LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 juillet 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 663 F-P+B+I
Pourvoi n° D 19-12.752
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020
1°/ M. V... H..., dit J...,
2°/ Mme A... I..., épouse H...,
domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° D 19-12.752 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre 12), dans le litige les opposant à la caisse de Crédit mutuel La Frontalière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. H... et de Mme I..., de Me Le Prado, avocat de la caisse de Crédit mutuel La Frontalière, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure :
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 décembre 2018) et les productions, par une ordonnance du 27 février 2009, un tribunal d'instance, statuant comme tribunal de l'exécution, a ordonné, à la requête de la caisse de Crédit mutuel La Frontalière (la banque), la vente forcée de biens immobiliers appartenant à M. H... et Mme I....
2. Saisi par une nouvelle requête en adjudication forcée de la banque en date du 23 février 2017, le tribunal d'instance y a fait droit par ordonnance d'adhésion du 11 juillet 2017.
3. Sur le pourvoi immédiat formé par M. H... et Mme I..., ce tribunal a, par ordonnance du 30 novembre 2017, dit n'y avoir lieu à rétracter sa décision et transmis le dossier à une cour d'appel.
Examen du moyen :
Sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Enoncé du moyen
4. M. H... et Mme I... font grief à l'arrêt de déclarer le pourvoi immédiat mal fondé, de maintenir l'ordonnance du 11 juillet 2017 du tribunal de l'exécution forcée immobilière, d'ordonner l'accès de la caisse de Crédit mutuel La Frontalière à l'adjudication forcée prononcée le 27 février 2009 par ordonnance du tribunal de l'exécution de Huningue concernant l'immeuble situé [...] (68220) cadastré section [...] , [...] , inscrit au Livre foncier de Hegenheim, au nom de M. V... H... et de Mme A... I..., chacun pour moitié, pour avoir paiement de la somme de 177 770,90 CHF représentant la contrevaleur en euros au cours du 14 novembre 2016 de 154 334,44 euros et des intérêts au taux légal sur la somme de 11 629,87 CHF représentant la contrevaleur en euros au cours du 14 janvier 2016 de 10 803,41 euros et les cotisations d'assurance vie conformément au contrat à compter du 15 novembre 2016 jusqu'au règlement définitif alors « que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'en statuant sans débat au visa de conclusions de la caisse de Crédit mutuel La Frontalière du 19 novembre 2018, postérieures au pourvoi immédiat de M. et Mme H... du 11 août 2017, sans même s'assurer que ces écritures avaient été communiquées à M. et Mme H... et que ceux-ci avaient été mis en mesure d'y répondre utilement, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour :
Vu les articles 672 et 673 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
5. Selon le premier de ces textes, la signification des actes entre avocats est constatée par l'apposition du cachet et de la signature de l'huissier de justice sur l'acte et sa copie avec l'indication de la date et du nom de l'avocat destinataire. Selon le deuxième, la notification directe des actes entre avocats s'opère par la remise de l'acte en double exemplaire à l'avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l'un des exemplaires après l'avoir daté et visé.
6. L'arrêt attaqué se prononce sans débat au visa de conclusions de la caisse de Crédit mutuel La Frontalière du 19 novembre 2018, postérieures au pourvoi immédiat de M. H... et Mme I... du 11 août 2017, et comportant la mention imprimée selon laquelle elles avaient été notifiées à l'avocat constitué par M. H... et Mme I....
7. En statuant ainsi, sans vérifier que ces conclusions avaient été notifiées à l'avocat de M. H... et de Mme I... dans les formes requises, et que ces derniers en avaient eu connaissance et avaient été mis en mesure d'y répondre, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la caisse de Crédit mutuel La Frontalière aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse de Crédit mutuel La Frontalière et la condamne à payer à M. H... et Mme I... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. H... et Mme I...
