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08/07/2020 | FRANCE | N°19-12375;19-12434;19-12435;19-12436;19-12437;19-12438

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 juillet 2020, 19-12375 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Rejet

M. CATHALA, président

Arrêt n° 655 FS-D

Pourvois n°
U 19-12.375
et
G 19-12.434
à
N 19-12.438 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020

La Société Ugitech, société anony

me, dont le siège est [...] , a formé les pourvois n° U 19-12.375 et G 19-12.434 à N 19-12.438 contre six arrêts rendus le 18 décembre 2018 par la cour d'appel ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Rejet

M. CATHALA, président

Arrêt n° 655 FS-D

Pourvois n°
U 19-12.375
et
G 19-12.434
à
N 19-12.438 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020

La Société Ugitech, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé les pourvois n° U 19-12.375 et G 19-12.434 à N 19-12.438 contre six arrêts rendus le 18 décembre 2018 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à M. V... A..., domicilié [...] ,

2°/ à M. F... O..., domicilié [...] ,

3°/ à M. M... C..., domicilié [...] ,

4°/ à M. T... D..., domicilié [...] ,

5°/ à M. I... S..., domicilié [...] ,

6°/ à M. X... Q..., domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, les deux moyens de cassation communs annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Ugitech, de la SCP Boulloche, avocat de M. C..., et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Gilibert, conseillers, MM. Silhol, Duval, Mmes Valéry, Pecqueur, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° G 19-12.434 à N 19-12.438 et U 19-12.375 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Chambéry,18 décembre 2018), la société Ugitech (la société), ayant pour activité principale les fabrication, transformation et vente de tous produits métallurgiques et notamment les produits en acier inoxydable, a été inscrite pour le site d'[...] sur la liste des établissements de fabrication, de flocage et de calorifugeage à l'amiante ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), pour la période allant de 1967 à 1996, par arrêté du 23 décembre 2014, publié le 3 janvier 2015.

3. M. O... et cinq autres salariés de la société ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en réparation d'un préjudice d'anxiété.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief aux arrêts de dire que les demandes de réparation des défendeurs aux pourvois sont recevables car non prescrites et de le condamner à verser à chacun des défendeurs aux pourvois une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété, alors « que la prescription d'une action en responsabilité résultant d'un manquement aux obligations nées du contrat de travail ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que le préjudice d'anxiété résulte de l'inquiétude permanente face au risque de développer une maladie liée à l'amiante et est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par le salarié ; que ce préjudice se réalise au moment où le salarié a connaissance de son exposition potentielle au risque professionnel d'inhalation de poussières d'amiante ; que la société Ugitech faisait valoir que les défendeurs aux pourvois s'étaient vus remettre une attestation d'exposition et avaient eu connaissance de leur exposition potentielle au risque d'inhalation de poussières d'amiante et du risque corrélatif de survenance d'une maladie liée à cette exposition plus de cinq ans avant de saisir la juridiction prud'homale d'une demande de réparation de leur préjudice d'anxiété, de sorte que cette demande était irrecevable comme prescrite ; qu'en jugeant néanmoins le point de départ de la prescription serait nécessairement, pour tous les travailleurs, la publication de l'arrêté de classement de l'établissement d'[...] au dispositif ACAATA, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article R. 4412-58 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, devant laquelle l'application de l'article 2224 du code civil n'était pas contestée, a retenu, à bon droit, que c'est à la date de l'arrêté ministériel ayant inscrit l'activité de la société sur la liste des établissements permettant la mise en œuvre du régime légal de l'ACAATA que les salariés avaient eu connaissance du risque à l'origine de leur anxiété en sorte que cette date constituait le point de départ du délai de prescription de leur action.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à verser à chacun des défendeurs aux pourvois une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété, alors « que le salarié qui recherche la responsabilité de son employeur doit justifier des préjudices qu'il invoque en faisant état d'éléments personnels et circonstanciés pertinents ; que la circonstance qu'il ait travaillé dans un établissement susceptible d'ouvrir droit à l'ACAATA ne dispense pas l'intéressé, qui sollicite l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, de justifier de tels éléments personnels et circonstanciés ; qu'au cas présent, la société exposante faisait valoir qu'aucun des défendeurs aux pourvois n'établissait la réalité du préjudice d'anxiété dont il demandait la réparation ; que la cour d'appel s'est bornée à relever, de manière strictement identique pour chacun des défendeurs aux pourvois que « le préjudice d'anxiété ouvrant droit à réparation répare l'ensemble des troubles psychologiques y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence résultant de l'inquiétude issue du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'indépendamment de toute autre justification, ces éléments conduisent à évaluer le préjudice subi par le salarié à la somme de 8 000 euros » ; qu'en dispensant ainsi les défendeurs aux pourvois de justifier de leur situation par des éléments personnels et circonstanciés, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser un préjudice d'anxiété personnellement subi par chacun des défendeurs aux pourvois et a donc privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel, qui a constaté que les salariés, qui avaient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice d'anxiété dont elle a souverainement apprécié le montant.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Ugitech aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ugitech et la condamne à payer à M. C... la somme de 1 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits aux pourvois n° U 19-12.375 et G 19-12.434 à N 19-12.438 par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Ugitech

