LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 juillet 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 680 F-D
Pourvoi n° N 18-26.556
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUILLET 2020
M. H... I..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 18-26.556 contre l'ordonnance rendue le 26 octobre 2018 par le premier président la cour d'appel de Reims, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [...], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
2°/ à Mme G... N..., domiciliée [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. I..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du [...], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée rendue en matière de taxe par le premier président d'une cour d'appel (Reims, 26 octobre 2018), M. I... a contesté le certificat de vérification des dépens établi à la requête de la société [...], qui avait représenté Mme N... dans la procédure de liquidation partage de leurs intérêts patrimoniaux communs, ayant donné lieu à un arrêt ordonnant l'emploi des dépens en frais privilégiés de compte, liquidation et partage.
Examen du moyen
Sur le moyen
Enoncé du moyen
2. M. I... fait grief à l'ordonnance de confirmer la décision du 28 août 2017 du président du tribunal de grande instance de Reims, sauf en ce qu'elle avait dit que la notification du certificat était prématurée et, statuant à nouveau sur ce point, de dire que la notification du certificat de vérification n'était pas prématurée et de fixer à 21 066,85 euros le montant des dépens dus à la société d'avocats [...], alors :
« 1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant tout à la fois relevé la nécessité de la notification du certificat de taxe (ce qui avait pour but de le rendre exécutoire) et constaté qu'ensuite du dispositif de l'arrêt du 10 juin 2016 rendu par la cour d'appel de Reims, aucun des deux ex-époux n'aurait à en régler le montant en l'état, la cour d'appel a entaché son ordonnance d'une contradiction de motifs, en violation des prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que si l'emploi de dépens en frais privilégiés de partage a été ordonnée, la notification du certificat de taxe, qui a pour objet de le rendre exécutoire, est prématurée ; qu'en ayant dit que la notification du certificat de taxe n'était pas prématurée, quand l'arrêt du 10 juin 2016 avait ordonné que les dépens soient employés en frais privilégiés de partage, sans condamner ni M. I..., ni Mme N... à les régler, la cour d'appel a violé les articles 706 et 707 du code de procédure civile ;
3°/ que la notification du certificat de vérification de taxe ne constitue pas un préalable indispensable à la vérification des dépens ; qu'en ayant énoncé le contraire, le magistrat taxateur a violé les articles 706 et 708 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
3. La notification du certificat de vérification des dépens, si elle n'est pas indispensable à la saisine du juge taxateur pour contester ce certificat délivré par le greffier, constitue, pour l'avocat, le préalable indispensable à la fixation du montant des dépens par ce juge en vue de l'obtention d'un titre exécutoire.
4. Après avoir constaté que l'arrêt du 10 juin 2016, confirmant le jugement sur ce point, ordonnait l'emploi des dépens en frais privilégiés de compte, liquidation et partage, permettant ainsi leur paiement sur l'actif à partager entre Mme N... et M. I..., le premier président a retenu à bon droit que conformément à l'article 704, alinéa 2, du code de procédure civile, l'avocat qui entendait recouvrer ces dépens devait au préalable en demander la vérification, celui-ci ne pouvant en poursuivre le recouvrement qu'au vu d'un certificat de vérification ne valant titre exécutoire qu'après notification à la partie adverse ou, en cas de contestation par cette dernière, d'une ordonnance de taxe exécutoire.
5. C'est sans encourir les griefs du moyen, que le premier président a statué comme il l'a fait.
6. Le moyen n'est dès lors pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. I... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. I....
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour M. I...
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée D'AVOIR confirmé l'ordonnance du 28 août 2017 du président du tribunal de grande instance de Reims, sauf en ce qu'elle avait dit que la notification du certificat était prématurée et, statuant à nouveau sur ce point, d'avoir dit que la notification du certificat de vérification n'était pas prématurée et fixé à 21 066,85 € le montant des dépens dus à la société d'avocats [...] ;
AUX MOTIFS QUE la contestation de M. I..., par note du 26 septembre 2017, est motivée puisque ce dernier y explique notamment son désaccord avec l'assiette de calcul du droit proportionnel demandé par la société d'avocats [...]. Cette contestation sera donc déclarée recevable, comme l'intervention de Mme N... dont l'intérêt à agir en son nom propre au sein de la présente instance n'est pas discutable au sens de l'article 554 du code de procédure civile puisque cette dernière, exposée à devoir supporter les dépens de la société d'avocats [...], doit corrélativement pouvoir en contester le montant. En principe, il n'y a pas lieu à intervention dans une procédure de taxe car la note exposant les motifs du recours devant le premier président de la cour d'appel doit être simultanément envoyée à toutes les parties au litige principal comme l'exige l'article 715 du code de procédure civile, ce qui implique nécessairement la présence à l'instance devant ce magistrat de l'ensemble de ces parties, intéressées à la taxe, qui sont alors convoquées dès la saisine du juge taxateur. Mais en l'espèce, la situation est particulière puisque Mme N..., qui avait pour avocat le demandeur à la taxe lorsque celui-ci a fait vérifier les dépens, et qui n'avait donc pas à recevoir notification du certificat de vérification, a changé d'avocat postérieurement au recours de M. I... pour se joindre à la contestation de ce dernier, ce qui ne saurait lui être interdit sauf à la priver de son droit d'accès au juge. L'intervention est donc recevable. La contestation de la taxe n'est toutefois pas fondée.
