LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er juillet 2020
Rejet
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 364 F-D
Pourvoi n° K 19-12.068
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUILLET 2020
La société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 19-12.068 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société C. J..., société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , représentée par M. V... J..., pris en qualité de mandataire judiciaire de la société [...],
2°/ à la société FHB, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , représentée par Mme K... T..., prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société [...],
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société [...], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés C. J... et FHB, ès qualités, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 décembre 2018), la société [...] (la société), dont M. C... est le gérant, a été mise en redressement judiciaire le 13 juillet 2018, la société FHB étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire et la société J... en celle de mandataire judiciaire.
Examen du moyen unique
Enoncé du moyen
2. La société fait grief à l'arrêt de la mettre en redressement judiciaire et de fixer au 29 mai 2018 la date de cessation des paiements alors :
« 1°/ que l'état de cessation des paiements de la société doit s'apprécier au moment où la juridiction statue, y compris en cause d'appel ; que pour confirmer le jugement ayant mis la société en redressement judiciaire, l'arrêt attaqué évalue le passif exigible à la date de ce jugement à la somme totale de 96 705,72 euros, avant de relever que la société ne justifiait d'aucun actif disponible ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la cessation des paiements de la société à la date à laquelle elle statuait, la cour d'appel a violé l'article L. 631-1 du code de commerce ;
2°/ que pour caractériser l'état de cessation des paiements, les juges du fond doivent préciser la consistance du passif exigible et de l'actif disponible à la date à laquelle ils statuent ; qu'au cas présent, la cour s'est bornée, après avoir fait état de la liste des créances de la société, à relever que celle-ci ne justifiait d'aucun actif disponible à la date du jugement d'ouverture et que l'avance en compte courant du 12 octobre 2018 ne pouvait être prise en compte ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'état de cessation des paiements de la société, en l'absence de précision sur l'existence et le montant de l'actif disponible à la date de sa décision, la cour d'appel a privé celle-ci de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce ;
3°/ que la charge de la preuve de l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible pèse sur le demandeur à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; qu'au cas présent, la cour d'appel s'est bornée, après avoir fait état de la liste des créances de la société, à relever que celle-ci ne justifiait d'aucun actif disponible ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
4°/ que, subsidiairement, la société démontrait qu'elle était en mesure de faire face à son passif exigible grâce à un apport en compte courant de son associé effectué le 12 octobre 2018 à hauteur de 114 000 euros et que, dans le cadre de sa nouvelle activité, elle ne supportait aucune charge fixe, l'administrateur judiciaire n'ayant été amené, dans le cadre de sa mission, à valider aucun paiement depuis l'ouverture du redressement, ce qui n'était d'ailleurs pas contesté ; que, pour refuser de comptabiliser ce versement dans l'actif disponible, la cour retient que la société ne démontrait pas qu'il pouvait lui permettre de recouvrer un équilibre financier à court terme ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
5°/ qu'alors qu'une avance en compte courant, qui n'est pas bloquée ou dont le remboursement n'a pas été demandé, constitue un actif disponible, peu important à cet égard que ce financement soit anormal, qu'il vise à maintenir artificiellement l'activité de la société ou qu'il ne lui permette pas de recouvrer un équilibre financier à court terme ; qu'au cas présent, pour refuser de comptabiliser l'apport en compte courant du 12 octobre 2018 dans l'actif disponible, la cour a estimé que ce versement constituait un financement anormal destiné à soutenir artificiellement la société et insusceptible de lui permettre de recouvrer un équilibre financier à court terme ; qu'en statuant, quand il lui appartenait uniquement de rechercher si cette avance n'avait pas été bloquée et si son remboursement n'avait pas été demandé, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas sur le caractère normal du financement destiné à faire face au passif exigible, a violé l'article L. 631-1 du code de commerce ;
