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10/09/2020 | FRANCE | N°18-23808

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 septembre 2020, 18-23808


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 septembre 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 528 F-D

Pourvoi n° A 18-23.808

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020

Mme V... H..., épouse L..., domiciliée [...] , a

formé le pourvoi n° A 18-23.808 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2018 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'oppos...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 septembre 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 528 F-D

Pourvoi n° A 18-23.808

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020

Mme V... H..., épouse L..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° A 18-23.808 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2018 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Kinoa, société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme L..., de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Kinoa, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 27 septembre 2018), que, le 27 mai 2015, la société Kinoa, qui a donné à bail à Mme L... des locaux à usage de commerce, lui a fait sommation de lui payer une certaine somme au titre des charges des années 2011 et 2012 ; que Mme L... l'a assignée en nullité de la sommation de payer et en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1315 du code civil de la Nouvelle-Calédonie ;

Attendu que, pour condamner Mme L... au titre des charges réclamées en considérant comme suffisamment prouvée l'existence de la créance réclamée, l'arrêt se fonde sur un tableau de répartition des charges établi à partir de factures réglées par la bailleresse et retient qu'il s'infère de la requête introductive d'instance de Mme L... qu'elle ne contestait pas la possibilité d'une dette antérieure à la cession de ses parts de la société propriétaire, mais y opposait la clause de garantie de passif et l'expiration du délai d'action ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombe au bailleur de rapporter la preuve que le bail oblige le preneur au paiement des charges réclamées, ce qui ne peut résulter des dépenses exposées par lui ni se déduire du seul silence opposé à l'existence de la créance par le preneur au cours de la procédure, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que la sommation délivrée le 27 mai 2015 était dénuée de fondement et ne pouvait produire aucun effet entre les parties, l'arrêt rendu le 27 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée ;

Condamne la société Kinoa aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Kinoa et la condamne à payer à Mme L... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par
M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour Mme L....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir, au visa des conclusions d'appel de la SCI Kinoa du 10 juillet 2018 et de celles de Mme L... du 18 avril 2018, condamné cette dernière à payer à la SCI Kinoa la somme de 2.440.281 F CFP au titre des charges des lots n° 8, 9 et 10 du Centre commercial de [...] au titre des années 2011 et 2012, outre les intérêts à compter de la mise en demeure du 27 mai 2015 ;

AUX MOTIFS QUE

« c'est à tort que le premier juge a rejeté la demande reconventionnelle en paiement de la SCI Kinoa au titre des charges des années 2011 et 2012 au motif qu'il appartenait à la société de mettre en oeuvre les garanties d'actif et de passif dans le délai contractuel ;

Qu'en effet, une telle clause qui ne joue qu'entre les parties à la cession, interdit simplement, une fois le délai d'action dépassé, une action de l'acquéreur contre le vendeur, mais n'empêche nullement un recours direct du nouveau propriétaire contre les locataires débiteurs ;

Qu'en l'espèce, le fait que Mme L... ait été à la fois locataire de la société Earina devenue Kinoa et associée de cette même société a conduit à une confusion des personnes juridiques dont Mme L... a joué et qui a trompé le tribunal ;

Que Mme L..., locataire, n'est pas fondée à opposer la clause de garantie d'actif et de passif à la SCI Kinoa dès lors que l'action engagée contre elle a trait aux rapports locatifs et n'entre pas dans le cadre de la cession de parts sociales qui est intervenue entre la société SCH2F et Mme L..., associée ;

Attendu que la SCI Kinoa réclame la somme de 2.440.281 F CFP au titre des charges des lots n° 8, 9 et 10 du centre commercial de [...] pour les années 2011 et 2012, outre les intérêts depuis la date de la mise en demeure ;

Qu'elle produit à cet effet deux tableaux intitulés « SCI Earina répartition des charges locataires » établis pour les années 2011 et 2012 par un certain monsieur F... lequel, sur sommation :

- a déclaré « La famille H... m'avait demandé de calculer les charges et les loyers des boutiques du complexe commercial [...] » ;

- a confirmé qu'il avait établi les tableaux de répartition des charges portant son nom et que ces tableaux avaient été établis à partir des documents et factures exposés par la SCI Earina ;

