LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 septembre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 504 F-D
Pourvoi n° G 19-16.850
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
L'Agent judiciaire de l'Etat, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 19-16.850 contre l'arrêt rendu le 30 mai 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. A... R...,
2°/ à M. X... R...,
tous deux domiciliés [...] ,
3°/ à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, dont le siège est [...] ,
4°/ à la Mutuelle Unéo, dont le siège est [...] ,
5°/ à la société Allianz vie, dont le siège est [...] ,
6°/ à M. C... L..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de l'Agent judiciaire de l'État, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz vie, de la SCP Ortscheidt, avocat de MM. A... et V... R..., et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mai 2018), rendu en référé, M. A... R..., militaire servant au Tchad, a été victime d'un accident à bord du véhicule blindé qu'il conduisait, à l'occasion d'une mission qui lui avait été confiée par M. L..., adjudant.
2. M. A... R... et son père, M. X... R..., (les consorts R...) ont assigné en référé l'Agent judiciaire de l'Etat et M. L... aux fins de désignation d'un expert et en paiement d'une provision et mis en cause la Caisse nationale militaire de sécurité sociale et la Mutuelle Unéo.
3. L'Agent judiciaire de l'Etat a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'Agent judiciaire de l'Etat fait grief à l'arrêt de rejeter son exception d'incompétence, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 : « Par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque. Cette action sera jugée conformément aux règles du droit civil, la responsabilité de la personne morale de droit public étant, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions (...) » ; que le juge judiciaire est compétent, sur le fondement de ce texte, pour statuer sur l'action en responsabilité engagée par l'agent titulaire d'une personne publique, victime d'un accident de service, à l'encontre de la personne publique substituée à son agent, auteur de l'accident de la circulation ; qu'est considéré comme auteur de l'accident l'agent chargé de conduire un véhicule ou associé à sa conduite ; qu'en se bornant dès lors, pour rejeter l'exception d'incompétence au profit des juridictions de l'ordre administratif soulevée par l'Agent judiciaire de l'Etat, à affirmer que l'action des consorts R... tendait à obtenir réparation, et la désignation d'un expert judiciaire à cette fin, à l'encontre de l'auteur de l'accident dont M. A... R... avait été victime, le 27 novembre 2008, à bord d'un véhicule blindé, sans constater que l'adjudant, M. L..., aurait conduit le véhicule ou aurait été associé à conduite, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision à sa décision au regard de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
2°/ qu'en se bornant à affirmer que l'action des consorts R... tendait à obtenir réparation, et la désignation d'un expert judiciaire à cette fin, à l'encontre de l'auteur de l'accident dont M. A... R... avait été victime, le 27 novembre 2008, à bord d'un véhicule blindé, après avoir constaté que ce dernier invoquait la responsabilité de l'adjudant, M. L..., qui aurait eu connaissance de la défaillance technique du véhicule qu'il conduisait et l'aurait néanmoins envoyé en mission, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Lorsque l'accident dont a été victime un agent public titulaire à l'occasion de l'exercice de ses fonctions a été causé par un véhicule, cet agent peut soit exercer contre la collectivité publique qui l'emploie une action tendant à la réparation des conséquences dommageables de l'accident, laquelle relève de la compétence de la juridiction administrative, soit agir contre l'auteur de l'accident de la circulation sur le fondement de l'article 1er de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 et former une action en responsabilité contre la personne publique substituée à son agent, laquelle ressortit à la juridiction judiciaire (TC, 16 novembre 2015, M. et Mme B. c/ ministre des finances et des comptes publics, n° 4036).
6. Après avoir relevé que l'accident dont M. A... R... a été victime au cours d'une mission est dû à une défaillance technique du véhicule à bord duquel il se trouvait, l'arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que les consorts R... fondent leurs demandes sur l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 et qu'ils ont dirigé leur action contre M. L..., auquel ils imputent la responsabilité de l'accident.
7. La cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de retenir la compétence de la juridiction judiciaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Agent judiciaire de l'Etat aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour l'Agent judiciaire de l'État.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence au profit des juridictions de l'ordre administratif soulevée par l'agent judiciaire de l'Etat ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 1er de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 attribuant compétence aux tribunaux judiciaires pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigés contre une personne de droit public, dispose : « Par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque. Cette action sera jugée conformément aux règles du droit civil, la responsabilité de la personne morale de droit public étant, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions » ; qu'en l'espèce, le 27 novembre 2008, M. A... R..., militaire servant au Tchad, a été victime d'un accident à bord d'un véhicule blindé ; qu'il invoque la responsabilité de l'adjudant C... L... qui aurait eu connaissance de la défaillance technique du véhicule qu'il conduisait et l'aurait néanmoins envoyé en mission ; que l'action dont M. A... R... et son père, X... R..., ont saisi la juridiction de l'ordre judiciaire tend à obtenir réparation, et la désignation d'un expert judiciaire à cette fin, à l'encontre de l'auteur de l'accident dont il a été victime, également agent public, auquel la personne publique est substituée ; que cette action ressort donc de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire en application des dispositions légales précitées ; que l'ordonnance sera confirmée qui a retenu sa compétence à l'égard de l'agent judiciaire de l'Etat ; qu'elle le sera également en ce qu'il a mis hors de cause M. C... L..., auquel l'agent judiciaire de l'Etat se trouve substitué ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Sur la compétence des juridictions judiciaires concernant les demandes dirigées contre l'Etat l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 dispose que les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation de dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque ; qu'il résulte de la décision rendue le 16 novembre 2015 par le Tribunal des conflits que la victime d'un accident de service causé par un véhicule a le choix soit d'exercer une action en responsabilité devant la juridiction administrative à l'encontre de la collectivité publique qui l'emploie, soit d'exercer une action en responsabilité devant la juridiction judiciaire contre la personne publique substituée à son agent ; que tel est le fondement des demandes ; qu'il convient de rejeter l'exception d'incompétence ;
1°) ALORS QU'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1957 : « Par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque. Cette action sera jugée conformément aux règles du droit civil, la responsabilité de la personne morale de droit public étant, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions (..) » ; que le juge judiciaire est compétent, sur le fondement de ce texte, pour statuer sur l'action en responsabilité engagée par l'agent titulaire d'une personne publique, victime d'un accident de service, à l'encontre la personne publique substituée à son agent, auteur de l'accident de la circulation ; qu'est considéré comme auteur de l'accident l'agent chargé de conduire un véhicule ou associé à sa conduite ; qu'en se bornant dès lors, pour rejeter l'exception d'incompétence au profit des juridictions de l'ordre administratif soulevée par l'agent judiciaire de l'Etat, à affirmer que l'action des consorts R... tendait à obtenir réparation, et la désignation d'un expert judiciaire à cette fin, à l'encontre de l'auteur de l'accident dont M. A... R... avait été victime, le 27 novembre 2008, à bord d'un véhicule blindé, sans constater que l'adjudant C... L... aurait conduit le véhicule ou aurait été associé à conduite, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision à sa décision au regard de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.
2°) ALORS QU'en se bornant à affirmer que l'action des consorts R... tendait à obtenir réparation, et la désignation d'un expert judiciaire à cette fin, à l'encontre de l'auteur de l'accident dont M. A... R... avait été victime, le 27 novembre 2008, à bord d'un véhicule blindé, après avoir constaté que ce dernier invoquait la responsabilité de l'adjudant C... L... qui aurait eu connaissance de la défaillance technique du véhicule qu'il conduisait et l'aurait néanmoins envoyé en mission, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.