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir dit que les demandes de réparation des défendeurs aux pourvois sont recevables car non prescrites et d'avoir condamné la société Ugitech à verser à chacun des défendeurs aux pourvois une somme de 8 000€ de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété ;

AUX MOTIFS QUE «Attendu que la société UGITECH soulève la prescription de l'action introduite par le salarié le 11 mai 2015 dès lors que depuis les premières démarches diligentées pour faire inscrire le site à l'ACAATA, et à tout le moins de la publication de la première décision de classement par le directeur général du travail du 28 janvier 2008, tous les salariés de l'entreprise avaient connaissance des faits permettant d'exercer l'action ; Que le point de départ du délai de prescription de toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail court à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; Que toutefois, le préjudice d'anxiété naît à la date à laquelle le salarié a eu connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'activité de la société UGITECH sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'ACAATA, soit en l'espèce, au plus tôt le 3 janvier 2015, date de sa publication au journal officiel ; que cette date est également celle du point de départ du délai de prescription de l'action en réparation de ce préjudice ; que le fait que de manière générale, les salariés de l'entreprise auraient eu connaissance à compter de 2007 qu'une procédure était en cours en vue de faire classer le site d`UGITECH à l'ACAATA au moyen des communications syndicales, d'une décision de classement prise par le directeur général du travail, des rapports du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou d'articles de presse, ou bien qu'à titre individuel, par une attestation en date du 2 mars 2010, l'employeur l'aurait informé d'un "contact de manière occasionnelle avec des matériaux contenant de l'amiante", est dès lors inopérant pour fixer le point de départ du délai de prescription ; Que dès lors, au regard de la date de publication de l'arrêté ministériel d'inscription de la société UGITECH sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'ACAATA en date du 23 décembre 2014, l'action engagée par le salarié le 11 mai 2015 n'est pas atteinte par la prescription et sera déclarée recevable » ;

ALORS QUE la prescription d'une action en responsabilité résultant d'un manquement aux obligations nées du contrat de travail ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que le préjudice d'anxiété résulte de l'inquiétude permanente face au risque de développer une maladie liée à l'amiante et est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par le salarié ; que ce préjudice se réalise au moment où le salarié a connaissance de son exposition potentielle au risque professionnel d'inhalation de poussières d'amiante ; que la société Ugitech faisait valoir que les défendeurs aux pourvois s'étaient vus remettre une attestation d'exposition et avaient eu connaissance de leur exposition potentielle au risque d'inhalation de poussières d'amiante et du risque corrélatif de survenance d'une maladie liée à cette exposition plus de cinq ans avant de saisir la juridiction prud'homale d'une demande de réparation de leur préjudice d'anxiété, de sorte que cette demande était irrecevable comme prescrite ; qu'en jugeant néanmoins le point de départ de la prescription serait nécessairement, pour tous les travailleurs, la publication de l'arrêté de classement de l'établissement d'[...] au dispositif ACAATA, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article R. 4412-58 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

