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09/09/2020 | FRANCE | N°18-25447

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 septembre 2020, 18-25447


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 septembre 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 423 F-D

Pourvoi n° H 18-25.447

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 SEPTEMBRE 2020

M. B... R... , domicilié [...] , a formé le

pourvoi n° H 18-25.447 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2018 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 septembre 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 423 F-D

Pourvoi n° H 18-25.447

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 SEPTEMBRE 2020

M. B... R... , domicilié [...] , a formé le pourvoi n° H 18-25.447 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2018 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Mandatum, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. U... F... pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Fusium,

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Riom, domicilié en son parquet général 2 boulevard Chancelier de l'Hospital, 63200 Riom,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. R... , de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Mandatum, et l'avis de M. Richard de la Tour, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 19 septembre 2018), la société Fusium, dont M. R... était le gérant, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 10 février 2016 et 5 décembre 2016, la société Mandatum étant désignée mandataire puis liquidateur et la date de cessation des paiements étant fixée au 15 janvier 2016.

2. La société Mandatum a assigné M. R... en report de la date de cessation des paiements.

Examen du moyen unique

Sur le moyen, pris en sa première branche, qui est recevable

Enoncé du moyen

3. M. R... fait grief à l'arrêt de reporter la date de cessation des paiements de la société Fusium au 30 novembre 2015 alors « que le débiteur soumis à une procédure collective dispose d'un droit propre à se défendre à l'action tendant au report de la date de cessation de ses paiements dont la nature est contentieuse et qu'à cette fin, à défaut de la remise au greffe d'une requête conjointe et de la présentation volontaire des parties constatée par la signature d'un procès-verbal, une assignation doit lui être délivrée ; qu'est irrecevable l'assignation en report de la date de la cessation des paiements délivrée au dirigeant de la société débitrice en son nom personnel, et non en sa qualité de représentant de cette société ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Mandatum, ès qualités, "a fait assigner M. R... , ancien dirigeant de la société Fusium" en report de la date de cessation des paiements ; qu'en retenant pourtant que cette action serait recevable et bien fondée, la cour d'appel a violé l'article L. 631-8 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 631-8 du code de commerce :

4. Il résulte de ce texte que le débiteur soumis à une procédure collective dispose d'un droit propre à se défendre à l'action tendant au report de la date de cessation de ses paiements, dont la nature est contentieuse. A cette fin, à défaut de remise au greffe d'une requête conjointe et de présentation volontaire des parties constatées par la signature d'un procès-verbal, une assignation doit lui être délivrée, ce qu'il appartient à la cour d'appel de vérifier.

5. L'arrêt reporte la date de cessation des paiements de la société Fusium après avoir relevé que le liquidateur a assigné "M. R... , ancien dirigeant de la société Fusium", devant le tribunal de la procédure collective.

6. En statuant ainsi sur la demande de report, sans constater que la société débitrice avait été assignée puis intimée, quand il résultait tant du jugement que de l'arrêt que seul M. R... avait été cité à titre personnel, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs,
la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne la société Mandatum, en qualité de liquidateur de la société Fusium, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. R...

Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'avoir reporté la date de cessation des paiements de la SAS Fusium au 30 novembre 2015 ;

