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09/07/2020 | FRANCE | N°19-17821

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 juillet 2020, 19-17821


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juillet 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 403 F-D

Pourvoi n° P 19-17.821

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

1°/ M. N... F..., domicilié [...] ,

2°/ la société [...] ,

exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° P 19-17.821 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2019 par l...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juillet 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 403 F-D

Pourvoi n° P 19-17.821

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

1°/ M. N... F..., domicilié [...] ,

2°/ la société [...] , exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° P 19-17.821 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2019 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le litige les opposant :

1°/ à M. Q... X...,

2°/ à Mme A... B..., épouse X...,

domiciliés tous deux [...],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. F... et de la societé [...] , de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. et Mne X..., après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 mars 2019), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 31 octobre 2012, pourvoi n° 11-20.164), par acte du 3 janvier 2006, M. et Mme X..., propriétaires de terres qu'ils exploitaient au sein de l'EARL [...], ont cédé à M. F... la totalité des parts de cette société, qui a pris la dénomination de EARL [...].

2. Par acte du 20 décembre 2006, ils ont consenti un bail rural à M. F..., qui a mis les terres louées à la disposition de l'EARL [...].

3. Par acte du 3 avril 2008, M. F... et l'EARL [...] ont assigné M. et Mme X... en répétition d'une partie du prix de cession et en dommages-intérêts. Un arrêt du 4 février 2016 a ordonné une expertise à l'effet de déterminer la valeur des parts de l'EARL à l'époque du transfert.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. F... et l'EARL [...] font grief à l'arrêt d'écarter des débats le rapport d'expertise déposé le 10 avril 2017, de condamner M. et Mme X... à payer à M. F... la somme de 94 599,50 euros avec intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du 14 octobre 2014 et de rejeter sa demande de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que les irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise étant sanctionnées selon les dispositions de l'article 175 du code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure, le juge n'a pas à examiner la demande tendant à voir écarter des débats le rapport d'expertise rendu à l'issue d'opérations entachées d'irrégularités ; qu'en considérant, pour écarter des débats le rapport du 10 avril 2017, qu'il se prononce sur un point qui ne figure pas dans les chefs de mission de l'expert et que les parties n'ont pas été en mesure de faire valoir leurs observations sur ce rapport, quand de telles irrégularités n'auraient pu être sanctionnées que par la nullité de la mesure, si elle avait été sollicitée et si avait été caractérisée l'existence d'un grief, la cour d'appel a violé l'article 175 du code de procédure civile, ensemble les articles 265 et 276 du même code ;

2°/ que le juge ne peut refuser d'examiner un rapport d'expertise judiciaire qui n'a pas été établi au contradictoire du défendeur, lorsque, régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, il est corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en se fondant, pour écarter des débats le second rapport déposé le 10 avril 2017 par l'expert judiciaire, sur la circonstance que les parties n'avaient pas été en mesure de faire valoir leurs observations dans le cadre des opérations d'expertise, sans rechercher si ce rapport, qui était régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, était corroboré par les éléments versés aux débats par M. F... et l'EARL [...], et en particulier par le compte-rendu Aranor du 28 octobre 2003, ainsi que par l'analyse de M. W..., expert-comptable, du 30 juin 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l'action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 % ; qu'en énonçant que l'action en répétition ne porte que sur la somme que l'exploitant sortant a perçue du nouvel exploitant, quand la somme à prendre en considération pour apprécier la disproportion est la somme totale qui a été versée par le nouvel exploitant au titre de la cession, la cour d'appel a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ;

4°/ qu'en cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l'action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 % ; qu'en se fondant, pour refuser de prendre en considération, dans le calcul de la valeur vénale des parts sociales, l'incidence fiscale de la cession, sur la circonstance que seule la comparaison entre le prix de cession et la valeur vénale des parts sociales permettrait d'établir l'existence d'un excédent de 10 % sujet à répétition, tout en constatant que la fixation du prix de cession desdites parts sociales avait, quant à elle, tenu compte partiellement d'une telle incidence fiscale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime. » Réponse de la Cour

