LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 juillet 2020
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 454 F-D
Pourvoi n° T 18-25.181
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020
1°/ la société Château du Lort, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
2°/ la société Château de Goelane, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
ont formé le pourvoi n° T 18-25.181 contre l'arrêt rendu le 4 septembre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Ducoin ingenierie et concepts, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ à Mme H... T..., domiciliée [...] , mandataire judiciaire, prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Ducoin ingenierie et concepts,
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés Château du Lort et Château de Goelane, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Ducoin ingenierie et concepts et de Mme T..., ès qualités, après débats en l'audience publique du 26 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 septembre 2018), à l'occasion d'un projet de construction d'un complexe viti-vinicole, la société Château de Goelane, exploitant un domaine viticole, a sollicité la société Ducoin ingénierie et concepts (la société Ducoin), avec laquelle elle a conclu divers contrats les 17 juillet 2013, 29 janvier 2014 et 13 mai 2014.
2. L'architecte des bâtiments de France a refusé le premier projet déposé le 11 juillet 2014.
3. Le 14 octobre 2014, les parties ont régularisé un contrat portant sur la création de deux bâtiments et, le 24 octobre 2014, la société Château de Goelane a versé une somme de 108 000 euros.
4. La seconde demande de permis de construire, déposée le 16 octobre 2014, a fait l'objet d'un nouveau refus de l'architecte des bâtiments de France, le 4 novembre 2014.
5. M. A..., gérant de la société Château du Lort, a écrit le 14 novembre 2014 à l'architecte des bâtiments de France et le 21 novembre 2014 à la société Ducoin pour les informer qu'il renonçait au projet.
6. La société Château de Goëlane et la société Château du Lort (les sociétés) ont assigné la société Ducoin en remboursement de la somme de 108 000 euros.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Les sociétés font grief à l'arrêt de rejeter leur demande et de les condamner in solidum à payer une somme à la société Ducoin, alors « que la condition suspensive n'est réputée accomplie que si le débiteur qui y est obligé a provoqué, par sa faute, sa défaillance ; qu'en retenant pour juger accomplie la condition suspensive, que le défaut d'obtention d'un permis de construire, érigée en condition, était imputable aux sociétés Château du Lort et Château de Goëlane, bien qu'elle ait elle-même relevé que ces dernières faisaient valoir à bon droit qu'elles n'étaient pas obligées de déposer une troisième demande de permis de construire après le refus des deux premières, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134, devenu 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
8. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
9. Pour rejeter la demande des sociétés, l'arrêt retient que c'était l'abandon brutal du projet par celles-ci qui avait empêché l'accomplissement de la condition relative à l'obtention du permis de construire, laquelle était donc réputée accomplie.
10. En statuant ainsi, tout en retenant que les sociétés faisaient valoir à bon droit qu'elles n'étaient pas obligées de déposer une troisième demande de permis de construire après le refus des deux premiers, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. Les sociétés font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société Ducoin la somme de 500 000 euros, alors « que l'article 3.5.2 des conditions générales prévoit qu'en cas de renonciation du client à l'opération, « le Titulaire percevra dans ces conditions et dès présentation de sa facture, l'intégralité de la rémunération prévue aux conditions particulières pour les
prestations exécutées à la date d'effet de la résiliation, augmentée ou diminuée d'une indemnité égale à 20 % du montant des phases d'exécution supprimées selon que l'initiative de la résiliation provient du client ou du titulaire, le tout sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient être accordés en cas de rupture fautive » ; qu'en retenant que « l'engagement contractuel de payer une indemnité comporte convention dérogatoire à la formalité de la mise en demeure », la cour d'appel a dénaturé les termes du contrat et a violé l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
