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09/07/2020 | FRANCE | N°19-14892

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 juillet 2020, 19-14892


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juillet 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 441 F-D

Pourvoi n° E 19-14.892

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

1°/ M. Q... M..., domicilié [...] ,

2°/ M. F... M..., domicil

ié [...] ,

ont formé le pourvoi n° E 19-14.892 contre l'arrêt rendu le 25 avril 2018 par la cour d'appel de [...] (1re chambre), dans le litige les op...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juillet 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 441 F-D

Pourvoi n° E 19-14.892

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

1°/ M. Q... M..., domicilié [...] ,

2°/ M. F... M..., domicilié [...] ,

ont formé le pourvoi n° E 19-14.892 contre l'arrêt rendu le 25 avril 2018 par la cour d'appel de [...] (1re chambre), dans le litige les opposant à M. A... P..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de MM. Q... et F... M..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. P..., après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ([...], 25 avril 2018), par acte du 3 juin 1993, M. P... a acquis un ensemble immobilier vendu par les consorts M... W... . L'acte de vente révèle que M. et Mme M... avaient eux-mêmes acquis, par acte du 15 mai 1972, les parcelles [...] , [...] et [...] , ainsi que les parcelles [...] et [...] à [...] ultérieurement données à leur fils en 1984, de M. C..., tandis qu'ils avaient acquis les autres parcelles [...] , [...] , [...] et [...] par voie d'adjudication sur surenchère du 30 juin 1977 à l'issue d'une saisie pratiquée au préjudice de K... et Y... M..., décédés les 28 août 2004 et 4 janvier 2008, parents de MM. Q... et F... M....

2. Ceux-ci se sont aperçus, à l'occasion d'une opération de remembrement, qu'une parcelle [...], désormais cadastrée [...] , n'avait pas été portée au compte des consorts M... W... lors de la vente sur adjudication de 1977, de sorte qu'elle n'avait pas été incluse en 1993 dans le titre de propriété de M. P....

3. Par acte du 5 novembre 2011, MM. Q... et F... M... ont assigné M. P... en revendication de cette parcelle et en libération de son accès.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. MM. M... reprochent à l'arrêt de dire que la parcelle [...] est devenue propriété exclusive de M. P... par l'effet de la prescription acquisitive trentenaire, alors « que l'acquéreur ne peut joindre à sa possession celle de son vendeur qu'à la condition que le bien, objet de la possession, ait été compris dans la vente ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que la parcelle autrefois cadastrée [...] et désormais cadastrée [...] , n'a pas été comprise dans l'acte de vente du 3 juin 1993 ; qu'au reste, l'arrêt énonce : « A... P... ne possède donc pas de titre de propriété sur la parcelle revendiquée puisque la parcelle cadastrée [...] n'y figure pas » ; qu'ainsi, la parcelle litigieuse n'est pas comprise dans la vente consentie à M. P... ; que celui-ci ne pouvait invoquer la possession de M. B... M..., de Mme I... W... et de M. S... M..., ses auteurs ; que l'arrêt a été rendu en violation de l'article 2265 nouveau du code civil. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a relevé que la parcelle revendiquée par MM. Q... et F... M... ne figurait pas sur le titre de M. P... et, sans être tenue de s'arrêter au constat d'une absence de mention formelle sur l'acte, que, proche de l'habitation, elle se situait à l'intérieur de l'enceinte de la propriété d'un seul tenant, délimitée par un mur ancien, acquise autrefois par les époux M... W... , vendeurs, lesquels s'étaient présentés à leur acquéreur comme propriétaires du tout.

6. Elle a pu déduire de l'ensemble des circonstances que l'intention des parties d'inclure la parcelle dans la vente était établie et que la possession de M. P..., jointe à celle de ses auteurs, avait été utile pour prescrire par possession trentenaire.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. Q... et F... M... aux dépen ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. Q... et F... M... et les condamne à payer à M. P... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour MM. Q... et F... M...