6°/ que, subsidiairement, une avance en compte courant ne peut être regardée comme anormale et, en conséquence, écartée de l'évaluation de l'actif disponible que si elle résulte de moyens frauduleux ou ruineux ; que pour juger que l'apport effectué par M. C... était anormal, la cour a retenu qu'au cours du premier semestre 2018, l'activité de la société se serait poursuivie grâce à des paiements opérés par des tiers pour son compte et que celle-ci ne démontrait pas que cette nouvelle avance lui permettrait de recouvrer un équilibre financier à court terme, pour en déduire que ce versement était destiné à soutenir artificiellement la société ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que cette avance en compte courant constituait un moyen frauduleux ou ruineux et, dès lors, anormal, la cour d'appel a violé l'article L. 631-1 du code de commerce ;
7°/ qu'alors que la société soutenait que l'avance de M. C... ne constituait pas un financement anormal et qu'elle devait lui permettre de recouvrer un équilibre financier à court terme ; qu'à cet égard, elle faisait valoir, d'une part, que ce versement avait été préconisé par l'administrateur judiciaire au cours de l'audience du 13 septembre 2018, ce qui était de nature à en écarter tout caractère douteux ou illégitime ; que, d'autre part, elle démontrait, sans être contestée, que, dans le cadre de sa mission, l'administrateur judiciaire n'avait pas été amené à valider de paiements depuis l'ouverture du redressement judiciaire, sans constitution d'un nouveau passif, ce dont il résultait que sa nouvelle activité de détention de titres ne générait plus de besoins en fonds de roulement et que l'avance de M. C... lui permettrait de recouvrer un équilibre financier à court terme ; qu'en omettant de se prononcer sur ces éléments et en jugeant que l'avance de M. C... constituait un financement anormal, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
3. En premier lieu, l'arrêt, après avoir exactement rappelé qu'il appartient à la cour de rechercher si le débiteur se trouve en état de cessation des paiements au jour où elle statue et qu'il convient d'examiner successivement les différentes créances composant le passif exigible au 12 novembre 2018, retient, après avoir analysé les créances connues en fonction des différentes pièces produites depuis le jugement d'ouverture, dont les créances déclarées par la société EDF et les différentes créances fiscales, pour écarter une somme de 61 154 euros faisant l'objet d'une réclamation contentieuse, pour déterminer le montant exigible de chacune d'elles, que le montant global du passif exigible de la société [...] s'établit au minimum à 96 705,72 euros à la date du jugement d'ouverture, tandis qu'à la même date il n'était justifié d'aucun actif disponible.
4. Ayant ainsi procédé, avant de se déterminer sur l'existence d'un état de cessation des paiements, à l'examen, depuis l'ouverture du redressement judiciaire, de l'évolution du passif et de l'actif de la société, dont elle a décidé d'écarter l'apport en compte courant consenti par son gérant en considération de son caractère anormal, la cour d'appel s'est, sans inverser la charge de la preuve, nécessairement placée à la date où elle a statué.
5. En second lieu, après avoir justement considéré que l'apport en compte courant consenti par le gérant de la société constituait une réserve de crédit devant être prise en considération au titre de l'actif disponible, l'arrêt constate qu'il ressort du rapport d'enquête que la société ne disposait pas d'un compte bancaire, que le règlement de ses charges était opéré par M. C... ou par un tiers, et que le compte courant d'associé de M. C... était de 300 000 euros pour un capital social de 10 000 euros. L'arrêt relève encore, qu'alors que le chiffre d'affaires de la société est constitué de dividendes versés par ses filiales et de la facturation de prestations réalisées pour le compte de la société CREAM, il n'a, d'une part, été produit ni compte d'exploitation ni document prévisionnel et, d'autre part, qu'ont été déclarées au passif des factures d'électricité et une créance du bailleur, la société ne donnant pas d'explication sur ses charges depuis son changement de siège social, de sorte qu'il n'est pas démontré qu'elle n'a qu'une activité de holding ne générant pas de besoin de fonds de roulement et qu'une nouvelle avance en compte courant lui permettra de recouvrer son équilibre financier à court terme.
6. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu retenir qu'il n'était pas établi que la société avait modifié les conditions de son activité, de sorte qu'un apport en compte courant de son gérant, fût-il suggéré par l'administrateur, constituait un financement anormal destiné à soutenir artificiellement sa trésorerie en dissimulant la persistance de son état de cessation des paiements.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [...] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile rejette la demande formée par la société [...] et la condamne à payer à la société FHB et à la société C. J..., la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour la société [...]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 13 juillet 2018 en ce qu'il a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société [...] et, en conséquence, fixé au 29 mai 2018 la date de cessation des paiements compte tenu de la date de réception de l'avis de mise en recouvrement du service des impôts des entreprises de Nanterre établi le 15 mai 2018 ;
Aux motifs que « la société [...] rappelle que l'état de cessation des paiements qui doit être caractérisé pour l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire s'apprécie au jour où la juridiction statue ; qu'elle prétend qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements dès lors que son actif disponible est supérieur à son passif exigible ; qu'elle affirme en effet que son passif exigible au jour où la cour statue, soit au 12 novembre 2018, s'élève à la somme totale de 87.450,98 euros compte tenu des moratoires obtenus ou des créances qui font l'objet de contestations sérieuses, ou tout au plus s'élèverait à la somme de 100.627,72 euros selon les organes de la procédure après retranchement des sommes de 61.154 euros et de 1.229 euros qui ne sont pas exigibles, alors que son actif disponible s'élève à 114.000 euros, montant versé au compte Carpa de son conseil ; qu'en réponse aux moyens développés par les intimées, elle rappelle que constitue une réserve de crédit de nature à entrer dans l'actif disponible du débiteur un apport en compte courant réalisé par un associé sous la condition suspensive de l'infirmation du jugement d'ouverture du redressement judiciaire ; qu'elle ajoute qu'elle est une société holding, qu'elle n'a aucune activité propre et donc aucune charge fixe, ou salarié qui nécessitent un besoin en fond de roulement, et que les sommes apportées par M. C... en sa qualité d'associé vont lui permettre de retrouver un équilibre financier à court terme et ne peuvent être qualifiées de réserves de crédit anormales ; que les organes de la procédure, après avoir détaillé les différentes créances déclarées au passif de la société, prétendent qu'elle n'est pas en mesure de faire face à son passif exigible qui s'élève à la somme de 163.010,72 euros au jour où la cour statue ; qu'ils soutiennent en effet que la société appelante ne justifie d'aucun actif disponible estimant que la somme de 114.000 euros portée au crédit du compte Carpa ouvert au nom du cabinet d'avocat Advocacy4 ne peut constituer une réserve de crédit disponible au sens de l'article L. 631-1 du code de commerce faute de démonstration de la disponibilité des fonds et de son caractère irrévocable ; qu'ils prétendent qu'en toute hypothèse, cet apport du dirigeant constitue un mode de financement anormal de l'entreprise en difficulté visant à supporter son activité déficitaire, dont il ne saurait être tenu compte ; qu'ils affirment qu'en effet la société [...] a tenté de masquer son état de cessation des paiements manifeste par des modes de financements anormaux puisque les apports successifs et paiements par subrogation n'ont eu d'autre objet que de masquer une situation définitivement obérée ; que l'article L.631-1 du code de commerce dispose que le redressement judiciaire est ouvert à tout débiteur mentionné aux articles L. 621-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements ; que le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en état de cessation des paiements ; que la cour doit rechercher si le débiteur se trouve en état de cessation des paiements au jour où elle statue ; qu'il convient d'examiner successivement les différentes créances composant le passif exigible au 12 novembre 2018 selon le récapitulatif figurant à la page 15 des conclusions du mandataire judiciaire ; - sur la créance déclarée par EDF ; qu'EDF a déclaré plusieurs créances à la procédure collective de la société [...] pour un montant total de 9.254,69 euros au titre de factures impayées exigibles depuis le 26 octobre 2017 ; que la société [...] a contesté les créances estimant que les factures concernent des sites occupés par une autre société ; que les factures jointes aux déclarations de créance d'EDF sont toutes établies au nom de la société [...] pour des lieux de consommation différents ([...] ) ; qu'elles n'ont pas été contestées à réception par la société en sorte qu'elles doivent être considérées comme étant certaines et exigibles ; - sur la créance déclarée par la SCI [...] à hauteur de 58.925,12 euros ; que la société ne conteste pas son exigibilité ; - divers : 122,73 euros ; que la société ne conteste pas son exigibilité ; - sur les dettes fiscales ; que l'administration fiscale a déclaré au passif de la société [...] différentes créances ; rectification fiscale (IS 2016) : 61.154,00 euros ; CFE 2015, 2016 et 2017 : 5.151,00 euros ; SIE moratoire TVA : 18.803,18 euros : pas de contestation par la société ; SIE moratoire IS 2015 : 9.600,00 euros : pas de contestation par la société ; selon la société [...] il y a lieu de déduire la somme de 61.154 euros qui fait