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02/09/2020 | FRANCE | N°18-18501;18-18582;18-19933

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 septembre 2020, 18-18501 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 septembre 2020

Rejet
et irrecevabilité

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 494 FS-P+B

Pourvois n°
H 18-18.501
V 18-18.582
P 18-19.933 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 SEP

TEMBRE 2020

I - 1°/ La société Umicore France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

2°/ la société Umicore, société anonyme, d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 septembre 2020

Rejet
et irrecevabilité

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 494 FS-P+B

Pourvois n°
H 18-18.501
V 18-18.582
P 18-19.933 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 SEPTEMBRE 2020

I - 1°/ La société Umicore France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

2°/ la société Umicore, société anonyme, dont le siège est [...],

ont formé le pourvoi n° H 18-18.501 contre un arrêt n° RG : 16/16621 rendu le 17 mai 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige les opposant :

1°/ à la présidente de l'Autorité de la concurrence, dont le siège est [...] ,

2°/ au ministre de l'économie de l'industrie et du numérique, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

II - la présidente de l'Autorité de la concurrence,

a formé le pourvoi n° V 18-18.582 contre le même arrêt n° RG : 16/16621 rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Umicore France, société par actions simplifiée,

2°/ à la société Umicore, société anonyme,

3°/ au ministre de l'Economie et des Finances,

défendeurs à la cassation.

III - 1°/ la société Umicore France, société par actions simplifiée,

2°/ la société Umicore, société anonyme,

ont formé le pourvoi n° P 18-19.933 contre l'arrêt RG : 18/10061 rendu le 5 juillet 2018, dans le litige les opposant :

1°/ à la présidente de l'Autorité de la concurrence,

2°/ au ministre de l'économie de l'industrie et du numérique,

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses aux pourvois n° H 18-18.501 invoquent, à l'appui de leur recours, sept moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse aux pourvois n° V 18-18.582 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Les demanderesses aux pourvois n° P 18-19.933 invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Umicore France et Umicore, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la présidente de l'Autorité de la concurrence, et l'avis de Mme Pénichon, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mmes Darbois, Champalaune, Daubigney, M. Ponsot, Mme Boisselet, conseillers, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Jonction

1.Il y a lieu de joindre les pourvois n° H 18-18.501, formé par les sociétés Umicore France et Umicore, et n° V 18-18.582, formé par la présidente de l'Autorité de la concurrence, qui attaquent le même arrêt.

Il y a lieu de leur joindre le pourvoi n° P 18-19.933, formé par les sociétés Umicore France et Umicore, qui attaque l'arrêt rectificatif du précédent.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 17 mai 2018, rectifié le 5 juillet 2018), la société Umicore SA/NV, établie en Belgique, est la société faîtière d'un groupe mondial spécialisé dans la technologie des matériaux, notamment du zinc, qui comprend une branche d'activité sur les métaux de performance au sein de laquelle se trouve l'unité de production des produits de construction en zinc.

3. La filiale française de cette société, la société Umicore France, a mis en place, en 1993, pour la vente des produits de sa marque VM Zinc, un réseau de distributeurs composé de points de ventes dénommés « Centres VM Zinc », agréés par elle sur la base de critères qualitatifs fixés dans un contrat de collaboration technique et commerciale. La société Umicore France refusait, en principe, d'approvisionner directement des distributeurs non agréés ou acceptait de le faire, mais à des conditions moins favorables que celles accordées aux centres VM Zinc.

4. A la suite de la réception d'un rapport de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) s'est saisie d'office des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du zinc laminé et des produits ouvrés en zinc destinés au bâtiment et a, par une décision du 23 juin 2016, dit qu'il était établi que la société Umicore France, en tant qu'auteure des pratiques, et la société Umicore SA/NV, en sa qualité de société mère de la société Umciore France, avaient enfreint les dispositions de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et celles de l'article L. 420-2 du code de commerce, en liant les centres VM Zinc et divers autres distributeurs par des obligations d'achats exclusifs en produits VM Zinc, entre 1999 et 2007, sur les deux marchés de produits de couverture en zinc et de produits d'évacuation des eaux pluviales (produits EEP) en zinc, et a infligé une sanction pécuniaire, solidairement, aux sociétés Umicore France et Umicore SA/NV (les sociétés Umicore).

5. Sur le recours des sociétés Umicore, la cour d'appel de Paris, par un arrêt du 17 mai 2018, a retenu une durée moindre de l'infraction et réduit, en conséquence, le montant de la sanction.

6. Se saisissant ultérieurement d'office, elle a, par un arrêt du 5 juillet 2018, relevé une erreur matérielle dans le dispositif de son précédent arrêt et l'a modifié pour majorer la sanction au titre de l'appartenance des entreprises à un groupe.

Examen de la recevabilité du pourvoi n° V 18-18.582, contestée par les sociétés Umicore

7. Selon l'article L. 464-8 du code de commerce, le président de l'Autorité de la concurrence peut former un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris ayant annulé ou réformé une décision de l'Autorité dans le délai d'un mois suivant sa notification.

8. Il résulte des productions que l'arrêt attaqué du 17 mai 2018 a été notifié à l'Autorité le 18 mai 2018. Le délai du pourvoi en cassation expirant le 18 juin 2018, le pourvoi n° V 18-18.582, formé par la présidente de l'Autorité le mardi 19 juin 2018, tardif, n'est pas recevable.

Sur le pourvoi n° P 18-19.933

Examen du moyen unique

Enoncé du moyen :

9. Les sociétés Umicore font grief à l'arrêt rectificatif du 5 juillet 2018 de dire que le chef du dispositif de l'arrêt du 17 mai 2018 par lequel la cour a : « DIT qu'au titre des pratiques visées à l'article 1er de la décision n° 16-D-14, il est infligé solidairement à la société Umicore France et à la société Umicore SA/NV, une sanction pécuniaire d'un montant de 56 653 000 euros » est entaché d'une erreur matérielle sur le montant prononcé et, en conséquence, de dire que ce chef du dispositif doit être rédigé de la façon suivante : « DIT qu'au titre des pratiques visées à l'article 1er de la décision n° 16-D-14, il est infligé solidairement à la société Umicore France et à la société Umicore SA/NV, une sanction pécuniaire d'un montant de 62 318 900 euros », alors :

« 1°/ que le juge ne peut sous couvert de rectification d'erreur matérielle, procéder à une nouvelle appréciation des éléments de la cause et modifier les droits et obligations des parties ;que si une simple erreur arithmétique de calcul peut être rectifiée, le juge ne saurait, en revanche, modifier les règles de calcul du montant d'une condamnation sous prétexte de rectifier une erreur matérielle ; qu'en décidant, sous couvert de rectifier une erreur matérielle, d'appliquer un coefficient d'aggravation de la sanction de 10 %, la cour d'appel qui a modifié les règles de calcul de la sanction et les droits et obligations des parties a violé l'article 462 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en affirmant que l'omission de l'application du coefficient d'aggravation de la sanction de 10 % par la cour n'est pas une erreur de raisonnement ou une erreur d'appréciation, mais une erreur matérielle qu'il convient de rectifier, tout en justifiant cette rectification par l'interdiction de statuer ultra petita ou de soulever un moyen d'office sans que les parties aient pu s'expliquer, ce qui au contraire confirmerait l'existence d'une possible erreur intellectuelle et non matérielle, la cour d'appel a, encore, violé l'article 462 du code de procédure civile ;

3°/ que le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires prévoyant notamment la possibilité de majorer le montant de la sanction en fonction de la puissance économique du groupe sanctionné a désormais une valeur normative et son application relève du contrôle de la Cour de cassation : qu'en considérant qu'une prétendue erreur commise dans l'application des règles du communiqué du 16 mai 2011, et spécialement du coefficient de majoration de 10 % relatif à la puissance économique du groupe sanctionné pouvait constituer une simple erreur matérielle susceptible d'être rectifiée quand une telle erreur de droit, à la supposer établie, ne peut être réparée qu'en se livrant à une nouvelle appréciation des éléments de la cause, sous le contrôle de la Cour de cassation, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 462 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. L'arrêt relève que l'arrêt du 17 mai 2018 a remplacé par un coefficient moindre le coefficient multiplicateur retenu par l'Autorité, au regard de la durée effective de la pratique, a rejeté tous les autres moyens de réformation de la sanction soulevés par les sociétés Umicore et a recalculé le montant de la sanction sur la base de ce coefficient diminué, sans appliquer ensuite la majoration de 10 % relative à la puissance économique du groupe sanctionné, telle qu'elle avait été retenue par la décision de l'Autorité. Relevant ensuite que l'influence déterminante de la société Umicore SA sur la société Umicore France n'est pas contestée, l'arrêt ajoute que, sauf à statuer ultra petita, la cour d‘appel est tenue d'appliquer au montant de base de la sanction la majoration de 10 % que les sociétés Umicore ne contestait pas.

11. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui, dans l'arrêt rectificatif, n'a pas modifié les règles de calcul de la sanction mais en a corrigé la mise en oeuvre erronée, a exactement retenu que, par cette omission, elle avait commis une erreur, qui n'était pas une erreur de raisonnement ni une erreur d'appréciation mais une erreur matérielle, qu'il convenait de rectifier pour rétablir le montant de la sanction telle qu'elle aurait dû être au regard de la raison et du dossier.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le pourvoi n° H 18-18.501

Examen des moyens

Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

13. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

14. Les sociétés Umicore font grief à l'arrêt, tel que rectifié, du rejet de leur moyen pris de la prescription quinquennale alors :

« 1°/ qu'en déniant tout caractère pénal à la décision du juge des libertés et de la détention ayant statué sur la validité d'opérations de visites domiciliaires, pour décider que celle-ci n'avait pas autorité de la chose jugée, bien que les recours contre les décisions en cause sont formés, instruits et jugés selon les règles du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé les articles L. 450-4 et L. 462-7 du code de commerce dans leur rédaction applicable en la cause ;

2°/ que la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles relève de la matière répressive et les sanctions prononcées par l'Autorité qui ont le caractère d'une punition, sont assimilées à des sanctions pénales ; qu'en affirmant que le ministre chargé de l'économie, à la demande duquel les opérations de visite et saisie ont eu lieu « n'est pas chargé de poursuites pénales" mais agit "dans l'objectif de poursuivre des pratiques anticoncurrentielles, qui ne font pas l'objet d'une incrimination pénale », la cour d'appel a violé les articles 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 462-7 du code de commerce ;

3°/que lorsque le ministre a prescrit une enquête aux fins de rechercher des pratiques susceptibles d'être relevées dans le secteur du zinc laminé et des produits ouvrés en zinc destinés au bâtiment et qu'une autorisation de procéder à des visites domiciliaires a été sollicitée et obtenue, l'article L. 420-6 du code de commerce punissait déjà le fait, pour toute personne physique de prendre frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en oeuvre de pratiques visées aux articles L. 420-1 et L. 420-2, d'un emprisonnement de quatre ans et d'une amende de 75 000 euros et prévoyait aussi que les actes interruptifs de la prescription devant le Conseil de la concurrence en application de l'article L. 462-7 sont également interruptifs de la prescription de l'action publique ; qu'en affirmant que les pratiques anticoncurrentielles recherchées par le ministre dans le cadre d'opérations de visite et saisie ne font pas l'objet d'une incrimination pénale, la cour d'appel a violé l'article L. 420-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable en la cause ;

4°/ que pour faire droit à la demande de restitution de trente documents antérieurs au 10 avril 2002 en raison de la prescription quinquennale, le juge des libertés et de la détention a retenu "qu'aucune poursuite ne peut (
) être exercée pour des faits remontant à plus de 5 ans (et) qu'une saisie d'un document de plus de cinq ans concernerait nécessairement la saisie d'un document concernant des faits, à les supposer reprochables, prescrits" ; qu'en affirmant que le juge des libertés et de la détention a seulement dit que des documents datés de plus de cinq années avant l'ouverture de la procédure concerneraient des faits qui seraient prescrits, (mais n'a pas) statué sur la prescription des pratiques, ni sur l'extinction de poursuites qui pourraient être mises en oeuvre, quand le juge a expressément retenu qu'une partie des faits, à les supposer reprochables, étaient d'ores et déjà prescrits, la cour d'appel a dénaturé l'ordonnance susvisée en violation du principe lui interdisant de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

5°/ que les sociétés mises en cause doivent pouvoir bénéficier d'un recours effectif de pleine juridiction leur permettant de contester les ordonnances d'autorisation de visites domiciliaires et le déroulement des opérations de visite et saisie ; qu'un tel recours n'est effectif que si, en cas de constat d'irrégularité d'une opération ayant déjà eu lieu, ce recours fournit à l'intéressé un redressement approprié ; qu'en considérant que la solution consistant à retenir que l'Autorité ne serait pas liée par une décision précédente rendue dans la même affaire en matière de visites domiciliaires ne revient pas à priver d'effectivité le recours, qui portait sur la validité des opérations de visite et saisie, exercé par les parties devant le juge des libertés et de la détention, quand elle prive de tout effet la constatation d'une irrégularité d'une opération de visite et ne permet donc pas aux intéressés d'obtenir un redressement approprié, la cour d'appel a violé les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

6°/ qu'en considérant, pour écarter la prescription quinquennale, que l'Autorité avait exactement retenu que la décision du juge des libertés et de la détention n'avait pas à son égard autorité de la chose jugée, dans la mesure où elle n'était pas partie à la procédure devant le juge des libertés et de la détention et que l'objet de la saisine de ce dernier – la validité des opérations de visite et saisie – n'était pas identique à celui de sa propre saisine – la conformité au droit de la concurrence des pratiques de la société Umicore France – quand l'Autorité s'est expressément fondée sur le rapport administratif établi par la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes à la suite des opérations de visite et saisie litigieuses pour se saisir d'office, ce dont il résulte que les deux procédures n'étaient pas distinctes et poursuivaient les mêmes objectifs, à savoir démontrer l'existence de pratiques anticoncurrentielles, la cour d'appel a violé l'article L. 462-7 du code de commerce ;

7°/ que la circonstance qu'une infraction ait été qualifiée de continue ne permet pas de poursuivre des faits déjà prescrits ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 462-7 du code de commerce et 1355 du code civil. »

Réponse de la Cour

15. En premier lieu, après avoir énoncé que le principe jurisprudentiel de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, invoqué par les sociétés Umicore, signifie que ce qui a été définitivement jugé par le juge pénal quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé s'impose au juge civil et a effet à l'égard de tous, l'arrêt précise que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne s'attache qu'à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé et que les décisions de la justice pénale ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé. Il en déduit que, pour avoir autorité absolue de la chose jugée, il faut que la décision statue sur une action pénale.

Ayant relevé, ensuite, qu'en l'espèce, le juge des libertés et de la détention avait statué sur des opérations qui ne sont pas de nature pénale, effectuées à la demande du ministre chargé de l'économie, lequel n'est pas chargé de poursuites pénales, et dans l'objectif de poursuivre des pratiques anticoncurrentielles qui ne font pas l'objet d'une incrimination pénale, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil n'était pas applicable.

En deuxième lieu, après avoir retenu que l'ordonnance litigieuse avait été rendue dans le cadre d'un recours formé contre le déroulement d' opérations de visite et de saisie, sans que la question de la prescription des pratiques ait été en cause, la cour d‘appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la quatrième branche, en a, à bon droit, déduit que la solution ne privait pas d'effectivité ce recours formé par les sociétés Umicore.

16. En troisième lieu, ayant relevé que l'Autorité n'était pas partie à la procédure de contestation des opérations de visites et de saisies dont l'objet n'était pas identique à celui de sa propre saisine, la conformité au droit de la concurrence des pratiques de la société Umicore France, c'est exactement que la cour d'appel en a déduit que la décision du juge des libertés et de la détention n'avait pas autorité de la chose jugée à l'égard de l'Autorité et, partant, que la prescription quinquennale n'était pas acquise lors de la saisine de celle-ci, le 11 janvier 2011.

17. En quatrième lieu, après avoir énoncé que la prescription d'une infraction continue ne commence à courir qu'à compter de sa cessation, et constaté que la pratique litigieuse avait été continue de 1999 à 2007, c'est à bon droit que la cour d‘appel en a déduit que la prescription quinquennale n'était pas acquise lors de la saisine de l'Autorité, le 11 janvier 2011.

18. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

19. Les sociétés Umicore font grief à l'arrêt, tel que rectifié, du rejet de leur moyen pris de l'incompétence des services d'instruction, pour leur refuser l'ouverture d'une procédure d'engagements, alors :

« 1°/ que seul le collège de l'Autorité est compétent pour se prononcer sur une demande de procédure d'engagements présentée par une entreprise mise en cause ; qu'en considérant que l'Autorité avait pu valablement retenir que "le refus opposé par les services d'instruction à la demande d'ouverture d'une procédure d'engagements était légitime et justifié", quand les services d'instruction étaient incompétents pour prendre une telle décision, la cour d'appel a violé les articles L. 464-2, I et R. 464-2 du code de commerce dans leur rédaction applicable en la cause ;

2°/ qu'en considérant que l'Autorité avait pu valablement retenir que les services d'instruction pouvaient refuser de répondre favorablement à la demande d'ouverture d'une procédure d'engagements d'une entreprise, après avoir pourtant constaté que le collège de l'Autorité, qui envisagerait d'accepter des engagements proposés par une entreprise, peut demander au rapporteur d'établir une évaluation préliminaire et que celui-ci serait tenu de la faire quand bien même ne serait-il pas favorable à cette procédure, ce dont il résulte que les services d'instruction ne sont pas compétents pour refuser d'ouvrir une telle procédure, mais seulement pour procéder à une évaluation préalable, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 464-2, I et R. 464-2 du code de commerce dans leur rédaction applicable en la cause ;

3°/que si le collège de l'Autorité dispose d'une grande latitude pour statuer favorablement ou non sur une demande de procédure d'engagements, il est néanmoins tenu de répondre de manière expresse et motivée à une demande d'ouverture d'une procédure d'engagements adressée par une partie mise en cause ; qu'en affirmant au contraire que le refus de recourir à la procédure d'engagements découlait en l'espèce d'une décision négative implicite du collège, la cour d'appel a violé les articles L. 464-2, I et R. 464-2 du code de commerce dans leur rédaction applicable en la cause ;

4°/ qu'en affirmant "que le refus de recourir à la procédure d'engagements découle de la décision négative implicite du collège qui, alors qu'il avait tout loisir de demander aux rapporteurs une évaluation préliminaire des pratiques, ne l'a pas fait", quand la décision déférée avait au contraire retenu à tort que "c'est aux services d'instruction de se prononcer, au cours de l'instruction conduite sous la seule direction du rapporteur général, sur la question de savoir s'il convient de mettre en oeuvre la procédure d'engagements prévue aux articles L. 464-2 et R. 464-2 du code de commerce", la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la cour

20. Après avoir constaté que les sociétés Umicore n'alléguaient pas que le collège, qui n'était pas dessaisi ni privé d'accès au dossier pendant la phase d'instruction, aurait envisagé d'accepter les engagements proposés par elles, la cour d'appel a énoncé que le collège peut toujours demander au rapporteur, qui serait tenu de le faire quand bien même il n'y serait pas favorable, d'établir une évaluation préliminaire et n'a donc pas affirmé que les services d'instruction pouvaient refuser de répondre favorablement à la demande d'ouverture d'une procédure d'engagement.

21. Si l'article L.464-2, I du code de commerce permet à l'Autorité d'accepter les engagements de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence, proposés par les entreprises, ces dernières ne disposent pas d'un droit aux engagements, l'Autorité jouissant d'un pouvoir discrétionnaire en la matière. C'est donc exactement que la cour d'appel, qui, pour se prononcer sur la régularité de la procédure suivie devant l'Autorité, n'était pas tenue par l'analyse de celle-ci, a retenu que le collège n'avait pas à formaliser sa décision ni, a fortiori, à la motiver et, partant, que son refus des engagements pouvait résulter, comme en l'espèce, de sa décision négative, implicite, de ne pas demander au rapporteur de procéder à l'évaluation préliminaire d'une telle mesure.

22. Le moyen, qui manque en fait en ses première, deuxième et quatrième branches, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

23. Les sociétés Umicore font grief à l'arrêt, tel que rectifié, du rejet de leur moyen pris de la violation, par les services d'instruction ainsi que par l'Autorité, des obligations d'objectivité, d'impartialité et de loyauté leur incombant, alors «que les garanties du procès équitable s'appliquent dès la phase de l'instruction lorsque leur inobservation initiale risque de compromettre gravement le caractère équitable du procès ; que l'exigence d'impartialité s'impose aux services d'instruction de l'Autorité ; qu'en considérant que les services d'instruction n'avaient pas préjugé de la culpabilité des sociétés Umicore quand il ressort du point 115 du rapport qu'en janvier 2003, quatorze mois avant la clôture de l'instruction, les services d'instruction considéraient déjà que "les pratiques en cause ont été mises en oeuvre à partir de 1999 et sont toujours en cours aujourd'hui et sont, par ailleurs, constitutives d'abus de position dominante ayant causé un dommage à l'économie important", ce qui constitue une affirmation péremptoire et prématurée de culpabilité laissant peser un doute sur l'impartialité des services d'instruction à tout le moins de janvier 2003 à mars 2004, la cour d'appel a violé les articles 6 §3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne. »

Réponse de la cour

24. Ayant rappelé que les rapporteurs ont pour fonction d'instruire et de décrire dans la notification des griefs, puis dans le rapport, ce qui, à leurs yeux, doit conduire à la qualification et à la sanction de pratiques anticoncurrentielles, l'Autorité ayant en charge d'examiner le bien-fondé des éléments ainsi retenus, c'est exactement que la cour d'appel a retenu que les énonciations du rapport, reprises par le moyen, relèvent des hypothèses que les services de l'instruction avaient à examiner, et éventuellement à établir, et ne démontrent pas leur prétendue partialité.

25. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen, pris en ses deuxième, troisième, et quatrième branches

Enoncé du moyen

26. Les sociétés Umicore font grief à l'arrêt, tel que rectifié, de dire qu'il est établi que la société Umicore France, en tant qu'auteure des pratiques, et la société Umicore SA, en sa qualité de société mère de la société Umicore France, ont enfreint les dispositions de l'article 102 du TFUE et celles de l'article L. 420-2 du code de commerce, en liant les centres VM Zinc, l'enseigne Asturienne, appartenant au groupe Point P-Saint-Gobain, l'enseigne Point P, appartenant au groupe Point P-Saint-Gobain, l'enseigne Larivière, appartenant au groupe Larivière-SIG, par des obligations d'achats exclusifs en produits VM Zinc entre 2000 et la fin 2007 et, en conséquence, de leur infliger solidairement une sanction pécuniaire d'un montant de 62 318 900 euros alors :

« 1°/ que le marché pertinent est celui où se confrontent l'offre et la demande de produits ou de services considérés par les demandeurs comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande ; que la substituabilité entre différents biens ou services du point de vue de la demande, qui constitue le critère déterminant pour la délimitation du marché pertinent, s'apprécie en fonction d'un faisceau d'indices tenant compte de la réalité du fonctionnement du marché et pouvant comprendre notamment, les besoins et perceptions des utilisateurs, les caractéristiques spécifiques du produit, son usage, son coût et ses conditions de commercialisation ; qu'en se fondant sur les seules caractéristiques du segment de la rénovation pour considérer que le zinc n'était pas substituable aux autres matériaux, après avoir pourtant admis que seulement 55% de la superficie du zinc posé en couverture l'est sur le segment de la rénovation mais aussi qu'en 2011 le zinc a représenté en France 3,5% des produits de couverture, tous matériaux confondus, et 8,5% des produits de couverture en métal, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ;

2°/ qu'en considérant qu'il existerait un marché spécifique de la couverture en zinc en raison d'une prétendue "insubstituabilité du zinc par un autre matériau" tout en constatant que le zinc est peu substituable dans le seul secteur de la rénovation ou encore que selon l'Autorité "il n'existe pas de règles générales prescrivant le remplacement à l'identique des couvertures en zinc", ce dont il résultait que le remplacement du zinc par un autre matériau demeurait possible pour de nombreux usages ce qui le rendait substituable dans bon nombre d'hypothèses, la cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ;

3°/ qu'en affirmant, pour définir le marché pertinent comme étant celui des EEP en zinc sans distinguer selon les usages du produit, que pour les produits EEP, le zinc est un matériau choisi pour des caractéristiques qui lui sont spécifiques et qui le rendent insubstituable par d'autres matériaux sans qu'aucune de ces spécificités ne justifie de réduire les marchés à un périmètre plus étroit, tout en constatant que le zinc n'était pas substituable à d'autres matériaux pour certains usages seulement, ce qui le rend, en réalité, très souvent substituable, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

27. Ayant relevé que l'espèce ne concerne pas un bien gratuit ou un secteur dans lequel les prix sont régulés et retenu que, dans ce contexte, la mise en oeuvre du test du monopoleur hypothétique n'est pas opérante puis que, concernant le zinc laminé destiné à la couverture, il ne peut être affirmé que le prix soit sans impact, la cour d'appel, qui a mis en oeuvre de multiples indices pour retenir que le marché de référence est le marché du zinc laminé destiné à la couverture, ne s‘est pas fondée sur les seules caractéristiques du segment de la renovation.