Le calcul du droit proportionnel, fixé par tranches conformément à l'article 4 du décret n° 60-323 du 2 avril I960 qui concerne les droits et émoluments pour les procédures devant le tribunal de grande instance, était, en sa version alors applicable s'agissant d'une procédure antérieure à l'abrogation du tarif, calculé, sous réserve d'exceptions non réunies au cas d'espèce, sur le total des montants des conclusions tant principales qu'incidentes et reconventionnelles, déduction faite de la partie de ces conclusions qui n'avaient pas été soutenues. L'assiette de calcul du droit querellé réside donc dans le montant des demandes, y compris lorsqu'il s'agit de demandes en partage dès lors que les contestations ayant, en l'espèce, opposé les parties devant le tribunal n'ont pas été de celles prévues à l'article 25 a) du décret. Le droit proportionnel de la société d'avocats [...] a donc été à juste titre calculé, comme l'indique le certificat de vérification, sur les propres demandes en première instance de Mme N..., alors représentée par cet avocat, qui ont donné lieu au jugement du 26 juin 2015. Les demandes pécuniaires qu'elle a formulées à l'époque étaient importantes et relatives à différentes valeurs de l'actif à partager. Ainsi, contrairement à ce que prétend M. I..., il importe peu que les juges qui ont ultérieurement statué sur ces demandes ne les aient pas toutes consacrées ou aient prévu une baisse de mise à prix, la décision des juges ne constituant pas l'assiette de calcul du droit proportionnel. S'il n'est pas contestable, comme le soutient la société d'avocats [...], que l'arrêt précité du 10 juin 2016, partiellement infirmatif, a, comme sa simple lecture permet de s'en convaincre, assorti les dépens de première instance du droit de recouvrement direct, la contestation sur la portée exacte de ce chef de dispositif est sans portée sur le droit à la taxe. En effet, qu'il agisse ultérieurement en recouvrement contre l'adversaire en vertu de l'article 699 du code de procédure civile ou contre le client en vertu des règles du mandat, l'avocat peut au préalable demander, conformément à l'article 704, alinéa 2, du code de procédure civile, la vérification des dépens lorsqu'il entend les recouvrer. Autrement dit, les modalités de recouvrement des dépens importent peu devant le juge taxateur dès lors que la question qu'il doit régler dans l'exercice de son office est différente et a trait au montant exact à fixer des dépens à vérifier. Or, ces dépens existent puisqu'ils sont le produit des demandes en justice devant le tribunal et leur montant doit être liquidé, conformément au décret du 2 avril 1960 précité, en suivant la procédure prévue aux articles 704 et suivants du code de procédure civile de sorte qu'il est indifférent de savoir à ce stade à qui incombe leur charge. L'ordonnance du 28 août 2017 qui a jugé régulier le certificat de vérification des dépens sera en conséquence confirmée. La société d'avocats [...] demande la condamnation solidaire de M. I... et de Mme N..., ou la condamnation de celle-ci seule, au paiement du montant arrêté à juste titre par le greffier à la somme de 21 066,85 euros.
En l'espèce, l'emploi des dépens en frais privilégiés de compte, liquidation et partage, a été ordonné sous cette formulation habituelle par le jugement du 26 juin 2015 non infirmé sur ce point par l'arrêt du 10 juin 2016. Or, cette part, ou cette proportion, ne figure ni dans le jugement du 26 juin 2015 ni dans l'arrêt du 10 juin 2016. Si la compétence du juge taxateur n'est pas limitée à la stricte vérification du montant des frais, émoluments ou honoraires, objet de la taxe, et l'oblige à statuer également sur les autres demandes afférentes au recouvrement des dépens, son office ne saurait toutefois l'amener à trancher, à la place du juge saisi du principal, la question, extérieure aux dépens, de leur charge finale et de leur répartition. Il est dépourvu de ce pouvoir, ce qui ne permettra pas de condamner, dans la présente instance, M. I... et Mme N... au montant arrêté, sans toutefois que la notification du certificat soit, contrairement à ce qu'a jugé l'ordonnance attaquée, prématurée, cette notification ne préjugeant pas de la charge finale des dépens et constituant le préalable indispensable à la fixation par le juge taxateur. La notification du certificat était donc nécessaire. Mais le défaut de pouvoir du juge taxateur s'analysant en une fin de non-recevoir, et non en une exception d'incompétence, ne peut le conduire à désigner la juridiction qui sera amenée à trancher la difficulté ;
1°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant tout à la fois relevé la nécessité de la notification du certificat de taxe (ce qui avait pour but de le rendre exécutoire) et constaté qu'ensuite du dispositif de l'arrêt du 10 juin 2016 rendu par la cour d'appel de Reims, aucun des deux ex-époux n'aurait à en régler le montant en l'état, la cour d'appel a entaché son ordonnance d'une contradiction de motifs, en violation des prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE si l'emploi de dépens en frais privilégiés de partage a été ordonnée, la notification du certificat de taxe, qui a pour objet de le rendre exécutoire, est prématurée ; qu'en ayant dit que la notification du certificat de taxe n'était pas prématurée, quand l'arrêt du 10 juin 2016 avait ordonné que les dépens soient employés en frais privilégiés de partage, sans condamner ni M. I..., ni Mme N... à les régler, la cour d'appel a violé les articles 706 et 707 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE la notification du certificat de vérification de taxe ne constitue pas un préalable indispensable à la vérification des dépens ; qu'en ayant énoncé le contraire, le magistrat taxateur a violé les articles 706 et 708 du code de procédure civile.