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09/09/2020 | FRANCE | N°18-18251

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 septembre 2020, 18-18251


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 septembre 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 413 F-D

Pourvoi n° K 18-18.251

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 SEPTEMBRE 2020

La société Degest, société par actions simpli

fiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 18-18.251 contre l'arrêt rendu le 1er mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, cham...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 septembre 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 413 F-D

Pourvoi n° K 18-18.251

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 SEPTEMBRE 2020

La société Degest, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 18-18.251 contre l'arrêt rendu le 1er mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. S... T..., domicilié [...] ,

2°/ à M. F... P..., domicilié [...] ,

3°/ à la société Addhoc conseil, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

MM. T... et P... et la société Addhoc conseil ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal et les demandeurs au pourvoi incident invoquent, chacun, à l'appui de leurs recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Fevre, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Degest, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de MM. T... et P... et de la société Addhoc conseil, et l'avis de M. Richard de la Tour, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Fevre, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2018), la société Degest, spécialisée dans l'expertise auprès des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), employait M. T... et M. P... en qualité d'ergonomes chargés d'études.

2. À l'occasion de la rupture conventionnelle de leur contrat de travail intervenue le 9 décembre 2011, MM. T... et P... ont négocié puis signé, le 5 janvier 2012, avec la société Degest un contrat prévoyant un partenariat entre leur ancien employeur et une nouvelle société qu'ils devaient créer et immatriculer, au plus tard le 28 février 2012. MM. T... et P... ont déposé au registre du commerce et des sociétés, le 27 février 2012, les statuts de la société Addhoc conseil (la société Addhoc), laquelle a été immatriculée le 5 mars 2012.

3. Invoquant des actes de concurrence déloyale commis à son préjudice entre décembre 2011 et janvier 2012, la société Degest a obtenu la désignation d'un huissier de justice pour procéder à des constatations sur l'ordinateur de travail de M. T.... Un procès-verbal de constat a été établi le 22 février 2012.

4. Après avoir indiqué par lettre à ses partenaires qu'elle considérait le contrat non avenu en raison du défaut d'immatriculation de la société avant le 28 janvier 2012, la société Degest a assigné en concurrence déloyale M. T... et M. P... et la société Addhoc.

5. A titre reconventionnel, la société Addhoc a demandé réparation du préjudice résultant du maintien du nom de MM. P... et T... sur le site internet de la société Degest.
Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. La société Degest fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes fondées sur des actes de concurrence déloyale commis à son encontre alors :