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QUE, confirmant le jugement par substitution de motif, il a décidé que la parcelle [...] , située commune de [...] anciennement cadastrée [...] , était devenue la propriété exclusive de M. A... P... par l'effet de la prescription acquisitive trentenaire ;

AUX MOTIFS QU' « A... P... a acquis par acte notarié du 03 juin 1993 reçu par Me J..., notaire à [...], un ensemble immobilier cadastré sur la commune de [...] composé des parcelles ([...] , [...] , [...] , [...] , A [...], [...] , [...] , [...] , A [...], A [...], A [...] et [...] ) à lui vendus pour partie par les époux communs en biens B... M... et I... W... et pour partie par leur fils S... M... qui les tenait d'eux par voie de donation du 04 février 1984. L'acte de vente révèle que toutes ces parcelles avaient auparavant été acquises pour les époux B... M... et I... W... et qu'elles avaient deux origines de propriété antérieures différentes : -les parcelles [...], [...], [...] dont ils sont restés propriétaires, ainsi que les parcelles ultérieurement données à leur fils en 1984, avaient été acquises par eux de V... G... C... selon acte du 15 mai 1972 reçu par Me X... notaire à [...], ultérieurement publié le 01 juin 1[...]72 volume [...] n° 9, les autres parcelles [...], [...], [...] et [...], ont été acquises par eux par voie d'adjudication sur surenchères du 30 juin 1977 à l'issue d'une saisie pratiquée au préjudice de K... M... et Y... N..., la mutation étant publiée le 02 novembre 1978 volume [...] n° [...]. Le tableau ci-dessous résume ces origines de propriété :

