est nullement démontré que le refus de la commune de consentir à la rétrocession des ouvrages était fondé sur les réserves existantes lors de la réception du 7 mars 2008 et affectant la qualité et la conformité des ouvrages de VRD ; que l'absence de levée de certaines réserves par les locateurs d'ouvrage n'est donc pas à l'origine du préjudice subi par la société Port Croisade puisque la commune a justifié son refus de la rétrocession en 2008 par l'absence d'ouvrage non prévus au marché et non par les défauts de parachèvement ainsi que cela résulte du protocole d'accord du 19 novembre 2012 ; que d'ailleurs, la commune a accepté la rétrocession, nonobstant les défauts de parachèvement, en ne subordonnant son accord qu'à la réalisation des ouvrages convoités (ralentisseurs et chemin piétonnier) aux frais de l'aménageur, sans exiger la levée d'autres réserves ; que la société Port Croisade ne démontre pas que le retard pris dans la rétrocession des VRD entre mars 2008 et novembre 2012 serait imputable aux locateurs d'ouvrage et elle doit être déboutée de toutes ses prétentions de ce chef ;
1) ALORS QUE les désordres affectant un ouvrage obligent à réparer le préjudice qui en résulte pour le maître de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, la société d'aménagement Port Croisade expliquait que les malfaçons et défaut de conformité ayant affecté les ouvrages depuis 2008 avaient justifié le refus de la commune de procéder à leur acquisition comme il était prévu à la convention d'aménagement, jusqu'à ce que la commune accepte finalement, par acte du 19 novembre 2012, d'en prendre possession avec réserves, compte tenu de la procédure introduite par le vendeur pour purger les ouvrages de ces désordres et de la réalisation de nouveaux éléments d'équipements ; qu'elle s'appuyait à cet effet, non seulement sur les déclarations faites à l'expert judiciaire par le directeur des services techniques de la commune, mais également sur l'article 8 de la convention d'aménagement du 9 mai 2004 qui précisait que la remise des ouvrages à la commune ne se ferait qu'après levée de toutes les réserves, ainsi que sur une lettre du 8 novembre 2011 par laquelle la direction de l'urbanisme et des services techniques de la commune d'Aigues-Mortes rappelait que la remise des ouvrages ne pourrait avoir lieu qu'après levée de l'ensemble des réserves ; qu'en opposant que la simple déclaration verbale d'un agent de la mairie recueillie plusieurs années après la rétrocession des ouvrages ne pouvait suffire à établir à elle seule que la commune avait émis des réserves sur la qualité ou la conformité des travaux, et que ces réserves avaient justifié son refus de consentir à la rétrocession des ouvrages avant 2012, sans tenir compte, comme il lui était demandé, de ce que les déclarations verbales du directeur des services techniques de la commune étaient corroborées par un courrier de la direction de ces services techniques du 8 novembre 2011 ainsi que par les stipulations de la convention d'aménagement conclue entre les parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 anciens du code civil ;
2) ALORS QUE les juges du fond ont l'obligation de se prononcer sur l'ensemble des pièces versées aux débats ; qu'en l'espèce, la société d'aménagement Port Croisade expliquait que les malfaçons et défaut de conformité ayant affecté les ouvrages depuis 2008 avaient justifié le refus de la commune de procéder à leur acquisition comme il était prévu à la convention d'aménagement, jusqu'à ce que la commune accepte finalement, par acte du 19 novembre 2012, d'en prendre possession avec réserves ; qu'elle s'appuyait à cet effet, non seulement sur les déclarations faites à l'expert judiciaire par le directeur des services techniques de la commune, mais également sur l'article 8 de la convention d'aménagement du 9 mai 2004 qui précisait que la remise des ouvrages à la commune ne se ferait qu'après levée de toutes les réserves, ainsi que sur une lettre du 8 novembre 2011 par laquelle la direction de l'urbanisme et des services techniques de la commune d'Aigues-Mortes rappelait que la remise des ouvrages ne pourrait avoir lieu qu'après levée de l'ensemble des réserves ; qu'en affirmant que la simple déclaration verbale d'un agent de la mairie ne pouvait suffire à établir à elle seule que la commune avait émis des réserves sur la qualité ou la conformité des travaux, et que ces réserves avaient justifié son refus de consentir à la rétrocession des ouvrages avant 2012, sans analyser ni la lettre du 8 novembre 2011 ni la convention d'aménagement du 9 mai 2004, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.