12. Pour condamner in solidum les sociétés à payer à la société Ducoin la somme de 500 000 euros, l'arrêt retient que l'engagement contractuel de payer une indemnité comporte convention dérogatoire à la formalité de la mise en demeure et que la demande de mise en oeuvre de la clause pénale est recevable.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du contrat, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;
Condamne la société Ducoin ingenierie et concepts aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour les sociétés Château du Lort et Château de Goelane.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les sociétés Château de Goëlane et Château du Lort de leurs demandes et de les AVOIR condamné in solidum à payer à la société Ducoin la somme de 500 000 euros HT ;
AUX MOTIFS QUE les sociétés Château de Goëlane et Château du Lort soutiennent que le contrat du 14 octobre 2014 n'étant que la régularisation d'un accord conclu en réalité en janvier 2014, il n'est jamais entré en vigueur ; que le tribunal ne pouvait considérer que l'abandon du projet était fautif car intervenu un mois après l'accord ; que les intimées allèguent quant à elles que les trois contrats conclus entre juillet 2013 et mai 2014 ont permis d'aboutir au contrat définitif global conclu le 14 octobre 2014 dont l'entrée en vigueur était fixée au 1er octobre 2014, l'engagement en résultant étant irrévocable ; qu'il est constant que les parties ont entamé leurs relations contractuelles en juillet 2013, date à laquelle a été conclu un contrat intitulé « schéma directeur » donnant mission à la société Ducoin d'établir un état des lieux comportant des relevés sur site, la formation d'un cahier des charges et le dimensionnement du projet ainsi que les estimations budgétaires puis les plans de la solution finalement retenue dont l'intimée « garantissait la faisabilité technique et financière et la prise en compte de la faisabilité administrative et réglementaire », le tout moyennant une somme de 6 000 euros HT ; qu'un deuxième contrat « permis de construire » a été signé le 29 janvier 2014, portant sur l'obtention du permis de construire, suivi le 13 mai 2014 d'un avenant réduisant le montant de la rémunération de la société Ducoin en raison de l'intervention d'un architecte ; que la première demande de permis a reçu un avis défavorable le 11 juillet 2014 ; que le contrat « ingénierie au prix maximum garanti » litigieux conclu le 14 octobre 2014 s'inscrit dans la continuité des relations contractuelles décrites supra dont il représente la finalisation ; que cela résulte notamment du paragraphe 4 du contrat (page 20) intitulé « planning », qui mentionne le mois de mai 2014 comme le début de la mise en oeuvre du projet ; que les sociétés Château de Goëlane et Château du Lort ne sauraient soutenir que le contrat (dont les conditions particulières fixaient au 1er octobre 2014 la prise d'effet du contrat) n'est jamais entré en vigueur, alors que la société Château du Lort a réglé le jour même une somme de 108 000 euros à titre d'acompte conformément à l'échéancier figurant en page 23, et que la société Ducoin a quant à elle déposé le 16 octobre 2014 une nouvelle demande de permis de construire, ce qui caractérise de la part des deux parties un commencement d'exécution ; que les sociétés Château de Goëlane et Château du Lort invoquent ensuite, pour dénier tout effet au contrat, la non réalisation de la troisième condition suspensive, consistant dans l'obtention des autorisations légales ou réglementaires qui ont été refusées par deux fois sans qu'aucune faute ne puisse leur être reprochée dans la défaillance de cette condition ; que la société Ducoin, conformément à son engagement contractuel, a déposé la demande de permis de construire le 16 octobre 2014 ; que cette demande a reçu le 4 novembre 2014 un nouvel avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France qui a formulé des recommandations qui ont été immédiatement prises en compte par l'intimée ainsi qu'il ressort du mail adressé à la société CG le 09 novembre 2014, cependant que le projet modifié a reçu un avis favorable de principe de l'ABF le 12 novembre 2014 ; qu'il ressort de ces circonstances que la société Ducoin s'est employée, dès la signature du contrat litigieux, à s'acquitter de ses obligations contractuelles, les appelantes ont dès le 14 novembre 2014 informé l'architecte des bâtiments de France de ce qu'elles renonçaient au projet au profit d'une simple réhabilitation des bâtiments existants, sans en informer ni la société Ducoin ni l'architecte qui n'ont été prévenus que le 21 novembre 2014 ; que même si les appelantes font valoir à bon droit qu'elles n'étaient pas obligées de déposer un troisième projet, ce changement d'orientation radical, un