28. Après avoir relevé que le zinc est un matériau qualifié de noble, souvent utilisé sur des immeubles de caractère ou relevant du patrimoine ancien ou sur des bâtiments à valeur patrimoniale, et que, s'il n'existe pas de règle générale prescrivant le remplacement à l'identique des couvertures en zinc, il est néanmoins de pratique courante de remplacer le zinc par le zinc, la cour d‘appel a pu retenir que, sur le segment de la rénovation, le zinc est peu substituable par d'autres matériaux.

29. Pour les produits EEP, la cour d'appel, qui a relevé différents indices pour déterminer le marché de référence soit, l'absence de diminution des quantités de produits EEP vendues lors de la forte hausse des prix du zinc en 2006, l'existence d'écarts de prix significatifs entre le zinc et le PVC, qui traduisaient de fortes différences de qualité et de durabilité, des déclarations concordantes de professionnels faisant état d'une substituabilité limitée entre le zinc et d'autres matériaux sur le segment de la rénovation, l'existence de circuits de distribution distincts et celle d'une analyse tarifaire effectuée par rapport aux seuls produits en zinc, a pu en déduire que, pour ces produits EEP, le zinc est un matériau choisi pour des caractéristiques qui lui sont spécifiques et qui le rendent insubstituable par d'autres matériaux, sans qu'il soit justifié de caractériser un marché pertinent réduit à chacune de ces situations propres et diverses.

30. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

31. Les sociétés Umicore font le même grief à l'arrêt, tel que rectifié, alors :

« 1°/ qu'en affirmant que l'Autorité avait pu valablement considérer que la puissance d'achat des distributeurs ne pouvait être qualifiée de compensatrice de la position dominante de la société Umicore en raison d'une très forte préférence des clients des distributeurs en question pour la marque VM Zinc ou encore de la difficulté pour un distributeur de changer rapidement de fournisseur, après avoir constaté que certains distributeurs avaient fait le choix de ne pas référencer les produits VM Zinc et de changer de fournisseur, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ;

2°/ qu'en se bornant à affirmer, pour dire que l'Autorité avait pu valablement considérer que la puissance d'achat des distributeurs ne pouvait être qualifiée de compensatrice de la position dominante de la société Umicore, qu'il est loin d'être exclu que les clients de distributeurs non référencés ne reporteraient pas leurs achats vers d'autres distributeurs proposant la marque VM Zinc, quand il lui appartenait au contraire de démontrer positivement que les clients étaient attachés à la marque, plus qu'au distributeur, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à démontrer que la puissance avérée des distributeurs ne pouvait pas compenser la position dominante de la société Umicore, a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

32. Après avoir constaté que la part de marché des sociétés Umicore s'élevait à plus de 70% pour les produits de couverture en zinc et se situait entre 64 et 53% pour les produits EEP en zinc, l'arrêt relève que la pression exercée par les clients dans le cadre des négociations annuelles n'a pas empêché que, pour la période considérée, les prix de la société Umicore France soient supérieurs à ceux de ses concurrents. Il relève encore que les cas de rupture des relations commerciales avec certains distributeurs n'ont pas remis en cause la préférence des clients pour la marque VM Zinc et que la faculté du groupe de s'adapter aux critères esthétiques du marché rendait difficile, pour un distributeur, le changement rapide de fournisseur. Il énonce ensuite que le pouvoir de grands distributeurs vis-à-vis de leurs fournisseurs s'exerce plus difficilement lorsque ceux-ci disposent de marques à forte notoriété et retient que la société Umicore France était, au regard de ses parts de marchés ainsi que de sa notoriété, la plus à même d'absorber les conséquences de la perte de certains clients, d'autant que, compte tenu des préférences affichées par les clients des distributeurs, il était loin d'être exclu que ceux-ci ne reporteraient pas leurs achats vers d'autres distributeurs proposant la marque VM Zinc.

33. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d‘appel a pu déduire qu'en dépit du choix de certains distributeurs de ne pas référencer les produits VM Zinc et de la part très importante des trois principaux clients dans l'ensemble des ventes de la société Umicore France, la puissance d'achat de ces derniers ne pouvait être qualifiée de compensatrice de la position dominante de cette société.

34. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le sixième moyen

Enoncé du moyen

35. Les sociétés Umicore font le même grief à l'arrêt, tel que rectifié, alors :

« 1°/ que pour caractériser l'existence d'un abus de position dominante consistant en des obligations d'achats exclusifs, l'Autorité est tenue, sous le contrôle du juge, non seulement d'analyser l'importance de la position dominante de l'entreprise sur le marché pertinent et le taux de couverture du marché par la pratique contestée, ainsi que les conditions et les modalités d'octroi des rabais en cause, leur durée et leur montant, mais de manière plus générale l'ensemble des circonstances pertinentes ; qu'il s'ensuit que les mesures prises par une entreprise en position dominante pour inciter ou récompenser les achats exclusifs ou quasi exclusifs de ses clients ne sont pas interdites per se ; qu'en décidant au contraire que le "système de bonification élaboré (par la société Umicore) de façon à inciter à la fidélité et la loyauté ainsi qu'à la mise en avant d'une gamme" était nécessairement abusif de sorte que le retrait de ladite bonification en cas de non-respect de l'exclusivité à laquelle elle était prétendument attachée, devait être assimilé à des représailles ou à une menace de représailles, elles aussi interdites, la cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ;

2°/ que pour établir le caractère anticoncurrentiel d'un abus de position dominante consistant en des obligations d'achats exclusifs, le juge de la concurrence est tenu d'examiner l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'analyser la capacité d'éviction de concurrents au moins aussi efficaces, inhérente à la pratique en cause, dans tous les cas où une entreprise soutient, comme en l'espèce, au cours de la procédure administrative que sa politique commerciale n'a pas eu la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d'éviction reprochés ; qu'en affirmant au contraire que l'Autorité avait pu valablement s'abstenir de procéder à cet examen et à cette analyse, la cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ;

3°/ que la capacité d'éviction d'un abus de position dominante ne peut plus être présumée ; qu'en présumant des obstacles auxquels un concurrent aussi efficace se serait trouvé confronté à partir de la situation actuelle sans concurrent aussi efficace, tout en admettant que le test du concurrent aussi efficace consistant à imaginer la situation concurrentielle en présence d'un concurrent hypothétique aussi efficace n'avait pas été réalisé, la cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ;

4°/ que pour établir le caractère anticoncurrentiel d'un abus de position dominante et spécialement d'un rabais d'exclusivité, l'Autorité est tenue sous le contrôle du juge, non seulement d'analyser l'importance de la position dominante de l'entreprise sur le marché pertinent et le taux de couverture du marché par la pratique contestée, ainsi que les conditions et les modalités d'octroi des rabais en cause, leur durée et leur montant, mais aussi de manière plus générale l'ensemble des circonstances pertinentes ; qu'en affirmant, pour considérer que l'Autorité avait pu valablement s'abstenir de procéder à cette analyse, que l'ensemble des concurrents était moins connu et moins réputé que la société Umicore France, fournisseur historique, quand il lui incombait de déterminer si la politique commerciale d'Umicore était capable de produire un effet d'éviction des concurrents au moins aussi efficaces, la cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ;

5°/ qu'en affirmant, pour décider qu'il n'y avait pas lieu en l'espèce de réaliser le test du concurrent aussi efficace, que ce test se justifie lorsque l'instrument de la fidélisation est de nature financière et pourrait être mis en oeuvre, au bénéfice des clients, par un concurrent au moins aussi efficace, après avoir admis (i) que les bonifications consistaient en des remises dont le taux était variable et (ii) qu'Umicore ne refusait pas d'approvisionner les distributeurs non centres VM Zinc mais les approvisionnait à des conditions moins favorables (§6), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 102 du TFUE et L.420-2 du code de commerce ; »

Réponse de la Cour

36. L'arrêt expose que le test du concurrent le plus efficace, qui consiste à estimer le prix qu'un concurrent devrait offrir pour indemniser le client pour la perte du rabais conditionnel, si ce dernier s'adressait à lui plutôt qu'à l'entreprise en position dominante, pour une partie de la demande ou une fraction pertinente de celui-ci, n'est approprié que lorsque l'instrument de la fidélisation est de nature financière. Il relève que les pratiques reprochées ne se bornaient pas à l'application de remises d'exclusivité ou fidélisantes, mais à la mise en oeuvre d'une politique commerciale d'ensemble visant, notamment, à dissuader les distributeurs d'offrir d'autres produits que ceux de la marque VM Zinc, et, lorsqu'ils procédaient à de telles offres, à les empêcher d'en faire la promotion, en vue d'entraver la pénétration sur le marché et le développement de ses concurrents en empêchant, autant que faire se peut, ses clients de s'approvisionner auprès de ces derniers par l'application de diverses clauses contractuelles, de mesures de surveillance et de rétorsion. Il ajoute que cette politique s'appliquait à l'ensemble des produits concernés par les marchés pertinents.

37. L'arrêt retient que les concurrents aussi efficaces, cependant moins connus et moins réputés que la société Umicore France, auraient-ils compensé la perte pour leurs clients des avantages financiers consentis par cette dernière, se seraient heurtés, d'abord, à son insistance pour que ses clients ne distribuassent que ses produits, ensuite, à l'interdiction contractuelle faite à ces clients de promouvoir les produits concurrents de ceux de la marque VM Zinc, enfin, à l'application de la clause obligeant les clients à maintenir un stock, les empêchant de diversifier leurs approvisionnements et en déduit que, pour l'ensemble des concurrents de la société Umicore France, moins connus et réputés qu'elle, fournisseur historique, ces obstacles ne pouvaient qu'être de nature à les évincer du marché, ou tout au moins à les empêcher de s'y développer, y compris les concurrents aussi efficaces en termes de prix.

38. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a procédé à une analyse de l'ensemble des circonstances et établi les effets potentiels, sur les concurrents aussi efficaces, de la politique globale de la société Umicore France et ainsi mis en évidence, sans la présumer, sa capacité d'éviction de ces derniers et qui n'avait pas, compte tenu des caractéristiques des pratiques en cause, qu'elle a décrites, à recourir au test du concurrent le plus efficace, a pu statuer comme elle a fait.

39. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne sur les questions soulevées par le moyen, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

40. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le septième moyen

Enoncé du moyen

41. Les sociétés Umicore font grief à l'arrêt, tel que rectifié, de leur infliger solidairement une sanction pécuniaire d'un montant de 62 318 900 euros, alors :

« 1°/ que pour fixer le montant de la valeur des ventes constituant la base de calcul du montant de la sanction, le juge de la concurrence ne doit pas intégrer dans les termes de son analyse des valeurs de ventes sans lien avec l'infraction ; qu'ainsi il ne peut pas englober les ventes qui ne relèvent pas du champ d'application de la pratique incriminée ; qu'en retenant pour inclure dans la valeur des ventes les ventes aux façonniers et aux distributeurs qui n'ont pas le statut de centre VM Zinc au prétexte que la pratique en cause a renforcé la position dominante de la société Umicore France sur le marché des produits de couverture en zinc et a ainsi nécessairement impacté les ventes de ces produits aux façonniers et aux distributeurs qui n'ont pas le statut de centre VM Zinc bien que les sociétés Umicore n'ont été condamnées que pour avoir abusé de leur position dominante "en liant les centres VM Zinc, l'enseigne Asturienne, appartenant au groupe Point P-Saint-Gobain, l'enseigne Point P, appartenant au groupe Point P-Saint-Gobain, l'enseigne Larivière, appartenant au groupe Larivière-SIG, par des obligations d'achats exclusifs en produits VM Zinc entre 1999 et la fin 2007", ce dont il résulte que les façonniers n'ont jamais été concernés par la pratique en cause, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

2°/ qu'il incombe à l'Autorité de délimiter les marchés pertinents et de déterminer la valeur des ventes en relation avec l'infraction pour fixer le montant de la sanction ; qu'en reprochant au contraire aux sociétés Umicore de ne pas démontrer, "ce qui leur appartient de faire, que la valeur des ventes retenue aurait inclus" des ventes sans lien avec l'infraction, "ni quel montant serait concerné", la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 102 du TFUE, L. 420-2 et L 464-2 du code de commerce ainsi que du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

3°/ que pour fixer le montant de la valeur des ventes constituant la base de calcul du montant de la sanction, le juge de la concurrence ne doit pas intégrer dans les termes de son analyse des valeurs de ventes sans lien avec l'infraction ; qu'en affirmant "qu'il importe peu que les produits destinés à recouvrir les façades aient été inclus dans la valeur des ventes des produits EEP plutôt que dans celle des produits de couverture dès lors que l'Autorité a établi une moyenne des valeurs des ventes réalisées sur ces deux marchés", quand la décision déférée reconnaît elle-même expressément que les produits de "façades" et "ornements" constituent des « marchés distincts » et que leur chiffre d'affaires doit être exclu de la valeur des ventes et quand il appartient au contraire au juge de la concurrence de déterminer avec une grande précision la valeur des seules ventes en relation avec l'infraction, ce qui exclut nécessairement toute approximation, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires. »

Réponse de la Cour

42. D'une part, l'arrêt retient que la pratique en cause a renforcé la position dominante de la société Umicore France sur le marché des produits de couverture en zinc. De cette appréciation, la cour d'appel a justement déduit que les ventes de ces produits aux façonniers et aux distributeurs, n'auraient-ils pas eu le statut de centre VM Zinc, entraient dans le champ des ventes en relation avec l'infraction.

43. D'autre part, c'est sans inverser la charge de la preuve que, répondant aux sociétés Umicore qui soutenaient, à propos des marchés pertinents, que l'Autorité avait retenu dans ces marchés des produits qui n'auraient pas dû s'y trouver, la cour d'appel a retenu que les tableaux produits à l'appui de cette contestation ne permettaient pas de constater que des ventes de produits qui ne concerneraient pas les marchés pertinents auraient été, de façon erronée, repris dans le calcul de la moyenne de valeur des ventes entre 1999 et 2007 opéré par l'Autorité.

44. Enfin, le grief de la troisième branche exploite une erreur de plume qui a fait écrire à la cour d'appel « les produits destinés à recouvrir les façades » au lieu des « accessoires et des profilés », pour répondre à la contestation, par les sociétés Umicore, de l'intégration de ces éléments dans la valeur des vente, et qui doit être rectifiée selon ce que la raison commande.

45. Le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi n° V 18-18.582 ;

REJETTE les pourvois n° P 18-19.933 et n° H 18-18.501 ;

Condamne les sociétés Umicore France et Umicore SA/NV aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Umicore France et Umicore SA/NV et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de concurrence la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi n° H 18-18.501 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les sociétés Umicore France et Umicore SA/NV

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué rectifié par l'arrêt du 5 juillet 2018 d'avoir rejeté le moyen des sociétés Umicore pris de la prescription quinquennale ;

AUX MOTIFS QUE sur la prescription quinquennale

27.Dans le cadre de leur défense au fond, les sociétés Umicore invoquent l'acquisition de deux types de prescription. La prescription quinquennale, prévue par l'article L. 462-7, alinéa 1er, du code de commerce, qui dispose que l'Autorité de la concurrence ne peut être saisie de faits remontant à plus de cinq ans (moyen 8) et la prescription décennale énoncée par l'article L. 462-7, alinéa 3, du code de commerce, selon lequel la prescription est acquise lorsqu'un délai de dix ans à compter de la cessation de la pratique anticoncurrentielle s'est écoulé, sans que l'Autorité de la concurrence ait statué sur celle-ci (moyen 9) (
).
34.Le principe jurisprudentiel de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, invoqué en l'espèce par les requérantes, signifie que ce qui a été définitivement jugé par le juge pénal quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de ceux auquel le fait est imputé, s'impose au juge civil et a effet à l'égard de tous.
35.Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, qu'invoquent expressément les requérantes, « l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne s'attache qu'à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé » ( Voir Com., 3 mai 2006, pourvoi n° 03-14.171, Bull. 2006, IV, n° 105 ; 2ème Civ., 4 juin 2009, pourvoi n° 08-11.163, Bull. 2009, II, n° 140 ; 1ère Civ., 22 octobre 2014, pourvoi n° 13-24.32 ; Com., 8 juin 2017, pourvoi n° 16-11.110 ) et « les décisions de la justice pénale ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé » (Voir Com., 9 février 2010, pourvoi n° 09-10.388).
36.Il s'en déduit que pour avoir autorité absolue de la chose jugée, il faut que la décision statue sur une action pénale. Or tel n'est pas le cas en l'espèce où le JLD a statué sur des opérations qui ne sont pas de nature pénale, effectuées à la demande du Ministre chargé de l'économie, lequel n'est pas chargé de poursuites pénales, et dans l'objectif de poursuivre des pratiques anticoncurrentielles, qui ne font pas l'objet d'une incrimination pénale.
37.Au surplus et à titre surabondant, si tant est que la décision du JLD puisse être qualifiée de décision pénale, celui-ci, n'a, en tout état de cause, pas décidé que les pratiques antérieures à 2002 étaient prescrites.
38.En effet, l'ordonnance rendue le 30 octobre 2009 par le JLD de Bobigny (pièce n°6 des sociétés Umicore) indique, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 462-7, alinéa, 1er du code de commerce, qu'« aucune poursuite ne peut être exercée pour des faits remontant à plus de cinq ans » et « qu'une saisie d'un document de plus de cinq ans concernerait nécessairement la saisie d'un document concernant des faits à les supposer reprochables, prescrits ». Le dispositif énonce ensuite « Ordonnons la restitution des pièces 17 (documents couverts par la prescription) ». Par cette motivation, le JLD a seulement dit que des documents datés de plus de cinq années avant l'ouverture de la procédure concerneraient des faits qui seraient prescrits. Il n'a, ce faisant, pas statué sur la prescription des pratiques, ni sur l'extinction de poursuites qui pourraient être mises en oeuvre, mais seulement ordonné la restitution de pièces qui pourraient concerner des faits prescrits en vertu du principe selon lequel des faits remontant à plus de cinq ans ne peuvent être poursuivis. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Umicore, cette ordonnance n'a pas retenu que « sont prescrits les faits antérieurs au 10 avril 2002 ». Cette phrase qui n'est énoncé que dans l'exposé des moyens des demandeurs, n'a pas été reprise à son compte par le JLD ni dans le dispositif, ni dans les motifs de l'ordonnance.
39.Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Umicore, cette solution ne revient pas à priver d'effectivité le recours, qui portait sur la validité des opérations de visite et saisie, exercé par les parties devant le JLD.
40.Il s'en déduit que l'Autorité n'a pas commis d'erreur de droit au regard du principe de l'autorité absolue de la chose jugée en considérant que les pratiques objet des griefs n° 1 et 2 ne seraient pas atteintes par la prescription prévue par l'article L. 462-7, alinéa, 1er du code de commerce.
Elle n'a, par voie de conséquence, pas non plus méconnu les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le principe de légalité, le principe de séparation des pouvoirs, l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, les articles 2 et 4 de ladite Déclaration consacrant le droit au secret du domicile privé, au secret de la vie privée et au secret des correspondances.
41.En conséquence, c'est par une juste motivation que la cour adopte que l'Autorité a considéré que, dans la mesure où elle n'était pas partie à la procédure devant le JLD et que l'objet de la saisine de ce dernier – la validité des opérations de visites et saisies – n'était pas identique à celui de sa propre saisine – la conformité au droit de la concurrence des pratiques de la société Umicore France –, la décision du JLD n'avait pas à son égard autorité de la chose jugée (décision attaquée, § 410 à 413).
42.Par ailleurs, il est constant que, pour les pratiques à caractère continu, la prescription ne commence à courir qu'à compter de leur cessation. Dès lors, ayant constaté à juste titre, ainsi qu'il sera examiné ci-dessous, que la pratique en cause avait été continue depuis 1999 jusqu'en 2007, l'Autorité a exactement considéré, aux paragraphes 414 et 415 de la décision attaquée, que la prescription quinquennale n'était pas acquise lors de sa saisine le 11 janvier 2011 ;

1°) ALORS QU'en déniant tout caractère pénal à la décision du juge des libertés et de la détention ayant statué sur la validité d'opérations de visites domiciliaires, pour décider que celle-ci n'avait pas autorité de la chose jugée, bien que les recours contre les décisions en cause sont formés, instruits et jugés selon les règles du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé les articles L 450-4 et L 462-7 du code de commerce dans leur rédaction applicable en la cause ;

2°) ALORS QUE la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles relève de la matière répressive et les sanctions prononcées par l'Autorité de la concurrence qui ont le caractère d'une punition, sont assimilées à des sanctions pénales ; qu'en affirmant que le ministre chargé de l'économie, à la demande duquel les opérations de visite et saisie ont eu lieu « n'est pas chargé de poursuites pénales » mais agit « dans l'objectif de poursuivre des pratiques anticoncurrentielles, qui ne font pas l'objet d'une incrimination pénale », la cour d'appel a violé les articles 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L 462-7 du code de commerce ;

3°) ALORS QUE lorsque le ministre a prescrit une enquête aux fins de rechercher des pratiques susceptibles d'être relevées dans le secteur du zinc laminé et des produits ouvrés en zinc destinés au bâtiment et qu'une autorisation de procéder à des visites domiciliaires a été sollicitée et obtenue, l'article L 420-6 du code de commerce punissait déjà le fait, pour toute personne physique de prendre frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en oeuvre de pratiques visées aux articles L 420-1 et L 420-2, d'un emprisonnement de quatre ans et d'une amende de 75.000 euros et prévoyait aussi que les actes interruptifs de la prescription devant le Conseil de la concurrence en application de l'article L 462-7 sont également interruptifs de la prescription de l'action publique ; qu'en affirmant que les pratiques anticoncurrentielles recherchées par le ministre dans le cadre d'opérations de visite et saisie ne font pas l'objet d'une incrimination pénale, la cour d'appel a violé l'article L 420-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable en la cause ;

4°) ALORS QUE pour faire droit à la demande de restitution de 30 documents antérieurs au 10 avril 2002 en raison de la prescription quinquennale, le juge des libertés et de la détention a retenu « qu'aucune poursuite ne peut (
) être exercée pour des faits remontant à plus de 5 ans (et) qu'une saisie d'un document de plus de cinq ans concernerait nécessairement la saisie d'un document concernant des faits, à les supposer reprochables, prescrits » ; qu'en affirmant que le juge des libertés et de la détention a seulement dit que des documents datés de plus de cinq années avant l'ouverture de la procédure concerneraient des faits qui seraient prescrits, (mais n'a pas) statué sur la prescription des pratiques, ni sur l'extinction de poursuites qui pourraient être mises en oeuvre, quand le juge a expressément retenu qu'une partie des faits, à les supposer reprochables, étaient d'ores et déjà prescrits, la cour d'appel a dénaturé l'ordonnance susvisée en violation du principe lui interdisant de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

5°) ALORS QUE les sociétés mises en cause doivent pouvoir bénéficier d'un recours effectif de pleine juridiction leur permettant de contester les ordonnances d'autorisation de visites domiciliaires et le déroulement des opérations de visite et saisie ; qu'un tel recours n'est effectif que si, en cas de constat d'irrégularité d'une opération ayant déjà eu lieu, ce recours fournit à l'intéressé un redressement approprié ; qu'en considérant que la solution consistant à retenir que l'Autorité de la concurrence ne serait pas liée par une décision précédente rendue dans la même affaire en matière de visites domiciliaires ne revient pas à priver d'effectivité le recours, qui portait sur la validité des opérations de visite et saisie, exercé par les parties devant le juge des libertés et de la détention, quand elle prive de tout effet la constatation d'une irrégularité d'une opération de visite et ne permet donc pas aux intéressés d'obtenir un redressement approprié, la cour d'appel a violé les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

6°) ALORS QU'en considérant, pour écarter la prescription quinquennale, que l'Autorité avait exactement retenu que la décision du juge des libertés et de la détention n'avait pas à son égard autorité de la chose jugée, dans la mesure où elle n'était pas partie à la procédure devant le juge des libertés et de la détention et que l'objet de la saisine de ce dernier – la validité des opérations de visite et saisie – n'était pas identique à celui de sa propre saisine – la conformité au droit de la concurrence des pratiques de la société Umicore France – quand l'Autorité de la concurrence s'est expressément fondée sur le rapport administratif établi par la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes à la suite des opérations de visite et saisie litigieuses pour se saisir d'office, ce dont il résulte que les deux procédures n'étaient pas distinctes et poursuivaient les mêmes objectifs, à savoir démontrer l'existence de pratiques anticoncurrentielles, la cour d'appel a violé l'article L 462-7 du code de commerce ;

7°) ALORS QUE la circonstance qu'une infraction ait été qualifiée de continue ne permet pas de poursuivre des faits déjà prescrits ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L 462-7 du code de commerce et 1355 du code civil.
DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué rectifié par l'arrêt du 5 juillet 2018 d'avoir rejeté le moyen des sociétés Umicore pris de l'incompétence des services d'instruction pour refuser aux sociétés Umicore l'ouverture d'une procédure d'engagements ;

AUX MOTIFS QUE sur la contestation de la compétence des services d'instruction pour refuser aux sociétés Umicore l'ouverture d'une procédure d'engagements et la discrimination alléguée par celles-ci
56.Les sociétés Umicore demandent l'annulation de la décision attaquée en ce qu'elle a conclu à la compétence des rapporteures pour leur refuser de façon arbitraire l'ouverture d'une procédure d'acceptation d'engagements et en ce qu'elle a rejeté leur demande tendant à l'ouverture d'une telle procédure (moyen 1, branche 1).
57.Elles exposent que la société Umicore France a demandé à plusieurs reprises à l'Autorité de la concurrence (dans leurs lettres des 15 janvier 2013 et 16 décembre 2013, puis dans leurs observations en réponse à la notification de griefs déposées le 23 juin 2015) d'explorer la voie d'un recours à des engagements afin de remédier aux éventuelles préoccupations de concurrence que l'affaire pourrait soulever. Elles indiquent que leurs demandes ont été rejetées oralement par les services d'instruction : une première fois au motif qu'un grief d'entente devait également être retenu, alors que ce grief a cependant été abandonné et n'est pas repris dans la décision attaquée ; une deuxième fois au motif que les griefs à notifier auraient concerné des pratiques trop longues, qui auraient perduré dans le temps (jusqu'au 14 avril 2015 selon le rapport).
58.Elles font valoir que le pouvoir d'exclure la voie des engagements appartient à l'Autorité, et non aux services d'instruction, et que l'Autorité a commis une erreur de droit en écartant leur moyen de nullité fondé sur cette incompétence des services d'instruction. Elles ajoutent que le point 16 du communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence (ci-après le communiqué engagements) est, à cet égard, illégal, car c'est en violation des articles L. 464-2 et R. 464-2 du code de commerce, qu'il confère aux rapporteurs un pouvoir de décision qui n'appartient qu'à l'Autorité, à savoir le collège. Elles précisent que la répartition de compétences entre les services d'instruction et le collège de l'Autorité est fondamentale, car ce n'est pas du tout la même chose pour celui-ci d'avoir à statuer sur une évaluation préliminaire, positive ou négative, des rapporteurs ou sur un dossier d'instruction complet, avec notification des griefs et rapport. En effet, dans ce dernier cas, des moyens humains et du temps ont déjà été investis dans l'instruction et l'ouverture d'une procédure d'engagements à ce stade est complètement illusoire, puisqu'elle n'a plus aucun intérêt pour l'Autorité. Selon elles, la décision attaquée est donc bien entachée d'une illégalité qui s'étend à la régularité de l'ensemble de la procédure.