SUBSIDIAIRE

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir condamné la société Ugitech à verser à chacun des défendeurs aux pourvois une somme de 8 000€ de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété ;

AUX MOTIFS QUE « Attendu qu'en application de l'article L. 4121-1 du code du travail l'employeur est tenu, vis à vis de son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat, en vertu de laquelle il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé mentale et physique de chaque salarié ; Que, sur ce fondement, le salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouve de par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à 1`amiante, dont il peut demander réparation à ce dernier ; Attendu que la société UGITECH conteste sa responsabilité et fait valoir que le classement d'un établissement en vertu de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 en faveur des salariés qui y travaillaient n'instaure qu'une présomption simple d'un manquement à l'obligation de sécurité de résultat, laquelle est renversée par la preuve contraire, en ce qu'elle justifie avoir satisfait à ses obligations légales et réglementaires ; qu'elle se prévaut avoir mis en place les moyens adaptés à la prévention des risques liés à l'exposition à1'amiante, au titre de l'empoussièrement de l'air, des dispositifs d'aération et des systèmes de dépoussiérage, et la substitution progressive de 1973 à 1983 des produits de substitution de l'amiante dès lors que cela était techniquement possible ; que les rapports des prélèvements opérés établissent des taux inférieurs à ceux déterminés par décret ; qu'elle a également mis à disposition de chaque salarié exposé à l'inhalation de poussières des équipements respiratoires individuels et des vêtements de protection ; qu'elle a satisfait aux obligations d'information qui lui incombaient en remettant aux salariés affectés aux travaux liés à l'amiante, différentes notes et consignes en prévention des risques sur le site d'[...] ; que l'anxiété alléguée n'est pas en relation causale avec un hypothétique manquement à l'obligation de sécurité et de résultat ; Que cependant, il est établi par les pièces produites que le site d'[...] a été inscrit par arrêté ministériel du 23 décembre 2014 sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA pour la période allant de 1967 à 1996, et que le salarié y a travaillé du 16 mars 1972 au 31 mars 2011, soit au cours d'une période visée par l'arrêté, pour le compte de la société UGITECH dont relève l'établissement d'[...] ; Que dès lors que le salarié satisfait aux conditions du droit à réparation énoncées ci-dessus, l'employeur ne peut s'exonérer de la présomption de responsabilité pesant sur lui en application des dispositions précitées qu'en établissant un cas de force majeure de sorte que 1'absence de faute ou le respect de la réglementation, ne peuvent valablement être opposés à l'action en réparation du salarié; que l'employeur ne justifie, ni au demeurant ne se prévaut, d'un événement extérieur, imprévisible et irrésistible constitutif d'une force majeure ; Qu'en outre, l'employeur, titulaire du pouvoir de direction, d'organisation et disciplinaire au sein de l'entreprise, n'établit pas avoir mis en 'uvre tous les moyens de prévention des risques professionnels, tant sur le plan collectif qu'individuel ; qu'en effet, les rapports d'études du laboratoire d'étude et de contrôle de l'environnement sidérurgique [...] qu'il produit aux débats pour les années 1984, 1986, 1987, 1989, 1991, 1993, 1995, ne mentionnent pas les teneurs en poussières d'amiante, mais simplement la concentration de poussières à l'aune d'une valeur réglementaire générale ; que ce ne sera que par un premier rapport du 27 septembre 1996, faisant suite au décret nº 96-98 du 7 février 1996 qu'une analyse de poussière d'amiante sera effectivement réalisée ; que ce faisant l'employeur, qui n'avait pas préalablement et précisément évalué le risque lui même, ne peut sérieusement soutenir avoir pris des mesures de prévention en adéquation au risque lié à l'amiante, matériau utilisé en tant que principal moyen d'isolation et de protection au sein de différents ateliers et dont il ne pouvait ignorer la présence au sein de l'entreprise ; Que de surcroît les quelques moyens de prévention, tels les masques respiratoires destinés de manière générale et ainsi sans discrimination à lutter contre les 'poussières de diverses origines et de dimensions du micron (y compris les poussières d'amiante)' ou les appareils pulmonaires acquis au titre du seul risque silicose sont dans ces conditions pour le moins inappropriés et par voie de conséquence notoirement insuffisants au regard du risque encouru lié à l'amiante ; Que par ailleurs, ce n'est que de manière tardive, lors de la réunion du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail tenue le 22 mars 1996, que l'employeur engagera, sur la base d'une note du médecin du travail en date du 12 mars 1996, un dialogue sur le risque lié à l'amiante sur le site d'[...] ; Qu'enfin, l'existence du préjudice d'anxiété dont le salarié demande réparation se caractérise par l 'inquiétude qu'il éprouve face au risque de développer une maladie en lien direct avec son affectation dans un établissement de fabrication, de flocage et de calorifugeage figurant sur une liste établie par un arrêté, et ce que celui-ci se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers ou qu'il développe ou non une pathologie, et ce quelles que soient les nature et durée de l'exposition fonctionnelle ou environnementale sur le site inscrit d'[...], l'existence ou non de carences étatiques dans la gestion de l'information ainsi que d'éventuels dévoiements médiatiques concernant les débats sur l'amiante ; Qu'en conséquence, la société UGITECH, qui n'établit ni la cause étrangère ni la prise de mesures de prévention et de sécurité pertinentes en adéquation avec le risque lié à l'amiante ne justifie pas d'une cause exonératoire de responsabilité, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu le principe du droit à réparation du salarié ; Attendu que s'agissant du montant de l'indemnisation, le préjudice d'anxiété ouvrant droit à réparation répare l'ensemble des troubles psychologiques y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence résultant de l'inquiétude issue du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ;
qu'indépendamment de toute autre justification, ces éléments conduisent à évaluer le préjudice subi par le salarié à la somme de 8 000 €, le jugement prud'homal étant sur ce point infirmé »