« 1°/ qu'en jugeant que du fait de la signature du contrat commercial conclu le 5 janvier 2012 entre, d'une part, la société Degest et, d'autre part, MM. F... P... et S... T..., "c'est en toute bonne foi que M. T... a pu se constituer une liste de clients et prospects, y compris avec des clients et des contacts de la société Degest, pour préparer la reprise d'activité avec la société Addhoc dont la création avait été expressément acceptée par la société Degest ; qu'à aucun moment il n'a été indiqué à M. T... qu'il ne pourrait pas se servir de ses connaissances et de sa longue expérience (douze ans) au sein de la société Degest, pour démarrer son activité dans la nouvelle société" et que M. T... pouvait "de bonne foi considérer qu'il était autorisé, à tout le moins jusqu'à cette date (le 28 février 2012, date de défaillance de la condition suspensive sous laquelle le contrat du 5 janvier 2012 avait été conclu), à utiliser la liste des contacts de la société Degest en exécution dudit contrat pour permettre le démarrage de son activité, ou à participer à des réunions préparatoires à l'activité de la nouvelle société dont elle avait accepté la création et la concurrence", après avoir relevé que "le contrat prévoit expressément les modalités selon lesquelles les deux sociétés s'interdisent de démarcher ou de détourner leurs clients réciproques", la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le contrat commercial signé le 5 janvier 2012 entre, d'une part, la société Degest et, d'autre part, MM. F... P... et S... T..., stipule en son article 5, après avoir défini le terme "Client" comme "toute personne physique ou morale missionnant ou ayant missionné l'une des parties au contrat pour réaliser une mission d'étude ou d'expertise ainsi que toute personne morale ayant déjà contracté avec l'une des parties antérieurement à la date d'effet du présent contrat et tout prescripteur de l'une de ces personnes physiques ou morales", que "MM. F... P... et S... T..., que ce soit directement ou indirectement par l'intermédiaire de la société qu'ils vont constituer, s'interdisent (
) de démarcher et de détourner les clients de la société Degest" et qu' "en cas de sollicitation de MM. F... P... et S... T..., ou de leur société, par un ancien client, un client actuel ou un client potentiel de la société Degest ayant eu connaissance de leur existence par un ancien client, un client actuel ou un prescripteur de la société Degest, MM. F... P... et S... T... s'engagent à en informer immédiatement la société Degest et à tout faire pour éviter que ne s'opère envers le client ou le client potentiel de la société Degest une quelconque confusion entre la société Degest et eux-mêmes ou toute société dont ils seront soit associés, soit salariés" ; qu'en jugeant que M. T... pouvait "de bonne foi considérer qu'il était autorisé, à tout le moins jusqu'à cette date (le 28 février 2012), à utiliser la liste des contacts de la société Degest en exécution dudit contrat pour permettre le démarrage de son activité, ou à participer à des réunions préparatoires à l'activité de la nouvelle société dont elle avait accepté la création et la concurrence", la cour d'appel a méconnu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause, et a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que la société Degest soulignait concernant la liste de ses clients et contacts constituée de façon déloyale par M. T... lorsqu'il était encore son salarié, n'avoir "jamais prétendu que les défendeurs auraient volé une base de données qui n'aurait pas existé au sein de l'entreprise. Il leur est reproché de s'être appropriés les noms et coordonnées des contacts et clients de Degest" ; qu'en jugeant qu'"il n'est pas établi que cette liste aurait été copiée d'un fichier existant et qu'elle appartenait à la société Degest, ni qu'elle en ait été à l'origine, les pièces extraites de l'ordinateur ne permettant pas de l'établir" et en méconnaissant ainsi qu'il n'avait jamais été prétendu que cette liste établie par M. T... aurait été directement tirée d'un fichier préexistant, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que la société Degest rappelait, page 10 de ses conclusions d'appel, que la preuve de l'extraction par M. T... des dossiers se trouvant sur d'autres ordinateurs que le sien au sein de la société Degest ne résultait pas uniquement du constat d'huissier du 22 février 2012, mais également d'autres pièces, parmi lesquelles le compte-rendu de l'entretien disciplinaire de M. T... du 23 janvier 2012, aux termes duquel "M. T... confirme la copie des fichiers sur les ordinateurs des membres du Codir et de M. E... et le transfert sur son ordinateur. Il pense que la date de copie doit être le 29 décembre 2011", pendant une période de congé, cette copie ayant été "orientée vers la création de [sa] future société", pour "avoir des documents utiles" dans le cadre de "la gestion de la future société" ; qu'en jugeant que les extractions illicites de fichiers de la société Degest réalisées par M. T... sur d'autres ordinateurs que le sien n'étaient pas établies, sans procéder à la moindre analyse, même sommaire, du compte-rendu de l'entretien disciplinaire de M. T... qui confirmait les extractions de fichiers réalisées par ce dernier en vue de la constitution d'une entreprise concurrente, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que la société Degest rappelait que MM. T... et P... lui avaient dissimulé, alors qu'ils travaillaient encore pour elle, des invitations qui lui étaient destinées, afin de détourner sa clientèle, et que c'est ainsi que le 7 octobre 2011, MM. T... et P... s'étaient rendus à une réunion en vue de la constitution d'un réseau d'experts de CHSCT à laquelle était conviée la société Degest, "à l'insu de cette dernière, sans l'avoir informée de l'existence de cette invitation et de cette réunion", en posant à cette fin une journée de RTT s'agissant de M. P... et en affirmant pour la même raison être malade s'agissant de M. T..., l'absence de transmission de l'invitation à la société Degest ayant été confirmée par l'auteur de l'invitation dans les locaux duquel la réunion a eu lieu par un courriel de reproche adressé à MM. T... et P... le 20 mars 2012, M. T... lui-même ayant écrit à l'auteur de l'invitation en question, le 15 mars 2012, que c'est "lorsque tu nous as sollicités pour mettre Degest "dans la boucle", (que l')on a répondu par l'affirmative, en l'intégrant sur la liste des participants à cette deuxième réunion", et par le fait qu'une fois ainsi avertie, la société Degest a participé aux réunions ayant suivi celle à laquelle elle avait été privée de la possibilité d'assister du fait des manoeuvres de MM. T... et P... ; qu'en jugeant que cette réunion avait eu lieu "à une date où MM. T... et P... n'avaient pas encore élaboré un projet de création d'entreprise, et que la société Degest avait indiqué qu'elle ne souhaitait pas s'y rendre", sans analyser ni même mentionner les pièces sur lesquelles elle se fondait pour considérer que la société Degest aurait été informée de cette réunion et qu'elle aurait indiqué ne pas vouloir s'y rendre, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que la société Degest rappelait que lors de la réunion du 7 octobre 2011, "MM. T... et P... ont indiqué aux experts présents qu'ils n'étaient pas sûrs de rester très longtemps chez Degest", que "très surpris par cette annonce, les intervenants ont demandé à MM. T... et P..., censés représenter la société Degest, si cette dernière était bien informée de la tenue de cette réunion, demande à laquelle les défendeurs ont répondu mensongèrement par l'affirmative (cf. courriel de M. K... du 20 mars 2012)" et que "les intervenants ayant décidé de la tenue d'une seconde réunion, il a été expressément demandé à MM. T... et P... d'avertir les dirigeants de Degest de sa tenue. C'est alors que les dirigeants de la société Degest ont appris l'existence de cette première réunion dont ils n'avaient pas connaissance auparavant", l'auteur de l'invitation dans les locaux duquel la réunion a eu lieu ayant confirmé dans un courriel du 20 mars 2012 adressé à MM. T... et P... que "lorsque nous vous avons explicitement demandé si le cabinet Degest avait bien été averti de l'invitation lancée par N..., vous nous avez très clairement répondu par l'affirmative, précisant même que A... W... en avait été informé et qu'il avait connaissance de votre venue
Ceci était un mensonge (
) c'est bien avec le cabinet Degest que nous souhaitons monter ce réseau" et M. T... lui-même ayant écrit à l'auteur de l'invitation en question, le 15 mars 2012, que c'est "lorsque tu nous as sollicités pour mettre Degest "dans la boucle", (que l')on a répondu par l'affirmative, en l'intégrant sur la liste des participants à cette deuxième réunion" ; qu'en jugeant que "M. T... a en outre agi en toute transparence en confirmant par mail à la société Degest sa présence à cette réunion ainsi qu'en l'informant de la prochaine date prévue", sans vérifier, comme il lui était demandé, si cette confirmation et cette information n'avaient pas eu lieu sous la contrainte, après la découverte du mensonge initial de MM. T... et P..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

