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16/07/2020 | FRANCE | N°19-19965

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 juillet 2020, 19-19965


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 juillet 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 688 F-D

Pourvoi n° U 19-19.965

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUILLET 2020

Mme T... E..., épouse F..., domiciliée [...] , a formÃ

© le pourvoi n° U 19-19.965 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 juillet 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 688 F-D

Pourvoi n° U 19-19.965

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUILLET 2020

Mme T... E..., épouse F..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° U 19-19.965 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Inora Life France, dont le siège est [...] , société de droit étranger,

2°/ à la société Predictis, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Arca Patrimoine,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de Mme E..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Predictis, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Inora Life France, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 mai 2019) et les productions, Mme E..., épouse F... a adhéré, le 19 juin 2007, à un contrat d'assurance collective sur la vie, dénommé « Imaging », souscrit auprès de la société Inora Life (l'assureur) par la société Arca patrimoine, devenue la société Predictis.

2. Elle a effectué un versement initial de 40 000 euros, investi sur le support Lisseo Dynamic 3, puis a procédé les 31 juillet et 24 octobre 2007 à deux versements complémentaires, le premier d'un montant de 130 000 euros sur ce même support et le second, d'un montant de 150 000 euros sur le support Fastuo dynamic.

3. Le 24 juillet 2009, Mme F... a nanti son contrat d'assurance au profit de la société Crédit agricole en garantie d'un prêt consenti par cette dernière pour le financement d'un emprunt immobilier.

4. Elle a procédé à divers arbitrages et à un rachat partiel de 20 000 euros.

5. Invoquant un manquement de l'assureur à son obligation d'information précontractuelle, Mme F... s'est prévalue de sa faculté prorogée de renonciation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 août 2014.

6. L'assureur ayant refusé de donner suite à sa demande, Mme F... l' a assigné en restitution des primes versées et subsidiairement en paiement de dommages-intérêts.

7. Elle a également assigné la société Arca patrimoine, devenue la société Predictis, en lui reprochant un manquement à ses obligations d'information et de conseil.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. Mme F... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir juger qu'elle a de bonne foi et valablement renoncé à son contrat et qu'elle est fondée à obtenir la restitution de l'intégralité des sommes versées sur le contrat d'assurance sur la vie depuis son adhésion, déduction faite du rachat partiel d'un montant de 20 000 euros effectué le 20 novembre 2007, dans les conditions de l'article L. 132-5-1 du code des assurances, alors « que pour vérifier si l'exercice de la faculté de renonciation de l'assuré est abusif, le juge doit prendre en compte la situation concrète de celui-ci, à savoir sa qualité d'averti ou de profane, ainsi que les informations dont il disposait et la finalité de l'exercice de son droit de rétractation ; qu'en se contentant de relever que Madame F... était dotée d'une « capacité de compréhension normale » et qu'elle avait « été avertie du risque de perte » (p. 9 § 2), donc qu'elle avait été informée de ce risque lors de la souscription, sans vérifier si, par son expérience personnelle et ses compétences, elle pouvait avoir la qualité de client averti lui permettant de vérifier la teneur exacte des informations dont elle disposait et la finalité de l'exercice de son droit de rétractation, ce qu'un client doté d'une capacité de compréhension normale ne peut apprécier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-5-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005, applicable au litige :

9. Si la faculté prorogée de renonciation prévue par le second de ces textes en l'absence de respect, par l'assureur, du formalisme informatif qu'il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en abus.

10. Après avoir constaté que l'assureur n'avait pas respecté les dispositions des articles L. 132-5-2 et A. 132 8 du code des assurances, de sorte que la possibilité de renoncer au contrat s'était trouvée prorogée, l'arrêt retient d'abord qu'il résulte du bilan de situation patrimoniale que Mme F... a répondu « oui » aux questions suivantes : « êtes vous prêt(e) à immobiliser, sur une durée de 10 ans et plus, la part d'actifs financiers que vous souhaitez investir dans le support », « avez-vous déjà effectué des placements à risque et, plus particulièrement, êtes-vous familier des placements sur les marchés action », « avez-vous bien compris le mode de fonctionnement du support et la nature des risques de moins-values qu'il peut engendrer », « en cas de fortes fluctuations des marchés financiers ou en cas de baisse de la valeur du support, pensez-vous rester investi(e) jusqu'au terme du support » et qu'elle a répondu « non » à cette dernière question : « souhaitez-vous obtenir des informations complémentaires sur le support » .

