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08/07/2020 | FRANCE | N°19-13637

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 juillet 2020, 19-13637


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Rejet

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 575 F-D

Pourvoi n° R 19-13.637

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020

La société Meditor, société par actions

simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 19-13.637 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2019 par la cour d'appel de Colmar (cham...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Rejet

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 575 F-D

Pourvoi n° R 19-13.637

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020

La société Meditor, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 19-13.637 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2019 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à Mme M... N..., épouse H..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de la société Meditor, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme N..., après débats en l'audience publique du 26 mai 2020 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 17 janvier 2019), Mme N... a été engagée en qualité d'assistante administrative, puis en qualité d'assistante administration des ventes à compter du 1er octobre 2007 par la société Meditor.

2. En arrêt maladie du 3 au 9 janvier 2013, puis du 21 mai au 31 août 2013, puis à compter du 12 novembre 2013, elle a été déclarée inapte à l'issue de deux examens médicaux le 19 février 2015, puis licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 19 mars 2015.

3. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée des sommes au titre de la prime pour les années 2013 et 2014 et au titre des congés payés afférents, alors « que l'employeur, qui fait varier une prime en fonction de l'implication, l'efficacité, l'évolution et la performance du salarié, est en droit de tenir compte des périodes d'absence du salarié, qui ne sont pas légalement assimilées à un temps de travail effectif, dès lors que toutes les absences, quel que soit leur motif, emportent les mêmes conséquences ; que la cour d'appel a présumé l'existence d'une discrimination indirecte en raison de l'état de santé du salarié de la concomitance entre les périodes de suppression de la prime et les absences pour maladie du salarié ; qu'en retenant que l'employeur échouait à démontrer que la privation de cette prime résultait de l'application de critères ou éléments objectifs, en l'absence d'entretiens d'évaluation, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si l'absence de versement de la prime ne résultait pas du critère objectif que constituait le manque d'assiduité du salarié en raison de son absence, quelle qu'en soit la cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, dans leurs versions applicables au litige. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que les absences des salariés, quelles que soient leur motif, avaient une incidence sur le montant de la prime, a relevé que la concomitance entre la réduction de la prime et les périodes d'absence pour maladie de la salariée laissait supposer l'existence d'une discrimination, et que l'employeur ne justifiait pas que sa décision résultait d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination et a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée est dénué de cause réelle et sérieuse, faute par l'employeur d'avoir recherché des possibilités de reclassement et de le condamner au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre d'indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés afférents, alors « que si l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout poste dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de son obligation légale de recherche de reclassement au sein de cette entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel celle-ci appartient, les réponses apportées, postérieurement au constat régulier de l'inaptitude par ce médecin sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l'employeur de l'impossibilité de remplir cette obligation ; qu'en se fondant exclusivement sur l'absence de recherche de reclassement par l'employeur, pour dire le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement dépourvu de cause réelle et sérieuse, tandis qu'elle constatait que le médecin du travail, tant dans son avis d'inaptitude que par un courrier postérieur à ce constat, avait considéré qu'aucune mutation ou formation, aucun aménagement ni aucune transformation de poste ne permettaient de proposer un poste compatible avec l'état de santé de la salariée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

7. Si les réponses apportées par le médecin du travail postérieurement au constat d'inaptitude, sur les possibilités éventuelles de reclassement du salarié déclaré inapte, concourent à la justification par l'employeur de l'impossibilité de remplir cette obligation, elles ne dispensent pas cet employeur de toute recherche de reclassement.

8. La cour d'appel, qui a constaté que l'employeur s'était dispensé de toute recherche de reclassement préalable au licenciement pour inaptitude, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Meditor aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Meditor et la condamne à payer à Mme N... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour la société Meditor

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'AVOIR condamné la société Meditor à payer à Mme H... les sommes de 4 200 euros au titre de la prime pour les années 2013 et 2014 et 420 euros au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE « Mme H... a perçu, au titre de la prime dite exceptionnelle : 1 500 euros en décembre 2008, 600 euros en mai 2009, 1 500 euros en décembre 2009, 600 euros en mai 2010, 1 500 euros en décembre 2010, 600 euros en mai 2011, 1 500 euros en décembre 2011, 600 euros en mai 2012, 750 euros en décembre 2012, 450 euros en janvier 2013 ; que cette prime présente un caractère de constance et de fixité de décembre 2008 à mai 2012 mais il n'est pas établi qu'elle ait un caractère général ; que, par ailleurs, l'employeur en a décrit les critères d'attribution dans une lettre adressée le 22 avril 2014 à l'inspecteur du travail à la suite de son contrôle du 22 janvier 2014, indiquant qu'elle était tributaire des évaluations réalisées dans le cadre des entretiens individuels annuels portant sur l'implication, l'efficacité, l'évolution et la performance ; que ces critères sont concordants avec la réserve figurant sur le compte-rendu de l'entretien professionnel de Mme H... en 2012, les mentions « mieux communiquer » et « prime : 750 euros + 450 euros sur janvier » expliquant l'amputation de la prime 2012 payée non pas à hauteur de 1 500 euros + 600 euros, mais de 1 350 euros ; que par suite, s'agissant de la prime sur 2012, l'employeur justifie de critères objectifs et la demande de la salariée ne peut être accueillie ; que s'agissant des primes sur les années 2013 et 2014, les entretiens d'évaluation n'ont pu avoir lieu puisque l'intéressé n'a pas travaillé du 21 mai au 31 août 2013 puis définitivement à compter du 12 novembre 2013 ; que Mme H... invoquant une discrimination en raison de son état de santé, la règle probatoire doit s'appliquer selon laquelle, lorsque survient un litige, la salariée présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la concomitance entre les périodes de suppression de la prime et les absences pour maladie de Mme H... permet de supposer l'existence d'une discrimination indirecte à l'état de santé ; qu'or, l'employeur échoue à démontrer que la privation de cette prime résulte de l'application de critères (l'implication, l'efficacité, l'évolution et la performance) ou d'éléments objectifs ; que c'est en réalité, l'état de santé de la salarié qui est à l'origine du non-paiement de la prime, ce qui est contraire au dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail ; que, dès lors, l'appelante est fondée à prétendre au paiement des primes correspondant aux années 2013 et 2014, au titre desquelles est due la somme de 4 200 euros, outre 240 euros au titre des congés payés afférents » ;

