La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/09/2020 | FRANCE | N°19-10618

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 septembre 2020, 19-10618


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 septembre 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 502 F-D

Pourvoi n° J 19-10.618

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020

Mme W... J..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° J

19-10.618 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. N.....

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 septembre 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 502 F-D

Pourvoi n° J 19-10.618

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020

Mme W... J..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° J 19-10.618 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. N... S...,

2°/ à Mme P... S...,

tous deux domiciliés [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme J..., de Me Carbonnier, avocat de M. et Mme S..., après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 15 novembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 16-15.263), Mme J... est propriétaire d'une parcelle cadastrée [...] , contiguë à la parcelle cadastrée [...] et appartenant à M. et Mme S....

2. Soutenant que ceux-ci faisaient obstacle à l'exercice des servitudes de passage et de puisage mentionnées dans son acte, Mme J... les a assignés en rétablissement de ses droits.

3. M. et Mme S... ont demandé à titre reconventionnel la condamnation de Mme J... à retirer les canalisations installées dans le sous-sol de leur fonds.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme J... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en reconnaissance d'une servitude de passage, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'acte du 4 juin 1885 prévoyait que « les aisines où est le puits et celles qui sont au midi de ladite maison sont et seront grevés à l'avenir, ce que reconnaissent personnellement les acquéreurs, d'une servitude de passage en tout temps, de toutes manières, au profit de la maison contiguë et ses dépendances appartenant à la veuve et aux enfants I... » ; que, pour rejeter la demande de Mme J..., la cour d'appel a néanmoins considéré « que dès l'origine ce passage en litige a été accordé non à un fonds mais à une famille, puis à un de ses membres, X... I... (R... X... I... selon les actes) lequel, en vendant son bien à Mme J... l'a éteint » ; qu'en statuant ainsi, quand l'acte de 1885 visait expressément « une servitude de passage [
] au profit de la maison contiguë et ses dépendances » et non au profit de la famille I..., la cour d'appel a dénaturé cet acte et a violé le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

5. Pour rejeter la demande, l'arrêt retient que, dès l'origine, le passage litigieux a été accordé non à un fonds mais à une famille, puis à un de ses membres, X... I..., lequel, en vendant son bien à Mme J... l'a éteint.