11. L'arrêt relève ensuite que le support Lisseo Dynamic 3 était décrit dans l'annexe 2 de la notice d'information comme un EMTN, en l'espèce un panier équipondéré de trente actions internationales, offrant une garantie en capital de 45 %, d'une maturité au 10 octobre 2017 et qu'il était en outre indiqué en fin d'annexe, en petits caractères que les adhérents devront procéder à leur propre analyse des risques et devront, si nécessaire, consulter préalablement leurs propres conseils juridiques, financiers, fiscaux, comptables ou tout autre professionnel, et que l'obligation s'adresse à des adhérents expérimentés capables d'apprécier la nature des risques inhérents aux produits dérivés.

12. L'arrêt énonce également que Mme F..., gérante retraitée et donc dotée d'une capacité de compréhension normale, a été avertie du risque de perte d'une partie significative de son investissement et s'estimait suffisamment informée, ayant parfaitement conscience des risques et avantages de ce placement et qu'elle a, par ailleurs, effectué un certain nombre d'arbitrages qui ne militent pas en faveur d'une incompréhension totale des produits financiers choisis.

13. L'arrêt retient enfin qu'il est manifeste que Mme F... n'a pas souffert d'un défaut d'information dans la période précontractuelle et qu'en réalité, ayant pris en toute connaissance de cause le risque d'une opération financière dans l'espoir d'un gain conséquent, elle s'est emparée de manquements de l'assureur au formalisme imposé par la loi dans l'unique dessein de lui faire prendre en charge ses pertes financières.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher si Mme F... était un assuré averti ou profane afin de vérifier, à la date d'exercice de sa faculté de renonciation, en fonction de sa situation concrète et des informations dont elle disposait réellement au regard de ses compétences personnelles sur les caractéristiques essentielles de son investissement sur un produit complexe de type EMTN, quelle était la finalité de l'exercice de son droit de renonciation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Demande de mise hors de cause

15. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Predictis, anciennement Arca patrimoine, qui n'est pas concernée par la cassation prononcée et dont la présence devant la cour de renvoi n'est plus nécessaire à la solution du litige.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

Met hors de cause la société Predictis, anciennement Arca Patrimoine ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme F... de sa demande de restitution des sommes versées sur son contrat d'assurance sur la vie, l'arrêt rendu le16 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Inora Life aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Inora Life et par la société Predictis, anciennement Arca Patrimoine et condamne la société Inora Life à payer à Mme F... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme E....

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Mme F... de sa demande tendant à voir juger qu'elle a de bonne foi et valablement renoncé à son contrat par LRAR du 21 août 2014 et qu'elle est fondée à obtenir la restitution de l'intégralité des sommes versées sur le contrat d'assurance-vie depuis son adhésion, soit la somme de 320.000 euros déduction faite du rachat partiel d'un montant de 20.000 euros effectué le 20 novembre 2007, dans les conditions de l'article L. 132-5-1 du code des assurances, avec intérêts aux taux légal majoré de moitié durant 2 mois à compter du 24/08/2014 puis au double du taux légal avec capitalisation des intérêts jusqu'au parfait règlement à intervenir et, en conséquence, tendant à voir condamner la Compagnie Inora Life France, d'une part à rembourser le Crédit Agricole Centre France, créancier nanti, à concurrence des sommes lui restant dues au titre du prêt consenti le 9 juillet 2009 à M. et Mme F... et garanti par le contrat litigieux, à savoir la somme de 243.509,46 euros (capital emprunté de 242.640 € et indemnités de remboursement anticipé de 869,46 €) et, d'autre part à verser à M. F... le reliquat, d'un montant de 56.490,54 € (300.000 € - 243.509,46 €) ;