l'objet d'une réclamation contentieuse assortie d'une demande de sursis de paiement et dont l'exigibilité est suspendue en application des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ; que les organes de la procédure répondent que la réclamation adressée par la société [...] au SIE constitue non pas une réclamation mais une demande de sursis à l'imposition qui n'est pas éligible au sursis de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ; que selon l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes ; que l'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent ; que lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret (4.500 euros), le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés ; que la somme dont l'exigibilité est contestée par l'appelante a fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement ; qu'elle a été déclarée par le pôle de recouvrement spécialisé des hauts de Seine au titre de l'IS 2016 à titre privilégié échu ; que la société [...] a adressé un courrier de réclamation le 7 juillet 2018 au SIE de Nanterre, aux termes duquel elle sollicite la révision de la base imposable et l'annulation du montant de l'impôt sur les sociétés pour 64.212 euros ainsi que le bénéfice du sursis de paiement ; que tant que cette demande de sursis, qui constitue bien le sursis à paiement visé au premier alinéa de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, n'a pas été rejetée par le comptable dans les formes prévues par l'article R.277-1 du même livre, l'impôt dont la société [...] réclame le dégrèvement ou la réduction n'est plus exigible ; que cette somme de 61.154 euros ne peut donc être retenue dans le calcul du passif exigible ; qu'enfin, la société [...] estime que doit également être retirée de son passif exigible, la somme totale de 5.151 euros déclarée par l'administration fiscale au motif qu'une partie de cette somme est incluse dans le moratoire du 10 février 2018, une autre a été déclarée par le SIE de Paris alors qu'elle n'avait pas encore transféré son siège social et que la CFE 2017 a fait l'objet d'une double déclaration ; que les sommes dont l'exigibilité est contestée par la société [...] ont été déclarées à titre définitif au titre des échéances 2015, 2016 et 2017 de la CFE ; qu'elles sont donc exigibles nonobstant les contestations émises par la société [...] ; que le passif exigible à la date du jugement d'ouverture est en conséquence évalué au minimum à la somme totale de 96.705,72 euros ; qu'à cette date, la société [...] ne justifiait d'aucun actif disponible ; qu'ainsi, l'appelante était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et se trouvait donc bien en état de cessation des paiements ; qu'une somme de 114.000 euros a été versée le 12 octobre 2018, soit trois mois après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire, sur le compte Carpa du conseil de l'appelante par M. C... , lequel a donné ordre irrévocable de procéder à son versement au profit de la la société [...], sous réserve que la cour d'appel réforme le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire en date du 13 juillet 2018 de telle sorte que celle-ci redeviendrait in bonis ; qu'un apport en compte courant réalisé par un associé sous la condition suspensive de l'infirmation du jugement d'ouverture du redressement judiciaire peut être considéré comme une réserve de crédit ; que Maître J..., dans son premier rapport d'enquête du 2 mars 2018, avait indiqué que la société ne disposait d'aucun compte bancaire et que le règlement des charges était effectué directement par les soins de M. C... ; que lors de l'audience devant le tribunal le dirigeant s'est présenté avec un chèque de banque d'un montant de 19.302 euros émis par un tiers ‘'Frangui'' destiné à procéder au paiement d'une créance du trésor public ; qu'ainsi, l'activité de la société [...] au cours du premier semestre 2018 a été poursuivie grâce aux paiements opérés directement pour son compte par M. C... ou un tiers ; que Maître J... a également noté dans son rapport d'enquête que le compte courant d'associé de M. C... s'élèverait à la somme de 300.000 euros, étant rappelé que le capital social est de 10.000 euros ; que le chiffre d'affaires de la société [...] est constitué des remontées des dividendes des filiales et de refacturations de prestations effectuées pour la société [...]. ; qu'au jour où la cour statue, l'appelante n'a produit ni compte d'exploitation prévisionnel ni prévisionnel de trésorerie et n'établit nullement ne plus avoir de charges courantes et par suite ne pas avoir besoin de fond de roulement, étant souligné d'une part qu'ont été déclarées au passif des factures EDF et une créance du bailleur, la SCI de Valois, et d'autre part qu'elle ne s'explique pas sur ses charges depuis son changement de siège social ; que l'appelante ne démontre pas que cette nouvelle avance en compte courant consentie par M. C... va lui permettre de recouvrer un équilibre financier à court terme au seul motif qu'elle est une holding et n'a pas besoin de fond de roulement ; qu'il ne peut dans ces conditions être tenu compte du versement de la somme 114.000 euros par son dirigeant, trois mois après l'ouverture du redressement judiciaire et un mois avant l'audience devant la cour, lequel constitue en réalité un financement anormal destiné à soutenir artificiellement la société [...] ayant pour unique objet de masquer cet état de cessation de paiements et échapper ainsi à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, en sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris ; que la décision doit encore être confirmée en ce qui concerne la date de cessation des paiements fixée provisoirement au 29 mai 2018 qui n'est pas discutée » (p. 4-7) ;