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré le pourvoi immédiat mal fondé, d'AVOIR maintenu l'ordonnance du 11 juillet 2017 du tribunal de l'exécution forcée immobilière, d'AVOIR ordonné l'accès de la Caisse de crédit mutuel La Frontalière à l'adjudication forcée prononcée le 27 février 2009 par ordonnance du tribunal de l'exécution de Huningue concernant l'immeuble situé [...] (68220) cadastré section [...] , [...] , inscrit au Livre Foncier de Hegenheim, au nom de M. V... H... et de Mme A... I..., chacun pour moitié, pour avoir paiement de la somme de 177 770,90 CHF représentant la contrevaleur en euros au cours du 14/11/2016 de 154 334,44 euros et des intérêts au taux légal sur la somme de 11 629,87 CHF représentant la contrevaleur en euros au cours du 14/1/2016 de 10 803,41 euros et les cotisations d'assurance vie conformément au contrat à compter du 15/11/2016 jusqu'au règlement définitif ;
AUX ÉNONCIATIONS QUE le 11 août 2017, M. V... H... et Mme A... I... ont formé pourvoi immédiat en sollicitant la caducité de l'ordonnance et l'infirmation de la décision ; par conclusions du 18 septembre 2017, la caisse de Crédit Mutuel la Frontalière concluait à la confirmation de l'ordonnance et à l'irrecevabilité du pourvoi ; par ordonnance du 30 novembre 2017, le tribunal de l'exécution forcée immobilière a maintenu son ordonnance et a transmis l'ensemble de la procédure à la cour d'appel de Colmar pour compétence ; par conclusions du 19 novembre 2018, la Caisse de crédit mutuel la Frontalière conclut au rejet du pourvoi et au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; la banque rappelle que la procédure avait en son temps été suspendue d'un commun accord mais qu'aucune disposition légale ne prévoit que le notaire doive convoquer les parties dans un délai de 6 mois ; M. V... H... et Mme A... I... n'ont pas conclu à hauteur de cour ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE M. V... H... et Mme A... I... font valoir la caducité de la procédure, faute par le notaire désigné d'avoir convoqué les parties dans le délai de 6 mois à compter de sa saisine ; l'article 224 de la loi du 1er juin 1924 impose au notaire d'inviter le demandeur à fournir toutes justifications utiles concernant l'objet de la demande et à faire des propositions précises sur le mode et les bases du partage qu'il provoque ; le deuxième alinéa stipule que si, dans les six mois, après que la décision ait obtenu l'autorité de la chose jugée, le demandeur ou une autre partie intéressée ne remplis pas les conditions prévues par l'alinéa précédent, la procédure est à considérer comme éteinte ; ces dispositions sont applicables au seul partage judiciaire et non à la procédure d'exécution forcée immobilière ; dès lors, M. V... H... et Mme A... I... sont déboutés de leur pourvoi et supporteront la charge des dépens ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE la partie débitrice ne s'acquitte pas de sa dette et que la partie créancière requiert en conséquence la vente forcée des immeubles ci-dessous visés ; que le titre exécutoire a été signifié régulièrement à la partie débitrice et que la requête est régulière en la forme et bien fondée en droit ;
1) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que M. et Mme H..., débiteurs saisis, n'ont pas conclu devant la cour d'appel à l'appui de leur pourvoi immédiat du 11 août 2017 ; qu'en statuant néanmoins sur ce recours aux seuls visas du pourvoi immédiat et des conclusions du créancier du 18 septembre 2017 et du 19 novembre 2018 sans s'assurer que M. et Mme H... avaient été mis en mesure de développer des moyens devant elle, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
2) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'en statuant sans débat au visa de conclusions de la Caisse de crédit mutuel La Frontalière du 19 novembre 2018, postérieures au pourvoi immédiat de M. et Mme H... du 11 août 2017, sans même s'assurer que ces écritures avaient été communiquées à M. et Mme H... et que ceux-ci avaient été mis en mesure d'y répondre utilement, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.