7. En premier lieu, après avoir énoncé que le principe de la liberté du commerce implique que le démarchage et la prospection de clientèle sont libres dès lors qu'ils ne s'accompagnent pas d'un acte déloyal et retenu qu'il existait un doute quant à la validité de l'extraction de fichiers trouvés sur l'ordinateur de M. T... rendant relative la valeur des pièces extraites, l'arrêt relève que le contrat du 5 janvier 2012 prévoyait les modalités selon lesquelles les sociétés Degest et Addhoc s'interdisaient de démarcher ou détourner leurs clients réciproques. Il constate que, fin décembre 2011, M. T... avait constitué une liste de contacts et de prospects, dont une partie émanait des contacts de la société Degest, et retient qu'il n'est pas établi que cette liste aurait été copiée d'un fichier existant, ni qu'elle appartiendrait à la société Degest, ni que celle-ci en aurait été à l'origine, les pièces extraites de l'ordinateur ne permettant pas de l'établir. Il ajoute que l'établissement de ce document s'inscrivait dans l'optique du partenariat alors convenu entre les parties dans le secteur de l'expertise CHSCT, la société Degest ayant accepté la création de la société Addhoc et la concurrence sur un marché « captif ».

8. De ces constatations et appréciations souveraines, exemptes de contradiction, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a pu déduire, sans dénaturer le contrat de partenariat ni méconnaître l'objet du litige, que la société Degest ne démontrait pas la reprise de fichiers clients, susceptibles de constituer un acte de concurrence déloyale.

9. En second lieu, sous le couvert des griefs non fondés de violation de l'article 455 du code de procédure civile et de défaut de base légale, le moyen ne tend, en ses cinquième et sixième branches, qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par la cour d'appel, des éléments qui lui étaient soumis et dont elle a déduit qu'il n'était pas établi que la participation de MM. P... et T... à une réunion d'experts pendant des RTT ou un congé de maladie en octobre 2011 constituât un acte de concurrence déloyale.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le moyen unique du pourvoi incident

Enoncé du moyen

11. M. T..., M. P... et la société Addhoc font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes alors :

« 1°/ que, d'une part, le juge est lié par les prétentions des parties et ne peut modifier l'objet du litige ; que pour débouter la société Addhoc de sa demande indemnitaire, l'arrêt attaqué retient que "le maintien du nom de salariés sur le site internet de la société Degest, s'il a pu être constaté peu de temps après la rupture du contrat de travail, ne s'est ensuite pas poursuivi, les constats versés aux débats ne permettant pas d'établir à partir de quelle connexion les recherches ont été faites et surtout si des pages obsolètes n'étaient pas maintenues sur le web indépendamment de la volonté de la société Degest, qui a bien actualisé ses pages en retirant les noms des deux salariés", et "qu'il n'y a lieu dès lors pas lieu d'ordonner ledit retrait sous astreinte" ; qu'en statuant par ces motifs quand, dans ses conclusions du 25 mai 2016, la société Addhoc, qui ne contestait pas qu'au jour de sa demande les noms de ses deux associés ne figuraient plus sur le site internet de la société Degest, ne sollicitait pas "ledit retrait sous astreinte", mais la réparation du préjudice que lui avait causé l'utilisation frauduleuse par la société Degest des noms de ses deux anciens salariés avant qu'elle ne les retire de son site internet, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ que, d'autre part et en tout état de cause, en se bornant à relever, pour débouter la société Addhoc de sa demande indemnitaire fondée sur l'utilisation frauduleuse du nom de ses deux associés, que "le maintien du nom de salariés sur le site internet de la société Degest, s'il a pu être constaté peu de temps après la rupture du contrat de travail, ne s'est ensuite pas poursuivi, les constats versés aux débats ne permettant pas d'établir à partir de quelle connexion les recherches ont été faites et surtout si des pages obsolètes n'étaient pas maintenues sur le web indépendamment de la volonté de la société Degest, qui a bien actualisé ses pages en retirant les noms des deux salariés", quand l'utilisation par la société Degest des noms des deux associés de la société Addhoc en dépit de la rupture de leur contrat de travail constituait une faute qui, en raison de la confusion induite dans l'esprit des potentiels clients de la société Addhoc, lui avait nécessairement causé un préjudice, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

12. L'arrêt relève que le nom des deux salariés est resté sur le site de l'entreprise peu de temps après la rupture des contrats de travail et que leur maintien ne s'est pas poursuivi, puis retient que la société Addhoc, créée en 2012, a sous-traité des dossiers d'autres cabinets en attendant son agrément pendant sa première année d'exercice, n'ayant quasiment pas de clientèle propre susceptible d'être détournée dont elle pourrait se prévaloir.

