La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/09/2020 | FRANCE | N°18-26034

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 septembre 2020, 18-26034


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 septembre 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 531 F-D

Pourvoi n° V 18-26.034

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020

Mme H... I..., épouse M..., domiciliée [...] , a

formé le pourvoi n° V 18-26.034 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 septembre 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 531 F-D

Pourvoi n° V 18-26.034

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020

Mme H... I..., épouse M..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° V 18-26.034 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme D... VP..., domiciliée [...] ,

2°/ à Mme N... J..., domiciliée [...] ,

toutes deux prises en qualité d'héritières de W... O..., décédée,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme M..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mmes VP... et J..., après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 septembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 9 février 2017, pourvoi n° 15-26.255), Mme O..., aux droits de laquelle viennent Mmes VP... et J..., propriétaire d'une parcelle [...] , se prévalant, pour l'accès à son jardin, d'une servitude de passage sous un porche, a assigné Mme M..., propriétaire de la parcelle voisine cadastrée [...] , en démolition du mur obstruant le passage.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. Mme M... fait grief à l'arrêt de dire que la parcelle [...] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur le passage inclus dans sa parcelle [...] , alors « que dans ses conclusions d'appel, elle s'était prévalue de l'extinction de la servitude du fait de son inutilité en application de l'article 703 du code civil et avait produit aux débats la lettre commune du 5 juin 2008, dans laquelle Mme O... et elle-même avaient dénoncé la dangerosité de la sortie par leurs garages sur la RN 21, raison de leur demande de création d'une servitude conventionnelle par la commune, ce qui leur avait été accordé par acte du 30 avril 2010 ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pourtant essentiel soulevé dans ses écritures d'appel et portant sur l'inutilité de la servitude de passage litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

5. Pour déclarer la servitude litigieuse non éteinte, l'arrêt retient que Mme O... établit qu'elle en a fait usage et que la prescription extinctive n'est en conséquence pas acquise.

6. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme M... qui soutenait que la servitude était également éteinte du fait de l'impossibilité d'usage, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

7. La cassation à intervenir sur le deuxième moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs du dispositif critiqués par les troisième et quatrième moyens, ainsi que celle du chef du dispositif ayant rejeté la demande indemnitaire de Mme M....