Section
Numéro
Surface
Lieu-dit
Origines propriété
avant 1984
Date

B
159
1745
Marquebat
M... N...
Adjudication 30/06/77

B
160
1745
Marquebat
C...
Vente 28/04/72

A
514
315
Village
C...
Vente 28/04/72

A
515
22
Village
C...
Vente 28/04/72

A
518
150
Village
C...
Vente 28/04/72

A
519
22
Village
C...
Vente 28/04/72

A
520
116
Village
M... N...
Adjudication 30/06/77

A
521
1010
Village
C...
Vente 28/04/72

A
522
65
Village
C...
Vente 28/04/72

A
523
65
Village
M... N...
Adjudication 30/06/77

A
[...]
173
Village
M... N...
Adjudication 30/06/77

A
525
157
Village
Non mentionné

Total

5585

Q... M... et B... M... ne sont pas des héritiers des vendeurs ; ils sont les enfants de K... M... et Y... N..., dont les droits immobiliers ont été saisis par leurs créanciers et acquis par voie de surenchère par l'autre branche de la famille en 1977. Leurs parents sont décédés le 28 août 2004 et le 04 janvier 2008 ; que l'acte de vente ne porte pas mention de la parcelle cadastrée [...] , d'une superficie de 03 a 15 ca, qui est aujourd'hui revendiquée par Q... et B... M... sur la base du titre d'acquisition de leurs parents du 26 avril 1958 reçu par Me E... X... publié le 11 juin 1958 volume 2784 n° 51. Cette parcelle a été renumérotée en 2010/2011 sous la référence B 83 pour 03 a 07 ca ; c'est à l'occasion des opérations administratives de remembrement ayant conduit à cette nouvelle numérotation qu'ils se sont aperçus que la parcelle n'avait pas été portée administrativement portée au compte des consorts M... W... avec la conséquence que cette parcelle n'a pas été incluse dans le titre de propriété d'A... P... ; c'est ainsi qu'ils ont pu faire valoir leur qualité d'héritiers de leurs parents décédés pour faire établir une attestation notariée par Me R..., notaire à [...], le 15 mars 2011, reprise le 19 janvier 2012 avec la nouvelle référence cadastrale ; la preuve de la publication de cette attestation n'est pas rapportée, mais il est certain que l'acte d'A... P... ne constitue pas un obstacle à cette publication puisqu'il ne porte aucune trace de l'acquisition de la parcelle [...] de sorte qu'aucun effet relatif tiré de son acte d'acquisition n'est susceptible de s'opposer à cette publication (l'assignation semble ne pas avoir été publiée faute d'acte à contredire) ; qu'A... P... ne possède donc pas de juste titre de propriété sur la parcelle revendiquée puisque la parcelle cadastrée [...] n'y figure pas. Q... et F... M... prouvent en revanche par le titre de leur parents, leur droit de propriété sur cette parcelle ; que ce droit de propriété ne se perd pas par le non-usage mais peut se perdre à raison d'une possession trentenaire contraire à titre de propriétaire. A... P... doit donc prouver une possession utile continue et non équivoque depuis plus de 30 ans à la date de l'assignation en revendication ; la possession utile de ses auteurs s'ajoute à la sienne qui avait déjà atteint 22 ans lors de l'assignation interruptive de prescription ; la bonne ou la mauvaise foi de celui qui est entré en possession est indifférente pour la validité possession trentenaire contrairement à ce aux règles applicables en matière de prescription abrégée. En rappelant dans ses conclusions que ses auteurs possédaient à titre de propriétaires depuis 1977, A... P... se prévaut bien de la prescription acquisitive trentenaire et pas seulement d'une prescription plus courte. Cette possession a été utile publique et à usage de propriétaire exclusif puisque la parcelle litigieuse se situe à l'intérieur du mur d'enceinte de la propriété d'un seul tenant qu'ils ont acquise, situation qui est reconnue par les parties et emporte par conséquent preuve du caractère non équivoque de la possession ; la parcelle [...] devenue [...] fait en effet partie d'un ensemble d'un seul tenant situé derrière une clôture en dur ceinturant les parcelles portées dans l'acte d'acquisition ; les époux M... W... , vendeurs, se présentaient comme propriétaires du tout, en ce compris la superficie de la parcelle [...] qui se trouvaient à l'intérieur de l'espace clôturé ; les parties à la vente et l'acquéreur n'ont pas prêté attention à la surface de 315 mètre carrés ; on ignore pourquoi cette parcelle isolée a pu ne pas figurer dans la saisie immobilière à l'issue de laquelle le époux M... W... se sont portés adjudicataires des biens des époux M... N... qui, après la saisie et de leur vivant, n'ont rien entrepris pour revendiquer une parcelle dont ils connaissaient nécessairement la situation à défaut d'avoir prêté attention à son absence dans la liste des parcelles saisies à leur préjudice. L'action en revendication a été introduite par assignation du 05 novembre 2012, c'est-à-dire moins de trente ans avant l'acquisition du bien par A... P... ; ce dernier n'est pas propriétaire depuis plus de trente ans mais comme tout possesseur, il reste fondé à ajouter à sa propre possession la possession utile de ses auteurs et c'est bien ce qu'il fait en l'espèce en indiquant que la propriété lui a été vendue comme étant un ensemble d'un seul tenant, occupée depuis 1977 par les époux M... W... ; que ces derniers ne sont pas titrés sur la parcelle mais le fait de leur possession est avéré depuis la saisie immobilière qui, pour une raison que l'on ignore, n'a pas porté sur cette parcelle. A... P... prouve donc que, dans les péripéties de la famille K... M..., le suivi de la propriété de la parcelle [...] , devenue [...] a été occupée par ses vendeurs à titre de propriétaires, à tout le moins depuis les actes d'acquisitions de 1972 et 1977 depuis lesquels les époux B... M... et I... W... sont titrés. Il rapporte donc la preuve d'une possession utile par lui-même comme par ses auteurs sur la parcelle [...] ; cela fait de lui désormais le véritable propriétaire de ce bien actuellement référencé [...] ; cette possession contredit le titre d'acquisition des parents de F... M... et de B... M..., et commande de mettre à néant les attestations immobilières dressés par eux en 2011 et 2012, ainsi que leurs éventuelles publications au fichier immobilier, pour peu qu'elles soient intervenues » ;

ALORS QUE l'acquéreur ne peut joindre à sa possession celle de son vendeur qu'à une condition : que le bien, objet de la possession, ait été compris dans la vente ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que la parcelle autrefois cadastrée [...] et désormais cadastrée [...] , n'a pas été comprise dans l'acte de vente du 3 juin 1993 conclu entre M. B... M..., Mme I... W... et M. S... M... d'une part, et M. A... P..., d'autre part (arrêt, p. 3, avant-der. al., puis p. 4, al. 3) ; qu'au reste, l'arrêt énonce : « A... P... ne possède donc pas de titre de propriété sur la parcelle revendiquée puisque la parcelle cadastrée [...] n'y figure pas » (p. 4, avant-der. al.) ; qu'ainsi, la parcelle litigieuse n'est pas comprise dans la vente consentie à M. A... P... ; que celui-ci ne pouvait invoquer la possession de M. B... M..., de Mme I... W... et de M. S... M..., ses auteurs ; que l'arrêt a été rendu en violation de l'article 2265 nouveau [2235 ancien] du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-14892
Date de la décision : 09/07/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 25 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 jui. 2020, pourvoi n°19-14892


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.14892
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