13. Ayant, par ces seuls motifs, caractérisé l'absence de préjudice de la société Addhoc né du maintien du nom des deux salariés sur le site internet de la société Degest, la cour d'appel, qui n'a pas modifié l'objet du litige, a légalement justifié sa décision de rejeter la demande reconventionnelle de dommages-intérêts formée par la société Addhoc .

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Condamne la société Degest aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Degest.

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société DEGEST de toutes ses demandes fondées sur des actes de concurrence déloyale commis à son encontre ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « sur les pièces saisies par huissier, par ordonnance du 6 février 2012, le président du tribunal de grande instance de Paris a autorisé sur requête l'établissement d'un constat d'huissier pour ouvrir l'ordinateur de Monsieur T... et accéder aux mails reçus et émis par Monsieur T..., les ouvrir et les imprimer ainsi que les pièces jointes, et en faire copie sur une clé ; que l'ordonnance précisait que la mission était limitée aux mails et pièces « en rapport avec les faits incriminés », à savoir « l'existence d'agissements de concurrence déloyale, de dénigrement et/ou de diffamation au préjudice de la société Degest ou de ses dirigeants » ; qu'il résulte du constat établi le 22 février 2012 par Maître B... en exécution de cette ordonnance qu'il s'est fait communiquer par la société Degest le mot de passe pour accéder au contenu de l'ordinateur et de la messagerie de Monsieur T... hors sa présence - étant précisé que Monsieur T... avait été mis à pied depuis le 13 janvier 2012 et n'avait plus accès à ses mails depuis cette date, que l'huissier a pourtant noté que les dernières consultations de messages dataient du 20 janvier 2012 et qu'une synchronisation avait eu lieu le 25 janvier 2012, ce qui confirme que quelqu'un d'autre que Monsieur T... a accédé à sa messagerie et à l'ordinateur de Monsieur T... hors sa présence avant ledit constat, comme cela résulte en outre d'un précédent constat d'huissier établi le 16 janvier 2012 sans ordonnance, versé aux débats, aux termes duquel la société Degest avait déclaré que dès le 11 janvier 2012 elle avait accédé dans le cadre d'une opération de maintenance à l'ordinateur de Monsieur T... et avait indiqué à l'huissier que des fichiers qui n'auraient pas dû y être s'y trouvaient ; que de fait, la société Degest avait un mot de passe pour accéder à la messagerie de Monsieur T... ; qu'il résulte de ces éléments et notamment de l'accès avéré à plusieurs reprises par la société Degest, hors la présence de Monsieur T..., à son ordinateur sans autorisation, depuis le 11 janvier 2012, que les conditions dans lesquelles les fichiers ont été trouvés sur l'ordinateur de Monsieur T... mettent en doute la validité de leur extraction, ce d'autant que l'origine des fichiers, leur propriété et leur date de création n'ont pas été relevés et qu'il ne résulte pas des constats faits postérieurement que les pièces extraites ou écartées répondaient à des critères objectifs de sélection, les quelques mails et pièces annexées au constat ne faisant l'objet d'aucun bordereau récapitulatif ni d'aucune description en lien avec la mission autorisée, et le procès-verbal ne précisant pas sur quelles bases l'huissier avait sélectionné ou écarté certains mails ou certaines pièces ; que sans les écarter des débats, la demande n'ayant pas été formulée au dispositif des conclusions, la valeur accordée auxdites pièces ne sera toutefois que relative, au regard des autres éléments du dossier, leur caractère probant étant insuffisant à elles seules ; que sur la concurrence déloyale, aux termes de l'article 1382 (ancien) du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que le demandeur à l'action en concurrence déloyale doit rapporter la preuve d'une faute résultant de l'accomplissement d'actes positifs et caractérisés de concurrence ou de dénigrement, ainsi que la preuve d'un préjudice certain et directement causé par la faute du défendeur ; que le principe de la liberté du commerce implique que le démarchage et la prospection de clientèle est libre dès lors qu'elle ne s'accompagne pas d'un acte déloyal ; que si la captation ou le détournement de fichiers clients constituent des actes susceptibles d'être constitutifs de concurrence déloyale, tel n'est pas le cas de l'utilisation desdits fichiers lorsque cette utilisation est faite avec l'accord de leur propriétaire, à supposer ladite propriété établie ; qu'en l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats que Monsieur T... avait constitué fin décembre 2011 une liste de contacts et prospects dont une partie émanaient des contacts de la société Degest ; qu'il n'est pas établi que cette liste aurait été copiée d'un fichier existant et qu'elle appartenait à la société Degest, ni qu'elle en ait été à l'origine, les pièces extraites de l'ordinateur ne permettant pas de l'établir ; qu'au surplus, sauf à considérer que le contrat de partenariat envisagé avec la future société Addhoc était uniquement destiné à inciter Messieurs T... et P... à accepter la rupture conventionnelle qui leur avait été proposée par la société Degest, comme cela a pu être évoqué courant décembre lors des négociations de rupture de leur contrat de travail, c'est en toute bonne foi que Monsieur T... a pu se constituer une liste de clients et prospects, y compris avec des clients et des contacts de la société Degest, pour préparer la reprise d'activité avec la société Addhoc Conseil dont la création avait été expressément acceptée par la société Degest ; qu'à aucun moment il n'a été indiqué à Monsieur T... qu'il ne pourrait pas se servir de ses connaissances et de sa longue expérience (douze ans) au sein de la société Degest, pour démarrer son activité dans la nouvelle société ; qu'au contraire le contrat commercial signé par la société Degest le 5 janvier 2012 prévoit expressément que par « client », il faut entendre « toute personne physique ou morale missionnant ou ayant missionné l'une des parties au contrat pour réaliser une mission d'étude ou d'expertise ainsi que toute personne morale ayant déjà contracté avec l'une des parties antérieurement à la date d'effet du présent contrat et tout prescripteur de l'une de ces personnes physiques ou