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la parcelle [...] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur le passage inclus dans la parcelle [...] , d'une largeur de 2,84 m sous le bâti et de 3 m par ailleurs, ordonne sous astreinte à Mme M... de libérer intégralement le passage en procédant à la destruction du mur obstruant le portail situé au niveau de la cour de Mme O..., et déboute Mme M... de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 27 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne Mmes VP... et J... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par
M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme I....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit que la parcelle [...] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur le passage inclus dans la parcelle [...] ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, selon Madame O..., depuis l'acte de vente de 1839, les parties ont toujours voulu permettre un passage à tous les propriétaires successifs contigus au passage ; que Madame M... considère que cette servitude ne bénéficiait à cette date qu'aux consorts G... et A..., excluant de son usage Madame O... et ses auteurs ; que, dans l'acte de vente du 4 juin 1839, il est écrit que le passage longeant le mur de la maison F... sera commun pour toutes les parties à l'acte, c'est-à-dire Monsieur F... et Madame E..., aux époux A... et aux époux G... ; que, dans le même document, à l'endroit où sont décrites à la fois l'augmentation de la largeur du passage et les obligations d'aménagement à la charge des époux G..., il est rappelé que le droit de passage est « entre eux et des tiers » et sera « constamment libre » ; que, dès lors, il n'est pas douteux que cet acte instaure une servitude conventionnelle de passage à cet endroit, au bénéfice notamment des époux G... ; que les extraits des actes des années 1883 à 1889 cités plus haut, démontrent que l'exercice de cette servitude n'avait pas été abandonné à cette période pour les successeurs des deux propriétaires ; qu'à l'instar de ce qui a été vu s'agissant de la propriété de la bande de terrain longeant le mur de la maison O..., il n'est versé au dossier aucun document concernant cette servitude de passage pour la période comprise entre 1889 et les acquisitions des propriétaires actuelles ; que la Cour rappelle qu'en vertu de leur acte de vente respectif, datés de 1984 et 1990, Mesdames M... et O... ont toutes deux accepté d'acquérir leur bien avec « toutes les appartenances, dépendances, servitudes et mitoyennetés » ; qu'ainsi, faute d'accord exprès entre elles et leurs auteurs respectifs au sujet de l'extinction de cette servitude, celle-ci est réputée grever à ce jour le fonds de Madame M... au profit de celui de Madame O... ; que Madame M... procède par simple affirmation et sans apporter de preuve à ses allégations en prétendant que cette servitude a été instaurée pour que les époux G... ne soient pas gênés par le passage des époux A... et de leurs visiteurs, et que le fait qu'elle ait aujourd'hui réuni les deux fonds sous sa propriété éteint par confusion le droit de passage ; qu'en outre, le fait que l'existence de cette servitude n'est pas mentionnée dans le titre de Madame M..., ou qu'elle n'a pas été publiée au service de la publicité foncière est sans effet sur son opposabilité ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE, selon les recherches effectuées par Monsieur T..., par acte du 2 août 1812, C... X..., épouse de B... L..., a vendu aux époux P... F... une partie de parcelle à prendre sur une plus importante ainsi présentée : « Confronte du levant, chemin public, du midi, M. V..., couchant, terre restante, nord UL... X.... Pour l'exploitation de la pièce ci-dessus vendue, lesdits acquéreurs jouiront du droit de passage, ou servitude par la passade qui existe au nord de la pièce restante laquelle passade sera néanmoins d'une largeur propre à pouvoir passer avec un tombereau attelé avec boeufs ou chevaux à partir de la grande route » ; que, par acte du 4 juin 1839, les époux Q... F... ont vendu des immeubles aux époux U... A... et aux époux K... G... ; qu'en vertu de cet acte, la famille G... est devenue propriétaire de la parcelle actuellement cadastrée [...] appartenant à Madame M... ; que dans cet acte, il a été stipulé : « Il sera placé sur la route et aux frais des acquéreurs, un portail en bois, ferré. G... fournira un seul chapiteau. Il en sera de même d'un portail qui sera placé par leurs soins au couchant. Les mariés G... pourvoiront à leur place un chapiteau quoique le passage soit commun entre eux et un tiers, il sera constamment libre. Cependant G... aura la faculté de faire des ouvertures qu'il ouvrira en dedans de sa maison de même que celle qu'il pourra faire au couchant. Les portails auront en hauteur deux mètres quatre-vingt-neuf centimètres. Les mariés G... auront la faculté de bâtir au-dessus, et, entre les deux portails en appuyant chez F... sans payer d'indemnité. Il est encore convenu entre F... et A... qu'un passage de largeur de deux mètres quatre-vingt-neuf centimètres (2.89 m) à partir du coin nord et couchant de la maison F... sera pratiqué
, le passage servira ci-d'utilité aux sieurs A... et F... et sera limité vers le nord par un mur ainsi que par le couchant. Réservent par exprès lesdites E... et F... de pouvoir utiliser à leur profit le passage par les portails » ; que c'est donc en vertu de cet acte que le portail donnant sur l'avenue du 11 novembre a été créé, qu'une habitation a été construite au-dessus du passage et qu'un second portail donnant sur l'arrière a également vraisemblablement été mis en place ; que surtout, les familles E... et F... se sont vues reconnaître une servitude de passage par les portails ; que, suite à un différend sur l'utilisation du passage, par acte du 25 mars 1882, les propriétaires, dont Q... et P... F..., ont fait intervenir un géomètre et un huissier, qui ont délimité le passage ainsi : « Sa largeur est déterminée à 2,56 m, cette distance étant déterminée par l'angle nord-est de la maison S... suivant une ligne tombant perpendiculairement de cet angle jusqu'au mur du sieur Y... » ; que, par acte du 17 mars 1883, le partage des biens immobiliers de la famille F... est intervenu entre P... F... et sa soeur N... R... et précise : « La partie de cour attribuée à Mme R... sera grevée d'un droit de passage de trois mètres de largeur pour permettre à M. F... de pénétrer dans la partie de basse-cour qui lui est attribuée » ; que, surtout, cet acte précise : « Le passage sous la maison G... continuera à s'exercer pour toutes les parties comme par le passé ; que, le 31 août 1889, PN... G... a vendu l'immeuble G... aux époux T... en mentionnant : « Une maison située à [...] sur la route nationale, composée de divers appartements en rez-de-chaussée et premier étage avec combles, recouverte en tuiles canal, confrontant, du levant à route nationale, du nord à A..., du couchant à A... et du midi aux époux ON..., au moyen d'un passage qui est commun entre M. G... et des tiers et au-dessus duquel se trouvent deux chambres joignant immédiatement la maison du sieur ON... » ; qu'il résulte de ces actes, comme l'a indiqué Monsieur T..., qu'une servitude a effectivement été créée par l'acte des 2 août 1812 puis reprise et précisée dans les actes du 25 mars 1882 et 17 mars 1883 ; que s'il peut exister un doute sur le fait que les actes des 2 août 1812 et 25 mars 1882 concernent, ou non, le passage en litige (ce dernier acte faisant référence, outre à Q... et P... F..., à des noms de voisins qui n'apparaissent pas dans d'autre actes : VQ..., S..., Y..., et pouvant correspondre à un autre passage comme l'explique la défenderesse), les actes des 4 juin 1839 et 17 mars 1883 sont de toute façon suffisants pour attester de la création d'une servitude conventionnelle ; que la création de cette servitude est d'ailleurs conforme à la nécessité, à l'époque, de permettre l'accès au jardin arrière de la propriété actuelle de Madame O... qui n'en avait pas d'autre praticable ; que, toutefois, un acte de vente de la maison actuelle de Madame M..., daté du 20 mai 1925, mentionne qu'ont seuls le droit d'utiliser le passage : « M. LQ... pour accéder à la cave de son immeuble, madame RU... pour aboutir de la route nationale au jardin qu'elle possède au nord du jardin présentement vendu et Mme UU... pour accéder, d'une part, soit à la cour, soit à son jardin et, d'autre part, à la route nationale » ; que, cependant cet acte de vente ne concernant pas le propriétaire de l'immeuble appartenant actuellement à Madame O..., il ne peut valoir extinction de la servitude conventionnelle ; qu'en définitive la servitude revendiquée doit être constatée de sorte que Madame M... doit être condamnée à laisser le passage libre, sans que la demanderesse ne soit fondée à solliciter une amélioration des lieux, ce qu'elle semble faire en réclamant des travaux de consolidation ;