aux motifs que « l'article L. 631-8 du code de commerce dispose que : « Le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure. Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure. Sauf cas de fraude, elle ne peut être reportée à une date antérieure à la décision définitive ayant homologué un accord amiable en application du II de l'article L. 611-8. L'ouverture d'une procédure mentionnée à l'article L. 628-1 ne fait pas obstacle à l'application de ces dispositions. Le tribunal est saisi par l'administrateur, le mandataire judiciaire ou le ministère public. Il se prononce après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur. La demande de modification de date doit être présentée au tribunal dans le délai d'un an à compter du jugement d'ouverture de la procédure... » ; que l'état de cessation des paiements, défini par l'article L. 631-1 du code de commerce, est caractérisé par l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible ; que l'actif disponible s'entend de celui effectivement disponible ou réalisable à bref délai ; que des créances à recouvrer ne constituent un actif disponible que si elles peuvent l'être de façon certaine et quasi immédiate ; qu'en l'espèce, il ressort des investigations du technicien désigné par le juge-commissaire que si la société FUSIUM n'a cessé de régler les créanciers institutionnels (Trésor Public, caisses de retraite et institutions de prévoyance) qu'au cours du mois de janvier 2016, il n'en va pas de même de ses fournisseurs ; que c'est ainsi, que dès le 31 août 2015, elle était relancée par l'APAVE pour une somme modique de 204 euros et le même jour par AGFA pour 11 164,17 euros, puis le 1er septembre par TFN pour 1 605,91 euros et le 2 septembre par le CEI pour 6 521,44 euros, les relances et les avis avant poursuites à raison de factures impayées pour la plus ancienne datant de décembre 2014, se multipliant au fil des semaines ; et que l'analyse de la comptabilité (grand-livre fournisseur) met en évidence que le 30 novembre 2015, les dettes fournisseurs s'établissaient à 201 377,83 euros ; que cette analyse est confortée par les poursuites exercées par ses créanciers à l'encontre de la société FUSIUM qui s'est vue délivrée le 15 septembre 2015 une ordonnance d'injonction de payer rendue par le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand à la requête de la société MTA pour 4 709,99 euros et le 23 novembre suivant pour 10 837,31 euros à la demande de la société BTSG ; que la société FUSIUM était, par ailleurs, mise en demeure par la société DATAFORMS le 18 novembre 2015 à raison d'une dette de 2 683,20 euros ; qu'elle est également confortée par l'importance du résultat négatif réalisé par l'entreprise pour l'exercice 2015 (- 2 027 554 euros pour un chiffre d'affaires 9 051 974 euros) ce qui ne pouvait que susciter d'importantes difficultés de trésorerie ; que le bilan économique et social établi par l'administrateur rappelle les indications fournies par le commissaire aux comptes dans sa procédure d'alerte ; que ce dernier indiquait que l'importance des pertes a généré d'importantes tensions de trésorerie, partiellement limitées par la mise en place d'un affacturage avec la société NATIXIS, et que « ces tensions de trésorerie se traduisent notamment par une augmentation significative des dettes envers les fournisseurs qui s'élevaient à 1.284 k€ au 30/11/2015, nos travaux ayant mis en évidence que plus de 40 % de cette dette correspond à des factures antérieures au 30/09/2015. » ; que si la société FUSIUM a contesté l'analyse du technicien désigné dans le cadre de la procédure collective en faisant valoir qu'elle disposait d'une trésorerie constituée par ses créances clients affacturées auprès de la société NATIXIS, il ne peut qu'être constaté que les seuls éléments justificatifs de cette affirmation font état de sommes en attente de reversement d'un montant de 159 000 euros au 31 décembre 2015 ; que le rapport de M. S...., établi sur la base des éléments comptables qui lui ont été remis, ayant évalué les dettes fournisseurs à plus de 200 000 euros au 30 novembre 2015, le dirigeant de la société FUSIUM, a soumis ces travaux à l'analyse critique de son propre technicien, M. V... ; que ce dernier ne s'est pas placé à la date du 30 novembre 2015 mais à celle du 31 décembre suivant, suivant de peu celle de la cession d'une machine constituant l'un des éléments essentiels de l'actif de la société débitrice, pour contester l'existence de l'état de cessation des paiements ; et qu'il a considéré qu'au 31 décembre 2015, la société FUSIUM disposait d'une trésorerie disponible de 147 193 euros et encore de la faculté de mobiliser sa facturation au 31 décembre 2015 auprès de NATIXIS à concurrence de 225 000 euros ; que néanmoins, le montant des créances échues des fournisseurs, dont la liste a été énumérée par M. S..., excédait 200 000 euros au 30 novembre 2015 et restait impayé à la date du 31 décembre suivant, pourtant retenue par la société FUSIUM pour contester son état de cessation des paiements ; que de surcroît, ce n'est qu'au prix de la cession en lease back le 29 décembre 2015 de la machine offset KOMOR pour le prix de 600 000 euros TTC dont 400 000 ont été compensés avec la créance de son principal fournisseur de papier, la société ROTALYS, que la société FUSIUM, dont la situation n'a cessé de se dégrader avant qu'elle ne déclare sa cessation des paiements le 3 février 2016, a présenté les comptes qui ont servi de base à ses contestations ; que pour autant, alors même qu'elle prétend, sans toutefois présenter de quelconques pièces justificatives, avoir disposé de la trésorerie disponible qui lui aurait permis de régler ses fournisseurs, force est de constater qu'elle s'est abstenue de le faire alors même qu'elle ne fait état d'aucun motif qui l'aurait conduite à différer ses règlements ; que c'est ainsi que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les opérations dont la régularité est discutée, sur lesquelles il appartiendra à la juridiction répressive de se prononcer et qui sont de nature à instiller un doute certain quant à la sincérité des flux constatés dans sa comptabilité, il apparaît que dès le 30 novembre 2015, la société FUSIUM, qui ne réglait plus régulièrement ses fournisseurs, se trouvait dans l'incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible de sorte que la date de cessation des paiements doit être reportée à cette date ; qu'en conséquence, le jugement critiqué sera infirmé » ;