morales » ; que le contrat prévoit expressément les modalités selon lesquelles les deux sociétés s'interdisent de démarcher ou de détourner leurs clients réciproques ; que la société Degest a soutenu la création de cette société et savait que les deux sociétés allaient se faire concurrence, dès lors que le secteur de l'expertise CHSCT est un marché « captif» et que les experts se connaissent et s'organisent en réseau ; que le fait qu'elle soutienne dans ses écritures, sans toutefois formuler de demande, que le contrat commercial était non-avenu en raison de la non-réalisation de la condition suspensive d'immatriculation de la société le 28 février 2012, alors qu'elle a été enregistrée le 27 février 2012, est sans incidence sur la qualification des agissements de Monsieur T..., tous antérieurs au 28 février, ce dernier pouvant de bonne foi considérer qu'il était autorisé, à tout le moins jusqu'à cette date, à utiliser la liste des contacts de la société Degest en exécution dudit contrat pour permettre le démarrage de son activité, ou à participer à des réunions préparatoires à l'activité de la nouvelle société dont elle avait accepté la création et la concurrence ; qu'il n'est dès lors nullement établi que la reprise des fichiers clients, ou la participation à des réunions d'experts ou à des réseaux de CHSCT constituent des actes déloyaux, alors qu'il étaient faits dans l'optique du partenariat convenu, aucune des pièces versées aux débats ne démontrant un acte caractérisé de concurrence déloyale ou de dénigrement ; que le démarchage illicite de clients ou le détournement de ceux-ci, s'agissant notamment des sociétés [...] et Casino Barrière d'Enghien les Bains, ne peut résulter du seul fait que les CHSCT de ces sociétés ont fait appel à la société Addhoc alors qu'ils avaient travaillé dans le passé avec la société Degest, mais aussi avec les autres cabinets d'expertise tels que Cedaet, Secafî ou Arête, ce qui démontre que le marché est particulièrement volatile et que les CHSCT ne sont pas une clientèle « fixe », ce que confirme le secrétaire du CHSCT de la société [...] ; que de même, le fait d'avoir participé à une réunion d'experts pendant des RTT ou un congé maladie sans en avoir informé la société Degest n'est pas suffisant pour caractériser un acte de concurrence déloyale, alors en outre que ladite réunion avait eu lieu en octobre 2011, à une date où Messieurs T... et P... n'avaient pas encore élaboré un projet de création d'entreprise, et que la société Degest avait indiqué qu'elle ne souhaitait pas s'y rendre, ce qui contraignait ses salariés, s'ils souhaitaient y participer, d'y aller sur leur temps de repos ou sur leur temps libre ; que Monsieur T... a en outre agi en toute transparence en confirmant par mail à la société Degest sa présence à cette réunion ainsi qu'en l'informant de la prochaine date prévue ; qu'il appartient par conséquent à la société Degest de démontrer que ces agissements ont été faits en fraude de ses droits, ce qui n'est pas établi en l'espèce ; que la société Degest ne démontre pas plus le dénigrement allégué, tant de la part de Monsieur T... que de Monsieur P... ou de la société Addhoc ; qu'aucun des termes utilisés par Monsieur T... dans son mail du 20 janvier 2012, envoyé de sa boîte mail yahoo.fr personnelle à un certain nombre de ses contacts, soit sur leurs adresses personnelles soit sur leurs adresses professionnelles, les informant de sa mise à pied conservatoire, en indiquant « mon patron a saisi mon ordinateur de travail et procédé en mon absence à des fouilles de mon disque dur et de ma messagerie, bien sûr sans précaution du respect de la vie privée et de la correspondance privée. Depuis cette date, je n'ai plus accès à ma messagerie dont on a modifié le mot dépasse. Aussi, et c'est l'objet de ce mail, il se peut que vous m'ayez envoyé des e-mails récemment que je n'ai pas pu lire. En conséquence, et si vous le souhaitez, merci de me les transférer sur ma boîte mail personnelle et de correspondre désormais sur cette adresse » ne contient aucun terme dénigrant la société Degest, ni aucune accusation diffamatoire, les termes utilisés étant purement descriptifs de sa situation au regard de sa présence dans l'entreprise, sans en tirer aucune conséquence ; que le fait d'avoir indiqué qu'il avait fait l'objet d'une mise à pied conservatoire dans la perspective d'un licenciement ne peut être considéré comme mensonger, ou dénigrant, quand bien même les parties avaient signé une rupture conventionnelle, la mention du licenciement résultant de l'utilisation habituelle de la mise à pied dans le cadre de ce type de procédure et Monsieur T... n'en tirant aucun argument ; que le dénigrement n'est pas établi ; que la décision des premiers juges sera infirmée sur ce point ; qu'en ce qui concerne Monsieur P..., le dénigrement allégué porte sur des propos qu'il aurait tenus sur Monsieur W..., président de la société Degest, auprès de certains salariés et de tiers, propos sans aucun lien avec la concurrence déloyale alléguée, et détachés de tout contexte professionnel ; qu'il s'agit en outre de rumeurs par ouï-dire rapportés par des attestations dont le caractère probant n'est pas contesté, mais qui ne permettent pas d'établir la réalité de l'origine des propos rapportés ; qu'en tout état de cause, à les supposer même établis, ces propos sont sans lien avec la concurrence déloyale et le dénigrement dont la société Degest demande l'indemnisation in solidum des trois appelants ; qu'il y a lieu d'infirmer la décision sur ce point ; qu'enfin au regard des critiques émises par Monsieur T... dans un mail du 15 mars 2012 à l'égard de « l'emprise » et du « comportement immature » de la société Degest, il ne s'agit pas de propos péjoratifs, ni de propos susceptibles de dévaloriser l'image publique de la société Degest, la critique étant tout au plus une forme de défense face aux accusations portées par la société Degest à son encontre le 1er mars 2012 et ne portant pas atteinte à l'honorabilité ou à la réputation de la société Degest ; que là encore, la société Degest est mal fondée à demander l'indemnisation in solidum des trois appelants pour le préjudice qu'elle soutient avoir subi du fait de ces propos ; qu'il y a lieu d'infirmer la décision des premiers juges en toutes ses dispositions et de débouter la société Degest de l'ensemble de ses demandes » ;

