La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/2020 | FRANCE | N°19-11854

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 juillet 2020, 19-11854


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 554 F-D

Pourvoi n° C 19-11.854

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2020

La société [...] (HetM), société à respons

abilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 19-11.854 contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2018 par la cour d'a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 554 F-D

Pourvoi n° C 19-11.854

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2020

La société [...] (HetM), société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 19-11.854 contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme J... Q..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

Mme Q... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal et la demanderesse au pourvoi incident invoquent, chacune, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [...] (HetM), de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme Q..., après débats en l'audience publique du 20 mai 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 décembre 2018), Mme Q... a été engagée par la société [...] (HetM, ci-après la société), le 19 août 2002, en qualité de responsable de département (Floor manager), statut cadre B1 au sein de l'établissement du centre commercial Euralille. La salariée a été élue déléguée du personnel le 10 juillet 2008, lors d'élections dans l'établissement Euralille, dont l'organisation avait été demandée par le syndicat CFE/CGC suite à la carence constatée en 2005. Convoquée, le 23 juin 2010, à un entretien préalable en vue d'un licenciement, le 3 juillet 2010, la salariée a, par lettre recommandée du 19 juillet 2010, été licenciée pour cause réelle et sérieuse.

2. Contestant son licenciement, la salariée a, le 2 octobre 2013, saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal de la société

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée était nul, d'ordonner sa réintégration dans l'entreprise HetM au poste qu'elle occupait et de la condamner à lui payer une somme correspondant aux salaires qu'elle aurait dû percevoir entre le 2 octobre 2013 et sa réintégration alors, « qu'il résulte des articles L. 2314-26 et L. 2314-6 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 que les délégués du personnel sont élus pour quatre ans et que leurs élections ont normalement lieu à la même date que celles des membres du comité d'entreprise ; que lorsqu'un procès-verbal de carence a été établi au sein d'un établissement pour l'élection des délégués du personnel, des élections intermédiaires peuvent être organisées ultérieurement à la demande d'un salarié ou d'un syndicat ; que les délégués du personnel élus à cette occasion le sont pour la durée restant à courir du mandat des membres du comité d'entreprise précédemment élus ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt que Mme Q... a été élue le 10 juillet 2008 en qualité de délégué du personnel de l'établissement d'Euralille au titre d'un mandat qui était resté initialement vacant, en raison d'un procès-verbal de carence établi lors des élections des membres du comité d'entreprise du 11 octobre 2005 ; qu'ayant été élue lors d'élections intermédiaires pour la durée restant à courir des mandats des membres du comité d'entreprise, le mandat de délégué du personnel de la salariée a pris fin le 11 octobre 2009, date d'expiration du mandat de quatre années des membres du comité d'entreprise, peu important que la nouvelle élection du comité d'entreprise n'ait pas eu lieu immédiatement ; qu'en décidant au contraire que le mandat de délégué du personnel de la salariée avait été prorogé jusqu'à l'organisation des nouvelles élections des membres du comité d'entreprise en mars 2010 - pour en déduire qu'elle disposait du statut de salariée protégée lors de son licenciement en juillet 2010 - la cour d'appel a violé les articles L. 2314-26, L. 2314-6, L. 2411-1 et L. 2411-5 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2314-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 :

4. S'il résulte du texte susvisé que l'élection des délégués du personnel et celle des représentants du personnel au comité d'entreprise ont lieu à la même date, ces dispositions ne peuvent faire obstacle, lorsqu'un procès-verbal de carence a été établi pour les délégués du personnel lors d'élections concomitantes avec celles des membres du comité d'entreprise, au droit des salariés d'être représentés par chacune des institutions prévues par la loi. Dans ce cas, lorsque l'employeur est invité par un salarié ou une organisation syndicale à organiser les élections des délégués du personnel, il est tenu d'engager la procédure prévue par l'article L. 2314-2 du code du travail, les délégués du personnel étant élus pour la durée restant à courir du mandat des membres du comité d'entreprise.

