LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 juillet 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 771 FS-D
Pourvoi n° R 19-15.523
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUILLET 2020
La caisse de mutualité sociale agricole d'Ile-de-France, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 19-15.523 contre l'arrêt rendu le 22 février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Centre d'équitation Soisy-Val-de-Seine, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la caisse de mutualité sociale agricole d'Ile-de-France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Centre d'équitation Soisy-Val-de-Seine, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mmes Vieillard, Taillandier-Thomas, Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, conseillers, Mmes Brinet, Palle, Le Fischer, M. Gauthier, Mme Vigneras, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 février 2019), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2013 et les deux premiers trimestres 2014, la caisse de mutualité sociale agricole d'Ile-de-France (la caisse) a notifié à la société Centre d'équitation Soisy-Val-de-Seine (la société) trois mises en demeure, puis lui a décerné, le 21 avril 2015, une contrainte, à laquelle la société a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
2. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler la contrainte, alors « qu'il était soutenu que la contrainte signifiée à la société le 12 juin 2015, d'un montant de 212 415,69 euros, visait expressément les trois mises en demeure notifiées les 18 décembre 2015 et 20 février 2015 ; qu'elle ajoutait que le montant de 212 415,69 euros réclamé par la contrainte correspondait exactement au total des trois mises en demeure notifiées les 18 décembre 2015 et 20 février 2015, lesquelles précisaient au titre de chaque période déterminée allant du premier trimestre 2010 au troisième trimestre 2014 la cause des sommes réclamées et le montant de la créance, avec indication des majorations et des pénalités de retard, en conséquence de quoi la société avait connaissance de la nature, la cause et l'étendue de son obligation ; qu'en annulant néanmoins la contrainte litigieuse aux motifs que celle-ci ''ne comportait pas les mentions suffisantes pour permettre au débiteur de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, le montant des sommes réclamées, soit 212 415,69 euros, ne correspondant pas aux périodes visées, à savoir les années 2010, 2011 et 2012", sans rechercher, comme elle y était invitée, si les trois mises en demeure auxquelles la contrainte faisait expressément référence détaillaient précisément pour chacune des périodes les sommes dues au titre des cotisations et des majorations de retard, de sorte que l'ensemble de ces documents permettait à la société de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, même si les périodes indiquées sur la contrainte étaient incomplètes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 725-3, R. 725-6 et R. 725-8 du code rural et de la pêche maritime, dans leur version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 725-3, R. 725-6 et R. 725-8 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction applicable au litige :
3. Il résulte de ces textes que la contrainte décernée par un organisme de mutualité sociale agricole pour le recouvrement de cotisations et contributions doit permettre au redevable d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
4. Pour annuler la contrainte, ayant retenu, d'une part, que la motivation des mises en demeure adressées au cotisant ne dispense pas l'organisme social de motiver la contrainte qu'il décerne, d'autre part, que la mise en demeure et la contrainte doivent préciser toutes les deux, à peine de nullité, la nature, le montant des cotisations réclamées, et la période à laquelle elles se rapportent, l'arrêt constate que la contrainte ne comportait pas les mentions suffisantes pour permettre au débiteur de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation.
5. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la contrainte faisait référence à des mises en demeure permettant à la société d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Centre d'équitation Soisy-Val-de-Seine aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juillet deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la caisse de mutualité sociale agricole (CMSA) d'Ile-de-France
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir annulé la contrainte signifiée par la CMSA d'Ile-de-France à la société Centre d'équitation Soisy Val de Seine le 12 juin 2015 et d'avoir débouté la CMSA de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la contrainte doit permettre au cotisant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation ; que la société estime qu'il convient d'annuler la contrainte qui ne remplit pas cette exigence, le montant des sommes réclamées soit 212.415,69 euros de cotisations, majorations et pénalités ne correspondant pas aux périodes visées à savoir les années 2010, 2011 et 2012 ; que la caisse répond que la contrainte contestée fait expressément référence aux mises en demeure préalablement notifiées à la société, conformément aux dispositions de l'article R. 725-6 du code rural, en vue d'obtenir le règlement des cotisations, majorations et pénalités impayées au titre des années 2010, 2011, 2012, 2013, 1er et 2ème trimestres 2014, soit : - la mise en demeure n° 14-008 du 18 décembre 2014, reçue le 7 janvier 2015, pour un montant de 144.814,32 euros, - la mise en demeure n° 14-011 du 18 décembre 2014, reçue le 7 janvier 2015, pour un montant de 44.399,11 euros, - la mise en demeure n° 15-003 du 20 février 2015, reçue le 28 février 2015, pour un montant de 23.202,26 euros ; que toutefois la motivation des mises en demeure adressées au cotisant ne dispense pas l'organisme social de motiver la contrainte qu'il décerne ensuite pour le recouvrement des cotisations mentionnées dans les mises en demeure ; que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'à cette fin, il importe qu'elles précisent toutes les deux, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent ; qu'ainsi, la contrainte qui ne comportait pas les mentions suffisantes pour permettre au débiteur de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, le montant des sommes réclamées soit 212.415,69 euros de cotisations, majorations et pénalités ne correspondant pas aux périodes visées à savoir les années 2010, 2011 et 2012, doit être annulée ;
1°) ALORS QUE pour être valide, une contrainte décernée par un organisme de sécurité sociale doit permettre au cotisant d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que remplit cette exigence une contrainte qui, bien qu'ayant une motivation insuffisante ou incomplète, se réfère expressément à la mise en demeure sur laquelle elle est fondée, dont la régularité n'est pas contestée, détaillant précisément pour chacune des périodes les sommes dues au titre des cotisations et des majorations de retard ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a annulé la contrainte litigieuse aux motifs que celle-ci « ne comportait pas les mentions suffisantes pour permettre au débiteur de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, le montant des sommes réclamées, soit 212.415,69 euros, ne correspondant pas aux périodes visées, à savoir les années 2010, 2011 et 2012 » (arrêt, p. 3 § 5) ; qu'en statuant ainsi, tandis que la contrainte faisait expressément référence aux trois mises en demeure de payer la somme totale de 212.415,69 euros, dont la régularité n'était pas contestée, et qui détaillaient pour chacune des périodes allant du premier trimestre 2010 au troisième trimestre 2014 les sommes dues au titre des majorations et des pénalités de retard, en conséquence de quoi l'ensemble de ces documents permettait à la société Centre d'équitation Soisy Val de Seine de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, la cour d'appel a violé les articles L. 725-3, R. 725-6 et R. 725-8 du code rural et de la pêche maritime, dans leur version applicable au litige ;
2°) ALORS QU' en toute hypothèse, la CMSA soutenait que la contrainte signifiée à la société Centre d'équitation Soisy Val de Seine le 12 juin 2015, d'un montant de 212.415,69 euros, visait expressément les trois mises en demeure notifiées les 18 décembre 2015 et 20 février 2015 ; qu'elle ajoutait que le montant de 212.415,69 euros réclamé par la contrainte correspondait exactement au total des trois mises en demeure notifiées les 18 décembre 2015 et 20 février 2015, lesquelles précisaient au titre de chaque période déterminée allant du premier trimestre 2010 au troisième trimestre 2014 la cause des sommes réclamées et le montant de la créance, avec indication des majorations et des pénalités de retard, en conséquence de quoi la société Centre d'équitation Soisy Val de Seine avait connaissance de la nature, la cause et l'étendue de son obligation (concl., p. 2 et 3 ; jugement, p. 2 § 5) ; qu'en annulant néanmoins la contrainte litigieuse aux motifs que celle-ci « ne comportait pas les mentions suffisantes pour permettre au débiteur de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, le montant des sommes réclamées, soit 212.415,69 euros, ne correspondant pas aux périodes visées, à savoir les années 2010, 2011 et 2012 » (arrêt, p. 3 § 5), sans rechercher, comme elle y était invitée, si les trois mises en demeure auxquelles la contrainte faisait expressément référence détaillaient précisément pour chacune des périodes les sommes dues au titre des cotisations et des majorations de retard, de sorte que l'ensemble de ces documents permettait à la société Centre d'équitation Soisy Val de Seine de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, même si les périodes indiquées sur la contrainte étaient incomplètes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 725-3, R. 725-6 et R. 725-8 du code rural et de la pêche maritime, dans leur version applicable au litige.