La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/2020 | FRANCE | N°19-14879

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 juillet 2020, 19-14879


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC. / ELECT

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation partielle sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 540 F-D

Pourvoi n° R 19-14.879

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2020

La fédération F

orce ouvrière énergies et mines, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 19-14.879 contre le jugement rendu le 29 mars 2019 par le trib...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC. / ELECT

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation partielle sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 540 F-D

Pourvoi n° R 19-14.879

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2020

La fédération Force ouvrière énergies et mines, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 19-14.879 contre le jugement rendu le 29 mars 2019 par le tribunal d'instance de Colombes (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ à la fédération CFE-CGC énergies, dont le siège est [...] ,

2°/ à M. W... Q..., domicilié [...] ,

3°/ à M. R... K...,

4°/ à M. A... D...,

5°/ à M. N... C...,

6°/ à Mme P... V...,

domiciliés tous cinq [...],

7°/ au syndicat SECIF-CFDT, dont le siège est [...] ,

8°/ à la fédération mines énergies CGT, dont le siège est [...] ,

9°/ à la société Storengy, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations écrites de Me Haas, avocat de la fédération Force ouvrière énergies et mines, après débats en l'audience publique du 20 mai 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L.431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Colombes, 29 mars 2019), la société Storengy a organisé du 21 au 29 janvier 2019 les élections pour la mise en place du comité social et économique, le protocole d'accord préélectoral conclu le 9 janvier 2019 précisant notamment, concernant le deuxième collège « non cadre », que le corps électoral est composé de 20 % de femmes et de 80 % d'hommes et que deux sièges sont à pourvoir.

2. La fédération Force ouvrière énergies et mines (la fédération) a présenté pour ce collège une liste de deux candidats hommes pour les sièges de titulaires, MM. S... et C..., qui ont tous deux été élus.

3. La fédération CFE-CGC énergies a saisi, le 12 février 2019, le tribunal d'instance aux fins d'annuler notamment l'élection de M. C... en qualité de membre titulaire, en invoquant l'irrégularité de la liste des candidats qui aurait dû être composée d'un homme et d'une femme lorsque deux sièges sont à pourvoir.

4. Par arrêt du 3 juillet 2019 (Soc., 3 juillet 2019, pourvoi n° 19-14.879), la Cour a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par la fédération portant sur la conformité à la Constitution de l'article L. 2314-30, alinéa 4, du code du travail.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. La fédération fait grief au jugement d'annuler l'élection de M. C... en qualité de membre titulaire, deuxième collège « non cadre », du comité social et économique, alors que « lorsque l'application des règles d'arrondis mises en oeuvre en vue d'assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des membres du comité social et économique conduit à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté ; que la loi ouvre ainsi aux organisations syndicales une simple faculté, sans mettre à leur charge l'obligation de présenter une liste comportant un candidat du sexe sous-représenté ; qu'en considérant que la liste présentée par la fédération Force ouvrière énergies et mines était irrégulière pour ne comporter aucun candidat de sexe féminin après avoir pourtant constaté que, compte tenu de la proportion de femmes et d'hommes dans le collège considéré, la stricte application des dispositions légales conduisait à exclure totalement la représentation des femmes, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2314-29 et L. 2314-30, alinéa 4, du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2314-30 du code du travail :

6. Lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste conforme à l'article L. 2314-30 du code du travail, c'est à dire respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté. Lorsque l'application des règles de proportionnalité et de l'arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à cinq conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, il résulte de l'article précité que les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues. Les dispositions de l'article L. 2314-30 du code du travail étant d'ordre public absolu, le protocole préélectoral ne peut y déroger.

