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08/07/2020 | FRANCE | N°19-14167

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 juillet 2020, 19-14167


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 572 F-D

Pourvoi n° S 19-14.167

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020

1°/ M. LK... X..., domicilié [.

..] ,

2°/ M. D... C..., domicilié [...] ,

3°/ M. B... M..., domicilié [...] ,

4°/ M. V... N..., domicilié [...] ,

5°/ M. IN... MX... , dom...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 572 F-D

Pourvoi n° S 19-14.167

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020

1°/ M. LK... X..., domicilié [...] ,

2°/ M. D... C..., domicilié [...] ,

3°/ M. B... M..., domicilié [...] ,

4°/ M. V... N..., domicilié [...] ,

5°/ M. IN... MX... , domicilié [...] ,

6°/ M. W... J..., domicilié [...] ,

7°/ M. U... Y..., domicilié [...] ,

8°/ M. K... R..., domicilié [...] ,

9°/ M. R... Q..., domicilié [...] ,

10°/ M. R... A..., domicilié [...] ,

11°/ M. S... T..., domicilié [...] ,

12°/ M. L... I..., domicilié [...] ,

13°/ M. G... H..., domicilié [...] ,

14°/ M. W... F..., domicilié [...] ,

15°/ M. P... E..., domicilié [...] ,

16°/ M. HN... JN..., domicilié [...] ,

17°/ M. ZD... WW..., domicilié [...] ,

18°/ M. G... PW..., domicilié [...] ,

19°/ M. D... CK..., domicilié [...] ,

20°/ M. D... BS..., domicilié [...] ,

21°/ M. BH... NM..., domicilié [...] ,

22°/ M. BJ... Z..., domicilié [...] ,

23°/ M. YF... JU..., domicilié [...] ,

24°/ M. M... PB..., domicilié [...] ,

25°/ M. W... BE... , domicilié [...] ,

26°/ M. FQ... W..., domicilié [...] ,

27°/ M. JL... WJ..., domicilié [...] ,

28°/ M. YF... JI..., domicilié [...] ,

29°/ M. JS... MX... , domicilié [...] ,

30°/ M. RG... AC..., domicilié [...] ,

31°/ M. TZ... UX..., domicilié [...] ,

32°/ M. GJ... CL... , domicilié [...] ,

33°/ M. QR... GT..., domicilié [...] ,

34°/ M. U... NR..., domicilié [...] ,

35°/ M. B... XB..., domicilié [...] ,

36°/ M. M... SV..., domicilié [...] ,

37°/ M. MJ... VE..., domicilié [...] ,

38°/ M. L... O..., domicilié [...] ,

39°/ M. LS... DV..., domicilié [...] ,

40°/ M. GF... OV..., domicilié [...] ,

41°/ M. L... UE..., domicilié [...] ,

42°/ M. IN... UZ..., domicilié [...] ,

43°/ M. QW... WK..., domicilié [...] ,

44°/ M. BI... JK..., domicilié [...] ,

45°/ M. LS... II..., domicilié [...] ,

46°/ M. QW... WU..., domicilié [...] ,

47°/ M. IN... LF..., domicilié [...] ,

48°/ M. CM... AO..., domicilié [...] ,

ont formé le pourvoi n° S 19-14.167 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2017 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige les opposant à la société SNCF mobilités, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. X... et de quarante-sept autres salariés, de la SCP Colin-Stoclet, avocat de la société SNCF mobilités, après débats en l'audience publique du 26 mai 2020 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 mars 2017), MM. X..., DV... et quarante-six autres salariés de la société SNCF mobilités aux droits de laquelle vient la société SNCF Voyageurs, ont saisi la juridiction prud'homale le 5 juin 2013 pour obtenir des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété en raison d'une exposition à l'amiante pendant l'exécution de leur contrat de travail.

