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10/09/2020 | FRANCE | N°19-13933

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 septembre 2020, 19-13933


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 septembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 523 F-D

Pourvoi n° N 19-13.933

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020

M. K... P..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 19-13.

933 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 4), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme S... B.....

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 septembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 523 F-D

Pourvoi n° N 19-13.933

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020

M. K... P..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 19-13.933 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 4), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme S... B... , épouse M..., domiciliée [...] ,

2°/ à Mme F... M..., épouse J..., domiciliée [...] ,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. P..., de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de Mmes M... et J..., après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 20 décembre 2018), M. P... a pris à bail rural un domaine comprenant une maison d'habitation et des terres appartenant à Mmes M... et J....

2. Celles-ci ont saisi le tribunal paritaire en résiliation du bail, en expulsion et en paiement de dommages-intérêts au titre de la remise en état du bâtiment devenu inhabitable. M. P... a demandé reconventionnellement leur condamnation au paiement des travaux de réparation de sinistres survenus dans la maison.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. P... fait grief à l'arrêt de résilier le bail, d'ordonner son expulsion, de le condamner au paiement de dommages-intérêts et de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ qu'il incombe au bailleur, au soutien de sa demande de résiliation du bail, de prouver que le preneur a commis des manquements à ses obligations de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds; qu'en l'espèce, pour justifier leur demande de résiliation du bail, les bailleresses prétendaient que des manquements de M. P... à ses obligations d'habiter, de surveiller et d'assurer la maison d'habitation, étaient à l'origine du dégât des eaux et du vol avec vandalisme, et qu'il en résultait des dommages qui avaient compromis le fonds ; que M. P... faisait valoir que le dégât des eaux était survenu en raison de l'arrêt accidentel de la chaudière à la suite d'une rupture du courant électrique ayant provoqué le gel des canalisations, que la maison était fermée à clés et que lui-même ou un salarié y venait plusieurs fois par semaine ; qu'en retenant, pour résilier le bail, que M. P... ne démontrait pas que la chaudière serait tombée en panne et que toutes les dispositions avaient été prises pour protéger le bien contre les intrusions et le vandalisme, quand il appartenait aux bailleresses de démontrer que le gel des canalisations n'était pas dû à un arrêt de la chaudière au gaz en raison d'une coupure de courant et que M. P... avait abandonné les lieux, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil, ensemble l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;

2°/ que la clause du bail mettant à la charge du preneur l'obligation de s'assurer pour les sinistres dont il serait responsable est d'interprétation stricte ; que pour retenir une exécution déloyale par M. P... de ses obligations justifiant la résiliation du bail, la cour d'appel a considéré que la clause du bail selon laquelle « le preneur est tenu d'assurer la maison d'habitation contre les sinistres dont il serait responsable et de présenter cette attestation d'assurance au bailleur, ce dernier étant lui-même assuré contre l'incendie » était susceptible de s'étendre aux dégradations à la suite du dégât des eaux affectant les gros murs et le plancher, ainsi que celles portant sur la structure de l'immeuble et ses éléments d'équipements à la suite du vandalisme ; qu'en statuant ainsi cependant que la clause litigieuse, d'interprétation stricte, ne prévoyait nullement que le preneur devait souscrire une assurance couvrant ces grosses réparations, la cour d'appel a violé l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles 1163 devenu 1190 et 1134 devenu 1103 du code civil ;

3°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à s'en expliquer ; qu'en l'espèce, pour résilier le bail, la cour d'appel a retenu qu'il était « constant, au vu de l'importance des dégâts et du montant des réparations, que les manquements fautifs du preneur ont compromis la bonne exploitation de l'immeuble d'habitation, et par suite, le bail étant indivisible, du fonds loué » ; qu'en statuant ainsi, quand les conclusions écrites oralement soutenues par les parties ne comportaient aucun moyen tiré de l'indivisibilité du bail, la cour d'appel, qui a soulevé d'office ce moyen sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ en toute hypothèse, que, s'il n'est pas nécessaire que la bonne exploitation du fonds soit compromise sur la totalité des biens loués pour pouvoir emporter la résiliation du bail, les juges du fond doivent néanmoins vérifier que la majeure partie du fonds est impactée ; qu'en l'espèce, il était constant que le bail litigieux portait non seulement sur la maison d'habitation sinistrée mais également sur des parcelles de terre nues ; qu'en se bornant à relever qu'au vu de l'importance des dégâts, les manquements fautifs du preneur ont compromis la bonne exploitation de l'immeuble d'habitation, et par suite, le bail étant indivisible, du fonds loué, sans vérifier si l'exploitation du fonds elle-même était compromise alors que les dégâts n'affectaient que la maison d'habitation laquelle n'était nullement nécessaire à l'exploitation des parcelles louées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