59.L'Autorité oppose que l'application de la procédure d'engagements est une faculté dont disposent les autorités de concurrence, sans qu'elles soient tenues de satisfaire aux demandes des mis en cause. Elle ajoute que la procédure suivie a été régulière et conforme aux règles procédurales qui la gouvernent.
60.Le Ministre chargé de l'économie expose, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 463-2, alinéa 1er, du code de commerce et sur le point 16 du communiqué engagements, qu'il appartient aux seuls services d'instruction, et non au collège de l'Autorité, de se prononcer, au cours de l'instruction, conduite sous la seule direction du rapporteur général, sur l'opportunité de régler l'affaire dont ils sont saisis en passant par la voie contentieuse ou par celle de la procédure d'engagements.
61.Le Ministère public partage cette analyse.
62.L'article L. 464-2 I, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa version applicable à l'espèce, dispose :
« L'Autorité de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Elle peut aussi accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1, L. 420-2, L. 420-2-1 et L. 420-5 ou contraires aux mesures prises en application de l'article L. 410-3 ».
63.L'article R. 464-2 du code de commerce pris pour l'application de ce texte, énonce : « Lorsque l'Autorité de la concurrence envisage de faire application du I de l'article L. 464-2 relatif à l'acceptation d'engagements proposés par les entreprises, le rapporteur fait connaître aux entreprises ou organismes concernés son évaluation préliminaire des pratiques en cause.
Cette évaluation peut être faite par courrier, par procès-verbal ou, lorsque l'Autorité est saisie d'une demande de mesures conservatoires, par la présentation d'un rapport oral en séance. Une copie de l'évaluation est adressée à l'auteur de la saisine et au commissaire du Gouvernement, sauf lorsqu'elle est présentée oralement lors d'une séance en présence des parties.
Le délai imparti aux entreprises ou organismes pour formaliser leurs engagements à l'issue de l'évaluation préliminaire est fixé, soit par le rapporteur dans le cas où l'évaluation a été faite par courrier ou par procèsverbal, soit par l'Autorité de la concurrence dans le cas où cette évaluation a été présentée oralement en séance. Ce délai ne peut, sauf accord des entreprises ou organismes concernés, être inférieur à un mois.
A réception des engagements proposés par les entreprises ou organismes concernés à l'issue du délai mentionné au deuxième alinéa, le rapporteur général communique leur contenu à l'auteur ou aux auteurs de la saisine ainsi qu'au commissaire du Gouvernement. Il publie également, par tout moyen, un résumé de l'affaire et des engagements pour permettre aux tiers intéressés de présenter leurs observations. Il fixe un délai, qui ne peut être inférieur à un mois à compter de la date de communication ou de publication du contenu des engagements, pour la production des observations des parties, du commissaire du Gouvernement et, le cas échéant, des tiers intéressés. Ces observations sont versées au dossier.
Les parties et le commissaire du Gouvernement sont convoqués à la séance par l'envoi d'une lettre du rapporteur général accompagnée de la proposition d'engagements trois semaines au moins avant le jour de la séance. Ils peuvent présenter des observations orales lors de la séance ».
64.Il ressort du libellé même de l'article R. 464-2 du code de commerce que c'est uniquement si le collège envisage de recourir à la procédure d'engagements que le rapporteur est tenu d'établir une évaluation préliminaire des pratiques, préalable à l'enclenchement de cette procédure.
Dans le cas contraire, le rapporteur n'a aucune obligation de le faire.
65.Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence, n'est en rien contraire aux dispositions légales et réglementaires précitées.
66.Aux termes du point 16 de ce communiqué, « le rapporteur n'établit pas d'évaluation préliminaire s'il estime nécessaire de notifier des griefs à l'entreprise concernée ou s'il n'est pas en mesure d'identifier des préoccupations de concurrence sans mettre en oeuvre des mesures d'instruction ou d'investigation approfondies ».
67.S'il résulte d'une lecture a contrario de ce point que l'Autorité a prévu la possibilité pour le rapporteur d'établir d'initiative une évaluation préliminaire – éventualité qui ne prive pas le collège du pouvoir de refuser d'enclencher formellement ou non la procédure, cette faculté relevant de son appréciation en opportunité –, rien dans ledit communiqué n'interdit au collège, qui envisagerait d'accepter des engagements proposés par une entreprise, de demander au rapporteur d'établir une telle évaluation, lequel serait alors tenu de le faire, quand bien même il ne serait pas favorable à cette procédure.
68.En l'espèce, les requérantes n'allèguent pas que le collège, qui n'est ni dessaisi ni privé d'accès au dossier pendant la phase d'instruction, aurait envisagé de faire application du I de l'article L. 464-2 relatif à l'acceptation d'engagements proposés par les entreprises.
69.Il s'ensuit que le refus de recourir à la procédure d'engagements découle de la décision négative implicite du collège qui, alors qu'il avait tout loisir de demander aux rapporteures une évaluation préliminaire des pratiques, ne l'a pas fait, la cour rappelant que la décision de recourir ou non à la procédure d'engagements est discrétionnaire et que le collège n'a donc pas à formaliser ni, a fortiori, à motiver sa décision.
70.La cour ajoute, au surplus, qu'il ne saurait être reproché aux rapporteures d'avoir refusé d'établir de leur seule initiative une évaluation préliminaire des pratiques dès lors que, ainsi qu'elles l'ont indiqué aux sociétés Umicore, elles jugeaient inopportun le recours à la procédure d'engagements. Elle souligne, en tant que de besoin, que les motifs ayant justifié ce refus et qui sont, selon les sociétés Umicore, pour le premier refus, la possible notification d'un grief d'entente qui aurait été finalement été abandonné et, pour le second refus, la durée importante de mise en oeuvre des pratiques, sont des motifs objectifs et pertinents de refus d'ouvrir une procédure d'engagements, peu important que le grief d'entente n'ait finalement pas été repris par le collège dans la décision attaquée.
71.Les sociétés Umicore contestent la décision attaquée pour ne pas avoir répondu à leurs arguments fondés sur la méconnaissance de l'obligation d'impartialité et sur le traitement discriminatoire, dont elles auraient fait l'objet par rapport à la décision de l'Autorité n° 10-D-27 du 15 septembre 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre par les sociétés Manufacture française des pneumatiques Michelin et Pneumatiques Kléber. Elles font observer que, dans cette affaire, où les pratiques reprochées étaient « similaires » et mettaient en cause une entreprise, dont à la fois la position dominante et les pratiques abusives avaient été qualifiées à plusieurs reprises par des décisions antérieures, l'Autorité avait néanmoins accepté d'appliquer la procédure d'engagements (moyen 1, branches 2 et 3).
72.Elles font valoir que la société Umicore France et le groupe auquel elle appartient n'avaient, jusqu'à la décision attaquée, jamais fait l'objet d'une condamnation par une autorité de concurrence européenne ou nationale et avaient bénéficié d'une décision de concentration de la Commission de l'Union européenne (ci-après la Commission), dans laquelle cette dernière avait adopté une approche différente de celle des services d'instruction et de l'Autorité sur la question de la définition des marchés pertinents, laquelle aboutissait à une définition plus vaste. Elles estiment qu'en référence à l'affaire Michelin, elles auraient dû bénéficier de la procédure d'engagements.
73.Sur ce point, la cour relève que, si une procédure d'engagements peut être ouverte lorsqu'il est, ou pourrait être, constaté une atteinte actuelle à la concurrence, l'objectif assigné à cette procédure est de mettre fin rapidement à cette atteinte et d'obtenir de l'entreprise en cause des modifications de son comportement pour l'avenir. Dans ce cadre, les services d'instruction et le collège, lorsque la demande lui est adressée, apprécient discrétionnairement l'opportunité d'ouvrir une telle procédure au regard des circonstances juridiques et économiques propres à l'affaire en cause et au contexte économique dans lequel elle s'inscrit. En conséquence, le fait que l'Autorité ait pu, dans d'autres affaires similaires ou semblables, mais dans des contextes différents, accepter la mise en oeuvre de la procédure d'engagements ne démontre pas que les sociétés Umicore, auxquelles elle a été refusée, auraient fait l'objet d'une discrimination.
74.Il convient d'observer à ce sujet que les pratiques concernées par l'affaire Michelin, invoquée par les sociétés Umicore, avaient été de faible durée, puisqu'elles avaient débuté dix-huit mois avant la lettre de prise d'engagements, qu'elles n'avaient concerné que certains distributeurs et n'avaient pas été considérées comme susceptibles de porter une atteinte grave et immédiate à la concurrence dans le cadre de l'examen de la demande de mesures conservatoires ayant accompagnée la saisine (décision de l'Autorité n° 09-D-12 du 18 mars 2009 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Vulco développement et le groupement d'intérêt économique Pneuman à l'égard de pratiques des sociétés Manufacture française des pneumatiques Michelin et pneumatiques Kléber). L'affirmation que la procédure d'engagements aurait été ouverte dans des affaires où le dommage à l'économie était, selon les requérantes, important (moyen 1, branche 4), est dépourvue de fondement. En effet, ainsi que le relève l'Autorité, dans ses observations, sa décision n° 15-D-06 du 21 avril 2015 sur les pratiques mises en oeuvre par les sociétés Booking.com B.V., Booking.com France SAS et Booking.com Customer Service France SAS dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne, n'évoque pas l'ampleur du dommage à l'économie, mais une potentielle atteinte à la concurrence résultant de la pratique, ce qui ne relève pas du même domaine. Par ailleurs, si la décision de l'Autorité n°14-D-09 du 4 septembre 2014 sur les pratiques mises en oeuvre par les sociétés Nestlé, Nestec, Nestlé Nespresso, Nespresso France et Nestlé Entreprises dans le secteur des machines à café expresso, fait état, dans l'extrait cité par les sociétés Umicore, de l'invocation par une société tierce d'un dommage à l'économie, ce dommage à l'économie invoqué n'est pas repris ou confirmé par la décision.
75.Le fait que le marché pertinent ait, par le passé, été défini de façon plus large que ce qu'il a été dans la décision attaquée est sans influence, puisque l'analyse ainsi invoquée était réalisée dans le cadre d'une opération de concentration, opérations pour lesquelles l'examen prospectif est différent de celui relatif aux pratiques anticoncurrentielles, cette différence d'analyse justifiant, à rebours de ce que prétendent les sociétés Umicore, une instruction approfondie. Le fait encore que les sociétés Umicore n'aient jamais jusqu'alors fait l'objet d'une sanction pour des pratiques anticoncurrentielles est lui aussi impuissant à démontrer qu'elles auraient fait l'objet d'un traitement discriminatoire, compte tenu des différences circonstancielles précédemment décrites (moyen 1, branches 1 et 2).
76.Enfin, en exposant, au paragraphe 438 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle a considéré que le refus opposé par les services d'instruction à la demande d'ouverture d'une procédure d'engagements était légitime et justifié, l'Autorité a suffisamment répondu aux moyens par lesquels les sociétés Umicore soutenaient l'existence d'une discrimination qu'elles auraient subies au regard du traitement dont a bénéficié la société Michelin.
77.Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que le moyen par lequel les sociétés Umicore soutiennent l'annulation de la procédure d'instruction est rejeté en chacune de ses branches.

1°) ALORS QUE seul le collège de l'Autorité de la concurrence est compétent pour se prononcer sur une demande de procédure d'engagements présentée par une entreprise mise en cause ; qu'en considérant que l'Autorité de la concurrence avait pu valablement retenir que « le refus opposé par les services d'instruction à la demande d'ouverture d'une procédure d'engagements était légitime et justifié », quand les services d'instruction étaient incompétents pour prendre une telle décision, la cour d'appel a violé les articles L 464-2 I et R 464-2 du code de commerce dans leur rédaction applicable en la cause.

2°) ALORS QU'en considérant que l'Autorité de la concurrence avait pu valablement retenir que les services d'instruction pouvaient refuser de répondre favorablement à la demande d'ouverture d'une procédure d'engagements d'une entreprise, après avoir pourtant constaté que le collège de l'Autorité, qui envisagerait d'accepter des engagements proposés par une entreprise, peut demander au rapporteur d'établir une évaluation préliminaire et que celui-ci serait tenu de la faire quand bien même ne serait-il pas favorable à cette procédure, ce dont il résulte que les services d'instruction ne sont pas compétents pour refuser d'ouvrir une telle procédure, mais seulement pour procéder à une évaluation préalable, la cour d'appel a derechef violé les articles L 464-2 I et R 464-2 du code de commerce dans leur rédaction applicable en la cause ;

3°) ALORS QUE si le collège de l'Autorité de la concurrence dispose d'une grande latitude pour statuer favorablement ou non sur une demande de procédure d'engagements, il est néanmoins tenu de répondre de manière expresse et motivée à une demande d'ouverture d'une procédure d'engagements adressée par une partie mise en cause ; qu'en affirmant au contraire que le refus de recourir à la procédure d'engagements découlait en l'espèce d'une décision négative implicite du collège, la cour d'appel a violé les articles L 464-2 I et R 464-2 du code de commerce dans leur rédaction applicable en la cause ;

4°) ALORS QU'en affirmant « que le refus de recourir à la procédure d'engagements découle de la décision négative implicite du collège qui, alors qu'il avait tout loisir de demander aux rapporteures une évaluation préliminaire des pratiques, ne l'a pas fait » (§69), quand la décision déférée avait au contraire retenu à tort que « c'est aux services d'instruction de se prononcer, au cours de l'instruction conduite sous la seule direction du rapporteur général, sur la question de savoir s'il convient de mettre en oeuvre la procédure d'engagements prévue aux articles L. 464-2 et R. 464-2 du code de commerce » (§437), la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué rectifié par l'arrêt du 5 juillet 2018 d'avoir rejeté le moyen des sociétés Umicore pris de la violation par les services d'instruction ainsi que par l'Autorité des obligations d'objectivité, d'impartialité et de loyauté leur incombant ;

AUX MOTIFS QUE D) Sur la violation par les services d'instruction et par l'Autorité des obligations d'objectivité, d'impartialité et de loyauté leur incombant
81.Les sociétés Umicore font valoir que les motifs qui soutiennent la décision attaquée ainsi que l'enquête qui l'a précédée font apparaître un préjugé de leur culpabilité, attentatoire à leurs droits de la défense et à leur droit à un procès équitable (moyen 3, branche 1). Elles ajoutent que le principe de l'égalité des armes, principe inhérent à la notion de procès équitable, n'a pas été respecté (moyen 3, branche 2).
1. Sur le préjugé de culpabilité allégué
82.Les sociétés Umicore soutiennent que le préjugé de culpabilité des services d'instruction ressort de plusieurs éléments qu'elles ont détaillés dans leurs observations en réponse au rapport et qu'elles énoncent à nouveau comme étant les suivants :
«- le constat d'une position dominante dans le chef de la société Umicore France avant même que ne soit défini le marché sur lequel cette prétendue dominance trouverait à s'exercer (et même avant toute évaluation préliminaire et avant instruction) ;
- des questions formulées de façon manifestement orientée aux professionnels du secteur ;
- l'écartement systématique des réponses et données non conformes aux préjugés des services d'instruction ;
- une interprétation tronquée d'autres données du dossier ;
- une intransigeance injustifiée dans le traitement procédural d'Umicore, et - la position selon laquelle les services d'instruction n'auraient en toute hypothèse pas égard aux éléments permettant à la société Umicore de renverser la présomption d'influence déterminante d'une maison mère (Umicore) sur sa filiale (Umicore France) ».
83.Cependant, elles n'apportent devant la cour d'appel aucun élément permettant d'étayer leurs accusations selon lesquelles, d'une part, les questions aux professionnels du secteur auraient été, de façon déloyale, « formulées de façon manifestement orientée », d'autre part, les réponses et données « non conformes aux préjugés des services d'instruction » auraient été systématiquement écartées, enfin, les données du dossier auraient fait l'objet « d'une interprétation tronquée » ou d'un traitement procédural injustifié.
84.L'ensemble de ces accusations repose, en effet, sur une divergence d'interprétation d'éléments de preuve ou d'analyse des données du dossier, qui relèvent de l'appréciation des questions de fond qui seront traitées dans le cadre des moyens de légalité interne ci-dessous. Il en va de même de la question de la présomption d'influence déterminante de la société mère Umicore sur sa filiale Umicore France qui, elle, n'est pas contestée au fond.
85.En outre, le fait que les services d'instruction aient pu envisager que la société Umicore France puisse se trouver en position dominante, avant même d'avoir circonscrit le marché pertinent, relève des hypothèses qu'ils avaient à examiner et éventuellement à établir, et ne démontre pas leur prétendue partialité. Il en va de même des motifs pour lesquels ils ont justifié leur refus d'ouverture d'une procédure d'engagements en s'appuyant sur des éléments de leur propre analyse du dossier.
86.Enfin, il ne peut être reproché aux rapporteurs d'avoir retenu les éléments « à charge » des entreprises et écarté les éléments que celles-ci invoquaient à leur décharge, dès lors qu'ils ont pour fonction d'instruire et de décrire dans la notification de griefs, puis dans le rapport, ce qui à leurs yeux doit conduire à la qualification et à la sanction de pratiques anticoncurrentielles, l'Autorité ayant en charge d'examiner le bien-fondé des éléments ainsi retenus. À ce titre, seule la déloyauté dans l'interprétation ou la présentation des pièces, ou encore dans la façon d'interroger les personnes en cause ou les tiers, peut conduire à constater une atteinte aux droits de la défense des parties, ce qui n'est en l'espèce nullement démontré.
87.C'est ainsi à juste titre que le collège de l'Autorité a écarté les critiques développées précédemment au motif que celles-ci portaient, sous couvert d'une prétendue déloyauté, sur des questions de fond.
88.À ce sujet, la cour relève que les sociétés Umicore soutiennent, au point 92 de leurs conclusions récapitulatives, que, à l'instar de la notification de griefs et du rapport, la décision attaquée inverse les stades du raisonnement, ce qu'elles ont signalé à plusieurs reprises dans le contexte d'une instruction effectuée sur la base d'un préjugé de culpabilité du groupe Umicore. Elles n'apportent, toutefois, aucun élément qui permettrait de comprendre en quoi les stades du raisonnement auraient été inversés dans l'analyse de l'Autorité et en quoi cette inversion, qui ne ressort pas de la décision attaquée, aurait été de nature à porter atteinte à l'objectivité de l'Autorité ou à nuire à leur défense.
89.Enfin, pour les raisons précédemment exposées, aucune déloyauté ne saurait résider dans la prétendue contradiction qui pourrait résulter entre l'analyse du marché pertinent par l'Autorité et la justification du rejet de la pertinence du sondage présenté par les sociétés Umicore, cette contradiction, quand bien même existerait-elle, ne démontrerait pas, à elle seule, la partialité de l'Autorité, mais seulement, éventuellement, une erreur d'appréciation. Il en va de même des désaccords relevés par les sociétés Umicore sur les éléments d'analyse du fond de l'affaire énumérés dans les notes de bas de page 65 et 67 de leurs dernières conclusions qui ne concernent que l'interprétation du sens ou de la portée des documents.

ALORS QUE les garanties du procès équitable s'appliquent dès la phase de l'instruction lorsque leur inobservation initiale risque de compromettre gravement le caractère équitable du procès ; que l'exigence d'impartialité s'impose aux services d'instruction de l'Autorité de la concurrence ; qu'en considérant que les services d'instruction n'avaient pas préjugé de la culpabilité des sociétés Umicore quand il ressort du point 115 du rapport qu'en janvier 2003, quatorze mois avant la clôture de l'instruction, les services d'instruction considéraient déjà que « les pratiques en cause ont été mises en oeuvre à partir de 1999 et sont toujours en cours aujourd'hui et sont, par ailleurs, constitutives d'abus de position dominante ayant causé un dommage à l'économie important », ce qui constitue une affirmation péremptoire et prématurée de culpabilité laissant peser un doute sur l'impartialité des services d'instruction à tout le moins de janvier 2003 à mars 2004, la cour d'appel a violé les articles 6 §3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne.
QUATRIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué rectifié par l'arrêt du 5 juillet 2018 d'avoir dit qu'il est établi que la société Umicore France, en tant qu'auteure des pratiques, et la société Umicore SA, en sa qualité de société mère de la société Umicore France, ont enfreint les dispositions de l'article L 420-2 du code de commerce et celles de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en liant les centres VM Zinc, l'enseigne Asturienne, appartenant au groupe Point P-Saint-Gobain, l'enseigne Point P, appartenant au groupe Point P-Saint-Gobain, l'enseigne Larivière, appartenant au groupe Larivière-SIG, par des obligations d'achats exclusifs en produits VM Zinc entre 2000 et la fin 2007 et d'avoir, en conséquence, infligé solidairement à la société Umicore France et à la société Umicore SA, une sanction pécuniaire d'un montant de 62.318.900 euros ;

AUX MOTIFS QUE sur les marchés de produits pertinents (
) sur la mise en oeuvre du monopoleur hypothétique pour la définition des deux marchés (
),

125.Les sociétés Umicore reprochent encore à l'Autorité d'avoir écarté le caractère probant du sondage qu'elles ont fait réaliser par l'institut I+C et qu'elles avaient produit (décision attaquée, § 505) au motif que la question du prix n'était pas posée aux personnes interrogées, motif qui serait inopérant compte tenu du caractère inapproprié du critère du prix.
126.Ce reproche est dépourvu de fondement. Il constitue une dénaturation de la décision attaquée, dont le paragraphe 505 relève seulement que les résultats de ce sondage apparaissent en contradiction avec les comportements observés au moment de la hausse du prix des produits de couverture en zinc. Par ailleurs, le fait que 76 % des architectes interrogés pour ce sondage aient déclaré ne jamais utiliser de zinc ne permet pas, contrairement à ce que font valoir les requérantes, de conclure à la substituabilité de ce matériau. En effet, ainsi qu'il sera précisé ci-dessous, le zinc est utilisé dans des situations particulières et il n'est pas démontré que les architectes interrogés aient été concernés par ces situations.
127.Il s'ensuit que l'Autorité n'a pas commis d'erreur d'appréciation ni entaché sa décision de contradiction interne en relevant, dans le cadre de son analyse des marchés pertinents, que la demande de matériau en zinc pour les produits de couverture et d'évacuation des eaux de pluie était peu sensible aux prix et que ce constat constituait un indice de l'existence de marchés pertinents de ces produits.
128. Les moyens contestant cette analyse sont en conséquence rejetés.