2. Par arrêt du 23 mars 2017, la cour d'appel a déclaré irrecevable la demande de M. DV... et débouté les autres salariés de leurs demandes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. M. DV... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande alors :

« 1°/ que la déclaration de la maladie professionnelle et le contentieux auquel elle peut donner lieu devant la juridiction de sécurité sociale ne privent pas le salarié du droit de demander à la juridiction prud'homale la réparation du préjudice d'anxiété subi avant la déclaration de la maladie ; qu'en déclarant irrecevable l'action en réparation de son préjudice d'anxiété engagée par M. DV... au motif qu'il avait déclaré une maladie liée à son exposition à l'amiante et prise en charge au titre de la législation professionnelle par décision du 25 juillet 2014 cependant que la déclaration de cette maladie ne le privait pas du droit de demander devant la juridiction prud'homale l'indemnisation du préjudice d'anxiété subi antérieurement à cette déclaration, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1 et L. 1411-4 alinéa 2 du code du travail, ensemble les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale, le dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

2°/ que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'action de M. DV... en réparation de son préjudice d'anxiété, qu'il ne justifiait pas d'un intérêt à agir dès lors que l'existence d'un préjudice d'anxiété ne serait reconnue que dans le cas où l'exposition à l'amiante n'aurait pas eu pour effet de déclencher une maladie, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

3°/ que la déclaration d'une maladie liée à l'amiante ne fait pas disparaître l'intérêt du salarié à agir en réparation du préjudice d'anxiété subi antérieurement à cette déclaration ; qu'en énonçant le contraire pour déclarer irrecevable l'action de M. DV..., la cour d'appel a de plus fort violé l'article 31 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale, le dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 142-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et L. 451-1 du code de la sécurité sociale et l'article L. 1411-1 du code du travail :

4. Il résulte de la combinaison de ces textes que si l'indemnisation des dommages résultant d'une maladie professionnelle, qu'ils soient ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la déclaration de la maladie professionnelle et le contentieux auquel elle peut donner lieu devant cette juridiction, ne privent pas le salarié du droit de demander à la juridiction prud'homale la réparation des conséquences du trouble psychologique, compris dans le préjudice d'anxiété, subi avant la déclaration de la maladie.

5. Pour dire irrecevable l'action de M. DV..., l'arrêt retient que la maladie (épaississements pleuraux) déclarée par le salarié du fait de son exposition à l'amiante a été prise en charge au titre de la législation professionnelle le 25 juillet 2014, que dès lors, il n'est plus recevable à saisir la juridiction prud'homale d'une demande d'indemnisation d'un préjudice résultant d'une exposition à l'amiante et que de plus, il ne justifie pas d'un intérêt à agir dès lors que l'existence d'un préjudice d'anxiété n'est reconnue que dans le cas où l'exposition à l'amiante n'a pas eu pour effet de déclencher une maladie.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. Les salariés font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à la condamnation de l'employeur à leur verser des dommages-intérêts en réparation de leur préjudice d'anxiété, alors « que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir en réparation de son préjudice d'anxiété contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'en l'espèce, pour infirmer le jugement entrepris et débouter les salariés de leur demande en réparation de leur préjudice d'anxiété, la cour d'appel a énoncé que seuls les salariés éligibles à l'ACAATA peuvent prétendre à la réparation d'un tel préjudice et que tel n'est pas le cas des exposants, salariés de la SNCF, entreprise non inscrite sur la liste ministérielle des établissements ouvrant droit à ce dispositif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige :

8. Il résulte de ces textes qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée.

9. Pour rejeter les demandes des requérants, l'arrêt retient que seuls les salariés éligibles à l'ACAATA peuvent prétendre à la réparation d'un préjudice d'anxiété né de leur propre exposition à l'amiante et de la conscience qu'ils avaient du risque de développer une maladie résultant de cette exposition, que la décision des premiers juges de leur allouer des dommages-intérêts au titre de leur préjudice d'anxiété alors qu'ils étaient salariés d'une entreprise non éligible à l'ACAATA est dénuée de fondement, que sous couvert d'une demande d'indemnisation d'un préjudice objectif d'exposition fautive à un produit cancérigène, ils sollicitent, en réalité, la réparation d'un préjudice moral caractérisé par le risque de développer une maladie résultant de leur exposition à l'amiante, que ce préjudice moral est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont ils ne peuvent prétendre à l'indemnisation.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les fins de non-recevoir tirées de la prescription et de l'unicité de l'instance, l'arrêt rendu le 23 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne la société SNCF mobilités aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SNCF mobilités et la condamne à payer aux salariés la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. X... et quarante-sept autres salariés