AUX MOTIFS QUE Mme F... fait valoir que la société Inora Life a manqué à ses obligations légales pour les motifs suivants : l'encadré défini à l'article L 132-5-5 du code des assurances n'est pas inséré en début de proposition d'assurance ou projet de contrat contrairement aux dispositions de l'article L 132-5-2 du même code, la nature du contrat, à savoir "contrat d'assurance vie de groupe à adhésion facultative" n'est pas indiquée en caractères très apparents Inora Life n'a pas respecté les intitulés des différentes rubriques "frais" prescrites par l'article A 132-8 du code des assurance ; qu'Inora Life soutient qu'elle a respecté ses obligations légales ; que l'article L 135-5-3 du code des assurances qui concerne spécifiquement les assurances de groupe sur la vie renvoie notamment à l'article L 135-5-2 s'agissant de l'obligation d'information pesant sur l'assureur ; que ce texte prévoit qu'avant la conclusion du contrat, l'assureur doit remettre contre récépissé au candidat à l'assurance une note d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation prévue à l'article L. 132-5-1 et sur les dispositions essentielles du contrat ; que les mentions que doit contenir cette note d'information sont précisées à l'article A. 132-4 ; que toutefois, pour les contrats d'assurance comportant une valeur de rachat ou de transfert, le même article de loi autorise l'assureur à ne pas fournir une note d'information distincte de la proposition d'assurance ou du projet de contrat, à la condition d'insérer en début de proposition d'assurance ou de projet de contrat un encadré indiquant en caractères très apparents la nature du contrat et dont le format et le contenu sont définis à l'article A. 132-8 du code des assurances, applicable aux contrats souscrits à compter du lei mai 2006 ; que ces dispositions sont applicables au contrat d'assurance de groupe sur la vie aux termes de l'article L 132-5-3 qui précise que l'encadré mentionné dans l'article L 132-5-2 est inséré en début de notice ; qu'en l'espèce, dans le contrat Imaging, cet encadré intitulé "dispositions essentielles" figure en page 10 d'une plaquette en comportant 23, après les conditions générales du contrat (pages 1 à 9) et avant la note d'information (pages 12 à 23), et ne figure sur aucune des deux tables des matières figurant en pages 1 et 11 ; qu'on ne peut sérieusement soutenir que cette présentation satisfait aux exigences du code des assurances en vertu desquelles le contenu de la note d'information doit se distinguer et être distinct de celui des conditions générales ; qu'en effet, cette présentation en une liasse unique des conditions générales, placées en tête, et de la notice d'information contrevient aux dispositions légales relatives à l'encadré, lesquelles ont pour but d'attirer en premier lieu l'attention du souscripteur, avant la conclusion du contrat, sur les dispositions les plus importantes du contrat, qui seront développées immédiatement après dans la notice d'information ; qu'en ne séparant pas les conditions générales de la note d'information, et en les plaçant en tête d'un document unique qui doit alors être considéré comme formant en son entier la proposition d'assurance, la société Inora Life n'a pas respecté les dispositions de l'article L 135-5-2 du code des assurances, aux termes desquelles, pour valoir note d'information, la proposition d'assurance doit commencer par l'encadré prévu par ce texte (et non comme en l'espèce par les conditions générales) ; qu'il apparaît par ailleurs que l'encadré figurant en tête de la proposition d'assurance ne respecte pas les dispositions légales et réglementaires susvisées s'agissant de l'indication de la nature du contrat (contrat d'assurance vie de groupe), insuffisamment apparente puisqu'elle figure dans la même police que les autres informations, alors que l'article L 132-5-2 du code des assurances exige qu'elle figure en caractères "très apparents" ; qu'il en résulte que les dispositions des articles L 132-5-2 et A 132-8 du code des assurances n'ont pas été respectées par Inora Life ; que la possibilité de renoncer au contrat s'est donc trouvée prorogée ; que sur l'exercice du droit de rétractation ; que l'article L. 132-5-2 du code des assurance regroupe les dispositions afférentes au formalisme informatif et à l'exercice d'un droit de renonciation prorogé en cas de méconnaissance par l'assureur des obligations informatives ; que ce texte dispose notamment que "le défaut de remise des documents et informations prévus au présent article entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu à l'article L. 132-5-1 jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de la remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu." ; que la société Inora Life soutient que Mme F... a exercé son droit de renonciation avec mauvaise foi et de façon abusive ; qu'aux termes des arrêts de la Cour de cassation du 19 mai 2016, il est désormais de principe que si la faculté prorogée de renonciation prévue par l'article L 132-5-2 du code des assurances en l'absence de respect, par l'assureur, du formalisme informatif qu'il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en abus ; que la Cour a précisé que "ne saurait être maintenue la jurisprudence initiée par les arrêts du 7 mars 2006, qui, n'opérant pas