AUX MOTIFS ENCORE QUE 2. Sur l'examen de la non-substituabilité au regard des données de nature qualitative a) S'agissant des produits destinés à la couverture
129.Il ressort de la décision attaquée que, selon les estimations des sociétés Umicore, en 2011, le zinc a représenté en France 3,5 % des produits de couverture, tous matériaux confondus, et 8,5 % des produits de couverture en métal, lesquels représentent un peu plus de 40 % des matériaux de couverture (décision attaquée, § 508). Ces données chiffrées ne sont pas contestées.
130.Il s'en déduit que, concernant les matériaux utilisés pour la couverture des bâtiments, d'autres matériaux que le zinc sont utilisés.
131.Dans la situation de l'espèce, où le critère du prix n'est à lui seul pas suffisamment déterminant pour permettre de considérer qu'il existe un marché du zinc pour les produits de couverture, la question de la substituabilité de ce matériau au regard de tous ceux qui peuvent être utilisés pour la couverture des bâtiments, conduit à s'interroger sur le point de savoir si, lorsque le zinc est choisi, il l'est pour des raisons rendant ce choix incontournable ou difficilement modifiable, que celles-ci relèvent des caractéristiques propres de ce matériau ou soient extérieures.
132.En l'espèce, l'Autorité a relevé, au paragraphe 483 de la décision attaquée, que, sur le segment de la rénovation, qui représente 55 % de la superficie du zinc posé en couverture, soit une part substantielle, celui-ci est peu substituable par les autres matériaux pour des raisons à la fois techniques et liées aux règles d'urbanisme. Elle précise à ce titre que le zinc est un matériau qualifié de noble, souvent utilisé sur des immeubles de caractère ou relevant du patrimoine ancien ou sur des bâtiments à valeur patrimoniale. Elle ajoute que, s'il n'existe pas de règles générales prescrivant le remplacement à l'identique des couvertures en zinc, il est néanmoins de pratique courante de remplacer le zinc par du zinc.
133.Les sociétés Umicore soutiennent qu'il est inexact de soutenir que, sur le segment de la rénovation tout comme sur celui des constructions neuves, le zinc serait peu substituable par les autres matériaux pour des raisons liées aux règles d'urbanisme.
134.Elles font valoir que la décision attaquée établit une confusion entre la rénovation et la préservation du patrimoine, laquelle ne représente qu'une fraction infime du chiffre d'affaires de la société Umicore France. Elles contestent le postulat selon lequel le zinc ne pourrait, dans tous les cas, être remplacé que par du zinc, qui n'est étayé par aucun élément. De même un tel postulat ne trouverait, selon elles, pas à s'appliquer pour le neuf ou la rénovation à proprement parler.
135.Ce moyen n'est pas fondé. En effet, l'affirmation selon laquelle, dans le secteur de la rénovation, il est de pratique courante que le zinc soit remplacé par le zinc est étayée par de nombreuses déclarations d'opérateurs de divers corps de métiers, architectes ou dirigeants de sociétés de couverture, citées aux paragraphes 489 à 498 de la décision attaquée, dont la crédibilité n'est pas contestée et auxquelles la cour renvoie. Cette affirmation s'explique, en outre, par les réglementations d'urbanisme et par le fait que ce matériau est utilisé pour des immeubles de caractère, souvent présents dans les centres villes où l'existence d'un patrimoine historique protégé, ou la recherche d'une certaine unité, impliquent des exigences particulières des services municipaux. À ce sujet, l'Autorité a relevé de manière pertinente, au paragraphe 484 de la décision attaquée, que, pour ce type d'immeubles, les travaux entraînant une modification de l'aspect extérieur de la toiture requièrent une déclaration préalable et que, sans être explicitement prescrite par les règles applicables, l'utilisation dans la rénovation des matériaux précédemment mis en oeuvre, comme le zinc, permet d'éviter tout obstacle tel qu'une décision défavorable des services municipaux, ce qu'établissent suffisamment les déclarations précédemment évoquées.
136.Sur ce point, les sociétés Umicore ne démontrent pas que l'Autorité aurait confondu les activités de rénovation avec la préservation du patrimoine, qui, si elle est mentionnée, ne l'est que comme l'une des préoccupations conduisant, en matière de rénovation, à préférer utiliser le matériau d'origine. Par ailleurs, rien dans les développements de la décision attaquée ne permet de constater que l'Autorité n'aurait pas considéré l'activité de rénovation comme « le remplacement intégral d'une toiture » ou aurait confondu cette activité avec la simple réparation. Le fait que, dans le cadre de la rénovation, et ainsi qu'en témoigne un chef d'entreprise dont l'attestation est produite dans les conclusions des sociétés Umicore, « [t]ous les types de matériaux sont envisageables à ce stade », n'est pas exclusif du constat selon lequel, de façon générale, le matériau de remplacement est identique au matériau d'origine.
137.S'agissant des bâtiments neufs, l'Autorité a relevé, au paragraphe 486 de la décision attaquée, sans que ce point soit contesté, que les plans locaux d'urbanisme comportent souvent un article spécifique édictant les règles d'insertion de la construction dans le bâti environnant, conduisant à ce que les toitures soient d'un type similaire à celui qui est utilisé dans le secteur où la construction nouvelle est appelée à s'insérer.
138.À ce sujet, le fait, invoqué par les sociétés Umicore, que, selon l'étude de l'institut I+C qu'elles ont produit, les installateurs interrogés n'ont mentionné une absence d'alternative au zinc que dans 10 % des cas, pour le neuf, et dans 5 % des cas, pour la rénovation, n'est pas probant.
139.En effet, cette étude est le résultat d'une enquête réalisée par contacts téléphoniques auprès de 100 architectes et 100 installateurs (entreprises de couverture et entreprises générales) intervenant principalement dans le secteur des maisons individuelles, et non dans ceux pour lesquels le zinc est principalement utilisé, c'est-à-dire celui des immeubles collectifs des grandes villes. De plus, les trois quarts des architectes interrogés ont indiqué ne jamais prescrire de zinc. Cette base insuffisamment représentative ne permet donc pas de considérer cette étude comme un élément fiable.
140.En outre, la question de la substituabilité est, ainsi que l'a relevé l'Autorité au paragraphe 505 de la décision attaquée, posée de façon insuffisamment précise aux personnes interrogées pour que les réponses puissent être exploitées. Non parce qu'elle ne se référerait pas à d'éventuelles hausses de prix, comme l'a relevé à tort l'Autorité dans la décision attaquée, mais parce que, ainsi qu'il a été retenu précédemment, de nombreux autres matériaux sont utilisés en matière de couverture des bâtiments, et que ce n'est qu'au regard d'un certain nombre de considérations et de situations précises que le choix de ce matériau ne peut être remplacé par un autre. Or la question sur la substituabilité posée de manière générale, sans référence à ces situations, conduit à des réponses nécessairement générales, sans qu'il soit possible de discerner si la personne interrogée a pris en compte les situations spécifiques qui ont conduit au choix du zinc par rapport à d'autres matériaux.
141.Les sociétés Umicore opposent encore à ce titre que, s'agissant de la préservation du patrimoine, la décision attaquée ignore l'existence de nombreux matériaux esthétiquement comparables au zinc et ne répond pas aux arguments soulevés par elles dans leurs observations en réponse au rapport.
142.Cependant, ainsi qu'il a été dit précédemment, la préservation du patrimoine n'est qu'une des raisons parmi d'autres considérations qui conduit au constat de l'insubstituabilité du zinc par un autre matériau ; de plus, les requérantes n'apportent aucune démonstration de l'existence de ces matériaux prétendument substituables au zinc, qu'elles ne citent d'ailleurs pas. Enfin, l'Autorité ayant suffisamment motivé sa décision en fait et en droit sur ce point, elle n'était pas tenue de répondre à la totalité des arguments développés par les parties.
143.La cour relève au surplus que les allégations énoncées dans les documents commerciaux de certains fournisseurs d'acier, de PVC, d'aluminium ou de polyisobutylène, selon lesquels leurs produits seraient semblables au zinc, ou auraient l'aspect de celui-ci, cités par les sociétés Umicore au point 242 de leurs observations en réponse au rapport, ne sont pas de nature à contredire les indications émanant des professionnels utilisateurs de zinc et reprises dans la décision attaquée.
144.Les requérantes invoquent aussi un certain nombre de pièces qui démontreraient, selon elles, que, sans leur travail important de démarchage des architectes, le zinc ne serait plus utilisé comme produit du bâtiment en France. Cependant, les pièces citées ne rapportent pas la preuve de cette affirmation.
145.En effet, le rapport de l'institut I+C (pièce Umicore n° 41) ne peut, ainsi qu'il a déjà été expliqué, être retenu comme un élément probant. La liste des chantiers de couverture en zinc perdus au profit d'autres matériaux entre 2009 et 2010 (pièce Umicore n° 34), qui, au demeurant, ne concerne pas la période des pratiques, lesquelles, pour mémoire, ont pris fin en 2007, comporte pour de nombreux cas signalés, la mention « Autre zinc », ce dont il se déduit que, si les sociétés Umicore n'ont pas été attributaires de ces marchés, du zinc a néanmoins été utilisé. L'étude de juin 2015, intitulée « Observatoire de la construction neuve – Le marché de la couverture dans la construction en 2014 » (pièce Umicore n° 44), qui ne concerne pas, elle non plus, la période des pratiques, est-elle aussi insuffisamment précise dans la mesure où rien ne permet de constater quel a été le périmètre de l'enquête réalisée. Les deux documents, intitulés « Quelques exemples de chantiers perdus au profit d'autres matériaux que le zinc » et « Quelques exemples de chantiers en zinc gagnés au détriment d'autres matériaux en 2014 » (pièces Umicore n° 56 et 57), qui, comme leurs titres l'indiquent, ne concernent que quelques exemples et ne portent pas sur la période des pratiques, sont aux aussi insuffisamment complets et précis pour contredire utilement les éléments précédemment retenus.
146.Les sociétés Umicore opposent encore qu'aucune raison technique n'imposerait le choix du zinc. Cette affirmation est cependant démentie par deux attestations, reprises au paragraphe 489 de la décision attaquée, selon lesquelles la pratique du remplacement du zinc par du zinc « répond à une raison technique et architecturale. Le changement de matériau nécessite des études particulières avec en pratique des travaux additionnels au niveau de la charpente (...) ». Cette indication, émanant d'un responsable d'une société de couverture, est confirmée par un professionnel de l'Union nationale des chambres syndicales de couverture et de plomberie de France (décision attaquée, § 498). La cour relève que les sociétés Umicore n'apportent aucun élément qui permettrait de démontrer le caractère erroné des indications ainsi reprises.
147.Les sociétés Umicore contestent, par ailleurs, la pertinence des réponses apportées, aux paragraphes 503 et 504 de la décision attaquée, à un certain nombre de leurs moyens. Elles font valoir à ce titre qu'elles ont apporté des éléments démontrant que les producteurs de matériaux concurrents offrent des produits esthétiquement comparables et que la décision attaquée méconnaît le fonctionnement du marché en matière de rénovation tel qu'elles le décrivent dans leurs propres conclusions.
148.C'est cependant à juste titre que l'Autorité a considéré que les prétentions publicitaires mises en avant par des fabricants sur leurs sites Internet étaient à elles seules impropres à démontrer que les produits présentés par ces sites sont substituables au zinc, ces mentions publicitaires ne permettant pas d'apprécier la réalité et l'ampleur de la substituabilité ainsi invoquée. Par ailleurs, si l'affirmation selon laquelle « les feuilles d'acier galvanisé n'ont pas de comparaison avec le zinc », n'est, comme les requérantes le relèvent, pas davantage étayée, elle est toutefois confortée par plusieurs déclarations qui seront reprises ci-dessous (voir § 161). De même, l'appréciation de l'acier comme étant un produit « bas de gamme » est confortée par d'autres déclarations, notamment, celle du délégué régional Nord-Pas-de-Calais de l'association des architectes du Patrimoine, selon lequel « Il s'agit de deux mondes différents. Le zinc est connoté qualité à la différence du bac acier qui lui est un matériau économique » (décision attaquée, § 547), ou celles du directeur de la société Pliage moderne du Nord, pour qui « [l]es bâtiments collectifs et habitation sont du ressort des produits en zinc plus esthétiques que les bacs en acier » (décision attaquée, § 549). La cour relève que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la présentation, par certains fabricants sur leurs sites Internet, de l'acier comme étant, de façon générale, substituable au zinc, sans autre précision, ne permet pas de contredire utilement les déclarations reprises par l'Autorité dans la décision attaquée démontrant que sur le segment de la rénovation des toitures en zinc, ce matériau n'est, dans les faits, pas substituable par un autre.
149.Les sociétés Umicore contestent le bien-fondé de l'analyse de l'Autorité selon laquelle « les caractéristiques intrinsèques des produits de couverture en zinc les rendent peu substituables » (décision attaquée, § 508 à 582).
150.Elles font valoir qu'elles s'interrogent sur la pertinence de cette analyse au regard des indications des lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations, qui mettent l'accent sur la fonction des produits. Elles indiquent qu'en ne se plaçant pas du point de vue de l'architecte, qui pourtant choisit le matériau, l'Autorité commet une erreur d'appréciation et que l'on ne peut déduire l'existence d'un marché pertinent de prétendues caractéristiques intrinsèques différentes de chacun des produits puisque, dans ce cas, chacun des produits représenterait à lui seul un marché. Elles ajoutent qu'il ressort de la pratique de la Commission que la fonction du produit est un critère plus important que le matériau dont il est composé, lorsqu'il s'agit de lui trouver des substituts pour définir le marché pertinent.
151.Toutefois, si la fonction des produits constitue certainement un élément important dans le cadre de la recherche du marché pertinent, il n'en demeure pas moins que leurs caractéristiques intrinsèques sont elles aussi des indices utiles à l'analyse, dans la mesure où elles peuvent permettre de déceler ce qui conduit les demandeurs à sélectionner, dans l'éventail des offres, tel produit plutôt que tel autre et de vérifier si des raisons objectives permettent de constater la non-substituabilité des produits entre eux. En l'espèce, l'Autorité s'est bien référée, dans une première étape de son analyse, à la fonction des produits en cause, puisqu'elle a examiné les secteurs des produits de couverture des bâtiments, d'une part, des produits EEP, d'autre part. C'est dans une seconde étape de son analyse qu'elle a examiné les caractéristiques intrinsèques des produits, après avoir étudié d'autres éléments, comme le test dit du monopoleur hypothétique (décision attaquée, § 466 à 472) et les témoignages attestant de l'absence de substituabilité entre le zinc et d'autres matériaux pour une part très substantielle de la demande (décision attaquée, § 483 à 507). Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, l'Autorité n'a pas déduit l'existence d'un marché pertinent des caractéristiques intrinsèques des produits, mais a intégré les conclusions qu'elle pouvait tirer de l'examen de ces caractéristiques à l'ensemble des indices.
152.Les sociétés Umicore contestent les constatations tirées par l'Autorité, au paragraphe 563 de la décision attaquée, d'un rapport MSI de 2004, faisant valoir, d'une part, que ce rapport n'était pas destiné à définir un marché pertinent au regard du droit de la concurrence, d'autre part, que la présentation faite par l'Autorité témoigne d'une méconnaissance totale du marché.
153.Elles indiquent que le « concept de matériaux en feuilles métalliques »
ne veut rien dire dans le contexte d'une définition du marché de la couverture et expliquent à ce sujet qu'aucune feuille n'est jamais placée en couverture sous son aspect feuille, mais comme un produit intermédiaire qui sera transformé avant d'être utilisé. En effet ces feuilles sont transformées en bac soit en usine (acier, aluminium, inox) ou sur le site (plomb, zinc, cuivre).
154.Elles font valoir que, sachant que les feuilles d'acier représentent de loin la majeure partie des matériaux de couverture métalliques, l'Autorité a commis une erreur manifeste d'appréciation en omettant d'inclure l'acier en tant que matériau en feuilles métalliques et en laissant ouverte la question de l'inclusion des produits de couverture en feuilles métalliques dans le marché de la couverture. Elles estiment que la décision attaquée n'est pas motivée à suffisance de droit lorsque l'Autorité y considère que cela ne changerait rien à l'analyse.

155.Enfin, elles contestent l'interprétation faite par l'Autorité des notes de M. Q..., directeur général de la société Larivière, et soutiennent que ces notes traitent des tonnages de zinc de cuivre et d'inox dans le bâtiment en France et n'affirment pas que le zinc représenterait plus de 85 % des surfaces de couverture.
156.L'étude MSI a été produite par la société Savoie Métal Toiture, lorsqu'elle a été interrogée par les rapporteures. Elle date de 2004 et porte sur le « marché français des matériaux de couvertures de toit », dont elle étudie la situation entre 2000 et 2004 et ses possibilités d'évolution. Elle précise qu'elle présente le marché français des matériaux de couvertures de toit installés lors de la construction neuve ou de l'entretien-rénovation de logements et de bâtiments non résidentiels.
157.La cour observe que l'objectivité de cette étude, qui reprend les indications des professionnels du secteur, n'est pas contestée. Il était loisible à l'Autorité de la retenir comme élément de preuve dans sa recherche du marché pertinent, sans qu'importe que tel n'ait pas été son objectif.
158.Selon cette étude, sur le segment de la couverture métallique, « on distingue les matériaux non-ferreux, [le zinc, le cuivre, le plomb] de l'acier car leurs propriétés sont très différentes ». Selon cette même étude, en 2004, l'acier devait représenter 79 % du marché de la couverture métallique, le zinc devant représenter « 13 % du total [...] contre 6 % pour les couvertures en aluminium. Les couvertures en cuivre compteront pour les 2 % restant » (annexe 255, cote 15 346). Le tableau n° 52 de ladite étude, auquel se réfèrent les sociétés Umicore, permet de constater que, sur les cinq années de 2000 à 2004, l'acier a représenté entre 23 % et 20 % des ventes de couvertures métalliques, tandis que le zinc a représenté un peu plus de 3 % et l'aluminium, le cuivre et le plomb environ 1,5 % pour le premier, 0,3 % pour le deuxième et 0,1 % pour le dernier.
159.Il se déduit de l'ensemble de ces indications que, si l'on examine les matériaux utilisés pour les couvertures métalliques en distinguant les matériaux ferreux (l'acier) des non-ferreux (le zinc, l'aluminium, le cuivre, le plomb), qui, pour les professionnels, n'ont pas les mêmes propriétés et ne répondent donc pas aux mêmes attentes, c'est à juste titre et sans erreur d'appréciation que l'Autorité a relevé que « parmi les matériaux utilisés pour la couverture en feuilles métalliques (le zinc, l'aluminium, le cuivre, le plomb)
le zinc représente plus de 85 % des surfaces ». Comme le relève à juste titre l'Autorité au paragraphe 510 de la décision attaquée, ces indications sont de surcroît confirmées par les notes manuscrites prises par le directeur général de la société Larivière lors d'une réunion avec le directeur commercial de la société Umicore France, sans que les circonstances dans lesquelles ces notes ont été prises et invoquées par les sociétés requérantes ne permettent de remettre en doute la concordance des informations qui en résultent.
160.C'est par ailleurs en vain que les sociétés Umicore soutiennent que l'Autorité aurait commis une erreur d'appréciation en comparant, pour l'exclure, l'acier avec des produits se trouvant à des stades de transformation différents, alors que, dans tous les cas, tous les grands éléments de couverture métalliques sont des feuilles ayant été profilées pour être transformées en bac de couverture avant leur pose.

161.En effet, la différence entre le zinc et l'acier résultant d'une part, de la taille de la couverture à réaliser, d'autre part, de la technique de pose, a été signalée par de nombreuses personnes, dont les déclarations sont reprises par la décision attaquée. Ainsi, selon un ingénieur du Centre scientifique et technique du bâtiment (le CSTB), « Le zinc fait partie de la couverture en feuilles métalliques, alors que le bac acier fait partie de la couverture en grands éléments. La couverture en feuilles métalliques est posée sur un support continu en raison de son absence de rigidité. Rien qu'en considération de ce critère de rigidité, les feuilles métalliques constituent un marché spécifique par rapport aux autres matériaux. Le choix de la technique va être fonction du prix global de la couverture, de l'esthétisme et des règles d'urbanisme. La couverture en zinc nécessite un support absorbant la condensation (volige en bois), ainsi qu'une ventilation de ce support. Ces deux critères correspondent aux couvertures en feuilles métalliques. (...). ([Annexe 105], cote 6998, soulignement ajouté) » (décision attaquée, § 541). Cette affirmation est confortée par plusieurs déclarations selon lesquelles les bacs en acier sont principalement utilisés pour les bâtiments industriels dont les surfaces à couvrir sont plus vastes (décision attaquée, § 544,545, 546, 547, 554), ce matériau permet une longueur de pose plus importante que le zinc (décision attaquée, § 545, 556, 557), le savoir-faire de mise en oeuvre est totalement différent entre les deux matériaux (décision attaquée, § 547) et, enfin, l'acier est deux fois moins onéreux (décision attaquée, § 546, 547) et sa durée de vie moins longue que celle du zinc (décision attaquée, § 545).
162.L'ensemble de ces éléments montrent que le zinc correspond à des usages différents de l'acier et répond une demande spécifique pour laquelle l'acier n'est pas substituable à ce matériau, et que c'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré qu'ils ne se trouvaient pas dans le même marché pertinent.