mois après la signature du contrat, dans le cadre d'un projet supposant l'aval de l'administration et présentant des écueils qu'elles ne pouvaient ignorer pour y avoir été confrontées une fois, caractérise un abandon du projet qui n'est imputable qu'aux seules appelantes et ne saurait caractériser un manquement de l'intimée à ses obligations contractuelles ; que les intimées relèvent en outre à juste titre que l'esthétique du projet ne constituait pas une condition essentielle du contrat, que la modification de l'aspect visuel des bâtiments était une éventualité admise des appelantes lors de la signature du contrat le 14 octobre 2014, et que l'engagement de la société Ducoin à « garantir la faisabilité technique et financière du projet retenu » n'emportait pas pour elle engagement de faire valider par l'administration un projet soumis à des contraintes esthétiques et visuelles particulièrement strictes, ce qui a d'ailleurs incité les clientes à modifier le contrat initial pour prévoir l'intervention d'un architecte ; qu'il s'en déduit que c'est bien l'abandon brutal du projet par les appelantes, dont la demande de remboursement de l'acompte formulée par les appelantes « avant remise à plat pour le nouveau projet » ne caractérise pas une proposition sincère de poursuivre les relations, qui a empêché l'accomplissement de la condition relative à l'obtention du permis de construire, laquelle est donc réputée accomplie en application de l'article 1178 du code civil conformément à ce qu'a jugé le tribunal ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE les conditions particulières du contrat « Ingénierie en Prix Maximum Garanti » comporte une date de signature et un programme prévisionnel d'exécution des prestations mais ne comportent pas explicitement de date de début du contrat ; que c'est en conséquence les dispositions prévues aux conditions générales du contrat qui s'appliquent ; que l'article 3.1 des conditions générales du contrat du 14 octobre 2014 stipule que trois conditions sont nécessaires pour que le contrat prenne effet : il n'est pas contesté que les deux premières conditions ont étés réalisées ; que l'architecte des bâtiments de France ayant émis un avis défavorable le 4 novembre 2014, la troisième condition n'est pas remplie à cette date ; que dans son courrier, l'architecte des bâtiments de France formule des recommandations pour adapter le projet ; qu'à la suite de quoi, le 14 novembre 2014, soit dix jours après l'avis de l'administration, la société Château du Lort SC prend la décision de mettre fin aux demandes de permis de construire et écrit à l'architecte des bâtiments de France pour l'en informer ; que dans ce courrier, M. A... affirme que : « Nous assumons pleinement de ne pas avoir su apporter un projet répondant à vos attentes » ; M. A... n'informera l'architecte M. V... E... et la société Ducoin Ingénierie et concepts SARL de sa décision que le 21 novembre 2014 ; M. A... a donc informé directement l'architecte des bâtiments de France de sa décision de renoncer au projet un mois après la signature du contrat, ce qui, pour un projet supposant l'aval de l'administration, est un délai particulièrement court ; que de plus, les sociétés Château de Goëlane SC et Château du Lort SC ne prouvent pas que la responsabilité de la société Ducoin Ingénierie et concepts SARL soit engagée dans le défaut d'obtention du permis de construire ; qu'au contraire, il ressort du dossier que, d'une part, la société Ducoin Ingénierie et concepts SARL a fait diligence dans ses démarches pour répondre aux attentes de son client et que, d'autre part, le refus de l'administration n'était pas définitif ; que l'abandon du projet incombe donc à la société Château du Lort SC ; que le tribunal rappelle que l'article 1178 du code civil dispose que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; que la troisième condition suspensive contractuelle n'ayant donc pas été accomplie à l'initiative des sociétés Château de Goëlane SC et Château du Lort SC débiteurs de l'obligation, la condition contractuelle sera réputée accomplie ; qu'en conséquence, le Tribunal dira que le contrat « Ingénierie en Prix Maximum Garanti » du 14 octobre 2014 signé entre les sociétés Château de Goëlane SC, Château du Lort SC et la société Ducoin Ingénierie et concepts SARL a pris effet ;