7. Pour annuler l'élection du second candidat masculin présenté par la fédération, le jugement énonce que si, en application des dispositions du protocole préélectoral, les deux sièges accordés au deuxième collège se répartissaient exclusivement au profit du sexe masculin, il ressort de la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-686 QPC du 19 janvier 2018 concernant la règle de l'arrondi que ladite règle ne peut faire obstacle à ce que les listes de candidats puissent comporter un candidat du sexe sous-représenté dans le collège électoral, qu'il en ressort que la fédération Force ouvrière énergies et mines ne pouvait présenter de liste « non cadre » titulaires exclusivement composée d'hommes sans porter atteinte au principe de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, que dès lors la liste devait être composée d'un homme et d'une femme afin de garantir la règle de la proportionnalité impliquant la mixité et celle de l'alternance d'un candidat de chaque sexe.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les femmes représentaient 20 % des effectifs du deuxième collège, soit, pour deux sièges à pourvoir, un pourcentage en application de la règle de l'arrondi ne donnant droit à aucun siège, ce qui autorisait la fédération à présenter, soit deux candidats du sexe majoritairement représenté, soit un candidat de chacun des deux sexes, soit un candidat unique du sexe surreprésenté, le tribunal d'instance a violé, par fausse application, le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique pris en sa première branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il annule l'élection de M. C... en qualité de membre titulaire au sein du deuxième collège « non cadre » du comité social et économique, le jugement rendu le 29 mars 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Colombes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE la demande d'annulation de l'élection de M. C..., en qualité de membre titulaire au sein du deuxième collège « non cadre », au comité social et économique de la société Storengy ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la fédération Force ouvrière énergies et mines ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la fédération Force ouvrière énergies et mines.

Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR annulé l'élection de M. C... en qualité de membre titulaire, 2ème collège « non cadre », du comité social et économique de la société Storengy ;

AUX MOTIFS QUE, concernant la liste « non cadre », il ressort du protocole que le nombre de siège à pourvoir était de deux et, que la proportion entre femmes et d'hommes pour la répartition était de 20 % pour les femmes et 80 % pour les hommes et, la liste électorale définitive composée de 14 femmes et 45 hommes laissait apparaître une proportion de 23,73 % de femmes et de 76,27 % d'hommes ; qu'en l'espèce, la fédération Force Ouvrière Energies et Mines a présenté deux listes dans le collège « non cadre » ainsi composées : titulaires : M. U... S... et M. N... C..., et, suppléants : Mme P... V... et M. I... X... ; que si, en application des dispositions ci-avant rappelées, les deux sièges accordés à ce collège se répartissaient exclusivement au profit du sexe masculin, il ressort de la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-686 QPC du 19 janvier 2018 concernant la règle de l'arrondi que la dite règle ne peut faire obstacle à ce que les listes de candidats puissent comporter un candidat du sexe sous-représenté dans le collège électoral, il en ressort que la fédération Force Ouvrière Energies et Mines ne pouvait présenter de liste « non cadre » titulaires exclusivement composée d'hommes, sans porter atteinte au principe de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ; que dès lors la liste devait être composée d'un homme et d'une femme afin de garantir la règle de la proportionnalité impliquant la mixité et celle de l'alternance d'un candidat de chaque sexe ;

ALORS, 1°), QUE l'abrogation d'une disposition législative, en application de l'article 62 de la Constitution, qui fait perdre à la décision qui en a fait application, son fondement juridique, entraîne de plein droit l'annulation de celle-ci ; que l'abrogation à intervenir de l'article L. 2314-30, alinéa 4, du code du travail, tel qu'interprété de manière constante par la Cour de cassation (Soc., 9 mai 2018, n° 17-14.088) , dont le tribunal d'instance a fait application pour trancher le litige, entraînera l'annulation de son jugement pour perte de fondement juridique ;

ALORS, 2°), QUE lorsque l'application des règles d'arrondis mises en oeuvre en vue d'assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des membres du comité social et économique conduit à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté ; que la loi ouvre ainsi aux organisations syndicales une simple faculté, sans mettre à leur charge l'obligation de présenter une liste comportant un candidat du sexe sous-représenté ; qu'en considérant que la liste présentée par la fédération Force Ouvrière Energies et Mines était irrégulière pour ne comporter aucun candidat de sexe féminin après avoir pourtant constaté que, compte tenu de la proportion de femmes et d'hommes dans le collège considéré, la stricte application des dispositions légales conduisait à exclure totalement la représentation des femmes, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2314-29 et L. 2314-30, alinéa 4, du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-14879
Date de la décision : 01/07/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Colombes, 29 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 jui. 2020, pourvoi n°19-14879


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.14879
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award