5. Pour dire que le licenciement de la salariée est nul et ordonner sa réintégration, la cour d'appel retient que lors des élections dans la société HetM de son comité d'entreprise et des délégués du personnel de chacun de ses établissements courant octobre 2005, un procès verbal de carence a été dressé dans l'établissement d'Euralille et qu'en 2008, suite à des élections organisées dans cet établissement à la demande d'un syndicat représentatif, la salariée a été élue déléguée du personnel le 10 juillet 2008, que les mandats des membres du comité d'entreprise élu en 2005 se sont achevés le 11 octobre 2009 et que la société a engagé le processus électoral dès le mois d'août 2009, mais qu'aucun protocole préélectoral n'ayant pu être conclu, elle a saisi le tribunal d'instance lequel, par un jugement du 25 janvier 2010, a fixé au 23 mars 2010 la date du premier tour et au 4 mai 2010, la date du second, qu'il s'en déduit que, indépendamment même de toute considération liée au protocole d'accord préélectoral conclu pour l'élection de la salariée en 2008, la durée de quatre ans du mandat de délégué du personnel pour lequel elle a été élue le 10 juillet 2008 a été abrégée pour garantir la simultanéité des élections, non pas en l'espèce jusqu'à la fin des mandats des membres du comité d'entreprise le 11 octobre 2009 mais, en l'absence de coïncidence entre la fin de ces mandats et les nouvelles élections, jusqu'aux nouvelles élections du comité d'entreprise en mars et mai 2010. Elle en conclut que le mandat de la salariée a pris fin au plus tôt le 23 mars 2010 et que la période de protection de six mois d'ancien délégué du personnel s'est enclenchée au plus tôt à cette date, de telle sorte qu'à la date de la notification de son licenciement, le 19 juillet 2010, elle demeurait en tout état de cause protégée par son statut, qu'en l'absence d'autorisation préalable de l'inspecteur du travail, le licenciement de la salariée est nul, de telle sorte qu'il doit être fait droit à sa demande de réintégration dans l'entreprise.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les mandats des membres du comité d'entreprise avaient pris fin le 11 octobre 2009 ce dont il résultait que, faute d'accord unanime de prorogation des mandats des représentants du personnel, le mandat de la déléguée du personnel avait également pris fin à cette même date, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le moyen du pourvoi incident de la salariée

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation prononcée à l'encontre de la société à avoir à lui payer une somme correspondant aux salaires qu'elle aurait dû percevoir entre le 2 octobre 2013 et sa réintégration, alors :

« 1°/ que le juge est tenu de ne pas dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, pour limiter aux salaires qu'elle aurait perçus du jour de sa demande de réintégration, le 2 octobre 2013, à celui de sa réintégration effective, la cour d'appel a retenu qu'en attendant le 26 avril 2013 pour interroger l'inspecteur du travail sur son licenciement et ensuite le 2 octobre 2013 pour solliciter sa réintégration, la salariée avait excédé le délai raisonnable dans lequel elle devait former une telle demande laquelle était abusivement tardive ; qu'en statuant ainsi alors que, dans ses conclusions d'appel, la société ne se prévalait nullement du fait que la demande de la salariée aurait été abusivement tardive, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ en toute hypothèse que lorsque le salarié demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à sa réintégration ; que cette indemnité lui est également due lorsque la demande de réintégration est formulée après l'expiration de la période de protection en cours pour des raisons qui ne sont pas imputables au salarié ; que, toutefois, dans cette dernière hypothèse, le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n'a droit, au titre de la violation du statut protecteur, qu'à la rémunération qu'il aurait perçue du jour de la demande de réintégration à celui de sa réintégration effective ; qu'en l'espèce, en considérant que la demande de réintégration formée par la salariée le 2 avril 2013 était abusivement tardive, sans rechercher si, ainsi qu'elle le faisait valoir, la salariée n'avait pas pu légitimement croire que son licenciement avait été soumis à la validation des autorités compétentes ce qui expliquait qu'elle ait tardé à demander sa réintégration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 2411-1 et L. 2411-5 du code du travail dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

8. La cassation sur le moyen du pourvoi principal de la société rend sans portée le moyen du pourvoi incident de la salariée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne Mme Q... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société H et M [...].

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame Q... était nul, d'AVOIR ordonné sa réintégration dans l'entreprise HetM au poste qu'elle occupait, et d'AVOIR condamné la Société HetM [...] à payer à Madame Q... une somme correspondant aux salaires qu'elle aurait dû percevoir entre le 2 octobre 2013 et sa réintégration ;

