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08/07/2020 | FRANCE | N°18-24441

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 juillet 2020, 18-24441


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 443 FS-P+B

Pourvoi n° P 18-24.441

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 JUILLET 2020

1°/ la société Hamel, société Ã

  responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

2°/ M. U... O..., domicilié [...] , agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 443 FS-P+B

Pourvoi n° P 18-24.441

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 JUILLET 2020

1°/ la société Hamel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

2°/ M. U... O..., domicilié [...] , agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Hamel,

ont formé le pourvoi n° P 18-24.441 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige les opposant à la société Etablissements Denis, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société Hamel et de M. O..., ès qualités, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Etablissements Denis, et l'avis de Mme Pénichon, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mmes Darbois, Champalaune, Sudre, M. Ponsot, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mme Pénichon, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué et les productions (Paris, 27 juin 2018), la société Hamel, spécialisée dans le commerce de gros de matériel agricole, commercialisait des produits fabriqués par la société Etablissements Denis. A la suite d'un différend les ayant opposées au sujet de désordres apparus sur un ouvrage monté par la première avec des matériels fournis par elle, la société Etablissements Denis, par une lettre du 2 septembre 2009, a mis un terme à ses relations commerciales avec la société Hamel aux conditions antérieures.

2. Dans l'instance engagée, devant le tribunal de commerce de Montauban, contre les deux sociétés par le client qui avait commandé l'ouvrage litigieux, la société Hamel a formé contre la société Etablissements Denis, à titre reconventionnel, une demande d'indemnisation de son préjudice commercial, sur le fondement de l'article 1147 du code civil. Cette demande ayant été rejetée par un arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 18 novembre 2014, la société Hamel a, le 2 avril 2015, assigné la société Etablissements Denis devant le tribunal de commerce de Bordeaux en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture brutale d'une relation commerciale établie, en application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. La société Hamel fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, comme prescrite, la demande indemnitaire formée par elle contre la société Etablissements Denis sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce alors :

« 1°/ que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'il s'ensuit que l'action en responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales se prescrit à compter du jour où le contractant évincé avait eu connaissance du préjudice en résultant, lequel dépend de la durée du préavis jugé nécessaire et qui n'a pas été respecté ; qu'en affirmant que la société Hamel a eu connaissance de la brutalité de la rupture au jour de sa notification et de l'existence du préjudice en résultant, dès lors que la durée du préavis nécessaire est appréciée au jour de la rupture, quand cette date n'était pas celle de la manifestation du dommage dont la société Hamel poursuivait la réparation, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

2°/ que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'il s'ensuit que la prescription ne court pas lorsque la victime ignore l'imputabilité du dommage subi à son auteur ; qu'il s'ensuit que le point de départ de la prescription n'était pas repoussé au dépôt du rapport d'expertise judiciaire démontrant que la livraison de matériel défectueux à la société Silo des quatre chemins n'était pas imputable à la faute de la société Hamel, dès lors que la société Hamel ignorait, avant cette date, si la société Denis pouvait se prévaloir d'une telle faute pour justifier la rupture sans préavis des relations commerciales établies ; qu'en affirmant que ce rapport d'expertise ne pouvait pas caractériser la connaissance par la victime de son droit, et « que le désaccord entre les parties sur les fautes alléguées par la société Denis qu'elle [la société Hamel ]aurait commise au moment de la rupture est sans incidence sur son action » et que « l'existence de ces fautes ne peut être invoquée par l'auteur de la rupture pour s'exonérer de sa responsabilité », quand le cours de la prescription était subordonnée à la condition que la victime ait connaissance de l'imputabilité de la brutalité de la rupture à son cocontractant, laquelle dépendait de l'administration par l'expert judiciaire de la preuve qu'elle n'avait commis aucune faute justifiant que la société Denis mette un terme à leurs relations d'affaire sans préavis, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article 2224 du code civil que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

5. C'est à bon droit qu'en application de ce texte, la cour d'appel a retenu que la prescription de l'action en responsabilité engagée par la société Hamel avait couru à compter de la notification de la rupture dès lors qu'elle avait eu connaissance, à cette date, de l'absence de préavis et du préjudice en découlant, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de l'éventualité d'une faute ayant pu justifier que la société Etablissements Denis ait mis un terme à la relation sans préavis.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en ses troisième et cinquième branches

Enoncé du moyen

7. La société Hamel fait le même grief à l'arrêt alors :

« 3°/ que l'interruption de la prescription s'étend d'une action à une autre, dès lors que les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en décidant que la prescription de l'action fondée sur l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce n'avait pas été interrompue par l'action que la société Hamel avait formée, dans un premier temps, sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle, afin d'obtenir réparation du préjudice commercial qu'elle avait subi, en raison du courrier 2 septembre 2009, et du dénigrement dont elle avait été victime de la part de la société Denis, dès lors que la réparation d'un préjudice commercial causé par des manquements contractuels et des actes de dénigrement ne peut tendre à la même fin et au même but que la réparation de la marge perdue en raison de l'absence de préavis alloué suite à la rupture des relations commerciales l'empêchant ainsi de se réorganiser, quand la société Hamel avait obtenu sur le fondement du droit commun, du tribunal de commerce de Montauban, l'allocation d'une indemnité de 300 000 euros correspondant à la perte de marge dont elle sollicitait la réparation sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil.

5°/ que l'interruption de la prescription s'étend d'une action à une autre, dès lors que les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en affirmant, par des motifs adoptés des premiers juges, que la société Hamel avait agi sur un autre fondement sans solliciter la réparation d'un préjudice né de la brutalité de la rupture, quand la société Hamel sollicitait dans un cas comme dans l'autre, l'indemnisation du préjudice constitué par la perte de marge en raison du courrier du 2 septembre 2009, de sorte que l'objet de la seconde action était compris dans la première, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2241 du code civil :

8. Si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.

9. Pour écarter le moyen tiré par la société Hamel de l'interruption de la prescription par la demande reconventionnelle qu'elle avait formée contre la société Etablissements Denis dans la précédente instance qui les avait opposées, et déclarer prescrite sa demande de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, l'arrêt relève que les griefs invoqués par la société Hamel en première instance devant le tribunal de commerce de Montauban étaient fondés sur les dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, que, dans ses conclusions du 25 septembre 2014 devant la cour d'appel de Toulouse, elle a spécialement précisé qu'elle ne formulait aucune demande sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, que cette cour d'appel l'a déboutée de sa demande reconventionnelle qui portait sur des manquements à des obligations contractuelles et sur des actes de dénigrement, les motifs développés dans le corps de la décision n'ayant pas de portée en l'espèce et ne pouvant lier la cour, seul le dispositif de la décision ayant autorité de la chose jugée, pour en déduire que l'objet de la précédente action était distinct de celui dont la cour d'appel est saisie, la réparation d'un préjudice commercial causé par des manquements contractuels et des actes de dénigrement ne pouvant tendre à la même fin et au même but que la réparation de la marge perdue en raison de l'absence de préavis alloué à la suite de la rupture des relations commerciales l'empêchant ainsi de se réorganiser.

10. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, pris du fondement exclusivement contractuel de la précédente demande formée par la société Hamel, sans vérifier si les faits que cette dernière avait alors dénoncés pour réclamer l'indemnisation de la perte de marge commerciale qu'elle prétendait avoir subie par suite de la modification unilatérale des conditions commerciales que lui avait imposée la société Etablissements Denis dans sa lettre de rupture, que la cour d'appel de Toulouse avait écartés comme relevant de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, n'étaient pas les mêmes que ceux qu'elle invoquait au soutien de sa demande fondée sur ce texte, de sorte que les actions tendaient toutes deux à la réparation du préjudice résultant de la modification unilatérale des conditions commerciales, éventuellement constitutive d'une rupture, fût-elle seulement partielle, de la relation commerciale unissant les parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes reconventionnelles de la société Etablissements Denis et en ce que, y ajoutant, il déclare recevable la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Etablissements Denis, l'arrêt rendu le 27 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Etablissements Denis aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Etablissements Denis et la condamne à payer à la société Hamel la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Hamel et M. O..., ès qualités.

Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable comme étant prescrite, la demande indemnitaire formée par la société HAMEL contre la société ETS DENIS, sur le fondement de l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce, en vue d'obtenir paiement de dommages et intérêts d'un montant de 502.078,22 € ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ; qu'il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure ; que le point de départ du délai de prescription quinquennale d'une action en réparation de la brutalité d'une rupture de relation commerciale établie est le jour où celui qui s'en prétend victime, a été avisé de la rupture ; qu'en l'espèce, le courrier de rupture de la société Etablissement Denis a été reçu par la société Hamel le 17 septembre 2009 ; que le délai quinquennal de prescription de l'action en réparation du préjudice subi du fait de cette rupture a donc couru donc à compter de cette date jusqu'au 17 septembre 2014 ; qu'ainsi, la société Hamel ne peut valablement soutenir que le point de départ du délai de prescription est la date du dépôt du rapport d'expertise définissant les responsabilités entre les sociétés Etablissement Denis et elle, au motif qu'elle ne pouvait préalablement déterminer si elle avait commis des fautes justifiant l'absence de préavis à son égard du fait de la rupture ; qu'en effet, elle a connaissance de la brutalité de la rupture au tour de la notification de la rupture et en conséquence, à cette date, de l'existence du préjudice qui en résulte sans nécessairement en connaître le montant exact ; que, par ailleurs, elle connaît son préjudice à cette date, en ce que la durée de préavis nécessaire est appréciée au jour de la rupture ; que le désaccord entre les parties sur les fautes alléguées par la société Etablissement Denis qu'elle aurait commises au moment de la rupture est sans incidence sur son action, l'existence de ces fautes ne pouvant être invoquée que par l'auteur de la rupture pour s'exonérer de sa responsabilité ; que dès lors, l'expertise judiciaire alléguée portant sur l'analyse technique des responsabilités dans le cadre du litige relatif aux désordres constatés sur les silos ne constitue qu'un élément de preuve dans le cadre du litige opposant les parties et ne peut pas caractériser la connaissance par la victime de son droit ; que la société Hamel soutient également en vain que la demande reconventionnelle qu'elle a formulée dans le cadre de l'instance engagée par la société Silo des quatre chemins devant le tribunal de commerce de Montauban avait interrompu le délai de prescription de son action en réparation de son préjudice alors que : / - les griefs invoqués en première instance devant le tribunal de commerce de Montauban étaient fondés sur les dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, / - dans ses conclusions du 25 septembre 2014 devant la cour d'appel de Toulouse elle a spécialement précisé qu'elle ne formulait aucune demande sur le fondement de l'article L 442-6,1,5° du code de commerce, / - la cour d'appel de Toulouse l'a déboutée de sa demande reconventionnelle qui portait sur des manquement à des obligations contractuelles et sur des actes de dénigrement, les motifs développés dans le corps de la décision n'ayant pas de portée en l'espèce et ne pouvant lier la Cour, seul le dispositif de la décision ayant autorité de chose jugée ; qu'il apparaît donc que l'objet de la précédente action est distinct de celui de la présente action : que la réparation d'un préjudice commercial causé par des manquements contractuels et des actes de dénigrement ne peut tendre à la même fin et au même but que la réparation de la marge perdue en raison de l'absence de préavis alloué suite à la rupture des relations commerciales l'empêchant ainsi de se réorganiser ; que la demande reconventionnelle formée par la société Hamel à rencontre de la société Etablissement Denis dans le cadre de la précédente instance les opposant ne peut donc avoir interrompu le délai de prescription de son action ; que, dès lors, l'action de la société Hamel à l'encontre de la société Etablissement Denis fondée sur l'article L 442-6,1, 5° du code de commerce est prescrite depuis le 17 septembre 2014, l'assignation ayant été délivrée par la société Hamel à la société Etablissement Denis le 2 avril 2015, soit postérieurement à l'expiration du délai de prescription de son action ; que la demande de la société Hamel dans le cadre de ce litige est donc irrecevable ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le Tribunal rappelle les dispositions de l'article L. 2224 du code civil qui dispose : "Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer" ; que le Tribunal observe que la société HAMEL SARL a bien reçu le 02 septembre 2009, un courrier de la société DENIS SA l'informant de la rupture de leurs relations commerciales ; que le Tribunal estime donc que la société HAMEL SARL était parfaitement informée et qu'elle ne peut valablement estimer aujourd'hui que son droit d'intenter une action en application de l'article L 442-6 1 5° du code de commerce ne pouvait démarrer qu'à la réception du rapport d'expertise le 07 janvier 2012, rapport qui ne pointe que les disfonctionnements dans l'accomplissement du montage des silos, des planchers et des piètements sur le chantier de la société SILO DES 4 CHEMINS SARL ; que le Tribunal rappelle également les dispositions de l'article L 2241 du code civil qui dispose que : "La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure" ; que des pièces versées au débat, le Tribunal relève que le Tribunal de Commerce de MONTAUBAN a été saisi uniquement d'une demande reconventionnelle de la part de la société HAMEL SARL sur le fondement des articles 1641 et 1147 du code civil et que cette demande visait à faire réparer le préjudice subi par cette dernière, lié à sa perte de chiffre d'affaires et consécutif au dénigrement opéré par DENIS à son encontre ; qu'il relève que la condamnation prononcée par le Tribunal de Commerce de MONTAUBAN à l'encontre de la société DENIS SA pour la somme de 300.000,00 € a été faite sur ce fondement et nullement sur le fondement de l'article L 442-6 1 5 ° tel que l'affirme la société HAMEL SARL ; que le Tribunal observe que la Cour d'Appel de TOULOUSE a motivé sa décision en déboutant la société HAMEL SARL de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice commercial de la manière suivante : "la société HAMEL SARL demande depuis la première instance la condamnation de la société DENIS SA en dommages intérêts en réparation du préjudice commercial découlant de la modification des conditions commerciales à elle imposée unilatéralement par celle-ci ainsi qu'il ressort d'un courrier du 2 septembre 2009 dans lequel elle lui déclare se voir imposer de mettre un terme à leurs relations commerciales et en lui annonçant que ses taux de remise sur ses catalogues seront ramenés à 0% à compter du 1er octobre 2010 et à compter du 8 février 2010, un règlement avant enlèvement de la marchandise ; que cette demande ne peut être qualifiée d'irrecevable sur le fondement de l'article 70 du code de procédure civile dès lors qu'il peut se déduire de sa rédaction même l'existence d'un lien suffisant avec les prétentions originaires ; que pour autant elle n 'est pas recevable dans la mesure où elle relève du régime de l'article L 442-6 1 5° du code de commerce qui depuis le 1er décembre 2009 impose la compétence des Tribunaux de Grande Instance de MARSEILLE, BORDEAUX, LILLE, FORT DE FRANCE, LYON, NANCY, PARIS et RENNES, ce même si en opportunité la société HAMEL SARL entend viser un fondement purement contractuel ; que le grief de dénigrement prétendu n'apparaît pas constitué au vu des seules pièces produites à l'appui, soit des attestations non circonstanciées de deux clients de la société HAMEL SARL" ; que le Tribunal rappelle que les Tribunaux compétents pour juger des affaires commerciales sur le fondement de l'article 442-6 1 5° ne sont nullement les Tribunaux de Grande Instance, mais les Tribunaux de Commerce spécialisés ; que le Tribunal, au regard de l'instance en cours, estime que la motivation retenue par la Cour d'Appel est contraire à l'article 5 du code de procédure civil qui dispose que "Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé" et est en contradiction avec la demande très explicite de la société HAMEL SARL qui dans ses conclusions du 25 septembre 2014 devant la cour inscrites au RPVA ( pièce N°30 du défendeur page 30) motivait sa demande sur la recevabilité des demandes indemnitaires à l'encontre de la société DENIS SA de la manière suivante : "la société DENIS SA prétend que cette demande serait irrecevable sur le fondement de l'article 70 du code de procédure civile. Aux termes de ces dispositions, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; que le préjudice économique subi par la société HAMEL SARL découle directement du litige pendant avec la société SILO DES 4 CHEMINS SARL ; qu'en effet c'est à l'occasion de ce litige que la société DENIS a décidé de supprimer la société HAMEL SARL de sa qualité de distributeur de ses produits et de refuser de maintenir les conditions de facturation qui étaient jusqu'alors établies ; que de même, c'est à l'occasion de ce différend que la société DENIS SA a pris contact avec différents clients de la société HAMEL SARL pour prétendre que la société concluante aurait commis des fautes dans le cadre de la vente et du montage des cellules auprès de la société SILO DES 4 12 CHEMINS SARL ; que dès lors le lien suffisant est particulièrement démontré en l'espèce, de sorte que le Tribunal de Commerce de MONTAUBAN a, à fort juste titre, retenu la demande reconventionnelle de la société HAMEL SARL ; que la cour ne pourra que confirmer la recevabilité de cette demande et confirmera le jugement entrepris ; qu'ensuite, consciente de ses manquements, la société DENIS SA prétend à l'incompétence de la Cour d'Appel de céans pour connaître des demandes indemnitaires présentées, aux motifs qu'il conviendrait de faire application des dispositions de l'article L 442-6 1 5° du code de commerce ; que cette demande est irrecevable ; qu'au surplus, la cour notera, à la lecture des développements qui suivent, que la société HAMEL SARL ne demande pas l'indemnisation d'un préjudice résultant d'une rupture brutale des relations commerciales ; que ce qui est reproché à la société DENIS SA, c'est, d'une part, l'atteinte à l'image commerciale de la société concluante en raison du dénigrement pratiqué méticuleusement par elle, et d'autre part, la modification unilatérale des conditions contractuelles" ; que le Tribunal dira que la motivation de la Cour d'Appel de TOULOUSE, n'ouvre pas de fondement à la société HAMEL SARL pour prétendre que la demande en justice au titre de l'article L 442-6 1 5° du code de commerce a été effective dès le début de la procédure à savoir le 1er octobre 2009 et que cette demande a interrompu la prescription ; que le Tribunal en conclut que la première demande en justice en application de l'article 442-6-15 ° du code de commerce n'a eu lieu que le 02 avril 2015 devant le présent Tribunal, postérieurement à la date d'extinction de la prescription quinquennale ouverte par réflectivité de la rupture décidée par la société DENIS SA le 2 septembre 2009 ; qu'en conséquence le Tribunal jugera irrecevables les demandes de la société HAMEL SARL car prescrites ;

1. ALORS QUE la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'il s'ensuit que l'action en responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales se prescrit à compter du jour où le contractant évincé avait eu connaissance du préjudice en résultant, lequel dépend de la durée du préavis jugé nécessaire et qui n'a pas été respecté ; qu'en affirmant que la société HAMEL a eu connaissance de la brutalité de la rupture au jour de sa notification et de l'existence du préjudice en résultant, dès lors que la durée du préavis nécessaire est appréciée au jour de la rupture, quand cette date n'était pas celle de la manifestation du dommage dont la société HAMEL poursuivait la réparation, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce ;

2. ALORS QUE la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'il s'ensuit que la prescription ne court pas lorsque la victime ignore l'imputabilité du dommage subi à son auteur ; qu'il s'ensuit que le point de départ de la prescription n'était pas repoussé au dépôt du rapport d'expertise judiciaire démontrant que la livraison de matériel défectueux à la société SILO DES QUATRE CHEMINS n'était pas imputable à la faute de la société HAMEL, dès lors que la société HAMEL ignorait, avant cette date, si la société ETS DENIS pouvait se prévaloir d'une telle faute pour justifier la rupture sans préavis des relations commerciales établies ; qu'en affirmant que ce rapport d'expertise ne pouvait pas caractériser la connaissance par la victime de son droit, et « que le désaccord entre les parties sur les fautes alléguées par la société ETS DENIS qu'elle [la société HAMEL] aurait commise au moment de la rupture est sans incidence sur son action » et que « l'existence de ces fautes ne peut être invoquée par l'auteur de la rupture pour s'exonérer de sa responsabilité », quand le cours de la prescription était subordonnée à la condition que la victime ait connaissance de l'imputabilité de la brutalité de la rupture à son cocontractant, laquelle dépendait de l'administration par l'expert judiciaire de la preuve qu'elle n'avait commis aucune faute justifiant que la société ETS DENIS mette un terme à leurs relations d'affaire sans préavis, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce ;

3. ALORS subsidiairement QUE l'interruption de la prescription s'étend d'une action à une autre, dès lors que les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en décidant que la prescription de l'action fondée sur l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce n'avait pas été interrompue par l'action que la société HAMEL avait formée, dans un premier temps, sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuel, afin d'obtenir réparation du préjudice commercial qu'elle avait subi, en raison du courrier 2 septembre 2009, et du dénigrement dont elle avait été victime de la part de la société ETS DENIS, dès lors que la réparation d'un préjudice commercial causé par des manquements contractuels et des actes de dénigrement ne peut tendre à la même fin et au même but que la réparation de la marge perdue en raison de l'absence de préavis alloué suite à la rupture des relations commerciales l'empêchant ainsi de se réorganiser, quand la société HAMEL avait obtenu sur le fondement du droit commun, du tribunal de commerce de Montauban, l'allocation d'une indemnité de 300.000 € correspondant à la perte de marge dont elle sollicitait la réparation sur le fondement de l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil ;

4. ALORS subsidiairement QUE les motifs peuvent permettre d'éclairer la portée du dispositif pour savoir si un point est revêtu de l'autorité de la chose jugée ; qu'en considérant que la société HAMEL ne pouvait pas se prévaloir des motifs de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse requalifiant en action pour rupture des relations établies, celle qu'elle avait engagée sur le fondement du droit commun, dès lors que le dispositif de son arrêt est seul revêtu de l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure applicable au litige, et l'article 480 du code de procédure civile ;

5. ALORS subsidiairement QUE l'interruption de la prescription s'étend d'une action à une autre, dès lors que les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en affirmant, par des motifs adoptés des premiers juges, que la société HAMEL avait agi sur un autre fondement sans solliciter la réparation d'un préjudice né de la brutalité de la rupture, quand la société HAMEL sollicitait dans un cas comme dans l'autre, l'indemnisation du préjudice constitué par la perte de marge en raison du courrier du 2 septembre 2009, de sorte que l'objet de la seconde action était compris dans la première, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-24441
Date de la décision : 08/07/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Article 2224 du code civil - Point de départ - Connaissance des faits permettant l'exercice de l'action - Cas - Action fondée sur la rupture brutale d'une relation commerciale établie - Notification de la rupture à celui qui s'en prétend victime

CONCURRENCE - Transparence et pratiques restrictives - Rupture brutale des relations commerciales - Prescription - Point de départ - Détermination

Le point de départ de la prescription d'une action fondée sur la rupture brutale d'une relation commerciale établie est constitué par la notification de la rupture à celui qui s'en prétend victime, dès lors que celui-ci a connaissance, à cette date, de l'absence de préavis et du préjudice en découlant, et sans qu'il y ait lieu de tenir compte de l'éventualité d'une faute de sa part ayant pu justifier que l'auteur de la rupture ait mis un terme à la relation sans préavis


Références :

Article 2224 du code civil.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 jui. 2020, pourvoi n°18-24441, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.24441
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