ET AUX MOTIFS ENFIN QUE b) concernant les produits EEP

163.Les sociétés Umicore critiquent la décision attaquée en ce que l'Autorité a estimé que les accessoires et profilés étaient compris dans le marché des produits EEP. Elles font valoir que la motivation de la décision attaquée sur ce point est contradictoire, qu'elle constitue une erreur manifeste de raisonnement et que l'Autorité n'ayant pas analysé les accessoires et profilés, elle a manqué à l'obligation de motivation de sa décision.
164.Toutefois, l'Autorité a précisé, au paragraphe 588 de la décision attaquée, que les produits EEP « sont des produits servant à l'évacuation des eaux de toitures : gouttières, chéneaux, tuyaux de descentes et divers accessoires façonnés en zinc faisant partie des systèmes d'évacuation des eaux pluviales (descentes, moignons, talons, crochets, joints de dilatation, bagues, manchons, cuvettes, etc.) » (soulignement ajouté par la cour). Elle a donc, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Umicore, détaillé ce qu'étaient les produits accessoires et suffisamment motivé sa décision sur ce point. Par ailleurs, rien dans cette liste ne permet de considérer que l'Autorité aurait compris dans les accessoires des produits qui ne seraient pas liés aux systèmes d'évacuation des eaux pluviales, ou qui n'en feraient pas partie en tant qu'accessoires, comme les chatières, les faîtages, les bandes de rive ou les solins. La cour observe, à ce sujet, que le paragraphe 373 de la notification de griefs, auquel les sociétés requérantes renvoient en se référant à leurs observations en réponse au rapport, indique que « [l]es produits destinés à recouvrir les façades (ou « bardage »), dans la mesure où ils mettent en jeu des quantités marginales de zinc, ne feront pas l'objet d'une définition de marché spécifique et seront pris en compte parmi les produits en zinc laminé destinés à la couverture ». Rien ne permet de constater que ces produits auraient, en tout cas au stade de la définition des marchés, été inclus dans le marché des produits EEP. La question de leur éventuelle intégration dans le montant de base de la sanction sera, si cela est nécessaire, examinée dans la partie du présent arrêt consacrée au calcul de la sanction. Les critiques formulées par les sociétés Umicore ne sont en conséquence pas fondées.
165.Enfin, il convient de relever que l'analyse de la substituabilité à laquelle l'Autorité a procédé et qui fait l'objet des moyens que la cour examinera dans les développements qui suivent, concerne bien les éléments de système EEP, notamment, lorsqu'ils sont évoqués par les déclarations reprises dans la décision attaquée, et non d'autres éléments qui ne concerneraient pas ces systèmes. Il s'en déduit que le moyen qui critique la prise en compte au titre des systèmes EEP d'éléments qui n'en seraient pas les accessoires, est en tout état de cause inopérant.
166.L'Autorité a fondé son constat de l'existence d'un marché pertinent des produits EEP en zinc sur la réunion de cinq indices. Le premier est l'absence de diminution des quantités de produits EEP vendues lors de la forte hausse des prix du zinc en 2006 (décision attaquée, § 592 et suivants), le deuxième consiste dans l'existence d'écarts de prix significatifs entre le zinc et le PVC, qui traduisent de fortes différences de qualité et de durabilité (décision attaquée, § 597 et suivants), le troisième repose sur la réunion de plusieurs déclarations concordantes de professionnels faisant état d'une substituabilité limitée entre le zinc et d'autres matériaux sur le segment de la rénovation (décision attaquée, § 607 et suivants), le quatrième réside dans l'existence de circuits de distribution distincts (décision attaquée, § 624 et suivants), et le dernier relève du constat de l'existence d'une analyse tarifaire effectuée par rapport aux seuls produits en zinc (décision attaquée, § 632).
167.Le fait qu'il existe, en matière de système EEP, des produits en cuivre, en aluminium, en acier galvanisé, en acier galvanisé laqué, en acier inoxydable et en PVC n'implique pas que ceux-ci soient substituables au sens du droit des pratiques anticoncurrentielles.
168.Par ailleurs, et ainsi qu'il a été précisé précédemment, il n'y a pas lieu d'écarter les constatations relatives à l'évolution des prix dans l'analyse des marchés des produits en zinc, puisque, si la demande est d'une sensibilité relative à ce paramètre, elle ne peut cependant en être totalement détachée. La cour adopte l'analyse de l'Autorité sur ces points et renvoie en tant que de besoin aux paragraphes 592 à 606 de la décision attaquée, qui ne sont pas autrement critiqués par les requérantes.
169.Les sociétés Umicore opposent l'insuffisante force probante des déclarations retenues par l'Autorité. Elles exposent que celle-ci a indiqué, au paragraphe 607 de la décision attaquée, que « certaines déclarations » confirment que le marché des produits EEP n'est pas limité au zinc, ce qui était aussi la conclusion du rapport administratif d'enquête de la DGCCRF.
Elles soutiennent que plusieurs déclarations indiquent qu'il conviendrait de regarder le type de bâtiment concerné et que, si ce constat était exact, ce qu'il n'est pas, il aurait dû conduire à une délimitation plus étroite du marché pertinent. Elles ajoutent que l'Autorité a repris des déclarations sans tenir compte, d'une part, de ce que l'une d'entre elles ferait une distinction entre le neuf et la rénovation, d'autre part, de ce qu'une autre préciserait que l'on peut respecter les formes avec des matériaux différents du zinc. Elles contestent l'affirmation selon laquelle le chéneau devrait nécessairement être en zinc.
170.Les déclarations reprises dans la décision attaquée (§ 609 à 623) montrent que, pour les produits EEP, comme pour les produits de couverture des bâtiments, un choix entre plusieurs matériaux s'offre aux professionnels et que plusieurs critères entrent dans la détermination de ces choix, parmi lesquels on retrouve la nature des bâtiments (maisons individuelles, immeubles de logements collectifs, locaux industriels), mais aussi leur caractère neuf ou ancien, ou la nature des travaux (construction ou rénovation). À l'instar de ce qui a été relevé précédemment pour les produits de couverture, il résulte des déclarations que le zinc est considéré par les professionnels comme étant un matériau de qualité et correspondant à certaines exigences esthétiques (décision attaquée, § 610, 611, 616), lequel est fréquemment utilisé pour remplacer du zinc (décision attaquée, § 613), mais aussi qu'il est mieux adapté aux bâtiments qui ne sont pas standardisés et pour lesquels il est nécessaire d'adapter la forme de l'élément à la géométrie de la construction à laquelle il s'intègre (décision attaquée, § 613, 614, 615) et de mettre en oeuvre un savoir-faire particulier (décision attaquée, § 626 et 627).
171.Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, pour les produits EEP, le zinc est un matériau choisi pour des caractéristiques qui lui sont spécifiques et qui le rendent insubstituable par d'autres matériaux.
172.Il est sans portée que des produits EEP existent en d'autres matériaux que le zinc, dès lors que celui-ci est choisi pour ses propriétés propres et des usages spécifiques pour lesquels les professionnels estiment qu'il n'est pas substituable par d'autres. Il est tout autant dépourvu de conséquence que le rapport administratif d'enquête de la DGCCRF ait conclu différemment, l'Autorité n'étant nullement tenue par cette appréciation. Enfin, le fait que, s'agissant de bâtiments neufs, d'autres matériaux soient préférés au zinc n'est pas contradictoire avec le constat que, pour un certain nombre d'usages, le zinc est le seul matériau utilisé et qu'il n'est pas substituable par un autre.
173.Par ailleurs, si les déclarations citées dans la décision attaquée exposent que le zinc correspond à certains types d'immeubles ou de travaux, il en résulte qu'il dispose, pour ces situations variées, un caractère insubstituable qui conduit à considérer qu'il existe bien un marché des produits EEP en zinc, sans qu'il soit justifié de caractériser un marché pertinent réduit à chacune de ces situations propres et diverses. S'agissant des chéneaux, les sociétés Umicore n'apportent aucun élément qui permettrait de contredire utilement les déclarations selon lesquelles « [l]es chéneaux sont à 95 % en zinc [...] » ou « les chéneaux sont obligatoirement en zinc [...] » ou encore celle selon laquelle « le chéneau doit toujours être façonné en zinc car il faut tenir compte de la quantité d'eau à évacuer » (décision attaquée, § 621, 622, 623).
174.Sur ce point, les sociétés Umicore renvoient, dans leurs dernières conclusions, à un document issu d'un site internet intitulé « goutière.comprendrechoisir.com », produit en annexe de leurs observations en réponse au rapport, qui indique, au sujet du chéneau : « dans les constructions anciennes, il était en pierre, en terre-cuite ou en bois recouvert de plomb. Aujourd'hui le chéneau est disponible dans le même matériau que les gouttières PVC, zinc, cuivre ou aluminium ». Toutefois, si ce document démontre qu'il peut exister des chéneaux en d'autre matériau que le zinc, il n'infirme pas le constat d'une préférence exprimée par les professionnels dans les déclarations rappelées ci-dessus.
175.De plus, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Umicore, le fait, non contesté par elles, que les produits EEP en zinc soient distribués par des circuits différents de ceux en PVC, contribue à montrer que ces produits ne s'adressent pas à la même clientèle, et constitue un indice complémentaire du caractère spécifique du zinc pour ces produits.
176.De la même façon, les documents internes montrant que les sociétés Umicore procédaient à une veille concurrentielle au regard des seuls produits concurrents en zinc, et non de ceux réalisés en d'autres matériaux, ajouté aux autres indices précédemment examinés, contribuent à démontrer l'existence d'un marché pertinent des produits EEP en zinc. Le fait, invoqué par les sociétés requérantes, que ces documents n'avaient pas été préparés dans une perspective de définition des marchés, s'il doit conduire à ne pas se référer à eux seuls pour circonscrire le marché, n'empêche toutefois pas que les constats qui en résultent puissent être utilisés dans un faisceau d'indices.
177.Les sociétés Umicore font encore valoir que l'Autorité n'a pas pris en compte le fait que le groupe Umicore consacre une partie importante de ses ressources à démarcher les architectes en vue de faire la promotion des produits en zinc et de les convaincre de leurs avantages par rapport aux produits concurrents. Elles exposent qu'aucune entreprise n'effectuerait de telles dépenses pour assurer une demande qu'elle sait captive. Elles renvoient aussi à la liste qu'elles ont produite de projets (neufs ou en rénovation) que la société Umicore France a perdus sur la période de 2009 à 2013, au profit d'autres matériaux que le zinc.
178.Cependant, il résulte des éléments du dossier relatifs au travail de prescription développé auprès des architectes et maîtres d'oeuvre par la société Umicore France (cf. notamment, annexe 187, cote 11954, ou annexe 196, cote 20311 et s.) que le travail de démarchage du groupe vise à renforcer et appuyer la notoriété de la marque VM Zinc afin qu'elle soit mentionnée dans les cahiers des clauses techniques particulières (CC TP).

Si ces efforts contribuent, dans un même mouvement, à promouvoir le zinc, il ne peut en être déduit que, sans ces investissements, les produits en zinc qui correspondent à des usages spécifiques auraient vocation à disparaître.
179.S'agissant des listes produites par les sociétés Umicore énumérant les marchés de couverture qu'elle qualifie de « perdus » entre 2009 et 2013, la cour relève que, outre qu'elles concernent une période postérieure à celle des pratiques, en l'absence d'informations sur les caractéristiques de ces chantiers permettant de vérifier s'ils correspondaient aux situations dans lesquelles le zinc est difficilement remplaçable par un autre matériau, c'est à juste titre que l'Autorité a considéré que ces listes ne démontraient pas la substituabilité soutenue par les sociétés Umicore. Le fait que, sur un certain nombre de ces marchés, un autre produit que le zinc ait été choisi, bien que la société Umicore France ait été « active pour la fourniture de zinc », ne permet pas, à lui seul et faute des informations précitées, de contredire l'ensemble des éléments précédemment relevés.
180.Ainsi, contrairement à ce que prétendent les sociétés Umicore, ce n'est pas le seul épisode de forte hausse des prix du zinc en 2006, mais l'ensemble des indices retenus par l'Autorité qui démontrent qu'il existe, compte tenu des caractéristiques du zinc propres à satisfaire une demande spécifique, un marché des produits de couverture en zinc et un marché des produits EEP en zinc, sans qu'aucune de ces spécificités ne justifie de réduire les marchés à un périmètre plus étroit.
181.Les moyens des sociétés Umicore sur l'ensemble des points qui précèdent sont en conséquence rejetés.

1°) ALORS QU'en affirmant que le moyen des sociétés Umicore reprochant à l'Autorité de la concurrence d'avoir écarté le caractère probant du sondage qu'elles ont fait réaliser par l'institut I+C et qu'elles avaient produit (décision attaquée, § 505) au motif que la question du prix n'était pas posée aux personnes interrogées, motif qui serait inopérant compte tenu du caractère inapproprié du critère du prix, reposerait sur une dénaturation de la décision déférée « dont le paragraphe 505 relève seulement que les résultats de ce sondage apparaissent en contradiction avec les comportements observés au moment de la hausse du prix des produits de couverture en zinc », quand la décision déférée indiquait aussi que « ce sondage ne permet pas de rendre compte du degré de substituabilité entre matériaux tel qu'on l'entend en droit de la concurrence puisque la question posée (« Dans le cadre de vos réalisations/chantiers, pensez-vous que le zinc est substituable dans ses applications d'évacuation des eaux pluviales ? ») repose sur une acception erronée de la notion de « substituabilité », appréhendée dans l'absolu, sans référence à un prix de départ et à une hausse des prix déterminée », la cour d'appel a violé le principe lui interdisant de dénaturer l'écrit qui lui est soumis et sur lequel elle s'est fondée ;

2°) ALORS QUE le marché pertinent est celui où se confrontent l'offre et la demande de produits ou de services considérés par les demandeurs comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande ; que la substituabilité entre différents biens ou services du point de vue de la demande, qui constitue le critère déterminant pour la délimitation du marché pertinent, s'apprécie en fonction d'un faisceau d'indices tenant compte de la réalité du fonctionnement du marché et pouvant comprendre notamment, les besoins et perceptions des utilisateurs, les caractéristiques spécifiques du produit, son usage, son coût et ses conditions de commercialisation ; qu'en se fondant sur les seules caractéristiques du segment de la rénovation pour considérer que le zinc n'était pas substituable aux autres matériaux, après avoir pourtant admis que seulement 55% de la superficie du zinc posé en couverture l'est sur le segment de la rénovation mais aussi qu'en 2011 le zinc a représenté en France 3,5% des produits de couverture, tous matériaux confondus, et 8,5% des produits de couverture en métal , la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-2 du code de commerce ;

3°) ALORS QU'en considérant qu'il existerait un marché spécifique de la couverture en zinc en raison d'une prétendue « insubstituabilité du zinc par un autre matériau » tout en constatant que le zinc est peu substituable dans le seul secteur de la rénovation ou encore que selon l'Autorité « il n'existe pas de règles générales prescrivant le remplacement à l'identique des couvertures en zinc », ce dont il résultait que le remplacement du zinc par un autre matériau demeurait possible pour de nombreux usages ce qui le rendait substituable dans bon nombre d'hypothèses, la cour d'appel a violé les articles 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-2 du code de commerce ;

4°) ALORS QU'en affirmant, pour définir le marché pertinent comme étant celui des EEP en zinc sans distinguer selon les usages du produit, que pour les produits EEP, le zinc est un matériau choisi pour des caractéristiques qui lui sont spécifiques et qui le rendent insubstituable par d'autres matériaux sans qu'aucune de ces spécificités ne justifie de réduire les marchés à un périmètre plus étroit, tout en constatant que le zinc n'était pas substituable à d'autres matériaux pour certains usages seulement, ce qui le rend, en réalité, très souvent substituable, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-2 du code de commerce.

CINQUIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué rectifié par l'arrêt du 5 juillet 2018 d'avoir dit qu'il est établi que la société Umicore France, en tant qu'auteure des pratiques, et la société Umicore SA, en sa qualité de société mère de la société Umicore France, ont enfreint les dispositions de l'article L 420-2 du code de commerce et celles de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en liant les centres VM Zinc, l'enseigne Asturienne, appartenant au groupe Point P-Saint-Gobain, l'enseigne Point P, appartenant au groupe Point P-Saint-Gobain, l'enseigne Larivière, appartenant au groupe Larivière-SIG, par des obligations d'achats exclusifs en produits VM Zinc entre 2000 et la fin 2007 et d'avoir, en conséquence, infligé solidairement à la société Umicore France et à la société Umicore SA, une sanction pécuniaire d'un montant de 62.318.900 euros ;

AUX MOTIFS QUE sur la position dominante

194.Les sociétés Umicore reprochent à l'Autorité d'avoir commis une erreur manifeste d'appréciation (moyen 7, branche 1) et entaché sa décision d'un défaut de motivation (moyen 7, branche 2) en décidant que la société Umicore France se trouvait en position dominante, sans tenir compte de la puissance d'achat compensatrice de ses clients et sans examiner les éléments factuels qu'elles avaient produits pour démontrer cette circonstance de fait.
195.Elles rappellent que dans sa communication 2009/C 045/02 intitulée « Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du traité CE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes », publiée au Journal officiel de l'Union européenne du 24 février 2009 (C 45, p. 7), la Commission précise que la puissance d'achat des clients d'une entreprise doit être prise en compte afin de déterminer l'existence d'une position dominante, et ce même en présence d'une part de marché prétendument élevée (point 18), principe que l'Autorité met elle-même en oeuvre.
196.Elles précisent que les deux principaux clients de la société Umicore France, les groupes Saint-Gobain et SIG, représenteraient à eux seuls environ 50 % du chiffre d'affaires de l'activité zinc bâtiment en France sur l'intégralité de la période 1999-2007, et que cette puissance d'achat des groupes de distributeurs est par ailleurs expressément admise par les distributeurs eux-mêmes.
197.Elles ajoutent que les « contrats européens » témoignent de la puissance d'achat de ces distributeurs. Ainsi, ces contrats ne constitueraient nullement une rémunération pour « monomarquisme », mais seraient des contrats imposés par les grands groupes afin d'augmenter leur marge. Selon elles, la société Umicore France n'avait d'autre choix que de les accepter si elle voulait demeurer un fournisseur pouvant livrer à ces groupes.
198.Elles exposent que l'appréciation de l'Autorité méconnaît la réalité du marché et font valoir, d'une part, que la société Umicore France a fait l'objet de menaces de déréférencement, ainsi que l'illustre une lettre de la société Yvon du 15 janvier 2007, d'autre part, que la décision attaquée passe sous silence la faible part de ses produits dans le chiffre d'affaires de ses fournisseurs. Elles indiquent avoir fourni de très nombreux éléments démontrant que les distributeurs (centres VM Zinc et autres) vendent et présentent côte à côte des produits de couverture et des produits EEP de différents types de matériaux métalliques et non métalliques. Elles soutiennent que la société Umicore France se trouve ainsi à la merci de ses plus gros clients, et ce d'autant plus que le secteur est caractérisé par des coûts fixes élevés nécessitant un taux d'activité élevé pour atteindre un niveau de rentabilité satisfaisant.
199.L'Autorité, le Ministre chargé de l'économie et le Ministère public concluent au rejet du moyen.
200.Ainsi que le rappelle l'Autorité aux paragraphes 649 et suivants de la décision attaquée, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après la Cour de justice ou la CJUE), la position dominante visée par l'article 102 du TFUE s'entend d'une situation de puissance économique qui donne à l'entreprise concernée le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause, en lui permettant de se comporter, dans une certaine mesure, de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients, et finalement des consommateurs (CJUE, arrêts du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission., 85/76, point 38, et du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission, C-457/10 P, point 175). La preuve de la position détenue par une entreprise sur un marché s'apprécie au moyen d'un faisceau d'indices (décision attaquée, § 650), parmi lesquels les parts de marché constituent un paramètre essentiel (décision attaquée, § 651), la Cour de justice ayant précisé sur ce point, sans que cette jurisprudence ait été à ce jour modifiée, que « des parts extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l'existence d'une position dominante. Tel est le cas d'une part de marché de 50 % comme celle constatée en l'espèce » (CJUE, arrêt du 3 juillet 1991, Akzo/Commission, C-62/86, point 60 ; voir également, TUE, arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission,T-321/05, point 288).
201.En l'espèce, l'Autorité a tenu compte de l'importance des parts de marché au cours de la période de mise en oeuvre des pratiques sur les deux marchés concernés (produits de couverture en zinc et produits EEP). Sur le marché des produits de couverture en zinc, ces parts ont été supérieures à 70 %, en incluant la part de marché de la société de droit péruvien Ieqsa, acquise par le groupe Umicore en 2003, et plus de trois fois supérieures aux parts de marché de son concurrent le plus puissant, la société Rheinzink, aucun des autres intervenants ne dépassant 8 % de parts de marché (décision attaquée, § 658). De même, sur le marché des produits EEP, ces parts ont été comprises, sur la période concernée par les pratiques, entre 64, pour le début, à 53 %, à la fin, soit trois fois plus que celles de la société Rheinzink (décision attaquée, § 661).
202.L'Autorité a complété cet indice par quatre autres. En premier lieu, la forte notoriété de la société Umicore France, acteur historique sur le marché français et déployant un important travail de promotion auprès des clients (décision attaquée, § 666), en deuxième lieu, la reconnaissance au sein de son personnel de sa position dominante, établie par un courrier électronique de son directeur commercial (décision attaquée, § 669), en troisième lieu, le constat que, sur les deux marchés, l'ensemble de la profession se fonde sur les prix des produits Umicore pour établir sa tarification (décision attaquée, § 670), en quatrième lieu, le fait que la société Umicore France soit parvenue à maintenir, sur l'ensemble de la période concernée par les pratiques, des parts de marché élevées, tout en pratiquant des prix de 5 à 15 % supérieurs à ceux de ses concurrents sur le marché français (décision attaquée, § 671).
203.Enfin, l'Autorité a examiné la puissance d'achat des clients de la société Umicore France, invoquée par les requérantes. Elle a estimé que, bien que la part très importante de ces clients dans l'ensemble des ventes (les trois principaux représentant à eux seuls 72 % en 2012 et les deux premiers – groupes Point P et Larivière – 57 % en 2013), cette puissance d'achat ne pouvait être qualifiée de compensatrice. Elle a fondé cette appréciation sur la très forte préférence des clients des distributeurs en question pour la marque VM Zinc et la faculté du groupe de s'adapter aux critères esthétiques du marché français, dont elle a déduit qu'il était difficile pour un distributeur de changer rapidement de fournisseur (décision attaquée, § 675).
204.Ainsi qu'il ressort de cette motivation, que la cour adopte, l'Autorité n'a pas négligé la puissance d'achat des clients de la société Umicore France, ni refusé d'examiner les moyens et les pièces afférentes des parties.
205.Il convient encore de rappeler que le pouvoir de grands distributeurs vis-à-vis de leurs fournisseurs s'exerce plus difficilement lorsque ceux-ci disposent de marques à forte notoriété.
206.En l'espèce, le fait que les groupes, principaux clients de la société Umicore France, exercent davantage de pression dans le cadre des négociations annuelles avec cette société est, comme l'indiquent les requérantes, une démonstration de leur puissance d'achat. Cette pression n'a toutefois pas empêché que, sur la période considérée, les prix pratiqués par la société Umicore France ont été de 5 à 15 % supérieurs à ceux de ses concurrents sur le marché français, ce qui conduit à conforter l'analyse selon laquelle cette puissance d'achat n'est pas compensatrice de la position dominante. À ce sujet, il convient d'observer que l'ancien directeur des achats de la société Larivière a déclaré, lors de l'enquête, « avec Umicore il n'y a pas de discussion possible. Le prix de vente du fournisseur est fonction du LME et les bonifications de fin d'année sont décidées unilatéralement par Umicore » (annexe 145, cote 5984) [la cour précise que l'acronyme LME signifie « London metal exchange » et qu'il est défini au paragraphe 07 de la décision attaquée]. S'agissant des contrats européens, qui, selon les sociétés requérantes, sont imposés par les grands groupes, la cour relève que ces contrats, décrits aux paragraphes 176 et suivants de la décision attaquée et conclus à partir de juillet 2008, soit après la cessation des pratiques, comportent des clauses très avantageuses pour la société Umicore France, incitatives pour le groupe Point P-Saint Gobain à la référencer préférentiellement. En outre, les sociétés Umicore n'apportent aucun élément qui permettrait à la cour de constater que les clauses de ces contrats ne seraient pas conformes à leurs intérêts ni, comme elles le prétendent, qu'elles n'auraient pas pu les négocier.
207.Au surplus, la lettre du directeur commercial de la société Yvon adressée à la société Umicore le 15 janvier 2007, indiquant « Nous vous confirmons notre décision de ne plus travailler avec la société Umicore (...) », est motivée par le fait que celle-ci « n'est pas référencée GEDIMAT » et que la société Yvon a « opté pour un fournisseur référencé ». Cette rupture de relations commerciales pour un motif qui n'a aucun lien avec la pratique tarifaire ou contractuelle de la société Umicore France, ne témoigne pas, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, de la menace de déréférencement qui pèserait sur la société Umicore France et ne démontre pas la puissance d'achat compensatrice de ses clients. De même, les deux lettres des 19 septembre 2012 et 3 avril 2013 produites par les requérantes (pièces 32 et 33) par lesquelles le directeur commercial de la société Umicore France prend acte de la décision de la société Larivière d'arrêter la distribution de la marque VM Zinc dans trois, puis quatorze points de vente, sont postérieures aux pratiques et ne peuvent témoigner d'une puissance particulière de cette société à l'égard de la société Umicore France à la période concernée par la décision attaquée. De plus, le fait que la société Larivière, qui, selon le graphique figurant au paragraphe 60 de la décision attaquée, regroupait quatre-vingt-neuf « centres VM Zinc cible », ait souhaité arrêter la distribution de la marque VM Zinc pour dix-sept d'entre eux ne rapporte pas la preuve d'une soumission de la société Umicore France à la menace de déréférencement de ses distributeurs, d'autant que cette enseigne ne regroupe que 20 % des ventes de la société Umicore en 2012 (Voir décision attaquée, § 65).
208.C'est en vain que les requérantes soutiennent que, réalisant leurs chiffres d'affaires, lesquels sont de surcroît très importants, avec d'autres produits que ceux de la société Umicore France, les quatre plus gros distributeurs clients de cette société ne seraient pas substantiellement dépendants d'elle. En effet, le caractère compensateur de la puissance de marché des clients de l'entreprise en position dominante ne dépend nullement d'une telle condition. Il n'est, de surcroît, pas contesté qu'il existe sur les marchés pertinents une forte préférence des clients des distributeurs pour la marque VM Zinc, ce qui a pour conséquence que la capacité à changer rapidement de fournisseur pour un distributeur apparaît très limitée (décision attaquée, § 675). À ce sujet, le fait que certains distributeurs vendent et présentent, côte à côte, des produits de couverture et des produits EEP de différents types de matériaux métalliques et non métalliques, qui, ainsi qu'il a été relevé précédemment, ne se trouvent pas en concurrence avec les produits en zinc, n'est pas de nature à rapporter la preuve contraire à la position dominante de la société Umicore France, telle qu'elle a été établie. En outre, cette préférence marquée des clients distingue la situation de la société Umicore France, en France, de celle de la société Rheinzink, en Allemagne, et justifie que l'Autorité ait, en l'espèce, procédé à une analyse différente de celle suivie par l'Autorité de concurrence allemande dans la décision du 28 janvier 1998, dite Rheinzink I.
209.Enfin, le fait que le secteur soit caractérisé par des coûts fixes élevés nécessitant un taux d'activité élevé pour atteindre un niveau de rentabilité satisfaisant, n'est lui non plus pas suffisant pour remettre en cause la position dominante de la société Umicore France, opérateur historique en France. Cette société est en effet, au regard de ses parts de marchés, ainsi que de sa notoriété, la plus à même d'absorber les pertes que peuvent causer la perte de certains clients, d'autant que, compte tenu des préférences affichées par les clients des distributeurs, il est loin d'être exclu que ceux-ci ne reporteraient pas leurs achats vers d'autres distributeurs proposant la marque VM Zinc.
210.Il se déduit de ce qui précède que le moyen des sociétés Umicore contestant l'existence d'une position dominante est rejeté.