ET QUE la première demande de permis de construire a reçu un avis défavorable le 11 juillet 2014 ; que le contrat « Ingénierie en Prix Maximum Garanti » a été signé le 14 octobre 2014, soit postérieurement au refus de la première demande ; que la seconde demande de permis de construire a été introduite le 16 octobre 2014, il n'est pas contesté que le projet objet de cette seconde demande de permis de construire correspond au projet prévu au contrat « Ingénierie en Prix Maximum Garanti » du 4 octobre 2014 ; que l'architecte des bâtiments de France a formulé son avis défavorable sur ce second projet le 4 novembre 2014 ; que la société Château du Lort SC formulait son abandon du projet à l'architecte des bâtiments de France le 14 novembre 2014 ; que les modifications proposées le 18 décembre par la société Ducoin Ingénierie et concepts SARL pour le troisième projet sont donc postérieures à la décision de la société Château du Lort SC de réorienter l'étude vers un nouveau projet ; que la société Ducoin Ingénierie et concepts SARL n'avait donc pas à proposer d'avenant au contrat du 14 octobre 2014, le projet déposé correspondant à celui arrêté dans ledit contrat ; qu'en conséquence, le tribunal dira que la société Ducoin Ingénierie et concepts SARL a respecté ses obligations contractuelles en matière de modification conventionnelle de la mission et déboutera les sociétés Château de Goëlane SC et Château du Lort SC du chef de cette demande ;
1°) ALORS QUE la condition suspensive n'est réputée accomplie que si le débiteur qui y est obligé a provoqué, par sa faute, sa défaillance ; qu'en retenant pour juger accomplie la condition suspensive, que le défaut d'obtention d'un permis de construire, érigée en condition, était imputable aux sociétés Château du Lort et Château de Goëlane, bien qu'elle ait elle-même relevé que ces dernières faisaient valoir à bon droit qu'elles n'étaient pas obligées de déposer une troisième demande de permis de construire après le refus des deux premières, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134, devenu 1103 du code civil ;
2°) ALORS QUE le juge doit faire application de toutes les stipulations du contrat ; qu'en retenant, pour imputer à faute aux sociétés Château du Lort et Château de Goëlane de ne pas avoir déposé une troisième demande de permis de construire intégrant les préconisations de l'architecte des bâtiments de France, que « l'esthétique du projet ne constituait pas une condition essentielle du contrat [et] que la modification de l'aspect visuel des bâtiments était une éventualité admise des appelantes lors de la signature du contrat le 14 octobre 2014 » (arrêt, p. 9, al. 2), cependant que les exposantes étaient, ainsi qu'elles le faisaient valoir, fondées à refuser de solliciter un permis de construire portant sur un projet différent de celui qui avait été contractuellement défini, la cour d'appel, qui ne pouvait écarter les stipulations du contrat définissant le projet devant être réalisé, au motif qu'elles n'auraient pas été essentielles, a violé l'article 1134, devenu 1103 du code civil ;
3°) ALORS QUE le juge doit faire application de toutes les stipulations du contrat ; qu'en retenant, pour imputer à faute aux sociétés Château du Lort et Château de Goëlane de ne pas avoir déposé une troisième demande de permis de construire intégrant les préconisations de l'architecte des bâtiments de France, que « l'esthétique du projet ne constituait pas une condition essentielle du contrat [et] que la modification de l'aspect visuel des bâtiments était une éventualité admise des appelantes lors de la signature du contrat le 14 octobre 2014 » (arrêt, p. 9, al. 2), sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce troisième projet correspondait aux attentes des exposantes qui faisaient valoir que seul le premier projet répondait à leurs exigences « en termes d'intégration dans l'environnement, en termes de capacité de stockage, d'agencement et autres critères répondant à l'exercice de la profession de viticulteur » (conclusions, p. 9, al. 4), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné in solidum les sociétés Château de Goëlane et Château du Lort à payer à la société Ducoin la somme de 500 000 euros HT ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 3.5.2 des conditions générales du contrat, le client comme le titulaire peut renoncer à l'opération à tout moment et résilier le contrat ; que la renonciation est faite par lettre recommandée avec accusé de réception et prend effet à l'expiration de la phase de contrat commencée ou, lorsque le contrat n'est pas scindé en phases identifiables, à l'expiration du délai d'un mois suivant la réception de la notification de la résiliation ; que le titulaire percevra (...) l'intégralité de la rémunération prévue aux conditions particulières pour les prestations exécutées à la date d'effet de la résiliation, augmentée ou diminuée d'une indemnité égale à 20 % du montant des phases d'exécution supprimées selon que l'initiative de la