5. En premier lieu, ayant relevé que, dans son rapport déposé le 27 mars 2017, l'expert judiciaire ne s'était pas prononcé sur l'incidence fiscale de la cession des parts sociales, point qui ne figurait pas dans les chefs de sa mission, mais qu'il avait pris l'initiative, sans en aviser les parties, de déposer le 10 avril 2017, après son dessaisissement, un second rapport comprenant un développement sur cette incidence et modifiant certains postes d'éléments de l'actif et ayant retenu que ce rapport complémentaire avait été établi en dehors des règles de l'expertise civile, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a souverainement déduit que celui-ci devait être écarté des débats.

6. En second lieu, ayant retenu exactement qu'à l'égard de l'accipiens l'action en répétition prévue par l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime a pour objet la somme qu'il a indûment perçue de l'exploitant entrant, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que la fixation du prix des parts sociales avait tenu compte de l'incidence fiscale de l'opération, a souverainement apprécié l'excédent justifiant la répétition tel qu'il résultait de la comparaison entre le prix de cession et la valeur vénale des parts sociales.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. F... et l'EARL [...] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. F... et l'EARL [...] et les condamne à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. N... F... et la société [...] .

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté des débats le rapport d'expertise déposé par M. M... le 10 avril 2017, D'AVOIR condamné solidairement les époux X... à payer à M. F... la somme de 94 599,50 euros avec intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du 14 octobre 2014 et D'AVOIR débouté M. F... de sa demande de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 411-74 du code rural dispose que sera puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, soit obtenu ou tenté d'obtenir une remise d'argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci ; que les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition ; qu'elles sont majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux de l'intérêt légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points ; qu'en cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l'action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 % ; que l'action en répétition exercée à l'encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d'exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d'effet du congé ; que, devant la cour d'appel d'Amiens, les parties ne discutent plus qu'ensemble, la cession de la totalité des parts sociales de I'EARL et le bail rural ont entraîné un changement d'exploitant sur les biens immobiliers en formant l'assiette et qui étaient anciennement exploités par les époux X... au travers de I'EARL [...] et qui sont désormais exploités par M. F... qui les a mises à disposition de cette EARL dont la dénomination a été modifiée ; que par ailleurs M. F... a obtenu la conclusion de baux d'une durée de dix-huit ans sur les terres dont les époux X... n'étaient pas propriétaires à l'exception d'une superficie de 6 hectares environ ; qu'en conséquence, cette opération globale aboutissant à un changement d'exploitant, M. F... ayant succédé aux époux X..., les dispositions de l'article L. 411-74 du code rural sont susceptibles de s'appliquer, le succès de l'action en répétition de l'indu poursuivie par M. F... étant conditionné à un prix de cession des parts sociales de I'EARL supérieur de 10 % par rapport au montant de leur valeur vénale ; qu'en cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l'action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 % ; qu'afin d'éclairer la cour sur la valeur vénale des parts sociales cédées par les époux X... à M. F..., une expertise a été ordonnée par l'arrêt avant dire droit du 4 février 2016 ; que l'expert désigné avait comme chef de mission d'apprécier la valeur des parts sociales en fonction de plusieurs méthodes reconnues et notamment en fonction des différents éléments d'actifs de I'EARL cédée et de son passif et en fonction des résultats dégagés par l'exploitation selon une méthode dite de capitalisation ; que le principe de contradiction énoncé à l'article 16 du code de procédure civile irrigue toute la procédure civile et s'applique donc à toutes les phases du procès dont l'expertise civile, mesure d'instruction destinée à éclairer le juge en vue de la solution à apporter au litige ; que l'article 276 du code de procédure civile prévoit que les observations ou réclamations des parties doivent être prises en considération par l'expert ; que cet article en permettant aux parties de faire valoir leur point au cours des opérations d'expertise sur des aspects techniques participe ainsi au respect du principe de contradiction et la réponse apportée par l'expert à ses observations ou réclamations est directement utile à la solution du litige ; qu'en l'espèce, l'expert après avoir adressé aux parties un pré-rapport en date du 7 septembre 2016 a reçu deux notes techniques, l'une en date du 11 octobre 2016 émanant de M. L... expert foncier intervenant pour le compte des époux X... et l'autre en date du 20 octobre 2016 de M. U... , expert agricole et foncier intervenant pour le compte de M. F... et de l'EARL [...] ; que M. U... demandait à l'expert judiciaire de répondre aux différents points évoqués par cette note ; que la page 22 de cette note se référait à un document établi par Aranor, société d'expertise comptable en date du 28 octobre 2003 en vue de la cession qui faisait état d'un manque à gagner pour M. F... de l'ordre de 193 000 euros cumulé sur une durée d'environ 12 ans et il était joint à la note technique de M. U... un extrait du compromis ayant précédé la cession mentionnant que M. F... reconnaît que le prix des parts sociales tient déjà compte de l'incidence fiscale ; que M. M... dans son rapport déposé le 27 mars 2017 au greffe de la cour ne s'étant pas prononcé sur l'incidence fiscale pour M. F... et les époux X... de la cession des parts sociales, étant toutefois relevé que ce point ne figurait pas dans les chefs de mission de l'expert, celui-ci a alors cru utile sans en aviser les parties de déposer le 10 avril 2017 un second rapport comprenant un développement sur l'incidence fiscale et modifiant certains postes d'éléments de l'actif (matériel et installations ; bâtiments) ; que, même si contrairement à ce que soutiennent les époux X..., il n'apparaît pas que M. F... ait demandé à M. M... par un autre truchement que la note technique adressée par M. U... de se prononcer sur l'incidence fiscale de la cession, il n'en demeure pas moins que les parties et plus particulièrement les intimés n'ont pas été en mesure de faire valoir leurs observations dans le cadre de ce second rapport déposé en dehors des règles de l'expertise civile et en méconnaissance du principe de contradiction ; qu'il convient donc d'écarter des débats ce second rapport ; qu'il résulte des termes de l'article L. 411-74 du code rural que l'action en répétition s'exerce uniquement sur la somme versée par le nouvel exploitant en contrepartie des biens immobiliers repris si elle a excédé de plus de 10 % leur valeur vénale ; qu'il se déduit de ce texte qu'à l'égard de l'accipiens, l'action en répétition porte exclusivement sur la somme qu'il a perçue de l'exploitant entrant en contrepartie de cette reprise ; qu'en deçà même du caractère critiquable de ce second rapport, il n'y a pas lieu de tenir compte de l'incidence fiscale pour M. F... de la cession même si à première vue elle lui semble défavorable car elle concerne des sommes qui ne sont pas amenées à être perçues par les époux X... mais par l'administration fiscale quand bien même la fixation du prix de cession des parts sociales ait pu tenir compte partiellement de cette incidence fiscale ; qu'en effet, seule la comparaison entre le prix de cession et la valeur vénale des parts sociales peut établir l'existence d'un éventuel excédent d'au moins 10 % sujet à répétition ; que, pour apprécier la valeur des parts sociales, il a été demandé à l'expert de suivre plusieurs méthodes reconnues par la profession, notamment en fonction des éléments d'actifs de la société cédée et de son passif et en fonction des résultats dégagés par l'exploitation selon une méthode dite de capitalisation ; que, s'agissant de la première méthode en fonction des différents éléments d'actif et de passif cédés, l'expert a retenu au vu de l'état des immobilisations et du bilan à la date du 31 décembre 2005 soit une date contemporaine de la cession à effet au 1er janvier 2006 que figurait parmi les éléments d'actif cédés, le matériel agricole, qu'il s'agisse des tracteurs, du matériel de transport, du matériel du travail du sol, de semis et de traitement, de récolte ainsi que le matériel d'élevage ; que l'expert a estimé ce matériel agricole à la somme de 191 300 euros, montant sur lequel devant la cour n'est émise aucune critique et qui est donc retenu ; que les bâtiments agricoles et les terrains