ALORS en premier lieu QU'en jugeant que du fait de la signature du contrat commercial conclu le 5 janvier 2012 entre, d'une part, la société DEGEST et, d'autre part, Messieurs F... P... et S... T..., « c'est en toute bonne foi que Monsieur T... a pu se constituer une liste de clients et prospects, y compris avec des clients et des contacts de la société Degest, pour préparer la reprise d'activité avec la société Addhoc Conseil dont la création avait été expressément acceptée par la société Degest ; qu'à aucun moment il n'a été indiqué à Monsieur T... qu'il ne pourrait pas se servir de ses connaissances et de sa longue expérience (douze ans) au sein de la société Degest, pour démarrer son activité dans la nouvelle société » (arrêt, p.8§9) et que Monsieur T... pouvait « de bonne foi considérer qu'il était autorisé, à tout le moins jusqu'à cette date (le 28 février 2012, date de défaillance de la condition suspensive sous laquelle le contrat du 5 janvier 2012 avait été conclu), à utiliser la liste des contacts de la société Degest en exécution dudit contrat pour permettre le démarrage de son activité, ou à participer à des réunions préparatoires à l'activité de la nouvelle société dont elle avait accepté la création et la concurrence » (ibid. p.9§2), après avoir relevé que « le contrat prévoit expressément les modalités selon lesquelles les deux sociétés s'interdisent de démarcher ou de détourner leurs clients réciproques » (ibid. p.8 in fine), la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS en deuxième lieu QUE, subsidiairement à la première branche du moyen, le contrat commercial signé le 5 janvier 2012 entre, d'une part, la société DEGEST et, d'autre part, Messieurs F... P... et S... T..., stipule en son article 5, après avoir défini le terme « Client » comme « toute personne physique ou morale missionnant ou ayant missionné l'une des parties au contrat pour réaliser une mission d'étude ou d'expertise ainsi que toute personne morale ayant déjà contracté avec l'une des parties antérieurement à la date d'effet du présent contrat et tout prescripteur de l'une de ces personnes physiques ou morales », que « Messieurs F... P... et S... T..., que ce soit directement ou indirectement par l'intermédiaire de la société qu'ils vont constituer, s'interdisent (
) de démarcher et de détourner les clients de la société DEGEST » et qu' « en cas de sollicitation de Messieurs F... P... et S... T..., ou de leur société, par un ancien client, un client actuel ou un client potentiel de la société DEGEST ayant eu connaissance de leur existence par un ancien client, un client actuel ou un prescripteur de la société DEGEST, Messieurs F... P... et S... T... s'engagent à en informer immédiatement la société DEGEST et à tout faire pour éviter que ne s'opère envers le client ou le client potentiel de la société DEGEST une quelconque confusion entre la société DEGEST et eux-mêmes ou toute société dont ils seront soit associés, soit salariés » ; qu'en jugeant que Monsieur T... pouvait « de bonne foi considérer qu'il était autorisé, à tout le moins jusqu'à cette date (le 28 février 2012), à utiliser la liste des contacts de la société Degest en exécution dudit contrat pour permettre le démarrage de son activité, ou à participer à des réunions préparatoires à l'activité de la nouvelle société dont elle avait accepté la création et la concurrence » (arrêt, p.9§2), la cour d'appel a méconnu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause, et a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS en troisième lieu QUE la société DEGEST soulignait, page 12 de ses conclusions d'appel, concernant la liste de ses clients et contacts constituée de façon déloyale par Monsieur T... lorsqu'il était encore son salarié, n'avoir « jamais prétendu que les défendeurs auraient volé une base de données qui n'aurait pas existé au sein de l'entreprise. Il leur est reproché de s'être appropriés les noms et coordonnées des contacts et clients de DEGEST » ; qu'en jugeant qu'« il n'est pas établi que cette liste aurait été copiée d'un fichier existant et qu'elle appartenait à la société Degest, ni qu'elle en ait été à l'origine, les pièces extraites de l'ordinateur ne permettant pas de l'établir » (arrêt, p.8§8) et en méconnaissant ainsi qu'il n'avait jamais été prétendu que cette liste établie par Monsieur T... aurait été directement tirée d'un fichier préexistant, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS en quatrième lieu QUE la société DEGEST rappelait, page 10 de ses conclusions d'appel, que la preuve de l'extraction par Monsieur T... des dossiers se trouvant sur d'autres ordinateurs que le sien au sein de la société DEGEST ne résultait pas uniquement du constat d'huissier du 22 février 2012, mais également d'autres pièces, parmi lesquelles le compte-rendu de l'entretien disciplinaire de Monsieur T... du 23 janvier 2012, aux termes duquel « M. T... confirme la copie des fichiers sur les ordinateurs des membres du CODIR et