ALORS QUE le salarié qui recherche la responsabilité de son employeur doit justifier des préjudices qu'il invoque en faisant état d'éléments personnels et circonstanciés pertinents ; que la circonstance qu'il ait travaillé dans un établissement susceptible d'ouvrir droit à l'ACAATA ne dispense pas l'intéressé, qui sollicite l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, de justifier de tels éléments personnels et circonstanciés ; qu'au cas présent, la société exposante faisait valoir qu'aucun des défendeurs aux pourvois n'établissait la réalité du préjudice d'anxiété dont il demandait la réparation ; que la cour d'appel s'est bornée à relever, de manière strictement identique pour chacun des défendeurs aux pourvois que « le préjudice d'anxiété ouvrant droit à réparation répare l'ensemble des troubles psychologiques y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence résultant de l'inquiétude issue du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'indépendamment de toute autre justification, ces éléments conduisent à évaluer le préjudice subi par le salarié à la somme de 8 000 € » ; qu'en dispensant ainsi les défendeurs aux pourvois de justifier de leur situation par des éléments personnels et circonstanciés, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser un préjudice d'anxiété personnellement subi par chacun des défendeurs aux pourvois et a donc privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-12375;19-12434;19-12435;19-12436;19-12437;19-12438
Date de la décision : 08/07/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 18 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jui. 2020, pourvoi n°19-12375;19-12434;19-12435;19-12436;19-12437;19-12438


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.12375
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