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir déclaré irrecevable la demande de M. LS... DV... ;

AUX MOTIFS QUE la SNCF oppose à M. DV... une fin de nonrecevoir au motif que ce salarié ayant fait l'objet d'une décision de prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle en raison d'une exposition à l'amiante, ne peut plus, en application de l'article L.1411-4 du code du travail, solliciter la juridiction prud'homale d'une demande d'indemnisation d'un préjudice résultant de cette maladie ; qu'aux termes de l'article L.1411-4 alinéa 2, le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour connaître des litiges attribués à une autre juridiction par la loi, notamment par le code de la sécurité sociale en matière d'accident du travail et de maladies professionnelles ; qu'en l'espèce, il résulte d'une décision de la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF du 25 juillet 2014 que la maladie (épaississements pleuraux) déclarée par M. DV... du fait de son exposition à l'amiante a été prise en charge au titre de la législation professionnelle ; que dès lors, en application des dispositions du code du travail sus-visées et des articles L.461-1 et suivants du code de la sécurité sociale, M. DV... n'est plus recevable à saisir la juridiction prud'homale d'une demande d'indemnisation d'un préjudice résultant d'une exposition à l'amiante ; que de plus, il ne justifie pas d'un intérêt à agir dès lors que l'existence d'un préjudice d'anxiété n'est reconnue que dans le cas où l'exposition à l'amiante n'a pas eu pour effet de déclencher une maladie ; que c'est donc à bon droit que la SNCF soutient que l'action engagée par M. DV... devant la juridiction prud'homale doit être déclarée irrecevable ;

1) ALORS QUE la déclaration de la maladie professionnelle et le contentieux auquel elle peut donner lieu devant la juridiction de sécurité sociale ne privent pas le salarié du droit de demander à la juridiction prud'homale la réparation du préjudice d'anxiété subi avant la déclaration de la maladie ; qu'en déclarant irrecevable l'action en réparation de son préjudice d'anxiété engagée par M. DV... au motif qu'il avait déclaré une maladie liée à son exposition à l'amiante et prise en charge au titre de la législation professionnelle par décision du 25 juillet 2014 cependant que la déclaration de cette maladie ne le privait pas du droit de demander devant la juridiction prud'homale l'indemnisation du préjudice d'anxiété subi antérieurement à cette déclaration, la cour d'appel a violé les articles L.1411-1 et L.1411-4 alinéa 2 du code du travail, ensemble les articles L. 451-1 et L.142-1 du code de la sécurité sociale, le dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

2) ALORS QUE l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'action de M. DV... en réparation de son préjudice d'anxiété, qu'il ne justifiait pas d'un intérêt à agir dès lors que l'existence d'un préjudice d'anxiété ne serait reconnue que dans le cas où l'exposition à l'amiante n'aurait pas eu pour effet de déclencher une maladie, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

3) ALORS QU'en toute hypothèse, la déclaration d'une maladie liée à l'amiante ne fait pas disparaître l'intérêt du salarié à agir en réparation du préjudice d'anxiété subi antérieurement à cette déclaration ; qu'en énonçant le contraire pour déclarer irrecevable l'action de M. DV..., la cour d'appel a de plus fort violé l'article 31 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 451-1 et L.142-1 du code de la sécurité sociale, le dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir débouté les salariés (sauf M. DV...) de leurs demandes relatives à l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété ;