ALORS, D'UNE PART, Qu'il résultait des constatations des premiers juges, que « par acte du 4 juin 1839, les époux Q... F... ont vendu des immeubles aux époux U... A... et aux époux K... G... ; qu'en vertu de cet acte, la famille G... est devenue propriétaire de la parcelle actuellement cadastrée [...] appartenant à Madame M... » ; qu'en énonçant, pour juger que la parcelle [...] , appartenant à Madame O..., bénéficiait d'une servitude conventionnelle de passage sur le passage inclus dans la parcelle [...] , propriété de Madame M..., que l'acte du 4 juin 1839 « instaure une servitude conventionnelle de passage à cet endroit, au bénéfice notamment des époux G... », soit les auteurs de Madame M..., la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, en violation des articles 686, 688 et 691 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, Qu'en énonçant, pour juger que la parcelle [...] , appartenant à Madame O..., bénéficiait d'une servitude conventionnelle de passage sur le passage inclus dans la parcelle [...] , propriété de Madame M..., que l'acte du 4 juin 1839 « instaure une servitude conventionnelle de passage à cet endroit, au bénéfice notamment des époux G... », soit les auteurs de Madame M..., la Cour d'appel a statué par des motifs inintelligibles équivalant à un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 6), Madame M... avait fait valoir que « c'est de façon erronée que Madame O... prétend, dans les conclusions notifiées le 31 mai 2018, que le passage de 2,89 mètres est situé sous le « porche »
tout en rappelant l'extrait d'acte du 4 juin 1839. En effet, si le passage de 2,89 mètres était situé sous le porche à construire, à la date à laquelle l'acte a été établi, il aurait été délimité sur l'une de ses « faces » par la route royale
ce n'est pas le cas et le passage dont il est fait état, est totalement étranger à l'espace situé sous le porche résultant de la construction qui a été édifiée après cet acte du 04 juin 1839 » ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pourtant essentiel soulevé dans les écritures d'appel de l'exposante et portant sur l'assiette de la servitude de passage litigieuse, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QUE les servitudes établies par le fait de l'homme ne sont opposables aux acquéreurs que si elles sont mentionnées dans leur titre de propriété ou si elles font l'objet de la publicité foncière, ou encore s'ils en connaissaient l'existence au moment de l'acquisition ; qu'en énonçant que « le fait que l'existence de cette servitude n'est pas mentionnée dans le titre de Madame M..., ou qu'elle n'a pas été publiée au service de la publicité foncière est sans effet sur son opposabilité », la Cour d'appel a violé les articles 28 et 30-1 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit que la parcelle [...] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur le passage inclus dans la parcelle [...] ;