de distinction fondée sur la bonne ou la mauvaise foi du preneur d'assurance, ne permet pas de sanctionner un exercice de cette renonciation étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s'impose aux contractants" ; qu'ainsi le droit de renonciation demeure une faculté discrétionnaire, dont l'exercice n'est subordonné à aucun motif, mais n'est plus une prérogative dont l'exercice est insusceptible d'abus ; que doit être sanctionné un exercice de la renonciation étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s'impose aux contractants ; que l'abus de droit est le fait pour une personne de commettre une faute par le dépassement des limites d'exercice d'un droit qui lui est conféré, soit en le détournant de sa finalité, soit dans le but de nuire à autrui ; que c'est à la date de souscription du contrat que s'apprécie le contenu de l'information due par l'assureur ; que la charge de la preuve de la déloyauté du souscripteur et de l'abus de droit dans l'exercice du droit de renonciation pèse sur l'assureur ; que la cour doit rechercher, au regard de la situation concrète du souscripteur, de sa qualité d'assuré averti ou profane et des informations dont il disposait réellement, quelle était la finalité de l'exercice de son droit de renonciation et s'il n'en résultait pas l'existence d'un abus de droit ; que Mme F... soutient que les réponses qu'elle a apportées au bilan de situation patrimoniale réalisé par Arca ne permettent pas d'établir qu'elle avait parfaitement compris les caractéristiques financières du contrat souscrit alors que l'assureur n'avait pas satisfait aux exigences d'informations légales ; qu'il résulte de ce bilan que Mme F... a signé le 19 juin 2007 qu'elle avait réparti ses actifs sur différents investissements : en liquidités pour 20%, en assurance-vie support en euro pour 40%, en assurance-vie support en unités de compte pour 30 % et en actions pour 10% ; qu'elle a indiqué que l'objectif de placement recherché (portant sur 30% de ses actifs financiers) était "une performance élevée à long terme en contrepartie du risque de contre-performance" (les deux autres choix étant : "la sécurité à tout moment" et "une performance proche du marché obligataire en acceptant un risque de moins-value à court terme"), ce qui signifie clairement qu'elle acceptait le risque d'une perte ; que par ailleurs, elle a coché la réponse "oui" aux questions suivantes : êtes vous prêt(e) à immobiliser, sur une durée de 10 ans et plus, la part d'actifs financiers que vous souhaitez investir dans le support ? avez-vous déjà effectué des placements à risque et, plus particulièrement, êtes-vous familier des placements sur les marchés action ? avez-vous bien compris le mode de fonctionnement du support et la nature des risques de moins-values qu'il peut engendrer ? en cas de fortes fluctuations des marchés financiers ou en cas de baisse de la valeur du support, pensez-vous rester investi(e) jusqu'au terme du support ?; qu'enfin elle a coché la réponse "non" à cette dernière question : "souhaitez-vous obtenir des informations complémentaires sur le support ?" ; qu'en outre Mme F... a signé le bulletin d'adhésion qui comportait la mention manuscrite suivante : Je reconnais en particulier avoir reçu les conditions générales, la notice d'information, ses annexes 1 à 5, les fiches descriptives de tous les actifs représentant les unités de compte du contrat et comprendre les caractéristiques financières de ceux- ci et déclare accepter les opportunités et les risques associés ; que la notice d'information était précédée d'une page intitulée "dispositions essentielles", comportant un encadré qui commençait par cette mention dactylographiée en majuscules et en gras : cet encadré a pour objet d'attirer l'attention de l'adhérent sur certaines dispositions essentielles de la notice d'information ; qu'il est important que l'adhérent lise intégralement la notice d'information et pose toutes les questions qu'il estime nécessaires avant de signer le bulletin d'adhésion, et à la suite il était indiqué en caractères gras sous le titre "garanties offertes" : Les montants investis sur les supports des unités de compte ne sont pas garantis et sont sujets à des fluctuations à la hausse ou à la baisse dépendant en particulier de l'évolution des marchés financiers il était indiqué dans la notice d'information à l'article 2-7, en caractères gras : Inora Life FRANCE ne s 'engage que sur le nombre d'unités de compte mais non sur leur contre-valeur en euros ; que la valeur de rachat des parts de FCP ou des coupures de Titre représentant les unités de compte n 'est pas garantie et est sujette à des fluctuations à la hausse comme à la baisse dépendant en particulier de 1 'évolution des marchés financiers, la même mention figurait dans l'article 7.1 des conditions générales, sur la faculté de rachat, plus spécifiquement, le support Lisseo Dynamic 3 était décrit dans l'annexe 2 de la notice d'information comme un EMTN, en l'espèce un panier équipondéré de trente actions internationales, offrant une garantie en capital de 45%, d'une maturité au 10 octobre 2017 ; qu'il était en outre indiqué en fin d'annexe, en petits caractères : les adhérents devront procéder à leur propre analyse des risques et devront, si nécessaire, consulter préalablement leurs