résiliation provient du client ou du titulaire, le tout sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient être accordés en cas de rupture fautive ; qu'en application de cette clause, le tribunal a alloué à la société Ducoin une indemnité de 163 000 euros représentant 20 % de la partie fixe forfaitisée correspondant à l'ingénierie du projet dont elle a été privée (905 000 — 90 000 euros, soit 815 000 euros HT), en relevant que la partie variable n'était pas destinée au calcul de la rémunération des prestations de la société Ducoin mais des autres intervenants à la construction de sorte qu'elle ne pouvait servir de base au calcul de l'indemnisation ; que l'intimée conteste cette estimation en alléguant qu'elle résulte d'une interprétation erronée du contrat ; qu'elle est fondée à obtenir l'indemnisation intégrale du préjudice qu'elle subit du fait de cette rupture injustifiée et que le tribunal a sous-estimée ; que son préjudice ne saurait être inférieur à la somme de 815 000,00 euros HT ; que les appelantes s'opposent à la demande en soutenant son irrecevabilité faute de mise en demeure préalable, son mal-fondé en l'absence de toute faute de leur part, et subsidiairement son caractère manifestement excessif justifiant sa réduction à la somme de 108 000 euros ; que l'engagement contractuel de payer une indemnité comporte convention dérogatoire à la formalité de la mise en demeure ; que la demande de mise en oeuvre de la clause pénale n'est donc pas irrecevable ; que la faute des appelantes étant établie, elle n'est pas non plus mal fondée ; que sur son montant, c'est à bon droit que l'intimée soutient que le tribunal, en ne se basant que sur la partie fixe forfaitisée correspondant à ses propres prestations, a procédé à une interprétation qui ne respecte pas la lettre de la clause, laquelle n'introduit aucune distinction entre la partie fixe et la partie variable puisqu'elle évoque le « montant des phases d'exécution supprimées », ce qui aboutit à une indemnité de 1 262 000 euros que le juge peut cependant, même d'office, en application de l'article 1152 du code civil, modérer ou augmenter si elle est manifestement excessive ou dérisoire ; que le montant de l'indemnité revêt ici un caractère manifestement excessif en ce qu'il revient à accorder à l'intimée une somme d'un montant supérieur à celui de la rémunération qu'elle aurait perçue si elle avait mené le projet à son terme ; qu'il y a lieu en conséquence de la réduire ; que compte tenu du préjudice dont l'intimée justifie, qui fait valoir à bon droit qu'elle a affecté ses collaborateurs à ce projet pendant 18 mois, que compte tenu de l'importance du projet, elle a dû refuser d'autres marchés, que cet investissement « à fonds perdus » a participé à sa situation d'impécuniosité, il y a lieu de lui allouer une somme de 500 000 euros en indemnisation ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE le contrat stipule en son article 3.5.2 des conditions générales : Renonciation à l'opération : « Le titulaire percevra dans ces conditions et dès présentation de sa facture, l'intégralité de la rémunération prévue aux conditions particulières pour les prestations exécutées à la date d'effet de la résiliation, augmentée ou diminuée d'une indemnité égale à 20 % des phases d'exécution supprimées selon que la résiliation découle du fait du client ou du fait du titulaire, le tout sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient être accordés en cas de rupture fautive » ; que les sociétés Château de Goëlane SC et Château du Lort SC ayant renoncé de leur propre chef à l'opération prévue au contrat, la Société Ducoin Ingénierie et concepts SARL ayant respecté ses obligations contractuelles, elles devront indemniser cette dernière sur la base dudit article ;
ALORS QUE l'article 3.5.2 des conditions générales prévoit qu'en cas de renonciation du client à l'opération, « le Titulaire percevra dans ces conditions et dès présentation de sa facture, l'intégralité de la rémunération prévue aux conditions particulières pour les prestations exécutées à la date d'effet de la résiliation, augmentée ou diminuée d'une indemnité égale à 20 % du montant des phases d'exécution supprimées selon que l'initiative de la résiliation provient du client ou du titulaire, le tout sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient être accordés en cas de rupture fautive » ; qu'en retenant que « l'engagement contractuel de payer une indemnité comporte convention dérogatoire à la formalité de la mise en demeure » (arrêt, p. 11, al. 4), la cour d'appel a dénaturé les termes du contrat et a violé l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016.