LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 septembre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 447 F-D
Pourvoi n° T 19-12.006
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020
La société Financière Antilles Guyane dite Sofiag, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° T 19-12.006 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2018 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. H... V...,
2°/ à Mme U... K..., épouse V...,
tous deux domiciliés [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de Me Brouchot, avocat de la société Financière Antilles Guyane dite Sofiag, et l'avis de M. Sudre, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 13 novembre 2018) et les productions, par acte notarié du 29 novembre 1999, la Sodema, aux droits de laquelle se trouve la société Financière Antille Guyane dite « la Sofiag », a accordé à M. et Mme V... (les emprunteurs) un prêt immobilier dont elle leur a notifié la déchéance du terme le 9 février 2015.
2. Le 26 mai 2015, la Sofiag a déposé une requête en injonction de payer, laquelle a été rejetée par ordonnance du 14 décembre 2015.
3. Le 12 mai 2017, la Sofiag a assigné les emprunteurs en paiement des sommes restant dues en vertu du prêt.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La Sofiag fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable comme prescrite alors « que l'interruption du délai de forclusion ou de prescription résulte d'un acte de volonté du créancier de recouvrer sa créance ; que la requête en injonction de payer, qui manifeste cette volonté du créancier, a la nature d'une demande en justice interruptive de prescription ; qu'après avoir notifié la déchéance du terme aux emprunteurs le 9 février 2015, la Sofiag a déposé une requête en injonction de payer le 26 mai 2015, puis a assigné les emprunteurs le 12 mai 2017, soit avant l'expiration du délai de deux ans prévu par l'article L. 137-2 du code de la consommation, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé ensemble ledit article L. 137-2 du code de la consommation et l'article 2241 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation applicable aux crédits immobiliers, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
6. Si, selon l'article 2241 du code civil, ce délai de prescription peut être interrompu par une demande en justice, la présentation d'une requête en injonction de payer ne constitue pas une telle demande.
7. Après avoir constaté que plus de deux ans s'étaient écoulés entre la déchéance du terme et l'assignation des emprunteurs, sans qu'un acte ait interrompu ce délai, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action en paiement était prescrite.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Financière Antille Guyane aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Financière Antille Guyane ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour la société Financière Antilles Guyane dite Sofiag
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré l'action de la Sofiag irrecevable, comme prescrite ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 137-2 du code de la consommation applicable au jour de l'introduction de l'instance, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que la Sofiag a assigné les époux débiteurs, M. et Mme V..., devant le tribunal par un acte d'huissier de justice du 12 mai 2017 ; que contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante, l'ordonnance prise sur requête, le 23 septembre 2016, par laquelle la Sofiag a été autorisée à requérir du notaire la délivrance d'une seconde copie exécutoire de l'acte notarié du 29 novembre 1999, n'a pas pour effet d'interrompre le délai de prescription de l'action ; que, dès lors, faute de preuve rapportée d'un acte introductif de prescription, l'action de l'organisme de crédit est prescrite, donc irrecevable ;
ALORS QUE l'interruption du délai de forclusion ou de prescription résulte d'un acte de volonté du créancier de recouvrer sa créance ; que la requête en injonction de payer, qui manifeste cette volonté du créancier, a la nature d'une demande en justice interruptive de prescription ; qu'après avoir notifié la déchéance du terme à M. et Mme V... le 9 février 2015, la Sofiag a déposé une requête en injonction de payer le 26 mai 2015, puis a assigné M. et Mme V... le 12 mai 2017, soit avant l'expiration du délai de deux ans prévu par l'article L. 137-2 du code de la consommation, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé ensemble ledit article L. 137-2 du code de la consommation et l'article 2241 du code civil.