- a précisé qu'il ignorait que Mme L... était gérante du fournil et du snack de [...], et que les sommes portées sur les tableaux étaient une répartition mathématique correspondant à ces boutiques ;

Attendu que Mme L... ne conteste pas sérieusement les affirmations de M. F... contre lequel elle n'a, au demeurant, engagé aucunes poursuites pénales ;

Attendu que la cour, au demeurant, constate que Mme L... n'a pas contesté le principe de charges à payer au bailleur et, dans sa requête introductive d'instance en opposition au commandement de payer, a déclaré « si des charges peuvent être dues au titre de la gestion antérieure à la cession pour les années 2011 et 2012, ces charges font partie d'éventuels suppléments de passif », ce dont il s'infère qu'elle ne contestait pas la possibilité d'une dette antérieure mais y opposait la clause de garantie de passif et l'expiration du délai d'action ;

Que la cour retiendra donc comme suffisamment prouvée l'existence d'une créance de 2.440.281 F CFP de la SCI Kinoa sur sa locataire Mme L... et que la question est de savoir si cette créance a été réglée ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1315 du code civil applicable à la Nouvelle-Calédonie, « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation » ;

Attendu que Mme L... n'a produit aucun justificatif de paiement des charges réclamées au titre des années 2011 et 2012 et n'a, au demeurant, jamais affirmé les avoir payées, sa seule défense, comme ci-avant rappelée, étant d'opposer à la demande de paiement la garantie de passif ;

Qu'en conséquence, sur infirmation, la cour condamnera Mme L... à payer la somme de 2.440.281 F CFP avec intérêts à compter de la date de la mise en demeure du 27 mai 2015 ;

1°) ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux demandes des parties ; que, par une demande datée du 11 juillet 2018 et visée par la cour d'appel de Nouméa le 12 juillet 2018, Mme L... avait sollicité, sur le fondement du principe du contradictoire, le report de la clôture, initialement fixée au 12 juillet 2018, à la date du 26 juillet 2018, afin d'être en mesure de répondre aux conclusions récapitulatives de la SCI Kinoa du 10 juillet 2018 ; qu'en statuant néanmoins au visa de ces conclusions récapitulatives et des conclusions de Mme L... du 18 avril 2018, sans répondre à la demande de report de la clôture formée par cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

2°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que, par une demande datée du 11 juillet 2018 et visée par la cour d'appel de Nouméa le 12 juillet 2018, Mme L... avait sollicité, sur le fondement du principe du contradictoire, le report de la clôture, initialement fixée au 12 juillet 2018, à la date du 26 juillet 2018, afin d'être en mesure de répondre aux conclusions récapitulatives de la SCI Kinoa du 10 juillet 2018 ; que, passant outre, la cour d'appel a statué au visa de ces conclusions récapitulatives ; qu'en statuant ainsi, sans s'assurer que Mme L... avait été mise en mesure de présenter sa défense sur l'argumentation contenue dans les dernières conclusions de son adversaire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

3°) ALORS QU'il résulte de la note d'audience du 26 juillet 2018 qu'un incident était joint au fond, relatif à la recevabilité des conclusions de la SCI Kinoa notifiées par Me P... le 10 juillet 2018 et des conclusions de Mme L... notifiées par Me O... le 20 juillet 2018 ; qu'en s'abstenant de statuer sur cet incident, la cour d'appel a méconnu son office, et a violé l'article 15 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme L... à payer à la SCI Kinoa la somme de 2.440.281 F CFP au titre des charges des lots n° 8, 9 et 10 du Centre commercial de [...] au titre des années 2011 et 2012, outre les intérêts à compter de la mise en demeure ;

AUX MOTIFS QUE

« c'est à tort que le premier juge a rejeté la demande reconventionnelle en paiement de la SCI Kinoa au titre des charges des années 2011 et 2012 au motif qu'il appartenait à la société de mettre en oeuvre les garanties d'actif et de passif dans le délai contractuel ;

Qu'en effet, une telle clause qui ne joue qu'entre les parties à la cession, interdit simplement, une fois le délai d'action dépassé, une action de l'acquéreur contre le vendeur, mais n'empêche nullement un recours direct du nouveau propriétaire contre les locataires débiteurs ;