ALORS QUE l'employeur, qui fait varier une prime en fonction de l'implication, l'efficacité, l'évolution et la performance du salarié, est en droit de tenir compte des périodes d'absence du salarié, qui ne sont pas légalement assimilées à un temps de travail effectif, dès lors que toutes les absences, quel que soit leur motif, emportent les mêmes conséquences ; que la cour d'appel a présumé l'existence d'une discrimination indirecte en raison de l'état de santé du salarié de la concomitance entre les périodes de suppression de la prime et les absences pour maladie du salarié ; qu'en retenant que l'employeur échouait à démontrer que la privation de cette prime résultait de l'application de critères ou éléments objectifs, en l'absence d'entretiens d'évaluation, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si l'absence de versement de la prime ne résultait pas du critère objectif que constituait le manque d'assiduité du salarié en raison de son absence, quelle qu'en soit la cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, dans leurs versions applicables au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'AVOIR dit que le licenciement de Mme H... était dénué de cause réelle et sérieuse, faute par l'employeur d'avoir recherché des possibilités de reclassement et de l'AVOIR condamné en conséquence au paiement des sommes de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5 307,02 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 530,70 euros au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE « la lettre de licenciement est ainsi libellée : « Vous avez effectué deux visites de reprise ayant abouti à un avis « d'inaptitude au poste d'assistante administration des ventes et à tout poste dans l'entreprise. Aucune mutation, aucune formation complémentaire, aucun aménagement ou transformation de poste ne permettrait de proposer un poste compatible avec l'état de santé de Mme H..., compte-tenu de la problématique santé couverte par le secret médical et confirmé par le médecin spécialiste traitant. Contre-indication à la station assise ou débout prolongée, à la conduite prolongée et au port de charges ». Il est précisé que la médecine du travail avait fait une étude de poste le 12 février 2015 entre les deux visites de reprise. La société Meditor a réinterrogé la médecine du travail quant à un éventuel reclassement et par un courrier du 5 mars 2015, il a été réitéré par la médecine du travail « aucune mutation, aucune formation complémentaire, aucune aménagement ou transformation de poste ne permettrait de proposer un poste compatible avec l'état de santé de Mme H.... Les postes existants dans l'entreprise ont bien été pris en compte dans l'avis adressé le 19 février 2015 » ; (...) ; que, lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. C'est à l'employeur qu'il incombe de démontrer qu'il s'est acquitté de cette obligation, l'avis du médecin du travail selon lequel aucune solution de reclassement n'est possible dans l'entreprise étant, à lui seul, insuffisant à cet égard ; qu'en l'espèce, le médecin du travail a considéré qu'aucune mutation ou formation, aucun aménagement ni aucune transformation de poste ne permettraient de proposer un poste compatible avec l'état de santé de Mme H..., il appartenait néanmoins à l'employeur de procéder aux recherches de reclassement, d'aménagement ou de transformation de poste sans se limiter aux énonciations de l'avis d'inaptitude et à celles de la lettre du praticien du 5 mars 2015 ; que la lettre de licenciement ne fait état d'aucune recherche de reclassement puisqu'aucune recherche n'a été entreprise ; que par suite, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ; que compte tenu de l'ancienneté de Mme H... (7 ans et 5 mois) et de son âge au jour de la rupture (46 ans), des dommages-intérêts lui seront alloués, réparant l'intégralité du préjudice résultant de la rupture, d'un montant de 20 000 euros ; (...) ; qu'il est de droit que, si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison d'un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement consécutive à son inaptitude ; que tel est le cas en l'espèce de sorte qu'il convient d'accueillir cette demande et de condamner l'employeur à lui payer une indemnité de préavis égale à deux mois sur la base du salaire qu'elle aurait perçu si elle avait continué à travailler, soit : 5 307,02 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 530,70 euros au titre des congés payés sur préavis » ;

ALORS QUE si l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout poste dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de son obligation légale de recherche de reclassement au sein de cette entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel celle-ci appartient, les réponses apportées, postérieurement au constat régulier de l'inaptitude par ce médecin sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l'employeur de l'impossibilité de remplir cette obligation ; qu'en se fondant exclusivement sur l'absence de recherche de reclassement par l'employeur, pour dire le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement dépourvu de cause réelle et sérieuse, tandis qu'elle constatait que le médecin du travail, tant dans son avis d'inaptitude que par un courrier postérieur à ce constat, avait considéré qu'aucune mutation ou formation, aucun aménagement ni aucune transformation de poste ne permettaient de proposer un poste compatible avec l'état de santé de la salariée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version applicable en la cause.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-13637
Date de la décision : 08/07/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 17 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jui. 2020, pourvoi n°19-13637


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lesourd, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.13637
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