1°) ALORS QU'en affirmant que l'Autorité de la concurrence avait pu valablement considérer que la puissance d'achat des distributeurs ne pouvait être qualifiée de compensatrice de la position dominante de la société Umicore en raison d'une très forte préférence des clients des distributeurs en question pour la marque VM Zinc ou encore de la difficulté pour un distributeur de changer rapidement de fournisseur, après avoir constaté que certains distributeurs avait fait le choix de ne pas référencer les produits VM Zinc et de changer de fournisseur, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-2 du code de commerce ;

2°) ALORS QU'en se bornant à affirmer, pour dire que l'Autorité de la concurrence avait pu valablement considérer que la puissance d'achat des distributeurs ne pouvait être qualifiée de compensatrice de la position dominante de la société Umicore, qu'il est loin d'être exclu que les clients de distributeurs non référencés ne reporteraient pas leurs achats vers d'autres distributeurs proposant la marque VM Zinc, quand il lui appartenait au contraire de démontrer positivement que les clients étaient attachés à la marque, plus qu'au distributeur, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à démontrer que la puissance avérée des distributeurs ne pouvait pas compenser la position dominante de la société Umicore, a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-2 du code de commerce.

SIXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :
(sur l'abus)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué rectifié par l'arrêt du 5 juillet 2018 d'avoir dit qu'il est établi que la société Umicore France, en tant qu'auteure des pratiques, et la société Umicore SA, en sa qualité de société mère de la société Umicore France, ont enfreint les dispositions de l'article L 420-2 du code de commerce et celles de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en liant les centres VM Zinc, l'enseigne Asturienne, appartenant au groupe Point P-Saint-Gobain, l'enseigne Point P, appartenant au groupe Point P-Saint-Gobain, l'enseigne Larivière, appartenant au groupe Larivière-SIG, par des obligations d'achats exclusifs en produits VM Zinc entre 2000 et la fin 2007 et d'avoir, en conséquence, infligé solidairement à la société Umicore France et à la société Umicore SA, une sanction pécuniaire d'un montant de 62.318.900 euros ;

AUX MOTIFS QUE sur l'abus

211.À titre liminaire, la cour relève qu'en dehors des moyens relatifs à la prescription (moyens 8 et 9), qui ont été précédemment rejetés, les sociétés Umicore ne contestent pas la décision attaquée en ce qu'elle a qualifié d'abus de position dominante les pratiques mises en oeuvre pendant la période écoulée entre 1999 et fin 2003.
212.La cour adopte, sur ce point, les motifs de la décision attaquée par lesquels l'Autorité a conclu qu'il est établi d'une part que, de 1999 à 2004, la société Umicore France a imposé à tous les centres VM Zinc, y compris ceux appartenant aux enseignes Point P, Asturienne et Larivière, une obligation d'achat exclusif fondée sur des stipulations contractuelles explicites (décision attaquée, § 693) et, d'autre part, que plusieurs documents internes datés de 2002 montraient que cette fidélisation participait de la politique commerciale d'Umicore consistant à poursuivre une stratégie tendant à « repousser la deuxième marque » (décision attaquée, § 694).

1. Sur l'application du contrat VM Zinc entre 2004 et 2007 (moyen 10, branche 1)
213.Concernant la période de 2004 à 2007, l'Autorité a constaté que la suppression, à partir de 2004, de la clause expresse d'achat exclusif dans les contrats avait été suivie de la mise en oeuvre d'une politique commerciale tendant à une exclusivité de fait. Elle a, à ce titre, relevé que de nouvelles stipulations avaient été introduites permettant d'inciter dans les faits à l'exclusivité, telle la clause interdisant d'utiliser la marque VM Zinc ou les produits et services comme vecteur de vente pour des produits de marques concurrentes, la clause de stock correspondant à un mois de vente, et l'instauration d'un système de bonification élaboré de façon à inciter à la fidélité et la loyauté ainsi qu'à la mise en avant d'une gamme spécifique de produits (décision attaquée, § 697 à 700).
214.Elle a également constaté qu'en mai 2004, la société Umicore France avait conclu avec la société Asturienne une « Charte de partenariat Umicore/Asturienne » (ci-après, la charte de partenariat) qui prévoyait que les agences Asturienne agréées VM Zinc devaient assurer « exclusivement la promotion de la gamme Umicore » et qui indiquait ensuite que « 5 dépôts, Villeneuve d'Ascq, Saint-Malo, Saint-Denis, Libourne, Toulouse distribueront une marque concurrente », ces dépôts se voyant simultanément interdire de faire « la double cotation (offre VM ZINC et offre concurrente pour une même affaire ou un même client) » (annexe 27, cote 1491) (décision attaquée, § 701).
215.Enfin l'Autorité a relevé qu'à partir de 2005, la société Larivière, alors que ses centres s'approvisionnaient pour plus de 95 % de leurs besoins auprès de la société Umicore France, avait obtenu de celle-ci une bonification supplémentaire intitulée « Bonification de fin d'année développement » (ci-après la BFAD), s'ajoutant à une première bonification intitulée, jusqu'en 2007, « Bonification de Fin d'Année Établissement », puis renommée, à partir de 2007, « Bonification Qualitative Semestrielle Agence » (ci-après la BFAE). La BFAD a été versée hors contrat au début et a été officialisée en 2009 (décision attaquée, § 702 et s.). Elle a, ensuite, constaté la concomitance de l'octroi de cette nouvelle prime avec le choix de la société Larivière de déréférencer les produits de la société Rheinzink (décision attaquée, § 851 et constat au § 184).
216.L'Autorité a ensuite précisé que les éléments du dossier montraient que la société Umicore France interprétait toujours ces dispositions comme le fondement d'une obligation d'exclusivité (décision attaquée, § 704 à 715), et qu'il en était de même pour les centres VM Zinc, en particulier les centres des enseignes Asturienne et Larivière (décision attaquée, § 716 à 756).
217.Enfin, elle a détaillé les éléments de fait démontrant l'application d'une politique commerciale incitant à l'exclusivité, fondée, notamment, sur un système de surveillance et de représailles applicable de façon générale aux centres VM Zinc au travers, d'une part, de l'application des clauses de promotion, de stock, de prévision unilatérale d'achat (décision attaquée, § 757 à 815), d'autre part, de l'application de mesures de représailles consistant à réduire voire à supprimer la bonification des distributeurs VM Zinc ayant distribué du zinc concurrent, mais aussi dans certains cas, à retirer le statut de centres VM Zinc (décision attaquée, § 816 à 836) (
).

a) Sur l'absence de clause contractuelle empêchant les centres VM Zinc de s'approvisionner auprès de concurrents (
)

225.Ainsi que l'a jugé le Tribunal de l'Union européenne (ci-après le Tribunal de l'Union ou le TUE) dans son arrêt du 9 septembre 2010, Tomra Systems e.a./Commission T-155/06, point 59), « il n'est pas nécessaire que les pratiques d'une entreprise en position dominante lient les acheteurs par une obligation formelle pour établir qu'elles constituent une exploitation abusive d'une position dominante au sens de l'article 82 CE [devenu l'article 102 du TFUE]. Il suffit que ces pratiques comportent une incitation, vis-àvis des clients, à ne pas passer par des fournisseurs concurrents et à s'approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins exclusivement auprès de ladite entreprise ».
226.En l'espèce, l'exposé du cadre contractuel applicable aux centres VM Zinc à partir de 2004, tel qu'il est rappelé par l'Autorité aux paragraphes 697 à 700 de la décision attaquée, permet de constater que, ainsi que le soutiennent les sociétés Umicore, le contrat liant la société Umicore France aux centres VM Zinc ne contenait plus de clause explicite interdisant à ces centres de vendre des produits concurrents de ceux de cette société.
227.Cependant, cette clause, ainsi que certaines autres, avait été remplacée par d'autres clauses qui, ajoutées aux incitations financières à l'achat de produits Umicore, lesquelles avaient été renforcées, avaient pour résultat d'inciter les distributeurs à ne distribuer que les produits VM Zinc, ou à tout le moins à entraver le plus possible la distribution de produits concurrents (
).

b) Sur l'approvisionnement des centres VM Zinc auprès d'autres distributeurs invoqués par les sociétés requérantes (
)
229.Les sociétés Umicore soutiennent, dans leur moyen 10, qu'il ressort clairement du dossier que, contrairement à ce qu'indique la décision attaquée, à partir de 2004, les centres VM Zinc n'ont pas continué à se conformer à une prétendue obligation d'exclusivité. Elles relèvent plusieurs déclarations reprises dans la décision attaquée qui démontrent, selon elles, que les centres VM Zinc restaient libres du choix de leurs sources d'approvisionnement.
230.La cour relève que les passages repris dans les conclusions des sociétés Umicore sont toutefois contestés par d'autres passages des mêmes déclarations ou par d'autres éléments du dossier (
).

234.Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la société Umicore France entendait, même après la suppression de la clause d'exclusivité des contrats, faire respecter ce principe par les distributeurs et que ceux-ci interprétaient bien comme telle la volonté de leur fournisseur. Il est sans portée que les responsables des sociétés Schmerber et Comafranc, aient déclaré que les courriers qui leur avaient été adressés n'avaient eu aucune suite (annexe 95, cote 5436 et s., Annexe 147, cote 5460 et s., Annexe 99, cote 5472), dès lors que la seule menace ainsi énoncée suffisait à faire connaître la volonté d'exclusivité de la société Umicore France. Par ailleurs, il ne peut être tiré argument du fait que ces distributeurs aient, en dépit de ces lettres, distribué des produits concurrents, dès lors qu'il résulte de leurs déclarations qu'ils procédaient déjà à ces ventes avant 2004, c'est à dire sous l'empire du contrat cont[en]ant des clauses d'exclusivité.

c) Sur l'interprétation du cadre contractuel modifié (
)
i) Sur le défaut de motivation (
)

ii) S'agissant de l'interprétation des contrats par la société Umicore France 240.Il ressort des éléments relevés aux § 705 à 714 de la décision attaquée que la société Umicore France a invoqué la clause de promotion (article 6 du contrat VM Zinc), énonçant que les distributeurs ne pouvaient « [u]tiliser la marque VM Zinc, ses produits, ses services et ses supports de communication comme vecteur de vente pour des produits de marque concurrente », l'utilisant de manière extensive, comme un instrument permettant de reprocher aux distributeurs de commercialiser des produits concurrents aux siens. Elle a, par ailleurs, utilisé l'octroi des bonifications afin de sanctionner ceux qui distribuaient de tels produits, ce qui, selon elle, perturbait sa politique commerciale.
241.Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Umicore, le fait que tous les clients VM Zinc de la société Umicore France aient signé le nouveau contrat en 2004 ne permet pas de constater que « le changement de politique commerciale a (...) été signifié de manière claire et non équivoque aux centres VM Zinc ». En effet, aucun élément du dossier ne permet de constater que la société Umicore France aurait donné une quelconque publicité ou explication à ses distributeurs quant à la suppression de la clause d'exclusivité auparavant contenue dans le contrat.
242.Cette interprétation du contrat comme comportant une obligation d'exclusivité est encore confirmée par les déclarations reprises ci-dessus aux § 231, 232 et 233.
243.Les indications des responsables des sociétés Au Faîte 21 et Comptoir des fers, selon lesquelles ils auraient néanmoins distribué des produits d'autres fournisseurs n'apparaissent nullement contradictoires avec cette interprétation qu'ils donnaient au contrat, puisqu'eux-mêmes ont précisé qu'ils procédaient à ces ventes de produits concurrents en dépit des contrats et de la volonté de la société Umicore France. La cour renvoie sur ces points aux déclarations reprises ci-dessus au § 231 pour la société Comptoir des fers. S'agissant de la société Au Faîte 21, la cour relève qu'il résulte du procès-verbal d'audition de son dirigeant qu'elle a commencé son activité en distribuant uniquement des produits de la société Rheinzink et que c'est lorsque cette activité s'est accrue, que la société Umicore France lui a proposé de distribuer ses propres produits. Celle-ci lui a ensuite reproché de faire de la promotion pour les produits Rheinzink. Le dirigeant de la société Au Faîte 21 a précisé aux enquêteurs que « [l]es griefs qui m'ont été formulés par la suite dans le cadre du contrat doivent s'entendre très clairement comme une volonté d'Umicore d'être le seul fournisseur » (annexe 95, cotes 5436 et s.).
244.Il n'est pas non plus contradictoire de relever que la société Comafranc, qui distribuait d'autres produits que ceux de la société Umicore France, a reçu en octobre 2006 une lettre d'un responsable régional de celle-ci lui indiquant que, « [c]ette année, vous avez, à plusieurs reprises et ce, malgré nos recommandations, mis en avant une autre marque sur votre agence de Belfort et donc failli à votre engagement contractuel » et concluant que, dès lors, la société Comafranc ne pouvait prétendre à la bonification qualitative (annexe 99, cote 5475). Il en est de même du distributeur Desanfans dont les déclarations sont reprises au paragraphe 721 de la décision attaquée.
245.À l'inverse de ce que prétendent les sociétés Umicore, ces déclarations démontrent bien que la société Umicore France invoquait l'article 6 de son contrat non seulement pour empêcher les distributeurs de faire la promotion de produits concurrents liée à ses propres produits ou services, mais aussi pour empêcher la vente même ou la promotion de produits concurrents. Cette interprétation extensive de cette clause tendait bien à maintenir, dans l'esprit de ses distributeurs, la croyance qu'ils restaient tenus à une obligation d'exclusivité.

iii) S'agissant de l'interprétation des stipulations contractuelles par les centres VM Zinc exploitant sous l'enseigne Asturienne
246.L'Autorité a relevé, aux paragraphes 723 à 725 de la décision attaquée, que les centres de l'enseigne Asturienne interprétaient les dispositions contractuelles de façon identique à celle qui vient d'être exposée. Elle fonde son constat sur la charte de partenariat signée par le directeur général de la société Asturienne (cotes 1490 et 24826) et le directeur commercial de la société Umicore France en mai 2004. Elle précise que, selon ce texte, les agences Asturienne agréées VM Zinc devaient assurer « exclusivement la promotion de la gamme Umicore », mais que « 5 dépôts, Villeneuve d'Ascq, Saint-Malo, Saint-Denis, Libourne, Toulouse distribueront une marque concurrente », ces dépôts se voyant simultanément interdire de faire « la double cotation (offre VM ZINC et offre concurrente pour une même affaire ou un même client) » (annexe 27, cote 1491).
247.C'est par une exacte interprétation, que la cour adopte, que l'Autorité a considéré, au paragraphe 726 de la décision attaquée, qu' « [e]n restreignant la distribution de la marque Rheinzink à quelques agences, choisies d'un commun accord avec Umicore, la deuxième phrase de la Charte illustre parfaitement le fait que l'exclusivité "de promotion" exigée par la première phrase de ce document s'entend comme une exclusivité de vente » (
).

250.Les sociétés Umicore ne contestent pas que la charte de partenariat entre le directeur général de la société Asturienne et le directeur commercial France de la société Umicore France a été conclue le 12 mai 2004, soit juste après la conclusion des nouveaux contrats. Or celle-ci, en prévoyant, d'une part, que « l'ensemble des points de vente CVMZ assurera exclusivement la promotion de la gamme Umicore », d'autre part, que « 5 dépôts (Villeneuve d'Ascq, Saint-Malo, Saint-Denis, Libourne Toulouse) distribueront 1 marque concurrente (...) », rétablissait, entre les distributeurs sous enseigne Asturienne et la société Umicore France, l'exclusivité qui avait été retirée du contrat.
251.Si, ainsi que le soulignent les sociétés Umicore, il ressort des déclarations de trois personnes entendues dans le cadre de l'enquête (M. M..., cote 6992 et s., M. J..., cote 5430 et s., et M. I..., cote 5468 et s.) que d'autres centres VM Zinc sous enseigne Asturienne que ceux énoncés dans la convention distribuaient des produits de marques concurrentes, il n'en demeure pas moins que 92 % des produits en zinc distribués par cette enseigne étaient des produits VM Zinc, ce que les sociétés Umicore France ne contestent pas, et tant à démontrer que la charte de partenariat était appliquée quoiqu'en aient dit ces personnes.
252.La cour relève à ce sujet que, si l'ancien directeur général de la société Asturienne a déclaré que cette charte avait pour objet d'« apaiser les esprits chez Umicore » ou « rassurer les équipes Umicore », il n'a pas nié qu'elle était néanmoins destinée à ce que le moins d'agences possibles de l'enseigne Asturienne puissent vendre des produits concurrents de ceux de la marque VM Zinc. En outre, la déclaration de ce dernier, selon laquelle, « à ma connaissance il n'y a pas eu de pression de la part d'Umicore pouvant mettre en jeu l'octroi des bonifications », est démentie par les lettres adressées par M. A..., responsable région de la société Umicore France, adressées à M. I..., gestionnaire de centre VM Zinc sous l'enseigne Asturienne à Illzach les 10 novembre 2006 et 8 décembre 2006. La première de ces lettres rappelle que l'un des engagements du contrat de collaboration commerciale VM Zinc « consiste à assurer un soutien sans faille à notre marque et la promotion de nos produits et services auprès des clients appartenant à votre zone de chalandise », reproche à son destinataire d'avoir substitué aux produits laminés VM Zinc, des produits concurrents et indique « Nous avons pris bonne note de ce que vous présentez un épiphénomène, vous rappelant néanmoins à vos devoirs envers VM Zinc ainsi que les enjeux économiques engendrés par de tels choix. ». La seconde lettre, reproche au même gestionnaire de centre d'avoir vendu des produits de la société Rheinzink et indique « En conséquence devant l'analyse de vos réponses, nous considérons que les engagements qui nous lient n'ont pas été respectés pour l'exercice 2006. Les critères liés à l'obtention de la BFAE ne sont donc pas atteints » (annexe 89, cote 5468 et s.). Les termes de ces lettres sont semblables à ceux des lettres reprises au paragraphe 719 de la décision attaquée et montrant que l'agence sous enseigne Asturienne de Saint-Grégoire a fait l'objet de menaces relatives aux bonifications au motif qu'elle proposait des produits de marque Rheinzink.
253.Ces déclarations et courriers sont complétés par des notes manuscrites prises par le directeur général de la société Larivière lors d'un entretien avec le directeur commercial France de la société Umicore France et décrites aux paragraphes 736 et 737 de la décision attaquée. Il se déduit de ces notes que l'enseigne Asturienne distribuait des produits Rheinzink dans les cinq agences énoncées par la charte de partenariat et que ce système fonctionnait encore en 2008. Il est sans portée que ces notes n'émanent pas d'une personne attachée à la société Asturienne et qu'elles ne mentionnent pas ladite charte.
254.Enfin, les sociétés Umicore n'apportent aucun élément qui permettrait à la cour de constater que les bonifications qualitatives que les agents commerciaux de la société Umicore France menaçaient de retirer aux centres ne respectant pas l'exclusivité, n'auraient finalement pas été supprimées. La seule déclaration de l'ancien directeur général de la société Asturienne selon laquelle « A ma connaissance il n'y a jamais eu de suppression par Umicore de bonification qualitative au motif de la vente de produits concurrents », qui se limite à la mobilisation de souvenirs personnels de cette personne, alors que figurent au dossier au moins trois lettres invoquant cette menace à l'égard de distributeurs exerçant sous l'enseigne Asturienne, est insuffisante à rapporter cette preuve. En tout état de cause, il convient d'observer qu'à elle seule la menace de suppression des bonifications au motif de la distribution de produits concurrents suffit à démontrer que le contrat de 2004, auquel s'est ajoutée la charte de partenariat énonçant expressément une obligation d'exclusivité de la part des centres exploitant sous l'enseigne Asturienne, était interprété comme maintenant cette obligation en dépit de sa suppression formelle dans le contrat de 2004.
255.Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, ainsi que de ceux rappelés dans la décision attaquée, en particulier les contrôles visant à vérifier que les centres VM Zinc ne vendaient pas ou très marginalement de produits R[h]einzink (décision attaquée, § 738 à 740), il est sans portée que l'ancien directeur commercial de la société Asturienne ait déclaré qu'après 2004, il n'avait plus entendu parler de la charte de partenariat, dès lors que celle-ci a bien été mise en oeuvre. De même, il est indifférent que M. I..., interrogé sur les lettres des 10 novembre 2006 et 8 décembre 2006, précitées, ait déclaré ne plus en avoir de souvenir et que n'ayant pas de dossier concernant Umicore et Rheinzink, il ne pouvait retrouver sa réponse à ces lettres.

iiii) S'agissant de l'interprétation des stipulations contractuelles par les centres VM Zinc exploitant sous l'enseigne Larivière
256.[L]'Autorité a relevé, aux paragraphes 742 à 754 de la décision attaquée, que les centres exploitant sous l'enseigne Larivière appréhendaient aussi les dispositions du contrat de 2004 dans le sens de l'exclusivité. Elle cite à ce sujet plusieurs déclarations explicites du directeur général de la société Larivière (décision attaquée, § 743), de l'ancien directeur des achats de cette enseigne (décision attaquée, §744) et d'un ancien directeur d'agence (décision attaquée, §745). Dans son analyse, l'Autorité a écarté un nouveau témoignage du directeur général de la société Larivière, postérieur à son audition par les enquêteurs, par lequel celui-ci a indiqué : « Je n'ai jamais considéré que la relation contractuelle en place depuis 2004 avec la société Umicore France / UBPF ("Umicore") imposait à notre société une interdiction de revendre des produits concurrents à ceux d'Umicore. En pratique, notre société a revendu des produits concurrents depuis 2004. Par ailleurs, à ma connaissance, notre société n'a pas fait l'objet de représailles ou de pressions de la part d'Umicore pour non-respect d'une hypothétique obligation d'achats exclusifs auprès d'Umicore » (cote 27295) (
).

261.La cour relève que, le 11 février 2013, interrogé par les enquêteurs, le directeur général de la société Larivière a déclaré : « Contractuellement, le stockage de produits de marque fait perdre à l'agence le statut de centre VM Zinc (...) la vente de zinc concurrent n'est pas compatible avec le statut de centre VM Zinc » (décision attaquée, § 743). Il a aussi précisé, lors de la même audition, que « la vente de zinc concurrent n'est pas compatible avec le statut de centre VM Zinc » (décision attaquée, § 753).
262.C'est à juste titre que l'Autorité a considéré que la contradiction entre des déclarations émanant de la même personne, l'une recueillie par les enquêteurs, le 11 février 2013, l'autre établie à la demande des sociétés Umicore, le 11 juin 2015, c'est-à-dire à une période où celles-ci avaient reçu la notification de griefs, n'était pas de nature à remettre en cause, à tout le moins, les autres éléments du dossier démontrant que les centres VM Zinc exploitant sous l'enseigne Larivière s'estimaient liés à l'égard de la société Umicore France par une exclusivité, laquelle n'était pourtant plus inscrite dans les contrats.
263.C'est, par ailleurs, vainement que les sociétés requérantes invoquent une contradiction entre le paragraphe 749 de la décision attaquée et l'article 1er de son dispositif.

264.À l'article 1er du dispositif de la décision attaquée, l'Autorité a dit que l'infraction consiste à avoir lié non seulement les centres VM Zinc, mais également « l'enseigne Larivière » elle-même. Or, cette référence à l'enseigne Larivière renvoie aux points de vente exploitant des centres VM Zinc sous l'enseigne Larivière, et non à la société Larivière, qui exploite également d'autres points de vente qui n'ont pas le statut de centre VM Zinc, ainsi que l'expliquent au demeurant les sociétés Umicore. Partant, ledit article ne contredit pas le constat, fait au paragraphe 749 de la décision attaquée, que l'exclusivité de vente des produits de marque VM Zinc s'était imposée, « non pas au niveau de la société Larivière, mais au niveau des points de vente Larivière ayant la qualité de centres VM Zinc ».
265.La demande formée sur ce point doit en conséquence être rejetée.
266.Les sociétés Umicore invoquent encore de « nombreux éléments » qui démontreraient que les distributeurs VM Zinc exploitant sous l'enseigne Larivière « ne se sentai[en]t aucunement liés par une obligation d'achat exclusif auprès de la société Umicore France » qu'elles ont développés dans leurs observations en réponse au rapport.
267.Cependant, l'Autorité, qui n'avait pas à répondre à l'ensemble des arguments développés par les sociétés Umicore, a, par la motivation pertinente contenue dans les paragraphes 743 à 754 de la décision attaquée, que la cour adopte, écarté ces éléments. En particulier, c'est à juste titre que l'Autorité a considéré comme non fondé le moyen soutenant que ce serait dans son propre intérêt que la société Larivière aurait décidé que les centres exploitant sous son enseigne accorderaient une exclusivité à la société Umicore, en soulignant que l'intérêt que peut trouver le distributeur d'un fournisseur en position dominante dans une obligation d'exclusivité ne fait pas pour autant disparaître l'effet anticoncurrentiel de cette pratique, qui a pour objectif et pour effet de détourner les distributeurs des fournisseurs concurrents et de freiner leur entrée ou leur développement sur le marché.
268.S'agissant des déclarations de l'ancien directeur des ventes de la société Larivière (annexe 125, cotes 5981 et s.) invoquées par les sociétés Umicore, la cour observe que ce dernier a confirmé l'exclusivité accordée à la société Umicore en déclarant : « Lorsque je suis arrivé dans l'entreprise, il y avait deux fournisseurs de zinc Umicore et Rheinzink France. En comité de direction, le référencement a amené à choisir Umicore pour fournisseur de zinc. (...) Les centres VM Zinc ne pouvaient pas vendre de produits en zinc de marque concurrente, sauf exceptions sur prescription. L'approvisionnement pour ces exceptions se faisait via un point de vente Larivière non centre VM Zinc. Il m'est arrivé de prévenir Umicore de ces cas d'exception par courtoisie. Les centres VM Zinc sont exclusifs Umicore (...) ».
269.Si, comme le soutiennent les requérantes, il ressort aussi de ces déclarations que la « bonification hors contrat de développement » qu'il qualifie ensuite de « bonification de développement » était destinée à couvrir le besoin de trésorerie permettant de financer les stocks à l'ouverture des points de vente, plutôt que l'exclusivité, il n'en demeure pas moins que cette exclusivité était respectée par les centres VM Zinc de l'enseigne Larivière, alors qu'elle n'était plus précisée dans les contrats.
270.Il s'ensuit que les moyens relatifs à l'interprétation des dispositions contractuelles par les centres VM Zinc exploités sous enseigne Larivière sont rejetés.

d) S'agissant de la mise en oeuvre d'un système de surveillance et de représailles

271.L'Autorité a considéré qu'il était établi que la société Umicore France avait veillé au respect des obligations d'achat exclusif par les centres VM Zinc au moyen de différentes modalités. Premièrement, une surveillance exercée par ses forces de vente sous prétexte de vérification de l'application de la clause de stock, afin de vérifier la présence de zinc concurrent au sein des centres. Deuxièmement, des reproches formulés à l'encontre des centres ayant soi-disant violé les clauses de prévision de tonnage, afin de les dissuader de s'approvisionner et de vendre du zinc concurrent. Troisièmement, des représailles consistant en la suppression de la bonification qualitative et/ou en le retrait du statut de centre VM Zinc infligées à ceux qui avaient distribué du zinc concurrent (décision attaquée, § 757 à 794) (
).