propres conseils juridiques, financiers, fiscaux, comptables ou tout autre professionnel, suivait cette mention : l'obligation s'adresse à des adhérents expérimentés capables d'apprécier la nature des risques inhérents aux produits dérivés ; que certes, ces mentions figurent en petits caractères, mais elles font partie de la notice descriptive du produit et il faut rappeler que Mme F... s'est dite suffisamment informée sur le support dans le bilan de situation patrimoniale et a opté pour un produit exposé au risque de contre-performance ; que plus généralement, il apparaît aux termes de ces pièces que Mme F..., "gérante retraitée" selon l'information figurant sur le bilan de situation patrimoniale, et donc dotée d'une capacité de compréhension normale, a été avertie du risque de perte d'une partie significative de son investissement et s'estimait suffisamment informée, ayant parfaitement conscience des risques et avantages de ce placement ; qu'elle a par ailleurs effectué un certain nombre d'arbitrages qui ne militent pas en faveur d'une incompréhension totale des produits financiers choisis ; que Mme F..., pour étayer son argument selon lequel elle n'a pas été correctement informée sur des dispositions essentielles du contrat, faisait en outre valoir que la mention relative aux frais était incomplète pour ne pas respecter les intitulés du texte légal ; que les frais sont mentionnés dans l'encadré même s'ils ne portent pas exactement les mêmes noms que ceux cités dans le code des assurances, ce qui n'en compromet pas la compréhension ; que la finalité des dispositions législatives en cause est d'imposer à l'assureur de fournir une information claire aux souscripteurs, de façon à ce qu'ils comprennent l'économie générale du contrat d'assurance-vie et mesurent correctement ses avantages et ses risques ; qu'il apparaît donc qu'aucun des griefs développés par l'appelante au soutien de son argument selon lequel elle n'aurait pas été correctement informée sur des points essentiels n'est fondé ; que dans ces conditions, il est manifeste que Mme F... n'a pas souffert d'un défaut d'information dans la période précontractuelle et qu'en réalité, ayant pris en toute connaissance de cause le risque d'une opération financière dans l'espoir d'un gain conséquent, elle s'est emparée de manquements de l'assureur au formalisme imposé par la loi dans l'unique dessein de lui faire prendre en charge ses pertes financières ; qu'or, ce comportement est constitutif d'un abus, car le droit de renonciation prévu par les textes (qui est un droit de repentir) a pour finalité de protéger le contractant contre lui-même (et donc contre des souscriptions d'impulsion ou faites dans un contexte de sous-information) et non pas contre l'évolution des résultats financiers de son contrat ; que la finalité recherchée par le titulaire du droit, à savoir échapper aux fluctuations des marchés financiers, risque qu'il a pourtant expressément accepté, et ce au détriment de son co-contractant, n'est pas celle voulue par le législateur ; que le motif n'est pas légitime, il est incompatible avec le principe de loyauté qui s'impose aux contractants et la mauvaise foi de Mme F... est caractérisée ; que le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef et Mme F... sera déboutée de sa demande de restitution du montant de la somme investie sur le contrat litigieux ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE sur l'exercice de la faculté de renonciation, l'article L. 132-5-1 du code des assurances, dans sa version applicable au litige, prévoit que « toute personne physique qui a signé une proposition ou un contrat d'assurance sur la vie ou de capitalisation a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pendant le délai de trente jours calendaires révolus à compter du moment où elle est informée que le contrat est conclu. Ce délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. S'il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il n'est pas prorogé. La renonciation entraîne la restitution par l'entreprise d'assurance ou de capitalisation de l'intégralité des sommes versées par le contractant, dans le délai maximal de trente jours calendaires révolus à compter de la réception de la lettre recommandée. Au-delà de ce délai, les sommes non restituées produisent de plein droit intérêt au taux légal majoré de moitié durant deux mois, puis, à l'expiration de ce délai de deux mois, au double du taux légal. Les dispositions du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par arrêté ministériel. Elles ne s'appliquent pas aux contrats d'une durée maximale de deux mois. » ; et qu'aux termes de l'article L. 132-5-2 du même code, dans sa version applicable au litige, « avant la conclusion d'un contrat d'assurance sur la vie ou d'un contrat de capitalisation, par une personne physique, l'assureur remet à celle-ci, contre récépissé, une note d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation et sur les dispositions essentielles du contrat. Un arrêté fixe les informations qui doivent figurer dans cette note, notamment en ce qui concerne les garanties exprimées en unités de compte. Toutefois, la proposition d'assurance ou le projet de contrat vaut note d'information, pour les contrats d'assurance comportant une valeur de rachat ou de