6. En statuant ainsi, alors que l'acte du 4 juin 1885, constitutif de la servitude, stipulait que le droit de passage bénéficiait à la « maison contiguë et à ses dépendances appartenant à la veuve et aux enfants de Mme I... », auteurs de M. et Mme S..., par conséquent au fonds et non à la famille, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte, a violé le principe susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif critiqué par le second moyen, ayant condamné Mme J... à retirer les canalisations installées sous l'assiette du droit de passage.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne M. et Mme S... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme S... et les condamne à payer à Mme J... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme J...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme J... de ses demandes tendant à dire qu'elle est bénéficiaire d'une servitude de passage grevant le fonds des époux S... et de condamnation des époux S... à enlever le claustra bois et la terrasse obstruant ladite servitude de passage ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la servitude de passage, la servitude de passage revendiquée par l'appelante est par nature une servitude discontinue, au sens de l'article 688 code civil ; qu'elle ne peut donc s'établir que par titre, selon l'article 691 du code civil, et est soumise à la publicité foncière par publication à la conservation des hypothèques ; qu'il n'est pas contesté qu'aux termes de l'acte du 15 janvier 2007 par lequel Mme W... J... a acquis de M. R... X... I... l'immeuble en litige à [...], cadastré section [...] , l'existence d'une servitude de passage sur le fonds voisin, [...] (appartenant depuis 2010 aux époux S...), est mentionnée par référence à un acte antérieur du 4 juin 1885 intéressant le fonds servant, aux termes duquel R... I... et son épouse F... E... ont acquis de R... M... ce fonds avec la précision portée sur l'acte que : « les aisines où est le puits et celles qui sont au midi de ladite maison sont et seront grevés à l'avenir, ce que reconnaissent personnellement les acquéreurs, d'une servitude de passage en tout temps, de toutes manières, au profit de la maison contiguës et ses dépendances appartenant à la veuve et aux enfants I.... Les acquéreurs s'engagent à respecter cette servitude alors même qu'elle ne résulterait pas d'un titre régulier, ce qui est accepté par F... D... veuve dudit M. I... demeurant à [...] » ; que la servitude revendiquée par Mme J... est ainsi établie par l'acte recognitif émanant des propriétaires asservis, M. R... I... et son épouse F... E... ; que les propriétaires successifs du fonds servant ont été de 1885 à 2010, M. et Mme R... F... I..., M. et Mme H... (acte de vente du 9 juin 1942), Mme Y... Q... (acte de vente du 4 juin 1987), Mme C... (acte de vente du 15 juin 2007) et enfin les époux S... ; que l'expert désigné souligne que les actes d'acquisitions successifs ont tous fait mention de cette servitude au profit du fonds voisin cadastré [...] ; que cette servitude figure, par référence à l'acte de 1885, sur les titres de propriété successifs du fonds bénéficiaire, à savoir l'acte du 21 octobre 1935 par lequel Mme veuve I... a fait donation à ses enfants R...-L..., R... X... et R... V... I... de cette parcelle [...] , laquelle est devenue pleine propriété du seul R... X... I... par l'effet d'une licitation consentie par ses frères le même jour, puis sur l'acte de vente du 15 janvier 2007 à Mme J... ; que c'est en vain que les époux S... pour dénier à Mme J... le bénéfice de la servitude revendiquée soutiennent son inopposabilité pour défaut de publication alors que des pièces produites par l'appelante, il ressort sans contestation possible que la servitude stipulée dans l'acte de vente du 4 juin 1885 a régulièrement été publiée au registre des hypothèques de Libourne, ce qui la rend opposable aux tiers ; qu'elle verse en effet : l'acte authentique de vente de M. I... et son épouse Mme U... aux consorts H... du 09 juin 1942, il est rappelé l'origine de propriété et notamment l'acte du 4 juin 1885, dont précision est faite que celui-ci a été transcrit au Bureau des Hypothèques de Libourne le 15 juillet 1.885 volume [...] n° [...] concernant inscription d'office du même jour volume [...] n° [...] ; deux courriers des archives départementales de la Gironde faisant état d'une publication du 15 juillet 1885 vol [...].[...] et l'extrait de la transcription ; un courrier du conseil général à Madame J... du 24 juillet 2013 qui confirme en ces termes la publication de l'acte : « par courrier du 2 juillet dernier, vous sollicitez mes services à propos de la transcription hypothécaire suivante publiée au bureau de dépôt des hypothèques de Libourne volume [...] n°[...] du 15 juillet 1885, des recherches entreprises, dans le fonds conservés aux archives départementales de la Gironde, il ressort que ce volume a bien été retrouvé dont une copie de l'acte n°[...] vous sera adressée à la réception de la somme de 5,00 €. » ; l'extrait de cette transcription hypothécaire volume [...] n°[...] du bureau des hypothèques de Libourne en date du 15 juillet 1885, sur lequel figure la clause reprenant la constitution de servitude de l'acte du 4 juin 1885 mentionnant la servitude en cause : « grevés à l'avenir, ce que reconnaissent personnellement les acquéreurs, d'une servitude de passage en tout temps, de toutes manières, au profit de la maison contiguës et ses dépendances appartenant à la veuve et aux enfants I...... les acquéreurs s'engagent à respecter cette servitude alors même qu'elle ne résulterait pas d'un titre régulier, ce qui est accepté par F... D... veuve dudit M I... demeurant à [...] » ; qu'en revanche, c'est avec pertinence que le premier juge a considéré que la servitude dont s'agit n'était pas opposable aux époux S... dès lors qu'elle était un droit personnel de M. X... I... qui s'est éteint avec la vente du bien par son titulaire ; qu'en effet, si l'article 686 du code civil dispose qu'il est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, les services établis ne pouvant être imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds ; lorsqu'un acte est ambigüe, il convient de rechercher la commune intention des parties pour déterminer si le droit créé est un droit personnel