alors 1°/ que le débiteur soumis à une procédure collective dispose d'un droit propre à se défendre à l'action tendant au report de la date de cessation de ses paiements dont la nature est contentieuse et qu'à cette fin, à défaut de la remise au greffe d'une requête conjointe et de la présentation volontaire des parties constatée par la signature d'un procès-verbal, une assignation doit lui être délivrée ; qu'est irrecevable l'assignation en report de la date de la cessation des paiements délivrée au dirigeant de la société débitrice en son nom personnel, et non en sa qualité de représentant de cette société ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la SELARL Mandatum, ès qualités, « a fait assigner M. R... , ancien dirigeant de la société Fusium » en report de la date de cessation des paiements (arrêt, p. 2, alinéa 8) ; qu'en retenant pourtant que cette action serait recevable et bien fondée, la cour d'appel a violé l'article L. 631-8 du code de commerce ;

alors et subsidiairement 2°/ que l'état de cessation des paiements se définit par l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que sa caractérisation suppose donc que soit établi que le montant du passif exigible est supérieur à l'actif disponible ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'au 31 décembre 2015, la société Fusium n'avait aucune créance sociale et fiscale exigible et que « les dettes fournisseurs s'établissaient à 201 377,83 euros » (arrêt, p. 5, alinéa 2) ; qu'elle n'a cependant aucunement caractérisé quel était, à cette date, le montant de l'actif disponible de la société Fusium, se bornant à retenir que l'exposant ne justifierait ni du montant de sa trésorerie disponible ni des raisons l'ayant conduit à différer le règlement des fournisseurs (arrêt, p. 6, alinéa 3) ; qu'en se fondant pour reporter la date de cessation des paiements de la société Fusium au 30 novembre 2015, sur des motifs impropres à établir que la débitrice aurait été en état de cessation des paiements à cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 631-8 du code de commerce ;

alors et subsidiairement 3°/ qu'il incombe au liquidateur, demandeur à l'action, de démontrer qu'à la date à laquelle l'état de cessation des paiements serait, selon lui, caractérisé, le débiteur ne pouvait faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; qu'il n'appartient donc pas au débiteur de rapporter la preuve qu'il est en mesure de faire face au passif exigible avec son actif disponible et qu'il possède les fonds nécessaires pour désintéresser immédiatement ses créanciers ; qu'en retenant pourtant que la société Fusium « prétend, sans toutefois présenter de quelconques pièces justificatives, avoir disposé de la trésorerie disponible qui lui aurait permis de régler ses fournisseurs, force est de constater qu'elle s'est abstenue de le faire alors même qu'elle ne fait état d'aucun motif qui l'aurait conduite à différer ses règlements » (arrêt, p. 6, alinéa 3), la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles L. 631-1 et L. 631-8 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-25447
Date de la décision : 09/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 19 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 sep. 2020, pourvoi n°18-25447


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Jean-Philippe Caston, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.25447
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