4. En premier lieu, la cour d'appel a retenu que M. P... avait contracté l'obligation d'occuper personnellement les locaux loués à usage d'habitation et que, par dérogation, il était autorisé à les sous-louer, afin que ceux-ci soient constamment occupés, cette occupation permanente permettant d'assurer un entretien régulier et de prévenir le risque d'effraction. Elle a relevé que le preneur s'était abstenu de veiller à la mise hors gel des canalisations et de visiter régulièrement les lieux pour s'assurer de leur bon état et de l'absence d'intrusion malveillante. Sans inverser la charge de la preuve, elle a pu en déduire que cet abandon compromettait la bonne exploitation du fonds.

5. En deuxième lieu, la cour d'appel a retenu, d'une part, que M. P... ne justifiait pas avoir rencontré une quelconque difficulté pour assurer l'immeuble au regard des risques locatifs, ainsi qu'il y était tenu par le bail, d'autre part, que la modestie du plafond d'indemnisation souscrit caractérisait une exécution déloyale de ses obligations, ce d'autant qu'il ne contestait pas avoir perçu une indemnité sans entreprendre la moindre réparation. Elle n'a pas retenu que la bonne exploitation de l'immeuble avait été compromise par une défaillance du preneur dans l'obligation d'assurer le bien loué.

6. En troisième lieu, la cour d'appel, saisie d'une demande de résiliation totale, a constaté que le bail de carrière, conclu par acte authentique, avait pour objet un ensemble constitué d'un immeuble d'habitation et de parcelles. L'indivisibilité, inhérente à tout bail rural jusqu'à son expiration, étant dans le débat, c'est sans violer le principe de la contradiction qu'elle a pu déduire de l'abandon caractérisé, imputable au preneur, de l'un des bâtiments du domaine, que l'avenir du fonds était compromis au sens de l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime.