278.S'il résulte de quelques témoignages figurant au dossier et repris dans la pièce 30 que les reproches adressés par la société Umicore France à ces distributeurs n'avaient, finalement, pas eu d'incidence sur les bonifications de fin d'année (responsables de la société Comptoirs des fers, pièce 30, p. 6 ; de la société Descours et Cabaud, pièce 30, p. 11 ; de la société Desenfans, pièce 30, p. 12, et de la société Coverpro, pièce 30, p. 7), il n'en demeure pas moins, d'une part, que les reproches d'avoir fait la « promotion » ou d'avoir « mis en avant » des marques concurrentes (voir décision attaquée, § 267 et s.) ont été formulés, d'autre part, que la clause de stock a été appliquée, mais aussi, que des visites de stocks ont été effectuées dans le but de détecter la présence de produits concurrents (décision attaquée, § 784, 786, 787,789, 790 et 792) et que des reproches ont été adressés aux distributeurs chez lesquels avaient été trouvés des produits concurrents (décision attaquée, § 813 et 814).
279.Au regard de l'ensemble de ces éléments, auxquels s'ajoutent, notamment, les documents internes à la société Umicore France qui démontrent que la BFAE était utilisée pour sanctionner les ventes de produits concurrents (voir décision attaquée, § 818, 825 et 827), l'attitude de la société Umicore France concernant les sociétés Comptoirs des fers, Descours et Cabaud, Désenfans et Coverpro conduit à considérer que les pratiques de surveillance et de reproches sont établies.
280.C'est, ainsi, à juste titre que l'Autorité a retenu que, si ces menaces et représailles n'ont concerné qu'un nombre limité de distributeurs, dans la mesure où la majorité des centres VM Zinc se sont conformés à l'exigence de la société Umicore France, ce qui est démontré par le fait qu'en 2006, ces centres s'approvisionnaient, dans leur ensemble pour 93 % de leurs besoins en produits en zinc auprès de cette société (décision attaquée, § 832), elles ont permis, par effet de signal, de discipliner ceux de ses distributeurs qui seraient tentés de vendre des produits concurrents (décision attaquée, § 835).
281.Sur ce dernier point, la cour relève qu'il ne peut être reproché à l'Autorité de ne pas s'être interrogée sur les raisons de la préférence des clients pour les produits VM Zinc comme l'y invitaient les sociétés Umicore dans leurs observations en réponse au rapport. En effet, quand bien même est-il incontestable que la marque VM Zinc jouit d'une forte notoriété auprès des clients finaux, les pratiques reprochées tendant à imposer une exclusivité de fait aux distributeurs, laquelle faisait obstacle au libre jeu de la concurrence et donc à une comparaison entre les produits, faussent par elles-mêmes les conclusions que l'on pourrait tirer des raisons des préférences exprimées par les clients. La cour relève au surplus que les raisons ainsi invoquées n'ont pas été suffisantes pour dissuader la société Umicore de mettre en oeuvre les pratiques d'exclusivité reprochées.

e) Sur les incitations spécifiques applicables aux grandes enseignes

282.L'Autorité a constaté que la société Umicore France avait, au surplus, conclu avec les sociétés Larivière et Asturienne des dispositions spécifiques destinées à les inciter à ne distribuer qu'une seule marque VM Zinc.
283.S'agissant de la société Larivière, comme il a été mentionné au paragraphe 215 du présent arrêt, l'Autorité a relevé que, alors que les centres VM Zinc exerçant sous l'enseigne Larivière s'approvisionnaient pour plus de 95 % de leurs besoins auprès d'elle, la société Umicore France leur avait accordé une bonification supplémentaire, la BFAD, s'ajoutant à la bonification de fin d'année la BFAE. La BFAD, versée au début hors contrat, a été officialisée en 2009. Son taux, initialement fixé à 0,75 %, a progressivement augmenté pour atteindre 1,25 % en 2008 (décision attaquée, § 849 et s.)
284.S'agissant de la société Asturienne, l'Autorité a relevé qu'en 2004, la société Umicore France avait conclu avec elle la charte de partenariat, au terme de laquelle il était convenu que seulement cinq centres VM Zinc exerçant sous l'enseigne Asturienne, choisis en accord avec la société Umicore France, pourraient distribuer, outre les produits VM Zinc, ceux de la société Rheinzink.
285.L'Autorité a considéré que ces conventions particulières avaient bien été exécutées et qu'ainsi, les centres VM Zinc appartenant aux grandes enseignes étaient doublement incités à l'exclusivité, dans la mesure où ils étaient, comme tous les centres VM Zinc, soumis au système de surveillance et de représailles mis en place par la société Umicore France et étaient, en outre, contraints par des dispositions nouvelles spécifiques (décision attaquée, § 858) (
).

289.Ainsi qu'il a déjà été précisé, l'Autorité n'est pas tenue de répondre à la totalité des arguments développés dans leurs observations en réponse au rapport, dès lors qu'elle expose clairement les raisons pour lesquelles elle estime que les griefs notifiés sont fondés et permet aux parties de comprendre les motifs de la sanction qui leur est infligée et à la cour d'appel d'exercer son contrôle du bien-fondé de la motivation.
290.La cour relève qu'en l'espèce, l'Autorité a, dans la décision attaquée, exposé de façon claire et précise les motifs pour lesquels elle estimait qu'il existait un lien entre l'octroi de la BFAD et le déréférencement des produits de la société Rheinzink par les centres Larivière qui distribuaient ces produits. Elle a à ce titre relevé la concomitance de l'octroi de cette bonification, sa désignation identique à celle qu'elle octroyait précédemment à « Asturienne et Point P pendant la période où Rheinzink n'était pas référencé chez Asturienne » ainsi que des notes prises dans le cadre d'un entretien entre le directeur général de la société Larivière et un responsable de la société Umicore France, d'où il ressortait que, pour 2005, avait été exprimé un « souhait 100 % Umicore » en contrepartie de « commissions de fidélité ». Elle a en outre, relevé que le lien entre ces bonifications supplémentaires et l'exclusivité accordée à la société Umicore France a été confirmé par les déclarations de l'ancien directeur général de la société Larivière, dont les déclarations en sens inverse produites ensuite par les sociétés Umicore ont à juste titre été écartées par l'Autorité, ainsi qu'il a été précisé précédemment (décision attaquée, § 849 et s.).
291.Par ailleurs, l'Autorité a considéré que les éléments du dossier démontraient que l'application de la charte de partenariat conclue avec la société Asturienne avait conduit à limiter la distribution des produits en zinc Rheinzink à cinq agences de cette enseigne seulement, de surcroît choisies en accord avec la société Umicore France (décision attaquée, § 856 et s.).
292.Ainsi l'Autorité a-t-elle, par une analyse que la cour approuve, démontré que, quand bien même les contrats et la charte de partenariat conclus avec les représentants des enseignes Larivière et Asturienne ne contenaient pas de clause d'exclusivité expresse, un tel engagement s'appliquait bien entre les parties et avait été mis en oeuvre. Cette analyse répond, en les écartant, aux moyens et arguments développés par les sociétés Umicore. La cour rappelle à ce titre qu'ainsi qu'il a été jugé par le Tribunal de l'Union dans l'arrêt Tomra Systems e.a./Commission, précité (§ 59), il n'est pas nécessaire que les pratiques lient les acheteurs par une obligation formelle, il suffit que les pratiques comportent une incitation vis-à-vis des clients à ne pas s'adresser à des fournisseurs concurrents et à s'approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins exclusivement auprès de l'entreprise en position dominante.
293.Il est, en conséquence, sans portée qu'une obligation d'exclusivité n'ait pas été expressément formulées dans les conventions des parties et c'est de manière fondée que l'Autorité a invoqué et appliqué les principes énoncés par l'arrêt de la Cour de Justice Hoffmann-La Roche/Commission, précité.
294.Il s'ensuit que les moyens sont rejetés.

f) Sur la question des raisons de la préférence des clients (
)

297.L'Autorité a, comme le soulignent les sociétés Umicore, retenu qu'en 2006, les centres VM Zinc s'approvisionnaient pour 93 % de leurs besoins en produits en zinc auprès de la société Umicore France. Elle a aussi relevé que les ventes de cette société aux centres VM Zinc Asturienne ont représenté 92 % des approvisionnements de la société Asturienne en 2005 et que la part d'Umicore dans les tonnages des centres de la société Larivière atteignait respectivement 94,9 %, 99,1 % et 99,9 % en 2005, 2006, 2007 (décision attaquée, § 832)
298.Dans leurs observations en réponse au rapport, les sociétés Umicore exposaient que la notification de griefs reprochait à la société Umicore France d'obliger ses clients à acheter exclusivement ou quasiexclusivement des produits de la marque VM Zinc et qu'elle fondait ce reproche sur le fait que beaucoup de clients achetaient exclusivement ou quasi-exclusivement leurs produits en zinc auprès de cette société.
299.Elles faisaient valoir que les raisons de ces achats préférentiels étaient diverses et liées, notamment, à la qualité des produits VM Zinc, à l'étendue de la gamme, à l'adéquation de ces produits avec le marché français, à la faiblesse des offres concurrentes ou encore à des considérations logistiques propres aux distributeurs. Elles rappelaient, en outre, les importants efforts qu'elles déployaient en matière de recherche et d'innovation, de développement et de promotion. Elles en concluaient que les choix de ceux-ci n'étaient pas motivés par la politique commerciale de la société Umicore France ou une prétendue obligation d'exclusivité, mais qu'ils étaient déterminés librement au regard de leurs besoins et de l'attractivité des offres.
300.La cour relève, cependant, qu'après avoir lié ses clients distributeurs par des contrats contenant une clause explicite d'exclusivité, jusqu'en 2004, la société Umicore France a supprimé cette clause, mais a inséré dans ses nouveaux contrats de nouvelles clauses qu'elle a interprétées et fait interpréter par ses distributeurs comme conduisant à une quasi-exclusivité de fait. Elle a, de plus, renforcé ces clauses par des dispositions spécifiques à l'égard de deux enseignes particulièrement importantes de ses acheteurs et regroupant de nombreux distributeurs en France, qui ont conduit ces enseignes, pour la première, l'enseigne Larivière, à déréférencer le principal concurrent de la société Umicore France, la société Rheinzink, pour la seconde, l'enseigne Asturienne, à n'accepter la distribution des produits de ce concurrent que dans cinq centres ayant le statut VM Zinc.
301.Dans ces circonstances, les sociétés Umicore ne sont pas fondées à soutenir que les achats préférentiels des produits de sa marque par les distributeurs seraient dus aux qualités intrinsèques de ceux-ci et à son travail de démarchage, lesquels ne leur ont, en tout état de cause, pas semblés suffisants pour qu'elles s'abstiennent de la mise en oeuvre des pratiques sanctionnées.

302.Il ne peut donc être reproché à l'Autorité de ne pas avoir procédé à l'analyse que les requérantes réclamaient, puisqu'elle aurait été inopérante.
303.Enfin, s'agissant de la contestation des données en cause, la cour relève que les sociétés Umicore ont seulement fait observer que la part du marché « disputable », c'est-à-dire celle sur laquelle on peut observer des variations de demandes, pouvait être d'au moins 30 % et pourrait atteindre 50 % (observations en réponse au rapport, § 397) et que les données chiffrées dataient de 2006 sans être corroborées par des données d'autres années (observations en réponse au rapport, § 508). Ce faisant, elles n'ont pas contesté l'exactitude des données.
304.Par ailleurs, elles n'ont apporté aucun autre élément qui permettraient de constater que les données utilisées par l'Autorité ne correspondaient pas à la réalité de ses parts de marché ni ne donnaient une image exacte de celles-ci pour les autres années durant lesquelles se sont déroulées les pratiques.
305.Enfin, il est inexact de soutenir que l'Autorité aurait reconnu que les distributeurs VM Zinc ne se sentaient nullement liés par une quelconque obligation d'achat exclusif. Si l'Autorité a relevé que les contrats ne contenaient plus de clause d'exclusivité, ce que déclaraient d'ailleurs plusieurs distributeurs, il n'en demeure pas moins qu'il a été démontré que ceux-ci se s'estimaient liés dans les faits par une telle obligation.
306.Il s'ensuit que les moyens contestant la mise en oeuvre dans les faits d'une obligation d'exclusivité sont rejetés.

2. Sur l'examen de l'ensemble des circonstances permettant de constater que le rabais tendait à fausser le jeu de la concurrence et l'analyse de la capacité d'éviction de concurrents au moins aussi efficaces (moyen 10, branche 2)
307.Rappelant les principes énoncés par la Cour de justice dans ses arrêts du 9 novembre 1983, Michelin/Commission (C-322/81), du 6 octobre 2015, Post Danmark (C-23/14) et du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C-413/14 P), les sociétés Umicore soutiennent que l'Autorité aurait dû examiner si la politique commerciale mise en oeuvre par la société Umicore France était susceptible de produire un effet anticoncurrentiel d'éviction de concurrents au moins aussi efficaces [Test AEC (As-efficient- competitor)].
308.Répliquant aux observations de l'Autorité et du Ministre chargé de l'économie, qui opposent que cette analyse est dénuée de pertinence, dans la mesure où le système des rabais appliqués aux centres VM Zinc ne rend pas compte à lui seul de la réalité des pratiques reprochées, qui concernent la politique commerciale globale mise en oeuvre par la société Umicore France et non pas seulement sa politique de rabais, les sociétés Umicore font valoir que l'Autorité n'a pas sanctionné un abus per se et qu'en tout état de cause elle aurait dû examiner l'ensemble des circonstances afin de déterminer si la politique commerciale en cause était susceptible de produire un effet anticoncurrentiel d'éviction de concurrents au moins aussi efficaces, ce qu'elles avaient contesté dans leurs observations en réponse au rapport.
309.Elles ajoutent que, si les services d'instruction avaient procédé à cet examen ils auraient constaté que cet effet d'éviction n'était pas constitué, puisque la politique commerciale n'empêchait pas un concurrent aussi efficace que la société Umicore France d'entrer ou de se développer de façon profitable sur le marché.
310.Ainsi que l'a énoncé la Cour de justice au point 89 de son arrêt Hoffmann-La Roche, précité), :
« (...) pour une entreprise se trouvant en position dominante sur un marché, le fait de lier, fût-ce à leur demande, des acheteurs par une obligation ou une promesse de s'approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins exclusivement auprès de ladite entreprise constitue une exploitation abusive d'une position dominante au sens de l'article 86 du traité [devenu l'article 102 du TFUE], soit que l'obligation est stipulée sans plus, soit qu'elle trouve sa contrepartie dans l'octroi d'un rabais ; (...) il en est de même lorsque ladite entreprise, sans lier les acheteurs par une obligation formelle, applique, soit en vertu d'accords passés avec ces acheteurs, soit unilatéralement, un système de rabais de fidélité, c'est-à-dire de remises liées à la condition que le client, quel que soit par ailleurs le montant de ces achats, s'approvisionne exclusivement pour la totalité ou pour une partie importante de ses besoins auprès de l'entreprise en position dominante ».
311.La Cour de justice a précisé, au point 90 du même arrêt, que « les engagements d'approvisionnement exclusifs de cette nature, avec ou sans contrepartie de rabais ou l'octroi de rabais de fidélité en vue d'inciter l'acheteur à s'approvisionner exclusivement auprès de l'entreprise en position dominante, sont incompatibles avec l'objectif d'une concurrence non faussée dans le marché commun parce qu'ils ne reposent pas (...) sur une prestation économique justifiant cette charge ou cet avantage, mais tendent à enlever à l'acheteur, ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix en ce qui concerne ses sources d'approvisionnement et à barrer l'accès au marché aux autres producteurs ».
312.L'arrêt de la Cour de justice Intel/Commission, précité, invoqué par les requérantes, rappelle que tout effet d'éviction ne porte pas nécessairement atteinte au jeu de la concurrence, puisque, par définition, la concurrence par les mérites peut conduire à la disparition du marché ou à la marginalisation des concurrents moins efficaces (Voir aussi, notamment, CJUE, arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark, C-209/10, point 22). Il ajoute qu'il convient de préciser la jurisprudence des arrêts Hoffmann-La Roche/Commission, du 27 mars 20012, Post Danmark, et Michelin/Commission, précités, sur les remises fidélisantes et que, s'agissant de remises d'exclusivité, qui étaient en cause dans ces affaires, « dans le cas où l'entreprise concernée soutient, au cours de la procédure administrative, éléments de preuve à l'appui, que son comportement n'a pas eu la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d'éviction reprochés (...), la Commission est non seulement tenue d'analyser, d'une part, l'importance de la position dominante de l'entreprise sur le marché pertinent et, d'autre part, le taux de couverture du marché par la pratique contestée, ainsi que les conditions et les modalités d'octroi des rabais en cause, leur durée et leur montant, mais elle est également tenue d'apprécier l'existence éventuelle d'une stratégie visant à évincer les concurrents au moins aussi efficaces (voir, par analogie, arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark, C-209/10, EU:C:2012:172, point 29) » (points 138 et 139).
313.En l'espèce, bien que les sociétés Umicore aient produit une étude concluant que la pratique de rabais ne pouvait empêcher un concurrent aussi efficace que la société Umicore France de la concurrencer, l'Autorité ne s'est pas appuyée, pour qualifier les pratiques au regard des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce, sur les résultats d'un test du concurrent aussi efficace, qui consiste à estimer le prix qu'un concurrent devrait offrir pour indemniser le client pour la perte du rabais conditionnel, si ce dernier s'adressait à ce concurrent plutôt qu'à l'entreprise en position dominante, pour une partie de sa demande ou une fraction pertinente de celle-ci.
314.La cour relève que, si, dans le cadre de son analyse aboutissant à la qualification d'un abus prohibé par les articles 102 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, l'Autorité n'a pas non plus précisément relevé que la position dominante de la société Umicore était particulièrement forte, ce point se déduit des constatations opérées dans le cadre de l'examen de cette position et reprises au paragraphe 201 du présent arrêt. Il est rappelé en particulier que ces parts de marché dépassent, sur les deux marchés, 50 % et qu'elles sont plus de trois fois supérieures aux parts du concurrent le plus puissant, la société Rheinzink, aucun des autres intervenants ne dépassant 8 % de parts de marché.
315.Par ailleurs, la cour rappelle que les pratiques reprochées ne se bornaient pas à l'application de remises d'exclusivité ou fidélisantes, mais à la mise en oeuvre d'une politique commerciale d'ensemble visant, notamment, à dissuader les distributeurs d'offrir d'autres produits de ceux de la marque VM zinc et, lorsqu'ils procédaient à de telles offres, à les empêcher d'en faire la promotion. Au surplus, cette politique s'appliquait à l'ensemble des produits concernés par les marchés pertinents.
316.Dans ces circonstances, il ne peut être reproché à l'Autorité de ne pas avoir procédé à l'application du test du concurrent au moins aussi efficace.
317.En effet, l'arrêt Intel n'a pas remis en cause l'affirmation de la jurisprudence européenne selon laquelle « il n'est pas possible de déduire de l'article 82 CE [devenu l'article 102 du TFUE] ou de la jurisprudence de la Cour une obligation juridique de se fonder systématiquement sur le critère du concurrent aussi efficace pour constater le caractère abusif d'un système de rabais pratiqué par une entreprise en position dominante » (CJUE, arrêt du 6 octobre 2015, Post Danmark, C-23/14, point 57).
318.En outre, ce test se justifie lorsque l'instrument de la fidélisation est de nature financière et pourrait être mis en oeuvre, au bénéfice des clients, par un concurrent au moins aussi efficace que l'entreprise en position dominante. Mais tel n'est pas le cas en l'espèce, où est en cause une politique commerciale globale appliquée par la société Umicore France, fournisseur historique, qui tendait à entraver la pénétration sur le marché et le développement de ses concurrents en empêchant, autant que faire se peut, ses clients de s'approvisionner auprès de ces derniers par l'application de diverses clauses contractuelles, de mesures de surveillance et de rétorsion.
319.Dans ce cas de figure, même si un concurrent aussi efficace que la société Umicore France avait pu, par sa propre pratique de prix, compenser, pour les clients qui se seraient adressés à lui pour la part disputable du marché, la perte des avantages que constituaient les remises fidélisantes de la société Umicore France, il n'en demeure pas moins que ce concurrent aussi efficace se serait heurté, d'abord, à l'insistance de la société Umicore France pour que ces clients ne distribuent que ses produits, ensuite, à l'interdiction contractuelle faite à ces clients de promouvoir les produits concurrents de ceux de la marque VM Zinc, enfin, à l'application de la clause de stock obligeant les clients à maintenir un stock les empêchant de diversifier leurs approvisionnements. Or, l'ensemble des concurrents étant moins connus et moins réputés que la société Umicore France, fournisseur historique, ces obstacles ne pouvait qu'être de nature à les évincer du marché, ou tout au moins à les empêcher de s'y développer, y compris les concurrents aussi efficaces en termes de prix.
320.Ainsi, s'appuyant sur un mécanisme autre que celui de la concurrence par les mérites, la politique commerciale de la société Umicore tendait à enlever à l'acheteur, ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix en ce qui concerne ses sources d'approvisionnement et à barrer l'accès au marché aux autres producteurs, sans que les concurrents, même ceux qui auraient été aussi efficaces qu'elle, en terme de prix, puissent réagir à son comportement. Cette politique produisait en conséquence un effet d'éviction, y compris des concurrents aussi efficaces, effets au demeurant constatés par l'Autorité aux paragraphes 875 à 893 de la décision attaquée, auxquels la cour renvoie. Ces effets ont consisté en un verrouillage de l'accès à la « distribution de premier niveau », lequel était le plus rentable, ainsi qu'en un verrouillage de l'accès aux grandes enseignes de la distribution de produits en zinc. Il est rappelé, s'agissant de la « distribution de premier niveau », qu'en 2006, les centres VM Zinc s'approvisionnaient pour 93 % des produits en zinc auprès de la société Umicore France, alors que ces centres représentaient 70 % des ventes en tonnage de produits de construction en zinc (décision attaquée, § 883 et s.). S'agissant des grandes enseignes de la distribution de produits en zinc il est établi par les pièces du dossier qu'en 2012, le groupe Point P s'est approvisionné, toutes enseignes confondues, à 95 % auprès de la société Umicore France, la société Larivière pour 97 % et l'enseigne Descours et Cabaud pour 89 %.321.Il s'ensuit que le moyen reprochant à l'Autorité de ne pas avoir procédé au test du concurrent aussi efficace (Test AEC) est rejeté.