sur lesquels ils sont édifiés qui étaient à la date de la cession, propriété de I'EARL [...] font aussi partie des éléments de l'exploitation cédée ; qu'en réponse au dire adressé par M. U... pour le compte des appelants, l'expert a expliqué avoir évalué le coût des bâtiments en fonction du coût de ces derniers au moment de la vente tout en tenant compte de la vétusté et de leur valeur d'usage à savoir de leur fonctionnalité en vue de leur utilisation ; qu'il relevait que la stabulation des vaches laitières datait de 1998 et la considérait comme fonctionnelle et qu'il en était de même pour la nurserie, la laiterie et la salle de traite ; que cette appréciation qui n'est pas démentie par des éléments techniques est retenue ; que le hangar de stockage de la paille édifié en 1996 est aussi apparu à l'expert comme fonctionnel ; qu'il a tenu compte de l'observation contenue dans la note de M. U... selon laquelle le sol n'était pas bétonné en ramenant l'évaluation figurant au pré-rapport d'un montant de 42 000 euros à la somme de 36 000 euros ; que la stabulation des génisses remontant à 1987 a été évaluée à juste titre à un montant bien moindre que celui des vaches laitières (17 000 euros / 122 000 euros) alors même que le nombre de têtes de génisse est plus important que celui des vaches laitières ; que l'évaluation par l'expert des autres bâtiments dont il relevait le caractère ancien n'est pas contestée ; qu'il en est de même pour son évaluation de la fumière et de la fosse à lisier édifiées toutes deux en 1999 et des silos édifiés en 2000 ; que les investigations menées contradictoirement par l'expert lui ont permis de retenir une valeur des bâtiments d'un montant de 311 500 euros de laquelle il a soustrait la somme de 52 800 euros correspondant au montant des subventions perçues par les époux X... notamment pour les travaux de mise aux normes ; que l'évaluation de l'expert aboutit ainsi à un montant de 258 700 euros ; qu'il en ressort un montant total au titre des bâtiments de 258 700 euros que la cour retient et auquel l'expert a ajouté la valeur du foncier correspondant aux parcelles sur lesquelles sont édifiés les bâtiments et qui représentent une superficie de 1 ha 24 a 78 ca ; que la valeur de l'hectare a été évaluée par l'expert sans encourir de critique à la somme de 15 000 euros ce qui correspond pour la superficie en cause à la somme de 18 717 euros ; que, s'agissant du cheptel propriété de I'EARL [...] faisant donc partie de l'exploitation transmise, l'expert a comptabilisé les têtes de bétail selon leur catégorie (vaches laitières, génisses et taurillons en fonction de leur tranche d'âge) ; que les prix retenus par l'expert ne sont pas discutés, il en ressort une valeur du cheptel de 140 730 euros que l'expert a justement minorée de 10 % afin de tenir compte des affections dont était atteint le cheptel, lesquelles obligeaient à des soins vétérinaires mais sans toutefois de répercussion péjorative sur la production laitière dont l'expert relevait le très bon niveau ; qu'il ressort une valeur du cheptel de 126 657 euros ; que les parts sociales (coopératives) dont I'EARL [...] était propriétaire à la date de cession font aussi partie de l'exploitation transmise ; que la valeur de leur montant cumulé à hauteur de 16 220 euros retenue par l'expert n'est pas discutée est par conséquent adoptée ; qu'il en est de même pour les créances, comptes clients et comptes rattachés ainsi que pour le montant du disponible et qui ont été évalués par l'expert selon leur valeur comptable à la somme de 71 861 euros et dont il n'est pas prétendu qu'il soit inexact ; que, de même, les stocks, aliments et fourrages propriétés de I'EARL [...] font partie de l'exploitation transmise ; que l'expert y a ajouté à juste titre les valeurs en terre correspondant à la valeur des produits ensemencés à la date de la cession et qui seront récoltés par la société et lui profiteront en conséquence sans que le nouvel exploitant n'ait eu à en supporter le coût ; que ce poste ressort à hauteur de la somme de 70 045 euros ; que par contre les fumures et arrières fumures valorisées par l'expert à hauteur de la somme de 88 848 euros qui constituent des améliorations apportées aux sols s'intègrent aux terres cultivables et aux pâtures qui ne faisant pas partie des éléments d'actifs de I'EARL [...], ne sont pas des éléments de l'exploitation cédée ; que, par ailleurs, elles ne sauraient donner lieu à une indemnisation au profit des époux X... qui propriétaires d'une grande partie des sols, les ont donnés à bail à M. F... sous peine de porter atteinte