de M. E... et le transfert sur son ordinateur. Il pense que la date de copie doit être le 29 décembre 2011 », pendant une période de congé, cette copie ayant été « orientée vers la création de [sa] future société », pour « avoir des documents utiles » dans le cadre de « la gestion de la future société » ; qu'en jugeant que les extractions illicites de fichiers de la société DEGEST réalisées par Monsieur T... sur d'autres ordinateurs que le sien n'étaient pas établies, sans procéder à la moindre analyse, même sommaire, du compte-rendu de l'entretien disciplinaire de Monsieur T... qui confirmait les extractions de fichiers réalisées par ce dernier en vue de la constitution d'une entreprise concurrente, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS en cinquième lieu QUE la société DEGEST rappelait, page 13 de ses conclusions d'appel, que Messieurs T... et P... lui avaient dissimulé, alors qu'ils travaillaient encore pour elle, des invitations qui lui étaient destinées, afin de détourner sa clientèle, et que c'est ainsi que le 7 octobre 2011, Messieurs T... et P... s'étaient rendus à une réunion en vue de la constitution d'un réseau d'experts de CHSCT à laquelle était conviée la société DEGEST, « à l'insu de cette dernière, sans l'avoir informée de l'existence de cette invitation et de cette réunion », en posant à cette fin une journée de RTT s'agissant de Monsieur P... et en affirmant pour la même raison être malade s'agissant de Monsieur T..., l'absence de transmission de l'invitation à la société DEGEST ayant été confirmée par l'auteur de l'invitation dans les locaux duquel la réunion a eu lieu par un courriel de reproche adressé à Messieurs T... et P... le 20 mars 2012, Monsieur T... lui-même ayant écrit à l'auteur de l'invitation en question, le 15 mars 2012, que c'est « lorsque tu nous as sollicités pour mettre Degest « dans la boucle », (que l')on a répondu par l'affirmative, en l'intégrant sur la liste des participants à cette deuxième réunion », et par le fait qu'une fois ainsi avertie, la société DEGEST a participé aux réunions ayant suivi celle à laquelle elle avait été privée de la possibilité d'assister du fait des manoeuvres de Messieurs T... et P... ; qu'en jugeant que cette réunion avait eu lieu « à une date où Messieurs T... et P... n'avaient pas encore élaboré un projet de création d'entreprise, et que la société Degest avait indiqué qu'elle ne souhaitait pas s'y rendre », sans analyser ni même mentionner les pièces sur lesquelles elle se fondait pour considérer que la société DEGEST aurait été informée de cette réunion et qu'elle aurait indiqué ne pas vouloir s'y rendre, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS en sixième lieu QUE la société DEGEST rappelait, page 13 de ses conclusions d'appel, que lors de la réunion du 7 octobre 2011, « Messieurs T... et P... ont indiqué aux experts présents qu'ils n'étaient pas sûrs de rester très longtemps chez DEGEST » (conclusions, p.13, pénultième §), que « très surpris par cette annonce, les intervenants ont demandé à Messieurs T... et P..., censés représenter la société DEGEST, si cette dernière était bien informée de la tenue de cette réunion, demande à laquelle les défendeurs ont répondu mensongèrement par l'affirmative (cf. courriel de Monsieur K... du 20 mars 2012) » (ibid., dernier §) et que « les intervenants ayant décidé de la tenue d'une seconde réunion, il a été expressément demandé à Messieurs T... et P... d'avertir les dirigeants de DEGEST de sa tenue. C'est alors que les dirigeants de la société DEGEST ont appris l'existence de cette première réunion dont ils n'avaient pas connaissance auparavant » (ibid. § 1-2), l'auteur de l'invitation dans les locaux duquel la réunion a eu lieu ayant confirmé dans un courriel du 20 mars 2012 adressé à Messieurs T... et P... que « lorsque nous vous avons explicitement demandé si le cabinet Degest avait bien été averti de l'invitation lancée par N..., vous nous avez très clairement répondu par l'affirmative, précisant même que A... W... en avait été informé et qu'il avait connaissance de votre venue
Ceci était un mensonge (
) c'est bien avec le cabinet Degest que nous souhaitons monter ce réseau » et Monsieur T... lui-même ayant écrit à l'auteur de l'invitation en question, le 15 mars 2012, que c'est « lorsque tu nous as sollicités pour mettre Degest « dans la boucle », (que l')on a répondu par l'affirmative, en l'intégrant sur la liste des participants à cette deuxième réunion » ; qu'en jugeant que « Monsieur T... a en outre agi en toute transparence en confirmant par mail à la société Degest sa présence à cette réunion ainsi qu'en l'informant de la prochaine date prévue » (arrêt, p.8§6), sans vérifier, comme il lui était demandé, si cette confirmation et cette information n'avaient pas eu lieu sous la contrainte, après la découverte du mensonge initial de Messieurs T... et P..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour MM. T... et P... et la société Addhoc conseil.