transfert, lorsqu'un encadré, inséré en début de proposition d'assurance ou de projet de contrat, indique en caractères très apparents la nature du contrat. L'encadré comporte en particulier le regroupement des frais dans une même rubrique, les garanties offertes et la disponibilité des sommes en cas de rachat, la participation aux bénéfices, ainsi que les modalités de désignation des bénéficiaires. Un arrêté du ministre chargé de l'économie, pris après avis de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, fixe le format de cet encadré ainsi que, de façon limitative, son contenu. La proposition ou le contrat d'assurance ou de capitalisation comprend : 1° Un modèle de lettre destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation ; 2° Une mention dont les termes sont fixés par arrêté du ministre chargé de l'économie, précisant les modalités de renonciation. La proposition ou le projet de contrat d'assurance ou de capitalisation indique, pour les contrats qui en comportent, les valeurs de rachat au terme de chacune des huit premières années du contrat au moins, ainsi que, dans le même tableau, la somme des primes ou cotisations versées au terme de chacune des mêmes années. Toutefois, pour les contrats mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 132-23, l'entreprise indique les valeurs de transfert au lieu des valeurs de rachat. La proposition ou le projet de contrat d'assurance ou de capitalisation indique les valeurs minimales et explique le mécanisme de calcul des valeurs de rachat ou de transfert lorsque celles-ci ne peuvent être établies. Le défaut de remise des documents et informations prévus au présent article entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu à l'article L. 132-5-1 jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu. Les dispositions du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par arrêté ministériel. Elles ne s'appliquent pas aux contrats d'une durée maximale de deux mois. » ; que si la faculté prorogée de renonciation prévue par l'article L. 132-5-2 précité en l'absence de respect, par l'assureur, du formalisme informatif qu'il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en abus ; que constitue un abus un exercice de cette renonciation étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s'impose aux contractants ; qu'en l'espèce, la société Inora Life verse aux débats le bilan de situation patrimoniale de Mme F... daté comme le bulletin d'adhésion du 19 juin 2007, ainsi que la fiche patrimoniale de juin 2007 communiquée par Mme F... ; que Mme F... fait valoir, s'agissant du bilan de situation patrimoniale, qu'il n'aurait pas été rempli par elle mais par le représentant de la société Arca Patrimoine ; que cependant, Mme F... a apposé sa signature au bas de ce document et a ajouté de sa main la mention « lu et approuvé » de sorte qu'elle doit être considérée comme ayant validé les renseignements qui y figurent ; qu'interrogée sur l'objectif de son placement, Mme F... n'a pas coché la case « la sécurité à tout moment » ni la case « une performance proche du marché obligataire en acceptant un risque de moins-value à court terme » mais la case « une performance élevée à long terme, en contrepartie du risque de contre-performance » ; que Mme F... a par ailleurs indiqué dans son bilan de situation patrimoniale qu'elle était prête à immobiliser, sur une durée de 10 ans et plus, la part d'actifs financiers qu'elle souhaitait investir dans le support, qu'elle avait déjà effectué des placements à risque et plus particulièrement qu'elle était familière des placements sur les marchés action, qu'elle avait bien compris le mode de fonctionnement du support et la nature des risques de moins-values qu'il pouvait engendrer, qu'en cas de fortes fluctuations des marchés ou en cas de baisse de la valeur du support elle pensait rester investie jusqu'au terme du support et qu'elle ne souhaitait pas obtenir d'informations complémentaires sur le support. ; que s'agissant de la fiche patrimoniale, rien n'est indiqué en réponse à la question « quels sont les objectifs de vos prochains investissements ? », seule la case « observations » étant renseignée comme suit: vente immo prochaine ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que Mme F... n'avait pas pour objectif de souscrire un contrat sécurisé mais un contrat lui permettant d'obtenir un gain financier important sur le long terme, en contrepartie cependant d'un risque de contre-performance, dont elle avait connaissance dès la signature de son engagement ; que l'exercice, par Mme F..., de la faculté prorogée de renonciation prévue par l'article L. 132-5-2 du code des assurances apparaît, dans ces conditions, comme constituant un détournement de la finalité que la loi a assigné à cette règle, dès lors qu'il tend, non à sanctionner un défaut d'information, mais à compenser des pertes boursières dont la survenance éventuelle ne lui avait pas été dissimulée ; que c'est donc de mauvaise foi que Mme F... a exercé la faculté prorogée de renonciation à son contrat d'assurance vie prévue par l'article L. 132-5-2 du code des assurances ; qu'il y a donc lieu, pour ce seul motif, de rejeter la demande de restitution des sommes versées sur ce contrat présentée par Mme F... à l'encontre de la société Inora Life France ;