AUX MOTIFS QUE, selon Madame M..., la servitude est éteinte par la prescription prévues par l'article 706 du Code civil ; qu'elle considère qu'elle et ses auteurs ont été depuis plus de trente ans les seuls détenteurs des clés de l'ouverture de ce passage donnant sur la voie publique et que Madame O... ou son prédécesseur ne l'ont jamais utilisé ; que, conformément aux articles 706 et 707 du Code civil, il revient à Madame O..., en tant que propriétaire du fonds dominant et s'agissant d'une servitude discontinue, de rapporter la preuve qu'elle a fait usage de la servitude pour la dernière fois il y a moins de trente ans ; que Madame O... verse au dossier une facture du 30 septembre 2000 émise par la société [...] pour des travaux de nettoyage de la cour, d'évacuation de gravas avec une mini pelle camion et un mini chargeur ; qu'à l'instar des observations de l'expert judiciaire, la Cour considère que les engins nécessaires à ces travaux sont nécessairement passés par le passage litigieux pour accéder à la cour de Madame O... ; qu'ainsi, c'est à bon droit que Madame O... soutient que cette utilisation par l'entreprise du passage litigieux pour accéder à sa cour prouve l'usage qu'elle a fait de la servitude pour la dernière fois, il y a 18 ans ; que, dès lors, Madame M... n'est pas fondée à prétendre que la servitude serait éteinte par prescription trentenaire ; que, par conséquence, la Cour confirmera sur ce point le jugement déféré ;

ALORS, D'UNE PART, Qu'aux termes de l'article 706 du Code civil, « la servitude est éteinte par le non-usage pendant trente ans » ; qu'après avoir constaté, par motifs expressément adoptés des premiers juges, que le passage litigieux était fermé par un portail dont seuls les propriétaires de la parcelle [...] avaient eu les clefs pendant plus de trente ans, ce dont il résultait nécessairement qu'ils en avaient eu seuls l'usage, la Cour d'appel, qui a néanmoins jugé que « Madame M... n'est pas fondée à prétendre que la servitude serait éteinte par prescription trentenaire », n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, dès lors, violé le texte susvisé ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE Madame O... avait produit aux débats une facture [...] du 30 septembre 2000 qui se bornait à mentionner : « Nettoyage de la cour et évacuation des gravats. Mini pelle camion et mini chargeur. Forfait » (pièce n° 15), ce qui ne permettait pas d'établir l'usage par la propriétaire du fonds dominant de la servitude de passage litigieuse ; qu'en se fondant, pour juger que Madame O... rapportait la preuve de l'usage de la servitude, sur cette seule facture, tout en ayant précédemment constaté que seuls les propriétaires de la parcelle [...] avaient l'utilisation du portail donnant accès au passage litigieux, la Cour d'appel a violé l'article 716 du Code civil ;