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté MM. T... et P... et la société Addhoc Conseil de toutes leurs demandes ;

Aux motifs que « le maintien du nom des salariés sur le site internet de la société Degest, s'il a pu être constaté peu de temps après la rupture du contrat de travail, ce qui n'est pas contesté, ne s'est ensuite pas poursuivi, les constats versés aux débats ne permettant pas d'établir à partir de quelle connexion les recherches ont été faites et surtout si des pages obsolètes n'étaient pas maintenues sur le web indépendamment de la volonté de la société Degest qui a bien actualisé ses pages en retirant les noms des deux salariés ; qu'il n'y a donc pas lieu d'ordonner ledit retrait sous astreinte ; que la société Addhoc conseil qui s'est créée en 2012 a, la première année, essentiellement sous-traité des dossiers des autres cabinets, en attendant son agrément, et n'avait donc quasiment pas de clientèle propre susceptible d'être détournée ; que pendant cette première année, il était tout à fait possible que des clients, habitués à travailler avec M. T..., compte tenu de l'ancienneté de celui-ci au sein de la société Degest, s'adressent à la société Degest, en pensant traiter avec M. T..., sans que cela ne puisse être qualifié de détournement de clientèle par la société Degest, quand bien même cette dernière y donnerait suite et conserverait le client ; que le caractère volatile de la clientèle s'applique également à la société Addhoc, cette dernière ne pouvant se prévaloir d'une clientèle captive qui lui appartiendrait; qu'enfin, les appelants ne démontrent pas plus les actes de dénigrement dont ils auraient été victimes et qui seraient constitutifs de concurrence déloyale ; que la décision des premiers juges sera confirmée sur ce point » ;

Alors, d'une part, que le juge est lié par les prétentions des parties et ne peut modifier l'objet du litige ; que pour débouter la société Addhoc conseil de sa demande indemnitaire, l'arrêt attaqué retient que « le maintien du nom de salariés sur le site internet de la société Degest, s'il a pu être constaté peu de temps après la rupture du contrat de travail, ne s'est ensuite pas poursuivi, les constats versés aux débats ne permettant pas d'établir à partir de quelle connexion les recherches ont été faites et surtout si des pages obsolètes n'étaient pas maintenues sur le web indépendamment de la volonté de la société Degest, qui a bien actualisé ses pages en retirant les noms des deux salariés », et « qu'il n'y a lieu dès lors pas lieu d'ordonner ledit retrait sous astreinte » (arrêt attaqué p. 10, § 13 et 14); qu'en statuant par ces motifs quand, dans ses conclusions du 25 mai 2016 (prod. n° 2, p. 25, § 7 et s., p. 26, § 1 à 7, p. 29, § 13), la société Addhoc Conseil, qui ne contestait pas qu'au jour de sa demande les noms de ses deux associés ne figuraient plus sur le site internet de la société Desget, ne sollicitait pas « ledit retrait sous astreinte », mais la réparation du préjudice que lui avait causé l'utilisation frauduleuse par la société Degest des noms de ses deux anciens salariés avant qu'elle ne les retire de son site internet, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, et en tout état de cause, qu'en se bornant à relever, pour débouter la société Addhoc Conseil de sa demande indemnitaire fondée sur l'utilisation frauduleuse du nom de ses deux associés, que « le maintien du nom de salariés sur le site internet de la société Degest, s'il a pu être constaté peu de temps après la rupture du contrat de travail, ne s'est ensuite pas poursuivi, les constats versés aux débats ne permettant pas d'établir à partir de quelle connexion les recherches ont été faites et surtout si des pages obsolètes n'étaient pas maintenues sur le web indépendamment de la volonté de la société Degest, qui a bien actualisé ses pages en retirant les noms des deux salariés », (arrêt attaqué p. 10, § 13), quand l'utilisation par la société Degest des noms des deux associés de la société Addhoc en dépit de la rupture de leur contrat de travail constituait une faute qui, en raison de la confusion induite dans l'esprit des potentiels clients de la société Addhoc, lui avait nécessairement causé un préjudice, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-18251
Date de la décision : 09/09/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 sep. 2020, pourvoi n°18-18251


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.18251
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