à la prohibition des pas de porte en matière de bail rural ; qu'ils ne sauraient davantage demander une valorisation au titre des fumures et arrières fumures incorporées aux sols qu'ils louaient et qui sont désormais loués à M. F... sous peine de contrevenir directement aux dispositions de l'article L. 411-74 du code rural, ces dernières auraient seulement pu donner lieu à une indemnisation au titre des améliorations à leur profit par leurs anciens bailleurs ; qu'il est toutefois relevé que ni M. F... ni I'EARL [...] au cours des opérations d'expertise n'ont contesté la valorisation de l'état des sols qu'admettait leur expert ; que les aides européennes dénommées au moment de la cession DPU (droit à paiement unique) versées à I'EARL [...] constituent des droits patrimoniaux cessibles ; qu'étant un élément d'actif de cette société, ces DPU font partie de l'exploitation transmise ; qu'à la date de la cession, les DPU représentaient la somme de 35 981 euros au titre des 148 hectares qui ont été donnés à bail à M. F... corrélativement à la cession ; que, si les DPU n'ont pas une valeur pérenne, étant sujet aux modifications de la politique agricole commune qui tend à se rapprocher d'une politique de marché, les appelants ne démentent pas qu'ils ont continué à être versés postérieurement à la cession ; qu'il est ainsi justifié que pour la campagne 2013 / 2014, les DPU perçus par I'EARL [...] se sont élevés à la somme de 65 663,93 et pour la campagne 2014 / 2015 à la somme de 60 975,52 euros ; qu'au vu de ces considérations, il n'apparaît pas que le coefficient de 3 retenu par l'expert appliqué au dernier montant perçu avant la cession est inapproprié ; que ce coefficient adopté par la cour aboutit à une valorisation des DPU à hauteur de la somme de 107 943 euros ; qu'il ressort que les éléments d'actifs de l'exploitation transmise sont constitués : - le matériel et les installations 191 300 euros, - les bâtiments 258 700 euros, - le foncier 18 717 euros, - le cheptel 126 657 euros, - les stocks, fourrage et valeur en terre 70 045 euros, - les créances, postes clients et montant en caisse disponible 71 861 euros, - les parts sociales 16 220 euros, - les DPU 107 943 euros, soit un total de 861 443 euros ; qu'il convient de soustraire à ce montant les dettes de la société cédée ; qu'au vu des éléments comptables fournis à l'expert et dont il n'est pas allégué qu'ils fussent inexacts, les dettes à long et à moyen terme contractées auprès des banques s'élevaient à la somme de 67 769 euros et les autres dettes s'élevaient à la somme de 29 371 euros ; qu'il y a lieu d'ajouter à cette somme la créance d'associés des époux X... en compte courant qui leur a été remboursée comme il en est justifié par M. F... et dont le montant s'élevait à la somme de 82 013 euros ; qu'il ressort selon la première méthode utilisée par l'expert telle qu'elle vient d'être corrigée par la non comptabilisation des fumures et arrières fumures une valeur vénale des parts sociales cédées de 682 290 euros ; que, conformément à sa mission, M. M... a évalué la valeur des parts sociales de la société cédée en utilisant aussi une méthode dite de capitalisation, à savoir en fonction de la capacité de l'exploitation à dégager un revenu ; que l'expert est donc parti de l'excédent brut d'exploitation dégagé au titre des quatre exercices qui ont précédé la cession (01/08/2001 au 31/07/2002, 01/08/2002 au 31/07/2003, 01/08/2003 au 31/07/2004, 01/08/2004 au 31/07/2005) ; que seules les charges sociales afférentes à la qualité d'exploitant de M. X... et Mme B..., épouse X... ayant été déduites du chiffre d'affaires, l'expert a à juste titre retraité l'excédent brut d'exploitation afin de valoriser le travail des deux associés (M. X... et Mme B..., épouse X...) et soustrait la somme de 35 000 euros par an ; qu'il est rappelé que les résultats d'exploitation toujours bénéficiaires ont permis aux époux X... d'effectuer les prélèvements nécessaires à leurs besoins personnels ; que, s'il s'avère que deux emplois à temps plein sont insuffisants au regard des besoins de l'exploitation comme vient l'étayer l'embauche après le décès du fils des intimés de M. F... qui verse aux débats ses fiches de paye, les charges salariales et sociales relatives à cet emploi ayant déjà été déduites comme charges d'exploitation du chiffre d'affaires réalisé, elles ne sauraient l'être une seconde fois ; qu'en conséquence, le retraitement par l'expert de l'excédent brut d'exploitation en le diminuant de la somme de 35 000 euros constitue une valorisation adéquate du travail des deux associés de