ALORS, ENFIN, QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 9), Madame M... s'était également prévalue de l'extinction de la servitude du fait de son inutilité en application de l'article 703 du Code civil et elle avait produit aux débats la lettre commune du 5 juin 2008, dans laquelle Mesdames O... et M... dénonçaient effectivement la dangerosité de la sortie par leurs garages sur la RN 21 (pièce n° 4), raison de leur demande de création d'une servitude conventionnelle par la Commune, ce qui leur a été accordé par acte du 30 avril 2010 (pièce n° 5) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pourtant essentiel soulevé dans les écritures d'appel de l'exposante et portant sur l'inutilité de la servitude de passage litigieuse, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir dit que la largeur de l'assiette de la servitude de passage, sous le bâti, est de 2,89 m ;

AUX MOTIFS QUE, pour juger que l'assiette de la servitude de passage était de 2,56 m au niveau de la chaussée, le Tribunal de grande instance d'AUCH s'est appuyé sur des actes présentés dans le rapport d'expertise privé « T... » qui n'est pas versé au dossier devant la présente Cour ; que, parmi les pièces versées au dossier, seul les actes du 4 juin 1839 et du 17 mars 1883 mentionnent des largeurs précises à l'arrivée et à la fin du passage, les actes postérieurs se cantonnant à confirmer l'existence de celui-ci ; qu'ainsi, le premier de ces actes prévoit une ouverture de 2,89 m de large ; que le second mentionne une largeur de 3 m au niveau du portail donnant sur la cour de Madame O... ; que, dès lors, qu'aucun titre ne vient contredire ces éléments, il y a lieu de juger que l'assiette de la servitude de passage est large de 2,89 m pour sa portion située sous le bâti, et de 3 m pour sa portion allant de la limite du bâti au portail donnant sur la Cour ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen qui s'attaque au chef de l'arrêt ayant dit que la parcelle [...] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur le passage inclus dans la parcelle [...] , entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure de ce chef de l'arrêt ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la cassation à intervenir sur le deuxième moyen (subsidiaire) qui s'attaque au chef de l'arrêt ayant dit que la parcelle [...] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur le passage inclus dans la parcelle [...] et que Madame M... n'est pas fondée à prétendre que la servitude serait éteinte par prescription trentenaire, entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure de ce chef de l'arrêt.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, partiellement infirmatif de ce chef, d'avoir dit que les travaux de remise en état de la servitude à la charge de Madame M... doivent se cantonner à la destruction du mur obstruant le portail situé au nouveau de la cour de Madame O... ;

AUX MOTIFS Qu'il est constant que Madame M... a fait murer le portail de bois ouvrant la cour de Madame O... sur le passage où s'exerce la servitude en 2013 ; que l'article 701 du Code civil prévoit en son premier alinéa : « Le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode » ; qu'il ressort de ces dispositions que le propriétaire du fonds servant qui a placé un obstacle à la jouissance d'une servitude par le propriétaire du fonds dominant, doit les démolir ; qu'ainsi, il sera jugé que Madame M... devra supporter le coût de la démolition du mur qu'elle a fait édifier ; qu'en revanche, Madame M... ne saurait être condamné à prendre en charge la réalisation d'un mur de soutènement, puisqu'un tel ouvrage n'est pas nécessaire à la pleine jouissance par Madame O... de la servitude dont elle bénéficie ; que, par conséquent, le jugement sera infirmé sur ce point, mais seulement en ce qu'il a condamné Madame M... à payer le rétablissement le mur de soutènement et le comblement des terres évacuées au-dessus de ce mur ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen qui s'attaque au chef de l'arrêt ayant dit que la parcelle [...] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur le passage inclus dans la parcelle [...] , entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure de ce chef de l'arrêt ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la cassation à intervenir sur le deuxième moyen (subsidiaire) qui s'attaque au chef de l'arrêt ayant dit que la parcelle [...] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur le passage inclus dans la parcelle [...] et que Madame M... n'est pas fondée à prétendre que la servitude serait éteinte par prescription trentenaire, entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure de ce chef de l'arrêt.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-26034
Date de la décision : 10/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 27 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 10 sep. 2020, pourvoi n°18-26034


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.26034
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award