AUX MOTIFS QUE la SNCF critique la décision du conseil de prud'hommes ayant reconnu l'existence d'un préjudice d'anxiété en faveur des 48 salariés en ce que les premiers juges n'ont pas tenu compte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation aux termes de laquelle seuls les salariés éligibles, en vertu de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, au dispositif de l'allocation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) et figurant sur la liste établie par un arrêté ministériel, peuvent prétendre à la réparation d'un préjudice d'anxiété ; que les intimés contestent la position de la Cour de cassation contraire au principe de réparation intégrale et qui s'avère d'autant plus injuste et discriminatoire s'agissant des salariés de la SNCF, que son propre dispositif d'indemnisation des victimes de l'amiante interdit qu'elle soit inscrite sur la liste ministérielle des établissements ouvrant droit à l'ACAATA ; mais que dès lors que la loi a prévu un dispositif spécifique d'indemnisation des travailleurs de l'amiante et que la Cour de cassation en a déduit de façon objective que seuls les salariés éligibles à l'ACAATA pouvaient prétendre à la réparation d'un préjudice d'anxiété né de leur propre exposition à l'amiante et de la conscience qu'ils avaient du risque de développer une maladie résultant de cette exposition, la décision des premiers juges d'allouer aux intimés des dommages et intérêts au titre de leur préjudice d'anxiété alors qu'ils étaient salariés d'une entreprise non éligible à l'ACAATA, est dénuée de fondement ; qu'à défaut de voir reconnaître l'existence d'un préjudice d'anxiété, les intimés soutiennent, en cause d'appel, qu'ils sont victimes d'un préjudice d'exposition dont la nature et la naissance sont distinctes de celle du préjudice d'anxiété ; qu'en effet, prétendent-ils, le préjudice d'exposition résulte d'un fait objectif (la seule exposition) alors que le préjudice d'anxiété est par nature subjectif (c'est un trouble psychologique causé par la connaissance du risque de maladie) ; que le préjudice d'exposition naît à partir de la date d'exposition alors que le préjudice d'anxiété n'existe pas avant l'inscription de l'établissement sur les listes des entreprises ouvrant droit à l'ACAATA ; que le fait d'exposer un salariés aux poussières d'amiante constitue, selon les intimés, une violation de l'obligation de sécurité de résultat imputable, en l'espèce, à la SNCF qui n'a pas pris les mesures de protection adaptées pour préserver les salariés des conséquences de cette exposition sur leur santé ainsi qu'ils le démontrent dans les pièces versées aux débats ; qu'en conséquence, conformément à une jurisprudence constante de la Cour de cassation qui répare le préjudice résultant nécessairement de l'exposition à l'inhalation de vapeurs toxiques, les intimés sollicitent, sur le fondement de l'article L.4121-1 du code du travail, la réparation de leur préjudice d'exposition fautive à un cancérigène ; qu'en l'espèce, il est constant que les salariés parties à la présente procédure ont été exposés à l'amiante dans le cadre de leur travail au sein de la SNCF puisque celle-ci leur a remis une attestation d'exposition à l'inhalation des poussières d'amiante ; mais que la SNCF fait valoir, à juste titre, que le préjudice d'exposition n'est qu'une composante du préjudice d'anxiété et que les salariés n'ayant pas développé de maladie professionnelle ne démontrent pas l'existence d'un préjudice distinct ; qu'en effet, sous couvert d'une demande d'indemnisation d'un préjudice objectif d'exposition fautive à un produit cancérigène, les salariés sollicitent, en réalité, la réparation d'un préjudice moral caractérisé par le risque de développer une maladie résultant de leur exposition à l'amiante ; que les attestations versées aux débats ne caractérisent pas d'autres catégories de préjudice ; qu'or, ce préjudice moral est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation répare l'ensemble des troubles psychologiques consécutifs à la connaissance d'un tel risque ; que les salariés ne pouvant, pour les motifs déjà discutés, prétendre à l'indemnisation du préjudice d'anxiété, doivent, en conséquence, être déboutés de leur demande de dommages et intérêts tant au titre du préjudice d'anxiété que du préjudice d'exposition ; que le jugement sera, en conséquence, réformé de ces chefs ;

ALORS QUE le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir en réparation de son préjudice d'anxiété contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'en l'espèce, pour infirmer le jugement entrepris et débouter les salariés de leur demande en réparation de leur préjudice d'anxiété, la cour d'appel a énoncé que seuls les salariés éligibles à l'ACAATA peuvent prétendre à la réparation d'un tel préjudice et que tel n'est pas le cas des exposants, salariés de la SNCF, entreprise non inscrite sur la liste ministérielle des établissements ouvrant droit à ce dispositif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-14167
Date de la décision : 08/07/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 23 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jui. 2020, pourvoi n°19-14167


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Colin-Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.14167
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