la société cédée ; qu'après actualisation monétaire, il ressort un excédent brut d'exploitation moyen au titre des quatre exercices précités de 78 821 euros que l'expert a corrigé afin de tenir compte de la diminution de six hectares de l'exploitation par rapport à celle antérieurement mise en valeur par la société cédée, ce qui aboutit à un résultat brut d'exploitation ainsi corrigé à hauteur de 76 421 euros ; que l'expert a appliqué plusieurs coefficients de risques à ce résultat s'agissant du coefficient de risque lié aux moyens de production qui sont des facteurs internes à l'entreprise, l'expert au vu des quotas laitiers dont disposait alors I'EARL et de son cheptel qui permettait de les produire, de son quota betteravier, du caractère fonctionnel des bâtiments d'exploitation qui avaient été mis aux normes et de la bonne productivité des terres conforme aux rendements moyens d'exploitation du département, l'expert a à juste titre considéré qu'il n'y avait pas de retenir un coefficient de risque ; que la conclusion de baux à long terme (18 ans) portant sur une surface de 148 ha permet d'assurer comme le relève l'expert la pérennité de l'exploitation ; qu'il n'a donc pas appliqué de coefficient à ce titre ; que les années qui se sont écoulées depuis la cession n'ont pas démenti cette appréciation qui est donc retenue ; que l'expert a appliqué un coefficient pour risque de 10 % lié aux probabilités d'évolution du marché résultant notamment des modifications à venir de la politique agricole commune s'orientant de plus en plus vers une économie de marché ; que les années postérieures à la cession ne sont pas venues démentir la pertinence de ce coefficient qu'il a lieu d'adopter ; qu'au vu du taux de rentabilité dégagé par les experts du nord de la France pour les années 2005 et 2006 à hauteur de 5 % qu'a retenu M. M... et de la durée de capitalisation de 18 ans habituelle en matière d'agriculture et qui correspond en l'occurrence à celle des baux, appliqué à l'excédent brut d'exploitation corrigé, l'expert a déterminé une valeur de rendement de 804 000 euros ; que cette valeur de rendement qui a été déterminée à partir de données sur lesquelles l'expert s'est expliqué et qui rendent compte de la spécificité de l'exploitation et des usages professionnels reconnus doit être prise en considération ; que l'expert a par ailleurs eu recours à une troisième méthode dénommée méthode de la valeur de l'exploitation agricole (VEA) dernièrement mise au point par les experts agricoles et fonciers du nord de la France et qui mixe à la fois les éléments de l'actif à long terme (769 716 euros) dont il convient de soustraire pour les raisons sus évoquées la valorisation des sols d'un montant de 88 943 euros, ce qui aboutit à la somme 680 773 euros et la méthode dite de capitalisation (804 000 euros), pour en faire la moyenne et ajouter au résultat corrigé obtenu (742 386) la valeur du foncier (18 717 euros) et des éléments de l'actif circulant d'un montant de 161 958 euros, soit une somme totale de 923 061,50 euros pour déduire ensuite le montant des dettes qui s'élèvent à 179 153 euros ; que le résultat ainsi dégagé s'élève à 743 908,50 euros ; que cette méthode élaborée à partir des éléments d'actifs de l'exploitation, de son niveau d'endettement et de ses dettes et de sa rentabilité approche mieux la valeur vénale des parts sociales ; que par contre le résultat obtenu par cette dernière méthode ne saurait une nouvelle fois comme l'a fait l'expert être mixé avec la première méthode sous peine d'édulcorer les critères de rentabilité ; qu'il est donc retenu que la valeur vénale des parts sociales cédées s'élève à 743 908,50 euros ; qu'il résulte une différence de 94 599,50 euros entre 838 508 euros montant du prix payé par M. F... et 743 908,50 euros montant de la valeur vénale ; que la somme de 94 599,50 euros représente 12,71 % du montant de la valeur vénale (94 599,50 / 743 908,50 x 100) ; qu'elle dépasse de façon suffisamment significative les 10 % de celle-ci, critère retenu par l'article L. 411-74 du code rural pour ouvrir droit à l'action en répétition pour retirer tout doute quant à la réalité de ce dépassement ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à l'action en répétition et de condamner les époux X... solidairement à payer à M. F... la somme de 94 599,50 euros ; que cette somme produira intérêt au taux légal majoré de trois points à compter du 14 octobre 2014, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, les intérêts étant capitalisés à compter du 4 octobre 2017, première demande qui a été faite ;