ou un droit réel ; qu'en l'espèce il résulte de la lecture des différents titres de propriétés et de leur analyse faite par l'expert, que l'acte initial de 1885 instaurant la servitude dont s'agit a indiqué qu'elle était en faveur « de la maison contigüe appartenant à la veuve I... et à ses enfants » ; que cette précision quant aux propriétaires du fonds bénéficiaire se retrouve dans les actes de cession successifs de la parcelle [...] , soit ceux du 9 juin 1942, 4 juin 1987, 15 juin 2007 et 15 février 2010 par lequel les époux S... ont acquis leur bien, lesquels mentionnent que « l'immeuble vendu est grevé d'un droit de passage en tous temps et de toutes manières au profit de M X... I... » ; que la cour considère que dès l'origine ce passage en litige a été accordé non à un fonds mais à une famille, puis à un de ses membres, X... I... (R... X... I... selon les actes) lequel, en vendant son bien à Mme J... l'a éteint ; que c'est donc avec justesse que le premier juge, pour ce motif, a débouté Mme J... de ses demandes à se voir reconnaître une servitude de passage sur le fonds des époux S... ; que le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, sur la servitude de passage, une servitude de passage est une servitude établie par le fait de l'homme, discontinue et non apparente et qu'elle ne peut s'établir que par titres ; qu'en application de l'article 695 du code civil, le titre constitutif de la servitude à l'égard de celles qui ne peuvent s'acquérir par la prescription ne peut être remplacé que par un titre récognitif de la servitude et émané du propriétaire du fonds asservi ; qu'en l'espèce, le fonds asservi serait le fonds des époux S... ; que l'acte du 4/06/1885 versé aux débats est passé entre R... M... et son épouse, vendeurs, et R... I... et son épouse, acquéreurs ; que cet acte mentionne en page 2 « les aisines où est le puits et celles qui sont au midi de ladite maison est et seront grevés, ce que reconnaissent personnellement les acquéreur, d'une servitude de passage en tous temps, et de toutes manières au profit de la maison contiguë et ses dépendances appartenant à la veuve et aux enfants I...... les acquéreurs s'engagent à respecter cette servitude alors même qu'elle ne résulterait pas d'un titre régulier, ce qui est accepté par F... D... veuve dudit monsieur I..., demeurant à [...], ici présente et intervenant tant en son nom personnel qu'en celui de ses enfants » ; que l'acte de vente passé .entre madame J... et R... en famille X... I..., le 15/01/2007, fait référence en page 13 à l'acte de maître K... notaire à Lugon en date du 4/06/1885 susvisé ; que madame J... fait valoir que l'acte de 1885 émane bien du fonds asservi, soit le fonds des époux S... des lors qu'elle établit la liste des propriétaires successifs jusqu'aux époux S... et que le premier est bien monsieur M..., puis R... I... et son épouse F... E..., R... F... I... et son épouse T... U..., les époux H..., Y... Q..., G... C... et enfin les époux S... ; qu'elle fait valoir par ailleurs que F... D..., qui est intervenue à l'acte, est un des auteurs de madame J... ; que ce point, qui en outre résulte du rapport d'expertise, n'est plus contesté par les époux S... dans leurs dernières conclusions puisqu'ils indiquent « si cet acte (de 1885) pourrait servir de titre constitutif d'une servitude au sens de l'article 691 du code civil, encore faut-il que cet acte soit opposable aux époux S... » ; qu'il en résulte que le seul moyen opposé par les époux S... est le défaut d'opposabilité de l'acte du 4/06/1885 ; qu'à cet égard, il résulte du courrier émanant du conseil général de la Gironde qu'à l'époque (1885), la transcription d'un acte notarié aux hypothèques n'était pas une formalité obligatoire mais que les services possèdent sous la cote [...] (enregistrement bureau de Fronsac 1885) la mention de l'acte de vente ; qu'il ne s'agit donc pas de la publication de l'acte de 1885 au bureau des hypothèques de Libourne mais une simple transcription par extrait au bureau des hypothèques de Fronsac ; que, par ailleurs, il est fait mention dans l'acte de vente entre R... F... I... et son épouse T... U... et les époux H... que l'acte du 4/06/1885 a été transcrit au bureau des hypothèques de Libourne le 15 juillet suivant volume [...] numéro [...], contenant inscription d'office du même jour volume [...] numéro [...] ; [
] qu'il est de jurisprudence constante que les servitudes établies par le tint de l'homme ne sont opposables aux acquéreurs que si elles sont mentionnées dans leur titre de propriété (première hypothèse) ou si elles ont fait l'objet d'une publication (seconde hypothèse) ; que, sur la première hypothèse, il résulte du rapport d'expertise de monsieur B..., GEOSAT, qu'à l'acte du 4/06/1885, il est mentionné une servitude de passage en tous temps et de toutes manières au profit de la maison contiguë et ses dépendances, qu'à l'acte du 9/06/1942 -- vente R... F... I.../H... A... il est mentionné droit de passage en tous temps et de toutes manières au profit de monsieur X... I..., qu'à l'acte du 4/06/1987 – vente H.../J Q... – il est mentionné droit de passage en tous temps et de toutes manières au profit de monsieur X... I..., qu'à l'acte du 15/06/2007 -- donation J Q.../consorts C..., il est mentionné droit de passage en tous temps et de toutes manières au profit de monsieur X... I... et qu'enfin à l'acte du 15/02/2010 – vente C.../S... il est mentionné « les aisines de l'immeuble vendu sont grevées d'un droit de passage en tout temps et de toutes manières au profit de monsieur X... I..., le vendeur déclare que monsieur I... a vendu sa propriété et que par voie de conséquence, le droit personnel qui lui était réservé est sans objet » ; qu'il en résulte que si la servitude de passage est bien mentionnée aux actes successifs des propriétaires du fonds servant, ce droit de passage, initialement au profit de la maison contigüe et ses dépendances, a été par la suite transformé en droit personnel à monsieur X... I... et le dernier acte mentionne même qu'il est éteint ; qu'il en résulte une incertitude quant à l'existence de la servitude de passage et son étendue pour les époux S... derniers acquéreurs et qu'on ne peut donc retenir que cette servitude est mentionnée dans leur titre de propriété et donc opposable à leur encontre par ce moyen ;

1) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'acte du 4 juin 1885 prévoyait que « les aisines où est le puits et celles qui sont au midi de ladite maison sont et seront grevés à l'avenir, ce que reconnaissent personnellement les acquéreurs, d'une servitude de passage en tout temps, de toutes manières, au profit de la maison contiguë et ses dépendances appartenant à la veuve et aux enfants I... » ; que, pour rejeter la demande de Mme J..., la cour d'appel a néanmoins considéré « que dès l'origine ce passage en litige a été accordé non à un fonds mais à une famille, puis à un de ses membres, X... I... (R... X... I... selon les actes) lequel, en vendant son bien à Mme J... l'a éteint » ; qu'en statuant ainsi, quand l'acte de 1885 visait expressément « une servitude de passage [
] au profit de la maison contiguë et ses dépendances » et non au profit de la famille I..., la cour d'appel a dénaturé cet acte et a violé le principe susvisé ;

2) ALORS QU'une servitude établie par titre, droit réel par nature, ne peut être transformée en un droit personnel sans le consentement du propriétaire du fonds dominant ; que, pour rejeter la demande de Mme J..., la cour d'appel a relevé que les actes de 1942, 1987, 2007 et 2010 mentionnaient que « l'immeuble vendu est grevé d'un droit de passage en tous temps et de toutes manières au profit de M X... I... », pour en déduire que « ce passage en litige a[vait] été accordé non à un fonds mais à une famille, puis à un de ses membres, X... I... (R... X... I... selon les actes) lequel, en vendant son bien à Mme J... l'a[vait] éteint » ; qu'en statuant ainsi, quand, ces actes émanant des seuls propriétaires du fonds servant, ne pouvaient emporter transformation d'un droit réel en un droit personnel en l'absence de consentement du propriétaire du fonds dominant, la cour d'appel a violé les articles 637 et 686 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Mme J... sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant deux mois à compter du 30ième jour suivant la signification du présent jugement à enlever les canalisations installées sous le fonds des époux S... en l'absence de servitude de passage opposable à ces derniers ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE [le jugement] sera également [confirmé] s'agissant de l'enlèvement sous astreinte des canalisations mises en place par l'appelante, celle-ci ne pouvant se prévaloir d'une servitude accessoire à la servitude de passage non opposable aux époux S..., ou d'une quelconque autorisation de ses voisins ; qu'elle n'a, au demeurant, pas démontré que le titre instituant le droit de passage, conférait celui de faire passer des canalisations dans le sous-sol de l'assiette de la servitude, la seule indication dans l'acte initial de 1885 « d'une servitude de passage en tout temps, de toutes manières » étant à cet égard trop imprécise pour ce faire ; qu'une telle aggravation de la servitude ne pouvait qu'être sanctionnée étant prohibée par l'article 702 du code civil ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, sur l'installation des canalisations par Mme J..., il résulte de l'analyse précédente que Mme J... a établi ses canalisations dans le garage des époux S... sans qu'elle rapporte la preuve d'une autorisation du propriétaire du fonds actuel S..., madame C..., et qu'en l'absence de droit de passage opposable aux époux S..., elle ne peut se prévaloir du droit d'y installer ses canalisations ; qu'il convient donc de la condamner sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant deux mois et à compter du 30ième jour suivant la signification de la présente décision à enlever les dites canalisations ;