1) Alors que l'état de cessation des paiements de la société doit s'apprécier au moment où la juridiction statue, y compris en cause d'appel ; que pour confirmer le jugement ayant mis la société [...] en redressement judiciaire, l'arrêt attaqué évalue le passif exigible à la date de ce jugement à la somme totale de 96.705,72 euros, avant de relever que la société [...] ne justifiait d'aucun actif disponible ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la cessation des paiements de la société [...] à la date à laquelle elle statuait, la cour d'appel a violé l'article L. 631-1 du code de commerce ;
2) Alors que pour caractériser l'état de cessation des paiements, les juges du fond doivent préciser la consistance du passif exigible et de l'actif disponible à la date à laquelle ils statuent ; qu'au cas présent, la cour s'est bornée, après avoir fait état de la liste des créances de la société [...], à relever que celle-ci ne justifiait d'aucun actif disponible à la date du jugement d'ouverture et que l'avance en compte courant du 12 octobre 2018 ne pouvait être prise en compte ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'état de cessation des paiements de la société [...], en l'absence de précision sur l'existence et le montant de l'actif disponible à la date de sa décision, la cour d'appel a privé celle-ci de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce ;
3) Alors que la charge de la preuve de l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible pèse sur le demandeur à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; qu'au cas présent, la cour s'est bornée, après avoir fait état de la liste des créances de la société [...], à relever que celle-ci ne justifiait d'aucun actif disponible ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
4) Alors, à titre subsidiaire, que la société [...] démontrait qu'elle était en mesure de faire face à son passif exigible grâce à un apport en compte courant de son associé effectué le 12 octobre 2018 à hauteur de 114.000 euros et que, dans le cadre de sa nouvelle activité, elle ne supportait aucune charge fixe, l'administrateur judiciaire n'ayant été amené, dans le cadre de sa mission, à valider aucun paiement depuis l'ouverture du redressement, ce qui n'était d'ailleurs pas contesté (dernières conclusions, p. 20-22) ; que, pour refuser de comptabiliser ce versement dans l'actif disponible, la cour retient que la société [...] ne démontrait pas qu'il pouvait lui permettre de recouvrer un équilibre financier à court terme ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
5) Alors qu'une avance en compte courant, qui n'est pas bloquée ou dont le remboursement n'a pas été demandé, constitue un actif disponible, peu important à cet égard que ce financement soit anormal, qu'il vise à maintenir artificiellement l'activité de la société ou qu'il ne lui permette pas de recouvrer un équilibre financier à court terme ; qu'au cas présent, pour refuser de comptabiliser l'apport en compte courant du 12 octobre 2018 dans l'actif disponible, la cour a estimé que ce versement constituait un financement anormal destiné à soutenir artificiellement la société [...] et insusceptible de lui permettre de recouvrer un équilibre financier à court terme ; qu'en statuant, quand il lui appartenait uniquement de rechercher si cette avance n'avait pas été bloquée et si son remboursement n'avait pas été demandé, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas sur le caractère normal du financement destiné à faire face au passif exigible, a violé l'article L. 631-1 du code de commerce ;
6) Alors, à titre subsidiaire, qu'une avance en compte courant ne peut être regardée comme anormale et, en conséquence, écartée de l'évaluation de l'actif disponible que si elle résulte de moyens frauduleux ou ruineux ; que pour juger que l'apport effectué par Monsieur C... était anormal, la cour a retenu qu'au cours du premier semestre 2018, l'activité de la société [...] se serait poursuivie grâce à des paiements opérés par des tiers pour son compte et que celle-ci ne démontrait pas que cette nouvelle avance lui permettrait de recouvrer un équilibre financier à court terme, pour en déduire que ce versement était destiné à soutenir artificiellement la société [...]; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que cette avance en compte courant constituait un moyen frauduleux ou ruineux et, dès lors, anormal, la cour d'appel a violé l'article L. 631-1 du code de commerce ;
7) Alors, encore, que la société [...] soutenait que l'avance de Monsieur C... ne constituait pas un financement anormal et qu'elle devait lui permettre de recouvrer un équilibre financier à court terme ; qu'à cet égard, elle faisait valoir, d'une part, que ce versement avait été préconisé par l'administrateur judiciaire au cours de l'audience du 13 septembre 2018 (dernières conclusions, p. 21), ce qui était de nature à en écarter tout caractère douteux ou illégitime ; que, d'autre part, elle démontrait, sans être contestée, que, dans le cadre de sa mission, l'administrateur judiciaire n'avait pas été amené à valider de paiements depuis l'ouverture du redressement judiciaire, sans constitution d'un nouveau passif (dernières conclusions, p. 22), ce dont il résultait que sa nouvelle activité de détention de titres ne générait plus de besoins en fonds de roulement et que l'avance de Monsieur C... lui permettrait de recouvrer un équilibre financier à court terme ; qu'en omettant de se prononcer sur ces éléments et en jugeant que l'avance de Monsieur C... constituait un financement anormal, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile.