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08/07/2020 | FRANCE | N°17-11468

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 juillet 2020, 17-11468


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 656 FS-D

Pourvoi n° S 17-11.468

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020

La société Solyem, société par actions simplifiée, dont le siège est [..

.] , anciennement dénommée Federal Mogul Sealing Systems, a formé le pourvoi n° S 17-11.468 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2016 par la cour d'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 656 FS-D

Pourvoi n° S 17-11.468

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020

La société Solyem, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Federal Mogul Sealing Systems, a formé le pourvoi n° S 17-11.468 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2016 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant à M. F... X..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Silhol, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Solyem, de Me Haas, avocat de M. X..., et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Silhol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Gilibert, conseillers, M. Duval, Mmes Valéry, Pecqueur, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, en leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 1er octobre 1979 en qualité de régleur par la société Federal Mogul Sealing Systems, devenue la société Solyem, a travaillé au sein de l'établissement de Saint-Priest de cette société ; que par arrêté ministériel du 7 juillet 2000, cet établissement a été inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période de 1916 à 1994 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété et du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt retient, après avoir dit le salarié prescrit en sa demande d'indemnisation de son préjudice d'anxiété, que l'intéressé a été soumis pendant plus de trente ans et jusqu'à la fin de sa carrière à l'inhalation de poussières d'amiante, que le risque de développer une pathologie inhérente à cette exposition demeure et qu'il est contraint à ce titre de se soumettre à vie à des examens médicaux réguliers pour en détecter l'éventuelle apparition ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait déclaré le salarié prescrit en sa demande d'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, la cour d'appel, qui a indemnisé le préjudice moral causé par l'exposition à l'amiante pendant la période couverte par l'arrêté inscrivant l'établissement sur la liste prévue à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Federal Mogul Sealing Systems, devenue la société Solyem, a manqué à son obligation de sécurité et la condamne à payer à M. X... la somme de 50 000 euros, l'arrêt rendu le 9 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne M. X... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Solyem

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la société Federal Mogul Sealing Systems, devenue Solyem, avait manqué à son obligation de sécurité, et d'avoir en conséquence condamné la société Federal Mogul Sealing Systems, devenue Solyem, à verser à M. X... la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'obligation de sécurité : Selon les dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'il est démontré en l'espèce, à lecture du compte rendu de la réunion du CHSCT du 21 juin 2012, que si la S.A.S. FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS, devenue la société SOLYEM, a cessé en 1994 d'utiliser de l'amiante pour fabriquer ses joints d'étanchéité, elle n'a pas pris toutes les mesures propres à préserver la santé physique et mentale de ses salariés ; qu'elle s'est en effet volontairement abstenue en 2009, en raison du coût de l'opération chiffrée à environ 4 M€, de faire procéder au désamiantage de son site, notamment de la zone déchets métal élastomère et de la toiture, alors même qu'elle savait que des entrées de fibres d'amiante en atelier étaient encore possibles par la verrière et ont d'ailleurs été constatées à l'occasion de contrôles réguliers d'empoussièrement ; le dernier contrôle produit aux débats en date du 1er juin 2013, soit près de vingt ans après l'abandon de l'amiante dans les processus de fabrication, fait encore état de la présence de fibres de chrysolite ; qu'elle a ainsi, et en toute connaissance de cause, laissé perduré un risque grave pour ses salariés, et manqué durablement à son obligation de sécurité à leur égard ; qu'il résulte de ces différentes considérations d'une part, que la demande présentée par M. F... X... sur ce fondement n'est pas prescrite, et, d'autre part, qu'elle est parfaitement fondée en son principe ; que ce salarié a été soumis pendant plus de 30 ans et jusqu'à la fin de sa carrière à l'inhalation de poussières d'amiante ; le risque de développer une pathologie inhérente à cette exposition demeure et il est contraint à ce titre de se soumettre à vie à des examens médicaux réguliers pour en détecter l'éventuelle apparition ; qu'il convient en conséquence de réformer sur ce point la décision déférée et d'allouer à M. F... X... la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation, qui n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque ; qu'un salarié, dont la demande de réparation d'un préjudice d'anxiété est prescrite ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral au titre d'une exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; qu'au cas présent, la cour d'appel a déclaré M. X... prescrit en sa demande d'indemnisation de son préjudice d'anxiété ; qu'en condamnant la société Solyem à lui verser une somme de 50.000 € au titre de la méconnaissance de son obligation de sécurité, sans caractériser un préjudice distinct du préjudice moral au titre de l'exposition à l'amiante, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, L. 4121-1 du code du travail et 41 de la loi du 23 décembre 1998 ;

ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU'à supposer que le salarié, dont la demande de réparation du préjudice d'anxiété est éteinte, puisse solliciter la réparation d'un préjudice moral pour une exposition à l'amiante, il lui incombe de démontrer l'existence d'un manquement de l'employeur ayant entraîné une exposition personnelle et habituelle au risque d'inhalation de poussières d'amiante postérieurement à la période visée par l'arrêté ministériel de classement de l'établissement au titre de l'article 41 de le loi du 23 décembre 1998 ; que, pour condamner la société Solyem, qui avait abandonné l'amiante dans ses processus de fabrication en 1994, à verser à M. X... des dommages-intérêts pour méconnaissance de son obligation de sécurité, la cour d'appel s'est bornée à relever que certains des contrôles réguliers d'empoussièrement effectués depuis 1994 avaient révélé la présence de fibres d'amiante et que la société aurait ainsi laissé perdurer un risque grave pour ses salariés ; qu'en statuant de la sorte, sans caractériser en quoi la présence d'amiante, révélée par des contrôles de surveillance, était constitutive un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et exposait les salariés à un risque de maladie professionnelle, ni caractériser la moindre exposition personnelle et habituelle de M. X... au risque postérieurement à 1994, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, L. 4121-1 du code du travail et 41 de la loi du 23 décembre 1998 ;

ALORS, DE TROISIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; que le principe de la réparation intégrale du préjudice interdit au juge de verser à la victime d'un préjudice une indemnisation excédant la valeur du préjudice et de procurer un enrichissement à la victime ; qu'il en résulte que le juge ne peut déduire l'existence d'un préjudice de la seule constatation d'un manquement de l'employeur et que, tenu de motiver sa décision, il ne peut, en cas de contestation, allouer une somme de dommages-intérêts sans avoir préalablement caractérisé un préjudice résultant du manquement constaté ; qu'au cas présent, la cour d'appel, après avoir constaté que la demande de préjudice d'anxiété au titre du travail au sein d'un établissement figurant sur la liste visée par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 pour la période courant de 1916 à 1994 était prescrite, a alloué à M. X... une somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts pour méconnaissance par la société Solyem de son obligation de sécurité, sans caractériser la moindre exposition personnelle de M. X..., ni le moindre préjudice personnel résultant d'un éventuel manquement de l'employeur à son égard postérieurement à 1994 ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, L. 4121-1 du code du travail et 41 de la loi du 23 décembre 1998 et du principe de la réparation intégrale du préjudice ;

ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en l'absence de texte le prévoyant, le juge ne peut prononcer des dommages-intérêts à caractère punitif dont le montant est sans aucun rapport avec le dommage subi par la victime ; qu'en allouant à M. X... une somme de 50.000 € de dommages-intérêts en raison de la présence de fibres d'amiante révélée par certains contrôles d'empoussièrements effectués en 1994, sans relever le moindre lien entre la situation personnelle de M. X... et ce comportement reproché à la société Solyem, ni relever l'existence d'un préjudice personnellement subi par M. X... du fait de ce comportement, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, le principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble le principe de légalité des délits et des peines applicable, en vertu de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à toute sanction ayant le caractère d'une punition.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-11468
Date de la décision : 08/07/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 09 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jui. 2020, pourvoi n°17-11468


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:17.11468
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