1) ALORS QUE la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que, pour condamner Mme J... à retirer les canalisations litigieuses sous astreinte, la cour d'appel a retenu qu'elle ne pouvait « se prévaloir d'une servitude accessoire à la servitude de passage non-opposable aux époux S... » ; que, dès lors, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation, au titre du premier moyen, du chef de l'arrêt ayant débouté Mme J... de sa demande tendant à dire qu'elle est bénéficiaire d'une servitude de passage, emportera la cassation de l'arrêt en ce qu'il a ordonné sous astreinte l'enlèvement des canalisations ;

2) ALORS QUE, lorsque la servitude est établie par titre, celui-ci en détermine l'étendue conformément à l'intention des parties ; que, pour condamner Mme J... à enlever les canalisations installées sous le fonds des époux S..., la cour d'appel a retenu qu'il n'était « pas démontré que le titre instituant le droit de passage, conférait celui de faire passer des canalisations dans le sous-sol de l'assiette de la servitude, la seule indication dans l'acte initial de 1885 "d'une servitude de passage en tout temps, de toutes manières" étant à cet égard trop imprécise pour ce faire » ; qu'en statuant ainsi, quand il lui incombait de rechercher la commune intention des parties à la convention instituant la servitude de passage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 686 du code civil ;

3) ALORS QUE le raccordement des immeubles aux réseaux publics de collecte disposés pour recevoir les eaux usées domestiques et établis sous la voie publique à laquelle ces immeubles ont accès soit directement, soit par l'intermédiaire de voies privées ou de servitudes de passage, est obligatoire dans le délai de deux ans à compter de la mise en service du réseau public de collecte ; que, pour condamner Mme J... à enlever les canalisations installées sous le fonds des époux S..., la cour d'appel a retenu qu'il n'était « pas démontré que le titre instituant le droit de passage, conférait celui de faire passer des canalisations dans le sous-sol de l'assiette de la servitude, la seule indication dans l'acte initial de 1885 "d'une servitude de passage en tout temps, de toutes manières" étant à cet égard trop imprécise pour ce faire » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le raccordement de la maison de Mme J... au réseau public ne pouvait se faire que par le passage de canalisations sous l'assiette de la servitude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-10618
Date de la décision : 10/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 15 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 10 sep. 2020, pourvoi n°19-10618


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.10618
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award