Qu'en l'espèce, le fait que Mme L... ait été à la fois locataire de la société Earina devenue Kinoa et associée de cette même société a conduit à une confusion des personnes juridiques dont Mme L... a joué et qui a trompé le tribunal ;

Que Mme L..., locataire, n'est pas fondée à opposer la clause de garantie d'actif et de passif à la SCI Kinoa dès lors que l'action engagée contre elle a trait aux rapports locatifs et n'entre pas dans le cadre de la cession de parts sociales qui est intervenue entre la société SCH2F et Mme L..., associée ;

Attendu que la SCI Kinoa réclame la somme de 2.440.281 F CFP au titre des charges des lots n° 8, 9 et 10 du centre commercial de [...] pour les années 2011 et 2012, outre les intérêts depuis la date de la mise en demeure ;

Qu'elle produit à cet effet deux tableaux intitulés « SCI Earina répartition des charges locataires » établis pour les années 2011 et 2012 par un certain monsieur F... lequel, sur sommation :

- a déclaré « La famille H... m'avait demandé de calculer les charges et les loyers des boutiques du complexe commercial [...] » ;

- a confirmé qu'il avait établi les tableaux de répartition des charges portant son nom et que ces tableaux avaient été établis à partir des documents et factures exposés par la SCI Earina ;

- a précisé qu'il ignorait que Mme L... était gérante du fournil et du snack de [...], et que les sommes portées sur les tableaux étaient une répartition mathématique correspondant à ces boutiques ;

Attendu que Mme L... ne conteste pas sérieusement les affirmations de M. F... contre lequel elle n'a, au demeurant, engagé aucunes poursuites pénales ;

Attendu que la cour, au demeurant, constate que Mme L... n'a pas contesté le principe de charges à payer au bailleur et, dans sa requête introductive d'instance en opposition au commandement de payer, a déclaré « si des charges peuvent être dues au titre de la gestion antérieure à la cession pour les années 2011 et 2012, ces charges font partie d'éventuels suppléments de passif », ce dont il s'infère qu'elle ne contestait pas la possibilité d'une dette antérieure mais y opposait la clause de garantie de passif et l'expiration du délai d'action ;

Que la cour retiendra donc comme suffisamment prouvée l'existence d'une créance de 2.440.281 F CFP de la SCI Kinoa sur sa locataire Mme L... et que la question est de savoir si cette créance a été réglée ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1315 du code civil applicable à la Nouvelle-Calédonie, « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation » ;

Attendu que Mme L... n'a produit aucun justificatif de paiement des charges réclamées au titre des années 2011 et 2012 et n'a, au demeurant, jamais affirmé les avoir payées, sa seule défense, comme ci-avant rappelée, étant d'opposer à la demande de paiement la garantie de passif ;

Qu'en conséquence, sur infirmation, la cour condamnera Mme L... à payer la somme de 2.440.281 F CFP avec intérêts à compter de la date de la mise en demeure du 27 mai 2015 ;»

1°) ALORS QUE lorsqu'une partie a la charge de la preuve, celle-ci ne peut se déduire de la seule absence de contestation opposée à sa demande par la partie adverse ; qu'il incombe au bailleur invoquant une créance de charges à l'encontre de son locataire de prouver l'existence de celle-ci en son principe et en son montant ; qu'en jugeant établi le principe même d'une dette de charges par la considération que Mme L... ne l'avait pas contesté, quand il incombait à la SCI Kinoa d'établir positivement le principe d'une telle dette, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil de la Nouvelle-Calédonie ;

2°) ALORS QU'en fondant sa décision sur les affirmations de M. F... qui avait établi un tableau de répartition mathématique des charges à partir des documents et factures exposés par la SCI Earina, la cour d'appel s'est prononcée par un motif impropre à établir la teneur de l'accord des parties sur le paiement des charges et, partant, la preuve du principe même de l'obligation pour Mme L... de payer les charges réclamées par la SCI Kinoa, en sorte qu'elle a violé l'article 1315 code civil de la Nouvelle-Calédonie.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-23808
Date de la décision : 10/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 27 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 10 sep. 2020, pourvoi n°18-23808


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Buk Lament-Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.23808
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