1°) ALORS QUE le formalisme très strict des articles L. 132-5-2 et A. 132-8 du Code des assurances a pour finalité d'attirer l'attention du futur souscripteur sur les informations essentielles du contrat ; qu'en retenant que Mme F... n'a pas souffert d'un défaut d'information dans la période précontractuelle et qu'ayant pris en toute connaissance de cause le risque d'une opération financière dans l'espoir d'un gain conséquent, elle s'est emparée de manquements de l'assureur au formalisme imposé par la loi dans l'unique dessein de lui faire prendre en charge ses pertes financières (p. 9 § 8), après avoir constaté que « les dispositions des articles L 132-5-2 et A 132-8 du code des assurances n'ont pas été respectées par Inora Life » (p. 6 § 8 de l'arrêt) , les mentions n'étant pas inscrites en caractères très apparents (p. 6 § 6 et 7 de l'arrêt), ce dont il s'inférait que l'attention de Mme F... n'avait pas été attirée et que ses facultés de compréhension de l'économie générale du contrat et, en particulier, des risques de pertes en capital encourues avaient été altérées, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé l'article L. 132-5-1 du code des assurances ;

2°) ALORS QUE pour vérifier si l'exercice de la faculté de renonciation de l'assuré est abusif, le juge doit prendre en compte la situation concrète de celui-ci, à savoir sa qualité d'averti ou de profane, ainsi que les informations dont il disposait et la finalité de l'exercice de son droit de rétractation ; qu'en se contentant de relever que Madame F... était dotée d'une « capacité de compréhension normale » et qu'elle avait « été avertie du risque de perte » (p. 9 § 2), donc qu'elle avait été informée de ce risque lors de la souscription, sans vérifier si, par son expérience personnelle et ses compétences, elle pouvait avoir la qualité de client averti lui permettant de vérifier la teneur exacte des informations dont elle disposait et la finalité de l'exercice de son droit de rétractation, ce qu'un client doté d'une capacité de compréhension normale ne peut apprécier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-5-1 du code des assurances ;

3°) ALORS, ENFIN, QUE la circonstance que l'assuré ait effectué des rachats programmés ou des arbitrages ne permet pas de déduire qu'il a été « averti » ou bien informée des risques ; qu'en estimant que c'est de mauvaise foi que Mme F... a exercé la faculté prorogée de renonciation à son contrat d'assurance-vie, motif pris de l'existence des arbitrages qu'elle avait effectués, cependant que ces arbitrages ne permettaient pas de déduire qu'elle aurait eu une connaissance particulière des mécanismes de l'assurance et des risques de pertes encourus, la cour d'appel a statué par un motif inopérant à établir l'étendue de l'information et de la compréhension de l'assuré du fonctionnement des produits souscrits et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-5-1 du code des assurances.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-19965
Date de la décision : 16/07/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 16 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 16 jui. 2020, pourvoi n°19-19965


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.19965
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