1°) ALORS QUE pour caractériser l'existence d'un abus de position dominante consistant en des obligations d'achat exclusif, l'Autorité de la concurrence est tenue, sous le contrôle du juge, non seulement d'analyser l'importance de la position dominante de l'entreprise sur le marché pertinent et le taux de couverture du marché par la pratique contestée, ainsi que les conditions et les modalités d'octroi des rabais en cause, leur durée et leur montant, mais de manière plus générale l'ensemble des circonstances pertinentes ; qu'il s'ensuit que les mesures prises par une entreprise en position dominante pour inciter ou récompenser les achats exclusifs ou quasi exclusifs de ses clients ne sont pas interdites per se ; qu'en décidant au contraire que le « système de bonification élaboré (par la société Umicore) de façon à inciter à la fidélité et la loyauté ainsi qu'à la mise en avant d'une gamme » était nécessairement abusif de sorte que le retrait de ladite bonification en cas de non-respect de l'exclusivité à laquelle elle était prétendument attachée, devait être assimilé à des représailles ou à une menace de représailles, elles aussi interdites, la cour d'appel a violé les articles 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-2 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE pour établir le caractère anticoncurrentiel d'un abus de position dominante consistant en des obligations d'achat exclusif, le juge de la concurrence est tenu d'examiner l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'analyser la capacité d'éviction de concurrents au moins aussi efficaces, inhérente à la pratique en cause, dans tous les cas où une entreprise soutient, comme en l'espèce, au cours de la procédure administrative que sa politique commerciale n'a pas eu la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d'éviction reprochés ; qu'en affirmant au contraire que l'Autorité de la concurrence avait pu valablement s'abstenir de procéder à cet examen et à cette analyse, la cour d'appel a violé les articles 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-2 du Code de commerce ;

3°) ALORS QUE la capacité d'éviction d'un abus de position dominante ne peut plus être présumée ; qu'en présumant des obstacles auxquels un concurrent aussi efficace se serait trouvé confronté à partir de la situation actuelle sans concurrent aussi efficace, tout en admettant que le test du concurrent aussi efficace consistant à imaginer la situation concurrentielle en présence d'un concurrent hypothétique aussi efficace n'avait pas été réalisé, la cour d'appel a violé les articles 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-2 du code de commerce ;

4°) ALORS QUE pour établir le caractère anticoncurrentiel d'un abus de position dominante et spécialement d'un rabais d'exclusivité, l'Autorité de la concurrence est tenu sous le contrôle du juge, non seulement d'analyser l'importance de la position dominante de l'entreprise sur le marché pertinent et le taux de couverture du marché par la pratique contestée, ainsi que les conditions et les modalités d'octroi des rabais en cause, leur durée et leur montant, mais aussi de manière plus générale l'ensemble des circonstances pertinentes ; qu'en affirmant, pour considérer que l'Autorité de la concurrence avait pu valablement s'abstenir de procéder à cette analyse, que l'ensemble des concurrents était moins connu et moins réputé que la société Umicore France, fournisseur historique, quand il lui incombait de déterminer si la politique commerciale d'Umicore était capable de produire un effet d'éviction des concurrents au moins aussi efficaces, la cour d'appel a violé les articles 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-2 du code de commerce ;

5°) ALORS QU'en affirmant, pour décider qu'il n'y avait pas lieu en l'espèce de réaliser le test du concurrent aussi efficace, que ce test se justifie lorsque l'instrument de la fidélisation est de nature financière et pourrait être mis en oeuvre, au bénéfice des clients, par un concurrent au moins aussi efficace, après avoir admis (i) que les bonifications consistaient en des remises dont le taux était variable et (ii) qu'Umicore ne refusait pas d'approvisionner les distributeurs non centres VM Zinc mais les approvisionnait à des conditions moins favorables (§6), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-2 du code de commerce.

SEPTIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :
(sanction)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué rectifié par l'arrêt du 5 juillet 2018 d'avoir infligé solidairement à la société Umicore France et à la société Umicore SA, une sanction pécuniaire d'un montant de 62.318.900 euros ;

AUX MOTIFS QUE sur la valeur des ventes (moyen 14)

339.Dans le cadre de l'évaluation du montant de base, l'Autorité a précisé, au paragraphe 952 de la décision attaquée, que, compte tenu des marchés pertinents pour la mise en oeuvre et pour les effets des pratiques, il convenait de retenir, pour la valeur des ventes, le chiffre d'affaires relatif aux produits en zinc de couverture et aux produits EEP. Elle a précisé que le premier de ces marchés incluait le segment du zinc laminé destiné aux façonniers et que le second comprenait aussi les « accessoires » et les « profilés ».
340.Les sociétés Umicore contestent cette analyse. Elles estiment que l'Autorité a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant dans la valeur des ventes, d'une part, le chiffre d'affaires relatif au zinc laminé destiné aux façonniers, d'autre part, celui relatif à ses ventes à des distributeurs qui n'étaient pas des centres VM Zinc, enfin, celui relatif aux ventes d'accessoires et de profilés. Elles ajoutent que la décision attaquée est à ce titre insuffisamment motivée, en ce qu'elle n'applique pas la règle de droit qu'elle rappelle pourtant dans ses principes, et que ce défaut de motivation viole leurs droits de la défense.
341.L'Autorité rappelle le point 33 du communiqué sanctions, selon lequel l'assiette de la sanction est « la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction ou s'il y a lieu avec les infractions, vendues par l'entreprise ou l'organisme concerné durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci ».

342.Elle fait observer que les ventes de produits de couverture et de produits EEP en zinc réalisées par Umicore avec les distributeurs qui ne sont pas agréés VM Zinc, ne forment pas un marché distinct des ventes effectuées avec les distributeurs ayant cet agrément, que les produits de couverture en zinc vendus aux façonniers se trouvent sur le même marché et que de même, les produits accessoires et profilés en zinc se trouvent sur le même marché que les produits EEP en zinc.
343.Le Ministre chargé de l'économie ainsi que le Ministère public concluent que l'analyse de l'Autorité est conforme aux principes énoncés par la jurisprudence nationale et européenne et que dans ces conditions le moyen doit être rejeté (
).

ET QUE sur la prise en compte des ventes de zinc laminé destiné aux façonniers, aux distributeurs non centres VM Zinc et des ventes d'accessoires et de profilés
348.Ainsi qu'il a déjà été jugé à de nombreuses reprises tant en droit national qu'en droit de l'Union, la valeur des ventes est celle des ventes réalisées sur le marché pertinent et concernent les produits en relation avec l'infraction. Le Ministre chargé de l'économie rappelle à juste titre, à ce sujet, que la notion de valeur des ventes ne peut être entendue comme ne visant que le chiffre d'affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu'elles ont réellement été affectées par l'infraction (en ce sens, CJUE, arrêt du 9 mars 2017, Samsung SDI e.a./Commission, C-615/15 P, point 52 et jurisprudence citée).
349.Par ailleurs, l'Autorité a, dans le cadre de son analyse des marchés pertinents, précisé, d'une part, que le zinc laminé à destination des façonniers était substituable au zinc laminé destiné à la couverture (décision attaquée, § 460 et suivants), d'autre part, que les accessoires et profilés faisaient partie du marché pertinent des produits EEP en zinc (décision attaquée, § 589 et suivants). Son analyse, non contestée pour le zinc destiné aux façonniers, a été, pour ce qui concerne les accessoires et profilés, validée par la cour aux paragraphes 164 du présent arrêt.
350.S'agissant du marché des produits de couverture en zinc, les sociétés Umicore contestent en vain que les ventes aux façonniers et aux distributeurs qui n'ont pas le statut de centre VM Zinc puissent être mises en relation avec l'infraction, dès lors que la pratique en cause a renforcé la position dominante de la société Umicore France sur le marché des produits de couverture en zinc et a ainsi nécessairement impacté les ventes de ces produits aux façonniers et aux distributeurs qui n'ont pas le statut de centre VM Zinc.
351.Il en est de même s'agissant du marché des produits EEP en zinc. La pratique ne pouvait en effet avoir d'effet sur ces produits sans en avoir sur les accessoires et les profilés qui appartiennent au même marché.
352.Par ailleurs, les sociétés Umicore, qui soutenaient, dans le cadre de leurs moyens concernant les marchés pertinents, que l'Autorité aurait retenu dans ces marchés des produits qui n'auraient pas dû s'y trouver (voir § 164 du présent arrêt), ne démontrent pas, ce qui leur appartient de faire, que la valeur des ventes retenue aurait inclus celle des ventes de ces produits, ni quel montant serait concerné. Les tableaux produits aux cotes 26041 et 26042, auxquels elles renvoient, ne permettent pas, en effet, pas de constater que des ventes de produits qui ne concerneraient pas les marchés pertinents auraient été, de façon erronée, repris dans le calcul de la moyenne de valeur des ventes entre 1999 et 2007 opéré par l'Autorité (décision attaquée, § 956 et 957). Sur ce point, encore, la cour relève qu'il importe peu que les produits destinés à recouvrir les façades aient été inclus dans la valeur des ventes des produits EEP plutôt que dans celle des produits de couverture dès lors que l'Autorité a établi une moyenne des valeurs des ventes réalisées sur ces deux marchés.
353.Il est sans portée sur ces deux points que la pratique reprochée soit une pratique d'abus de position dominante et non de cartel.
354.Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les moyens portant sur la valeur des ventes sont rejetés.

1°) ALORS QUE pour fixer le montant de la valeur des ventes constituant la base de calcul du montant de la sanction, le juge de la concurrence ne doit pas intégrer dans les termes de son analyse des valeurs de ventes sans lien avec l'infraction ; qu'ainsi il ne peut pas englober les ventes qui ne relèvent pas du champ d'application de la pratique incriminée ; qu'en retenant pour inclure dans la valeur des ventes les ventes aux façonniers et aux distributeurs qui n'ont pas le statut de centre VM Zinc au prétexte que la pratique en cause a renforcé la position dominante de la société Umicore France sur le marché des produits de couverture en zinc et a ainsi nécessairement impacté les ventes de ces produits aux façonniers et aux distributeurs qui n'ont pas le statut de centre VM Zinc bien que les sociétés Umicore n'ont été condamnées que pour avoir abusé de leur position dominante « en liant les centres VM Zinc, l'enseigne Asturienne, appartenant au groupe Point P-Saint-Gobain, l'enseigne Point P, appartenant au groupe Point P-Saint-Gobain, l'enseigne Larivière, appartenant au groupe Larivière-SIG, par des obligations d'achats exclusifs en produits VM Zinc entre 1999 et la fin 2007 », ce dont il résulte que les façonniers n'ont jamais été concernés par la pratique en cause, la cour d'appel a violé l'article L 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

2°) ALORS QU'il incombe à l'Autorité de la concurrence de délimiter les marchés pertinents et de déterminer la valeur des ventes en relation avec l'infraction pour fixer le montant de la sanction ; qu'en reprochant au contraire aux sociétés Umicore de ne pas démontrer, « ce qui leur appartient de faire, que la valeur des ventes retenue aurait inclus » des ventes sans lien avec l'infraction, « ni quel montant serait concerné », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, L 420-2 et L 464-2 du code de commerce ainsi que du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

3°) ALORS QUE pour fixer le montant de la valeur des ventes constituant la base de calcul du montant de la sanction, le juge de la concurrence ne doit pas intégrer dans les termes de son analyse des valeurs de ventes sans lien avec l'infraction ; qu'en affirmant « qu'il importe peu que les produits destinés à recouvrir les façades aient été inclus dans la valeur des ventes des produits EEP plutôt que dans celle des produits de couverture dès lors que l'Autorité a établi une moyenne des valeurs des ventes réalisées sur ces deux marchés », quand la décision déférée (§952) reconnait elle-même expressément que les produits de « façades » et « ornements » constituent des « marchés distincts » et que leur chiffre d'affaires doit être exclu de la valeur des ventes et quand il appartient au contraire au juge de la concurrence de déterminer avec une grande précision la valeur des seules ventes en relation avec l'infraction, ce qui exclut nécessairement toute approximation, la cour d'appel a violé l'article L 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires.

Moyen produit au pourvoi n° V 18-18.582 par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour La présidente de l'Autorité de la concurrence

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt du 17 mai 2018, dans sa rédaction initiale, d'avoir réformé l'article 3 de la décision de l'Autorité de la concurrence n°16-D-14 du 23 juin 2016 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du zinc laminé et des produits ouvrés en zinc destinés au bâtiment et, statuant à nouveau sur ce point, d'avoir infligé, au titre des pratiques visées à l'article 1er de la décision n°16-D-14, solidairement à la société Umicore France et à la société Umicore une sanction pécuniaire d'un montant de 56.653.000 euros ;

AUX MOTIFS QUE (§326 à §331) après avoir précisé que les dispositions du livre IV du code de commerce applicables en l'espèce sont celles issues de la loi n° 2001-420, du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, dite « loi NRE », l'Autorité a indiqué qu'elle appliquait les critères légaux de détermination de la sanction, énoncés par l'article L. 464-2 I, alinéas 3 et 4, selon les modalités pratiques décrites dans le communiqué sanctions. Par application de cette méthode, elle a fixé la sanction infligée solidairement à la société Umicore France, en tant qu'auteurs des pratiques, et à la société Umicore SA/NV, en sa qualité de société mère de la société Umicore France, à la somme de 69.243.000 euros. L'Autorité a retenu que les pratiques s'étaient déroulées à compter de 1999, année de la signature du contrat de collaboration technique avec les centres VM Zinc, et jusqu'au 31 décembre 2007, date de la dernière manifestation avérée, à savoir la suppression de la bonification qualitative du distributeur Baty fin 2007 (décision attaquée, §1015). Les pratiques ayant duré 9 années, elle a appliqué un coefficient multiplicateur de 5 au montant de base. Les sociétés Umicore soutiennent que l'Autorité a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que le « contrat de collaboration technique et commerciale Zinc - opération préférence » de 1999 (auquel la décision attaquée fait référence sous l'intitulé « contrat de 1999 ») aurait pris cours le 1er janvier 1999. Elles exposent à ce titre que ce contrat a effectivement été signé en 1999, mais en fin d'année, avec prise d'effet au 1er janvier 2000, et qu'en conséquence, la durée des pratiques est de maximum 8 ans soit un coefficient multiplicateur de 4,5 au maximum, au lieu de celui de 5 retenu (moyen 12). Elles font valoir que, selon une jurisprudence constante des juridictions de l'Union, il importe de tenir compte, lors de l'application d'un coefficient multiplicateur reflétant la durée de participation d'une entreprise donnée, de la durée exacte (au jour près) de la participation de cette entreprise à l'infraction. L'Autorité précise que, selon les principes instaurés par les dispositions des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce, ainsi que par la jurisprudence, la pratique débute le jour même de la signature du contrat prévoyant une exclusivité, sans attendre sa mise en oeuvre, et qu'elle pouvait donc retenir que l'infraction avait débuté en 1999. C'est à juste titre que l'Autorité soutient que l'infraction débute à la date de conclusion du contrat par lequel elle se manifeste, sans qu'importe le moment de sa mise en oeuvre. Cependant, elle ne peut, en l'absence d'éléments qui démontreraient que les faits auraient débuté antérieurement, faire remonter au début d'une année la durée d'une pratique matérialisée par la signature d'un contrat qui ne l'aurait été qu'à la fin de cette année, point qu'elle ne conteste pas. Dans ces circonstances, la décision attaquée devra être réformée sur ce point et la sanction doit être réévaluée au montant qui sera précisé dans le dispositif en prenant en considération un coefficient multiplicateur de 4, 5 au lieu de 5 ;

ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige ; qu'en l'espèce, dans sa décision du 23 juin 2016, l'Autorité de la concurrence a déterminé le montant de la sanction pécuniaire à infliger à la société Umicore France solidairement avec sa société mère Umicore conformément aux principes du communiqué sanctions du 16 mai 2011 ; qu'elle a ainsi retenu un pourcentage de 10% de la valeur des ventes en relation avec l'infraction, auquel elle a appliqué un coefficient multiplicateur de 5, exprimant la durée de l'abus de position dominante, puis un coefficient d'augmentation de 10 % pour tenir compte de la puissance économique du groupe sanctionné ; qu'à l'appui de leurs recours, les sociétés Umicore France et Umicore ont contesté le montant de la valeur des ventes retenu par l'Autorité de la concurrence, ainsi que le coefficient multiplicateur de 5, relatif à la durée de l'abus de position dominante, mais pas l'application du coefficient de majoration de 10% relatif à la puissance économique du groupe sanctionné (conclusions p. 86 à 92) ; que l'Autorité de la concurrence a conclu au rejet du recours de ces sociétés, sans argumenter spécialement sur la majoration pour l'appartenance à un groupe puisque celleci n'était pas contestée ; que la cour d'appel a retenu une durée de l'abus de position dominante moindre que celle qui avait été retenue par l'Autorité et, en conséquence, un coefficient multiplicateur de 4,5, au lieu de 5, appliqué à la proportion de la valeur des ventes prise en compte ; qu'elle n'a cependant pas appliqué ensuite la majoration de 10% pour appartenance à un groupe ; qu'en statuant de la sorte, quand cette majoration de 10% n'était pas contestée, la cour d'appel, excédant les limites de sa saisine, a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.

Moyen produit au pourvoi n° P 18-19.933 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les sociétés Umicore France et Umicore SA/NV

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le chef du dispositif de l'arrêt du 17 mai 2018 par lesquels la cour a : « DIT qu'au titre des pratiques visées à l'article 1er de la décision n° 16-D-14, il est infligé solidairement à la société Umicore France et à la société Umicore SA/NV, une sanction pécuniaire d'un montant de 56 653 000 euros » est entaché d'une erreur matérielle sur le montant prononcé et d'avoir, en conséquence, dit que ce chef du dispositif doit être rédigé de la façon suivante : « DIT qu'au titre des pratiques visées à l'article 1er de la décision n° 16-D-14, il est infligé solidairement à la société Umicore France et à la société Umicore SA/NV, une sanction pécuniaire d'un montant de 62 318 900 euros. »

AUX MOTIFS QUE aux termes de l'article 462 du code de procédure civile, « [l]es erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande » ; qu'en l'espèce, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, l'Autorité a déterminé la sanction selon les principes du communiqué sanctions ; qu'en effet, après avoir constaté que la valeur des ventes en relation avec l'infraction était de 125 896 778 euros (décision attaquée § 957), elle a retenu un pourcentage de cette valeur de 10 %, traduisant la gravité de l'infraction et l'importance du dommage causé à l'économie (décision attaquée § 1010), auquel elle a appliqué un coefficient multiplicateur de 5, exprimant la durée de l'infraction (décision attaquée, § 1015) ; qu'elle a abouti à un montant de base de la sanction de 62 948 389 euros (décision attaquée, § 1016), auquel elle a appliqué un coefficient d'augmentation de 10 % pour proportionner la sanction à la puissance économique de la société Umicore SA (décision attaquée § 1037), portant le montant final de la sanction à 69 243 000 euros (décision attaquée § 1046) ; que la cour a jugé que le montant de la sanction infligée aux sociétés Umicore devait être réformé en tant que l'Autorité avait appliqué un coefficient multiplicateur de durée de 5 au montant de base ; qu'elle a, en effet, estimé que le montant de ce coefficient multiplicateur était trop élevé au regard de la durée effective de la pratique et qu'il convenait de le remplacer par un coefficient de 4,5 (arrêt du 17 mai 2018 § 331) ; que la cour a en revanche rejeté tous les autres moyens de réformation de la sanction soulevés par les sociétés Umicore ; qu'elle a ensuite recalculé le montant de la sanction en appliquant au pourcentage de 10 % de la valeur des ventes, le coefficient multiplicateur de durée de 4,5, pour obtenir le résultat de 56 653 000 euros, montant arrondi auquel elle a fixé la sanction ; que ce faisant, elle n'a pas appliqué le coefficient de majoration de 10 % relatif à la puissance économique du groupe sanctionné ; qu'or, comme toute juridiction, la cour est tenue, dans son appréciation du recours, par les prétentions des parties et elle ne peut statuer ultra petita, ni soulever un moyen d'office, à moins qu'il ne soit de pur droit et que les parties aient pu s'exprimer sur ce moyen ; qu'au paragraphe 84 de l'arrêt du 17 mai 2018, la cour a écarté l'argument des sociétés Umicore selon lequel la preuve de la partialité des services d'instruction et de l'Autorité à leur encontre résultait notamment du fait qu'ils n'auraient en toute hypothèse pas eu égard aux éléments permettant à la société Umicore SA de renverser la présomption de son influence déterminante sur la société Umicore France SAS ; qu'à cette occasion, la cour a expressément souligné que cette influence déterminante n'était pas critiquée au fond ; qu'il s'en déduit que, sauf à statuer ultra petita, la cour était tenue d'appliquer au montant de base de la sanction de 56 653 550 euros (125 896 778 euros x 10 % x 4,5 ], auquel aboutissait la réduction du coefficient multiplicateur de durée de 5 à 4,5, la majoration de 10 % que les sociétés Umicore ne contestaient pas ; que par ailleurs, la cour n'avait pas à remettre en cause le caractère proportionné de la sanction, alors que les requérantes ne le faisaient pas elles-mêmes ; qu'il s'en déduit qu'en omettant d'appliquer le coefficient d'aggravation de la sanction de 10 %, la cour a commis une erreur, qui n'est pas une erreur de raisonnement ni une erreur d'appréciation, mais une erreur matérielle qu'il convient de rectifier ; que cette rectification ne fait que rétablir la sanction au montant de ce qu'elle devait être en l'absence de contestation sur le fond, par les sociétés Umicore, de l'analyse relative à l'influence déterminante de la société mère Umicore SA sur sa filiale Umicore France SAS, sans qu'importe que la cour ne soit pas tenue d'appliquer le communiqué sanctions ; qu'elle ne porte donc pas atteinte aux droits des sociétés Umicore, celles-ci ne pouvant prétendre détenir un droit au maintien d'un montant de sanction résultant non d'une appréciation de la cour, mais d'une erreur matérielle évidente de sa part ; qu'enfin, aux termes de l'article 462 du code de procédure civile, il appartient à la juridiction qui a rendu la décision comportant une erreur matérielle de réparer cette erreur, l'alinéa 2 de cette disposition précisant que la juridiction peut se saisir d'office, ce qui a été le cas en l'espèce ; que ce faisant la cour ne tranche pas un litige, mais ne fait que rétablir sa décision telle qu'elle aurait dû être au regard de la raison et du dossier et son impartialité pour examiner l'erreur ne peut être mise en cause du seul fait qu'elle a rendu la décision à rectifier ; qu'en conséquence de ce qui précède la sanction prononcée devait être calculée comme suit : [(125 896 778 euros X 10 % (coefficient de gravité)) X 4,5 ] + 10 % = 62 318 905 euros, arrondie à 62 318 900 euros et il convient de rectifier l'arrêt du 17 mai 2018 en ce sens ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut sous couvert de rectification d'erreur matérielle, procéder à une nouvelle appréciation des éléments de la cause et modifier les droits et obligations des parties ; que si une simple erreur arithmétique de calcul peut être rectifiée, le juge ne saurait, en revanche, modifier les règles de calcul du montant d'une condamnation sous prétexte de rectifier une erreur matérielle ; qu'en décidant, sous couvert de rectifier une erreur matérielle, d'appliquer un coefficient d'aggravation de la sanction de 10 %, la cour d'appel qui a modifié les règles de calcul de la sanction et les droits et obligations des parties a violé l'article 462 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en affirmant que l'omission de l'application du coefficient d'aggravation de la sanction de 10 % par la cour n'est pas une erreur de raisonnement ou une erreur d'appréciation, mais une erreur matérielle qu'il convient de rectifier, tout en justifiant cette rectification par l'interdiction de statuer ultra petita ou de soulever un moyen d'office sans que les parties aient pu s'expliquer, ce qui au contraire confirmerait l'existence d'une possible erreur intellectuelle et non matérielle, la cour d'appel a, encore, violé l'article 462 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires prévoyant notamment la possibilité de majorer le montant de la sanction en fonction de la puissance économique du groupe sanctionné a désormais une valeur normative et son application relève du contrôle de la Cour de cassation : qu'en considérant qu'une prétendue erreur commise dans l'application des règles du communiqué du 16 mai 2011, et spécialement du coefficient de majoration de 10 % relatif à la puissance économique du groupe sanctionné pouvait constituer une simple erreur matérielle susceptible d'être rectifiée quand une telle erreur de droit, à la supposer établie, ne peut être réparée qu'en se livrant à une nouvelle appréciation des éléments de la cause, sous le contrôle de la Cour de cassation, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 462 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-18501;18-18582;18-19933
Date de la décision : 02/09/2020
Sens de l'arrêt : Rejet et irrecevabilité
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONCURRENCE - Autorité de la concurrence - Décision - Procédure d'engagements - Refus d'engagement - Pouvoir discrétionnaire

Si l'article L. 464-2, I, du code de commerce permet à l'Autorité de la concurrence d'accepter les engagements, de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence, proposés par les entreprises, ces dernières ne disposent pas d'un droit aux engagements, l'Autorité jouissant d'un pouvoir discrétionnaire en la matière. C'est donc exactement que la cour d'appel a retenu que le collège n'avait pas à formaliser sa décision de refus d'engagement ni, a fortiori, à la motiver


Références :

article L. 464-2, I, du code de commerce.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 05 juillet 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 sep. 2020, pourvoi n°18-18501;18-18582;18-19933, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.18501
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