AUX MOTIFS QUE « aux termes de l'article L.2314-6 du code du travail, dans sa version alors en vigueur « L'élection des délégués du personnel et celle des représentants du personnel au comité d'entreprise ont lieu à la même date. Ces élections simultanées interviennent pour la première fois soit à l'occasion de la constitution du comité d'entreprise, soit à la date du renouvellement de l'institution. La durée du mandat des délégués du personnel est prorogée à due concurrence. Elle peut être réduite dans le cas où le mandat du comité d'entreprise vient à échéance avant celui des délégués du personnel ». Il ressort de ce texte que lorsqu'un procès verbal de carence a été établi pour l'élection des délégués du personnel et que l'employeur qui y a été invité par une organisation syndicale a mis en oeuvre, comme il y est tenu, la procédure d'organisation des élections, les délégués du personnels sont élus non pas jusqu'à la fin de leur mandat mais pour la durée restant à courir du mandat des membres du comité d'entreprise, sauf à ce que celle-ci ne coïncide pas avec la date des nouvelles élections, auquel cas le mandat du délégué du personnel prend fin à la date de ces nouvelle élections, ce qui permet d'assurer à la fois la simultanéité des élections et le droit des salariés de continuer à être représentés par le délégué du personnel qu'ils ont élu. En l'espèce, il ressort des éléments versés aux débats que lors des élections dans la société HetM de son comité d'entreprise et des délégués du personnel de chacun de ses établissements courant octobre 2005, un procès verbal de carence a été dressé dans l'établissement d'Euralille et qu'en 2008, suite à des élections organisées dans cet établissement à la demande d'un syndicat représentatif, Mme Q... a été élue délégué du personnel le 10 juillet 2008. Il est par ailleurs établi que les mandats des membres du comité d'entreprise élu en 2005 se sont achevés le 11 octobre 2009 et que la société HetM a engagé le processus électoral dès le mois d'août 2009, mais qu'aucun protocole préélectoral n'ayant pu être conclu, elle a saisi le tribunal d'instance de Paris lequel, par un jugement du 25 janvier 2010, a fixé au 23 mars 20101a date du premier tour et au 4 mai 2010, la date du second. La cour déduit de ces éléments que, indépendamment même de toute considération liée au protocole d'accord préélectoral conclu pour l'élection de Mme Q... en 2008, la durée de 4 ans du mandat de délégué du personnel pour lequel elle a été élue le 10 juillet 2008 a été abrégée pour garantir la simultanéité des élections, non pas en l'espèce jusqu'à la fin des mandats des membres du comité d'entreprise le 11 octobre 2009 mais, en l'absence de coïncidence entre la fin de ces mandats et les nouvelles élections, jusqu'aux nouvelles élections du comité d'entreprise en mars et mai 2010. La cour en conclut que le mandat de Mme Q... a pris fin au plus tôt le 23 mars 2010 et que la période de protection de 6 mois d'ancien délégué du personnel s'est enclenchée au plus tôt à cette date, de telle sorte qu'à la date de la notification de son licenciement, le 19 juillet 2010, elle demeurait en tout état de cause protégée par son statut. En l'absence d'autorisation préalable de l'inspecteur du travail, le licenciement de Mme Q... est nul, de telle sorte qu'il doit être fait droit à sa demande de réintégration dans l'entreprise, au même poste, à compter de la date de la notification du présent arrêt. Le jugement sera infirmé de ce chef » ;

ALORS QU'il résulte des articles L. 2314-26 et L. 2314-6 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige antérieure à l'ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 que les délégués du personnel sont élus pour quatre ans et que leurs élections ont normalement lieu à la même date que celles des membres du comité d'entreprise ; que lorsqu'un procès-verbal de carence a été établi au sein d'un établissement pour l'élection des délégués du personnel, des élections intermédiaires peuvent être organisées ultérieurement à la demande d'un salarié ou d'un syndicat ; que les délégués du personnel élus à cette occasion le sont pour la durée restant à courir du mandat des membres du comité d'entreprise précédemment élus ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt que Madame Q... a été élue le 10 juillet 2008 en qualité de délégué du personnel de l'établissement d'Euralille au titre d'un mandat qui était resté initialement vacant, en raison d'un procès-verbal de carence établi lors des élections des membres du comité d'entreprise du 11 octobre 2005 ; qu'ayant été élue lors d'élections intermédiaires pour la durée restant à courir des mandats des membres du comité d'entreprise, le mandat de délégué du personnel de la salariée a pris fin le 11 octobre 2009, date d'expiration du mandat de quatre années des membres du comité d'entreprise, peu important que la nouvelle élection du comité d'entreprise n'ait pas eu lieu immédiatement ; qu'en décidant au contraire que le mandat de délégué du personnel de la salariée avait été prorogé jusqu'à l'organisation des nouvelles élections des membres du comité d'entreprise en mars 2010 - pour en déduire qu'elle disposait du statut de salariée protégée lors de son licenciement en juillet 2010 - la cour d'appel a violé les articles L. 2314-26, L. 2314-6, L. 2411-1 et L. 2411-5 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme Q....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité la condamnation prononcée à l'encontre de la société HetM à avoir à payer à Madame Q... une somme correspondant aux salaires qu'elle aurait dû percevoir entre le 2 octobre 2013 et sa réintégration ;

AUX MOTIFS QUE « il ressort des articles 4 du code de procédure civile, L. 2412-7, L. 2411-10 et L. 2411-13 du code du travail alors applicables, que lorsque le salarié demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à sa réintégration ; que cette indemnité lui est également due lorsque la demande de réintégration est formulée après l'expiration de la période de protection en cours pour des raisons qui ne sont pas imputables au salarié ; que, toutefois, dans cette dernière hypothèse, le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n'a droit, au titre de la violation du statut protecteur, qu'à la rémunération qu'il aurait perçue du jour de la demande de réintégration à celui de sa réintégration effective. En l'espèce, il apparaît que Mme Q... a saisi le conseil de prud'hommes le 2 octobre 2013 pour demander la nullité de son licenciement et sa réintégration ainsi qu'une indemnisation courant à compter de la date de son éviction de l'entreprise, soit près de trois ans après l'expiration de la période de protection, sans pouvoir justifier de ce délai. Si l'inspecteur du travail lui a confirmé, le 26 septembre 2013, qu'il avait dressé procès-verbal contre la société HetM au sujet de son licenciement prononcé sans autorisation, il ressort toutefois d'un précédent courrier du 5 avril 2013, que l'inspecteur du travail lui a adressé en réponse à son courrier du 26 mars 2013, que Mme Q... a attendu cette dernière date pour informer l'inspecteur du travail de son licenciement intervenu le 19 juillet 2010. Si le salarié n'a pas l'obligation d'informer l'inspecteur du travail, il ressort du même courrier que l'inspecteur du travail avait procédé à plusieurs mises au point vis-à-vis de la société HetM au sujet du mandat de Mme Q... et que celle-ci avait alors laissé « sans nouvelle » l'inspection du travail au sujet de son licenciement. En attendant le 26 avril 2013 pour interroger l'inspection du travail sur son licenciement et ensuite le 2 octobre 2013 pour solliciter sa réintégration, la salariée a excédé le délai raisonnable dans lequel elle devait former une telle demande laquelle est abusivement tardive, de telle sorte qu'elle n'a droit, au titre de la violation du statut protecteur, qu'à une indemnisation correspondant aux salaires qu'elle aurait perçus du jour de sa demande de réintégration, le 2 octobre 2013, à celui de sa réintégration effective » ;

ALORS en premier lieu QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, pour limiter aux salaires que Madame Q... aurait perçus du jour de sa demande de réintégration, le 2 octobre 2013, à celui de sa réintégration effective, la Cour d'appel a retenu qu'en attendant le 26 avril 2013 pour interroger l'inspecteur du travail sur son licenciement et ensuite le 2 octobre 2013 pour solliciter sa réintégration, la salariée avait excédé le délai raisonnable dans lequel elle devait former une telle demande laquelle était abusivement tardive ; qu'en statuant ainsi alors que, dans ses conclusions d'appel, la société HetM ne se prévalait nullement du fait que la demande de l'exposante aurait été abusivement tardive, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des dispositions des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

ALORS en second lieu et en toute hypothèse QUE lorsque le salarié demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à sa réintégration ; que cette indemnité lui est également due lorsque la demande de réintégration est formulée après l'expiration de la période de protection en cours pour des raisons qui ne sont pas imputables au salarié ; que, toutefois, dans cette dernière hypothèse, le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n'a droit, au titre de la violation du statut protecteur, qu'à la rémunération qu'il aurait perçue du jour de la demande de réintégration à celui de sa réintégration effective ; qu'en l'espèce, en considérant que la demande de réintégration formée par Madame Q... le 2 avril 2013 était abusivement tardive, sans rechercher si, ainsi qu'elle le faisait valoir, la salariée n'avait pas pu légitimement croire que son licenciement avait été soumis à la validation des autorités compétentes ce qui expliquait qu'elle ait tardé à demander sa réintégration, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 2411-1 et L. 2411-5 du Code du travail dans leur version applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-11854
Date de la décision : 01/07/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 21 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 jui. 2020, pourvoi n°19-11854


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.11854
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award