ALORS, 1°), QUE les irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise étant sanctionnées selon les dispositions de l'article 175 du code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure, le juge n'a pas à examiner la demande tendant à voir écarter des débats le rapport d'expertise rendu à l'issue d'opérations entachées d'irrégularités ; qu'en considérant, pour écarter des débats le rapport du 10 avril 2017, qu'il se prononce sur un point qui ne figure pas dans les chefs de mission de l'expert et que les parties n'ont pas été en mesure de faire valoir leurs observations sur ce rapport, quand de telles irrégularités n'auraient pu être sanctionnées que par la nullité de la mesure, si elle avait été sollicitée et si avait été caractérisée l'existence d'un grief, la cour d'appel a violé l'article 175 du code de procédure civile, ensemble les articles 265 et 276 du même code ;

ALORS, 2°), QUE le juge ne peut refuser d'examiner un rapport d'expertise judiciaire qui n'a pas été établi au contradictoire du défendeur, lorsque, régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, il est corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en se fondant, pour écarter des débats le second rapport déposé le 10 avril 2017 par l'expert judiciaire, sur la circonstance que les parties n'avaient pas été en mesure de faire valoir leurs observations dans le cadre des opérations d'expertise, sans rechercher si ce rapport, qui était régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, était corroboré par les éléments versés aux débats par M. F... et l'EARL [...], et en particulier par le compte-rendu Aranor du 28 octobre 2003, ainsi que par l'analyse de M. [...], expert-comptable, du 30 juin 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS, 3°), QU'en cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l'action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 % ; qu'en énonçant que l'action en répétition ne porte que sur la somme que l'exploitant sortant a perçue du nouvel exploitant, quand la somme à prendre en considération pour apprécier la disproportion est la somme totale qui a été versée par le nouvel exploitant au titre de la cession, la cour d'appel a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ;

ALORS, 4°), QU'en cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l'action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 % ; qu'en se fondant, pour refuser de prendre en considération, dans le calcul de la valeur vénale des parts sociales, l'incidence fiscale de la cession, sur la circonstance que seule la comparaison entre le prix de cession et la valeur vénale des parts sociales permettrait d'établir l'existence d'un excédent de 10 % sujet à répétition, tout en constatant que la fixation du prix de cession desdites parts sociales avait, quant à elle, tenu compte partiellement d'une telle incidence fiscale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-17821
Date de la décision : 09/07/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 19 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 jui. 2020, pourvoi n°19-17821


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.17821
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