7. Le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. P... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par
M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. P...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation du bail souscrit le 13 avril 2011 entre les parties, et portant sur les parcelles, sur la commune de [...], cadastrées, et pour une contenance totale de 98ha, 70a, 68ca : [...] , [...] , [...] , [...] , [...] , [...] , [...] , [...] , [...] , [...] , d'AVOIR ordonné l'expulsion de M. K... P... et de tous occupants de son chef avec, si besoin est, le concours de la force publique, à défaut de libération volontaire des lieux loués dans le mois de la signification de l'arrêt, d'AVOIR condamné M. K... P... à payer à Mme S... B... épouse M... et Mme F... M... épouse J... une somme de 44.521,63 euros à titre de dommages et intérêts outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et d'AVOIR débouté M. K... P... de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la demande de résiliation du bail ; que sur les dégradations de l'immeuble d'habitation ; qu'il ressort de la lecture du bail liant les parties qu'au titre des charges et conditions, le preneur à l'obligation de maintenir le bien loué en bon état d'entretien et d'avertir le bailleur des usurpations dont il serait victime. Il est expressément stipulé à la rubrique « Occupation : il (le preneur) sera tenu d'occuper personnellement les locaux loués à usage d'habitation » et à la rubrique « Assurances : le preneur est tenu d'assurer la maison d'habitation contre les sinistres dont il serait responsable et de présenter cette attestation d'assurance au bailleur, ce dernier étant lui-même assuré contre l'incendie ». Il est joint une autorisation de sous-location consentie dans le cadre de l'article L 411-35 du code rural du 4 mars 2008 aux termes de laquelle le bailleur, par dérogation aux dispositions du bail et à l'obligation faite au preneur d'occuper les biens loués, autorise le preneur à sous-louer le logement loué à M. K... P... dans le cadre d'un bail à effet du 10 février 2003, à Mme R... L.... Selon le bail de sous-location du 4 mars 2008, ce contrat était conclu pour une durée de trois années, commençant à courir le 15 octobre 2007 pour se terminer le 14 octobre 2010 ; qu'il était acquis aux débats et jusque dans les propres écritures de l'appelant à hauteur d'appel (page 5) que l'immeuble d'habitation avait été libéré au mois d'août 2010 par Mme L... et que M. K... P... n'avait pas retrouvé de locataire ; que curieusement, il est pour la première fois à hauteur d'appel soutenu par l'appelant que le dernier sous-locataire a quitté l'immeuble le 1er décembre 2010 et la cour est « renvoyée sur ce point à l'attestation de Mme Q... E... précisant avoir loué la maison d'habitation de la ferme du [...] du 1er septembre 2009 au 1er décembre 2010... ». Il ressort de l'examen de cet écrit daté du 20 mai 2014 qu'il ne remplit pas les conditions de forme édictées par les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile pour être qualifié d'attestation (absence d'indication des renseignements d'identité du scripteur autre que son nom, prénom et adresse, d'un éventuel lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration.., de mention selon laquelle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fois attestation l'expose à des sanctions pénales, d'annexes en original ou en photocopie d'un document officiel justifiant de l'identité et comportant sa signature). Cet écrit bien tardif et son contenu ne sauraient emporter la conviction alors qu'il résulte des déclarations constantes jusque-là de l'appelant, ainsi qu'il l'a été rappelé dans ses propres écritures devant la cour, mais également devant l'expert commis comme devant l'expert de sa propre compagnie d'assurances (pièce 28), que le dernier sous-locataire avait quitté les lieux en août 2010 ; que M. K... P... prétend que le sinistre dégât des eaux est survenu le 8 décembre 2010 en raison de l'arrêt accidentel de la chaudière gaz suite à une rupture de courant électrique ayant provoqué le gel des canalisations. Il n'est nullement justifié de la survenance d'une coupure d'électricité dans la commune de [...] le 7 ou 8 décembre 2010. Il ressort en revanche de la lecture des propres pièces de l'appelant qu'il a le 9 décembre 2010 effectué une déclaration de sinistre en indiquant : «je viens par la présente vous informer que ma maison située [...] a été l'objet d'un dégât des eaux constaté le 8 décembre 2010. Suite à une coupure accidentelle de la chaudière au gaz alimentant l'habitation, inoccupée pour le moment, j'ai été victime du gel des canalisations.» et des factures (pièce 7) de Totalgaz, adressées à son père sans qu'en soient expliquées les raisons, qu'une commande de gaz a été effectuée le 14 décembre 2010, soit postérieurement à la découverte du sinistre ; qu'à cet égard, le rapport d'expertise de l'assureur de M. K... P... indiquant que le gel des canalisations à l'étage est la résultante d'un arrêt accidentel de la chaudière au gaz suite à une coupure de courant est sans emport, dès lors que l'expert n'a procédé à aucune vérification ; qu'il n'est pas sérieusement contestable que M. K... P... avait au titre des obligations contractuelles lui incombant celle d'occuper personnellement les locaux loués à usage d'habitation et que par dérogation, il était autorisé à sous-louer ces locaux, lesquels devaient être constamment occupés. Cette occupation permanente permettait d'assurer un entretien et un chauffage des lieux loués or, malgré la saison hivernale, le preneur s'est abstenu de veiller à tout le moins, à la mise hors gel des canalisations, quand bien même eût-il dû couper l'alimentation en eau ce que par commodité au regard de l'alimentation des bâtiments d'exploitation il s'est abstenu de faire, et de visiter régulièrement les lieux pour s'assurer de leur bon état ; que s'agissant des désordres causés postérieurement par les actes de vol ou de 'vandalisme, à une époque où l'immeuble d'habitation était toujours inoccupé, sans que n'ait été mise en oeuvre la moindre mesure de surveillance effective ou (la protection par le preneur qui avait de fait abandonné les lieux et les avaient ainsi livrés à la convoitise des malfaiteurs, M. K... P... a également failli à ses obligations contractuelles ; que c'est par de justes motifs que le tribunal a écarté l'argumentaire de M. K... P... qui tente, pour échapper à sa responsabilité, de déplacer le débat sur les obligations respectives des parties en matière d'assurance. Il sera, en tout état de cause, rappelé qu'à ce titre, la seule obligation pesant sur les bailleresses était, aux termes du contrat de bail, de se faire garantir des risques liés à l'incendie, assurance qu'elles ont justifié avoir souscrite et sans objet en l'espèce alors qu'aucune obligation légale ne leur incombait quant aux risques de dégâts des eaux ou de vol et de vandalisme. M. K... P... ne justifie pas avoir rencontré quelconque difficulté pour assurer l'immeuble, ainsi qu'il y était tenu par le bail, de ces risques et d'en avoir avisé les bailleresses lesquelles font justement observer la modestie du plafond d'indemnisation souscrit, ce qui caractérise une exécution déloyale par M. K... P... de ses obligations, auprès d'une compagnie qui n'est tenue, quel que soit le contrat, qu'à garantie. Au surplus, alors que l'immeuble était totalement vide de tout meuble, le preneur ne conteste pas avoir perçu une indemnité de 12.476,07 euros en suite de la déclaration du sinistre vol vandalisme mais n'a pas entrepris la moindre réparation ; qu'il est constant, au vu de l'importance des dégâts et du montant des réparations, que les manquements fautifs du preneur ont compromis la bonne exploitation de l'immeuble d'habitation, et par suite, le bail étant indivisible, du fond loué et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du bail dont s'agit ; que sur la sous-location alléguée des terres ; qu'il n'y a pas lieu davantage pour la cour que pour le tribunal paritaire des baux ruraux d'examiner le bien-fondé du second grief formé par les intimées à l'encontre de l'appelant, tiré de la sous-location alléguée des terres, au soutien de leur demande en résiliation du bail dont s'agit dès lors qu'il n'est pas contesté que le bail soit indivisible et que sa résiliation a été confirmée pour manquement du preneur à ses obligations de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ; qu'en conséquence de la résiliation du bail, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné l'expulsion de M. K... P... et de tous occupants de son chef à défaut de libération volontaire des lieux loués ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur les dégradations de l'immeuble d'habitation et leurs conséquences quant au bail ; qu'aux termes des dispositions du bail du 13 avril 2011, qui constituent la loi des parties, il est prévu que le locataire est tenu d'occuper personnellement les locaux loués à usage d'habitation ; le contrat stipule également que seules les réparations locatives ou de menu entretien dont l'origine est ni la vétusté, ni le vice de construction ou de la matière, ni enfin la force majeure, doivent être supportés par le preneur, alors que les grosses réparations sont à la charge exclusive du bailleur ; qu'il est également prévu que le preneur est tenu d'assurer la maison d'habitation contre les sinistres dont il serait responsable, alors que le bailleur doit souscrire une assurance contre l'incendie ; qu'aux termes de l'article 1720 du code civil, le bailleur doit faire pendant la durée du bail, toutes les réparations devenues nécessaires, autres que locatives ; qu'aux termes de l'article 1728, en sa rédaction applicable au bail eu égard à la date de sa signature, outre le paiement du loyer, le preneur doit user de la chose louée en bon père de famille ; l'article 1729 permet au bailleur, si le preneur ne respecte pas cette obligation, de faire résilier le bail ; qu'enfin, l'article 1732 dispose que le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute ; qu'en l'espèce, le rapport d'expertise judiciaire confirme que le gel a rompu les canalisations d'eau alors que la maison n'était plus chauffée car non habitée ; au regard des dispositions du bail rappelées ci-dessus, M. K... P... ne peut s'exonérer de la responsabilité du dégât des eaux survenu durant l'hiver 2010-2011 dans l'immeuble d'occupation, dès lors qu'il avait obligation d'occuper les lieux loués, ou, puisqu'un accord était intervenu entre les parties, de les sous-louer, alors qu'il n'est pas contesté que l'immeuble n'était pas habité depuis août 2010 ; il ne démontre au demeurant pas que la chaudière serait tombée en panne ; qu'il en est de même quant au sinistre intervenu en mai 2011, l'immeuble étant toujours inoccupé alors, et la preuve n'étant pas rapportée par le preneur de ce que toutes les dispositions avaient été prises pour protéger le bien contre les intrusions et le vandalisme ; qu'à cet égard, l'expert judiciaire confirme qu'à compter du 31 août 2010, l'immeuble d'habitation est resté inoccupé, et qu'il appartenait à M. K... P... d'en assurer la surveillance ; qu'il résulte du rapport d'expertise que les dégâts entraînés par les deux sinistres sont très importants : outre les dégradations aux sols et aux murs, conséquence du dégât des eaux, M. Y... précise que tout est à refaire pour le chauffage et le sanitaire, suite au vandalisme et au vol des équipements en métal ; que dans ces conditions, la dégradation du bien est le fait du preneur, au regard des dispositions de l'article 1728 du code civil ; les éléments de fait du dossier non seulement excluent la notion de fait fortuit et donc, l'application de l'article 411-30 du code rural, mais surtout, caractérisent une négligence fautive de la part du preneur, qui autorise en l'espèce, au regard de l'article 1729 du code civil, Mme S... B... et Mme F... M... épouse J... à solliciter la résiliation du bail ; que le débat instauré par le preneur sur la négligence de son propriétaire qui n'aurait pas souscrit une assurance propriétaire non occupant est sans portée dès lors qu'aucun obligation n'incombe à ce dernier à ce titre, légalement, ou conventionnellement, à l'exception sur ce dernier point, du risque incendie, effectivement garanti comme l'a relevé l'expert, mais sans objet en l'espèce ; qu'il sera fait, en conséquence, droit à la demande de résiliation judiciaire, au regard de la gravité du manquement, auquel s'ajoute le fait que le preneur, qui a perçu une indemnité de l'ordre de 12 000 € de la part de son assureur, n'a pas entrepris (ce qui n'est pas contesté) la moindre réparation ; [
] ; enfin, le bail prévoit expressément l'obligation pour le preneur de s'assurer contre les risques locatifs, ce qu'il justifie avoir fait ; s'il s'avère que les conséquences d'un sinistre qui lui est imputable de par sa négligence est insuffisamment garanti, cela ne modifie en rien son obligation, à l'égard du bailleur, de réparer intégralement le préjudice ;

1) ALORS QU'il incombe au bailleur, au soutien de sa demande de résiliation du bail, de prouver que le preneur a commis des manquements à ses obligations de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ; qu'en l'espèce, pour justifier leur demande de résiliation du bail, les bailleresses prétendaient que des manquements de M. P... à ses obligations d'habiter, de surveiller et d'assurer la maison d'habitation, étaient à l'origine du dégât des eaux et du vol avec vandalisme, et qu'il en résultait des dommages qui avaient compromis le fonds ; que M. P... faisait valoir que le dégât des eaux était survenu en raison de l'arrêt accidentel de la chaudière à la suite d'une rupture du courant électrique ayant provoqué le gel des canalisations, que la maison était fermée à clés et que lui-même ou un salarié y venait plusieurs fois par semaine ; qu'en retenant, pour résilier le bail, que M. P... ne démontrait pas que la chaudière serait tombée en panne et que toutes les dispositions avaient été prises pour protéger le bien contre les intrusions et le vandalisme, quand il appartenait aux bailleresses de démontrer que le gel des canalisations n'était pas dû à un arrêt de la chaudière au gaz en raison d'une coupure de courant et que M. P... avait abandonné les lieux, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil, ensemble l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;

2) ALORS QUE la clause du bail mettant à la charge du preneur l'obligation de s'assurer pour les sinistres dont il serait responsable est d'interprétation stricte ; que pour retenir une exécution déloyale par M. P... de ses obligations justifiant la résiliation du bail, la cour d'appel a considéré que la clause du bail selon laquelle «le preneur est tenu d'assurer la maison d'habitation contre les sinistres dont il serait responsable et de présenter cette attestation d'assurance au bailleur, ce dernier étant lui-même assuré contre l'incendie» était susceptible de s'étendre aux dégradations à la suite du dégât des eaux affectant les gros murs et le plancher, ainsi que celles portant sur la structure de l'immeuble et ses éléments d'équipements à la suite du vandalisme ; qu'en statuant ainsi cependant que la clause litigieuse, d'interprétation stricte, ne prévoyait nullement que le preneur devait souscrire une assurance couvrant ces grosses réparations, la cour d'appel a violé l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles 1163 devenu 1190 et 1134 devenu 1103 du code civil ;

3) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à s'en expliquer ; qu'en l'espèce, pour résilier le bail, la cour d'appel a retenu qu'il était « constant, au vu de l'importance des dégâts et du montant des réparations, que les manquements fautifs du preneur ont compromis la bonne exploitation de l'immeuble d'habitation, et par suite, le bail étant indivisible, du fonds loué » ; qu'en statuant ainsi, quand les conclusions écrites oralement soutenues par les parties ne comportaient aucun moyen tiré de l'indivisibilité du bail, la cour d'appel, qui a soulevé d'office ce moyen sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4) ALORS en toute hypothèse QUE s'il n'est pas nécessaire que la bonne exploitation du fonds soit compromise sur la totalité des biens loués pour pouvoir emporter la résiliation du bail, les juges du fond doivent néanmoins vérifier que la majeure partie du fonds est impactée ; qu'en l'espèce, il était constant que le bail litigieux portait non seulement sur la maison d'habitation sinistrée mais également sur des parcelles de terre nues ; qu'en se bornant à relever qu'au vu de l'importance des dégâts, les manquements fautifs du preneur ont compromis la bonne exploitation de l'immeuble d'habitation, et par suite, le bail étant indivisible, du fonds loué, sans vérifier si l'exploitation du fonds elle-même était compromise alors que les dégâts n'affectaient que la maison d'habitation laquelle n'était nullement nécessaire à l'exploitation des parcelles louées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-13933
Date de la décision : 10/09/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 20 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 10 sep. 2020, pourvoi n°19-13933


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.13933
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