LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 juillet 2020
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 421 F-D
Pourvoi n° B 19-17.465
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020
La société Cabinet Daubourg, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° B 19-17.465 contre le jugement rendu le 21 décembre 2018 par le tribunal d'instance de Paris 17ème, dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] , dont le siège est [...] , représenté par syndic le cabinet Media, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Cabinet Daubourg, de la SCP Zribi et Texier, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] , et après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris, 21 décembre 2018), rendu en dernier ressort, le syndicat des copropriétaires du [...] a assigné son ancien syndic, la société cabinet Daubourg, en remboursement de sommes qu'il estimait que celui-ci lui avait à tort imputées à l'occasion de contentieux l'opposant à des copropriétaires.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. La société cabinet Daubourg fait grief au jugement de la condamner au paiement d'une certaine somme, alors « qu'un syndic de copropriété n'engage sa responsabilité civile envers le syndicat des copropriétaires qu'en raison des fautes qu'il commet dans l'exécution de son mandat ; qu'en l'espèce, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] sollicitait le remboursement de frais exposés selon lui inutilement par son ancien syndic, la société cabinet Daubourg, dans le cadre de deux procédures de recouvrement de charges de copropriété ; que la société cabinet Daubourg faisait valoir qu'elle n'avait commis aucune faute dans l'exécution de son mandat car tous les appels de fonds étaient nécessaires et correspondaient à des dépenses utiles au syndicat, puisque destinées au recouvrement de charges impayées ; qu'en condamnant cependant la société cabinet Daubourg à rembourser au syndicat des copropriétaires la somme de 1 913,90 euros, sans rechercher si cet ancien syndic avait commis une faute dans l'exécution de son mandat, c'est-à-dire en exposant des frais de recouvrement inutiles, ce qui n'était pas le cas, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 1991 et 1992 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1991, alinéa 1er, et 1992, alinéa 1er, du code civil :
3. Aux termes du premier de ces textes, le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution. Aux termes du second, le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion.
4. Pour condamner la société cabinet Daubourg, le jugement retient que, selon l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991, les frais de recouvrement exposés sans titre exécutoire ou sans ordre de la loi restent à la charge du créancier, toute stipulation contraire étant réputée non écrite, et que, par dérogation, l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que sont imputables au seul copropriétaire concerné les frais exposés par le syndicat à compter de la mise en demeure pour le recouvrement d'une créance justifiée, ce qui est le cas en l'espèce, du fait du contentieux avec la succession E.... Il ajoute que n'entrent, cependant, pas dans cette catégorie, notamment : les frais de relance multiples, les honoraires de contentieux du syndic, de constitution ou de transmission du dossier aux auxiliaires de justice, les frais d'huissier inutiles, les intérêts de retard hors décision de justice, les frais d'assignation en justice qui feront l'objet des dépens de l'instance, les frais d'avocat qui seront arbitrés dans le cadre de l'article 700 du code de procédure civile et que la société cabinet Daubourg, qui a imputé au syndicat des copropriétaires des frais relatifs au contentieux de la succession "E..." et au contentieux opposant le syndicat à M. D...-M..., sera tenue de les rembourser.
5. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi ces frais ne devaient pas demeurer à la charge du créancier et sans rechercher si la société cabinet Daubourg avait commis une faute en exposant les frais de recouvrement qui ne pouvaient être imputés aux héritiers de Mme E... et à M. D...-M..., le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 21 décembre 2018, entre les parties, par le tribunal d'instance de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] et le condamne à payer à la société cabinet Daubourg la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Cabinet Daubourg
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'avoir condamné la société cabinet Daubourg à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] la somme de 1.913,90 euros ;
AUX MOTIFS QUE le syndicat présente une note de frais de 149,36 euros de remise de dossier au contentieux, une facture de M. I... de 954,40 euros et des factures de " suivi de contentieux " pour une somme de 339,64 euros, l'imputation de ces frais n'étant pas contestés ; que selon l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991, les frais de recouvrement exposés sans titre exécutoire ou sans ordre de la loi restent à la charge du créancier, toute stipulation contraire étant réputée non écrite ; que par dérogation, l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 (issu de la loi du 13 juillet 2006) prévoient que sont imputables au seul copropriétaire concerné les frais exposés par le syndicat à compter de la mise en demeure pour le recouvrement d'une créance justifiée, ce qui est le cas en l'espèce, du fait du contentieux avec la succession E... ; que n'entrent, cependant, pas dans cette catégorie, notamment : les frais de relance multiples, les honoraires de contentieux du syndic, de constitution ou de transmission du dossier aux auxiliaires de justice, les frais d'huissier inutiles, les intérêts de retard hors décision de justice, les frais d'assignation en justice qui feront l'objet des dépens de l'instance, les frais d'avocat qui seront arbitrés dans le cadre de l'article 700 du code de procédure civile ; que de ce fait, la société cabinet Daubourg a imputé des frais relatifs au contentieux de la succession " E... " et sera tenu de les rembourser à hauteur de la somme réclamée de 1443,40 euros ; que la somme de 169,82 euros, non contestée, dans l'affaire D...-M... fera également l'objet d'un remboursement sur le même fondement ; qu'il procédera également au remboursement de la somme de 300,68 euros correspondant aux dépens, aux intérêts et frais d'huissiers, tel que cela ressort des pièces présentées au dossier ;
1°) ALORS QU' un syndic de copropriété n'engage sa responsabilité civile envers le syndicat des copropriétaires qu'en raison des fautes qu'il commet dans l'exécution de son mandat ; qu'en l'espèce, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] sollicitait le remboursement de frais exposés selon lui inutilement par son ancien syndic, la société cabinet Daubourg, dans le cadre de deux procédures de recouvrement de charges de copropriété ; que la société cabinet Daubourg faisait valoir qu'elle n'avait commis aucune faute dans l'exécution de son mandat car tous les appels de fonds étaient nécessaires et correspondaient à des dépenses utiles au syndicat, puisque destinés au recouvrement de charges impayées ; qu'en condamnant cependant la société cabinet Daubourg à rembourser au syndicat des copropriétaires la somme de 1.913,90 €, sans rechercher si cet ancien syndic avait commis une faute dans l'exécution de son mandat, c'est-à-dire en exposant des frais de recouvrement inutiles, ce qui n'était pas le cas, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 1991 et 1992 du code civil ;
2°) ALORS QU' un syndicat de copropriétaires ayant avancé des frais de recouvrement de charges de copropriété peut ultérieurement en solliciter le remboursement au copropriétaire débiteur concerné, dès lors que l'engagement de ces frais était nécessaire ; qu'en l'espèce, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] sollicitait de la société cabinet Daubourg le remboursement de la somme de 1.913,90 €, correspondant selon lui à des frais de recouvrement exposés inutilement par son ancien syndic ; qu'en accueillant cette demande indemnitaire aux motifs inopérants « que sont imputables au seul copropriétaire concerné les frais exposés par le syndicat à compter de la mise en demeure pour le recouvrement d'une créance justifiée », tandis que la société cabinet Daubourg avait émis des appels de fonds nécessaires à la mise en oeuvre des procédures de recouvrement de charges impayées par la succession E... et M. D...-M..., dont le syndicat pouvait solliciter le remboursement à ces deux copropriétaires débiteurs, le tribunal a violé l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 et les articles 1991 et 1992 du code civil.