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01/07/2020 | FRANCE | N°18-24608;18-24609;18-24610;18-24611;18-24612;18-24613;18-24614;18-24615;18-24616;18-24617;18-24618;18-24619;18-24620;18-24621;18-24622;18-24623;18-24624;18-24625;18-24626;18-24627;18-24628;18-24629;18-24630;18-24631;18-24632;18-24633;18-24634;18-24635;18-24636;18-24637

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 juillet 2020, 18-24608 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 534 F-D

Pourvois n°
V 18-24.608
W 18-24.609
X 18-24.610
Y 18-24.611
Z 18-24.612
A 18-24.613
B 18-24.614
C 18-24.615
D 18-24.616
E 18-24.617
F 18-24.618
H 18-24.619
G 18-24.620
J 18-24.621
K 18-24.622
M 18-24.623
N 18-24.624
P 18-24.625
Q 18-24.626
R 18-24.627
S 18-24.6

28
T 18-24.629
U 18-24.630
V 18-24.631
W 18-24.632
X 18-24.633
Y 18-24.634
Z 18-24.635
A 18-24.636
B 18-24.637 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

______...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 534 F-D

Pourvois n°
V 18-24.608
W 18-24.609
X 18-24.610
Y 18-24.611
Z 18-24.612
A 18-24.613
B 18-24.614
C 18-24.615
D 18-24.616
E 18-24.617
F 18-24.618
H 18-24.619
G 18-24.620
J 18-24.621
K 18-24.622
M 18-24.623
N 18-24.624
P 18-24.625
Q 18-24.626
R 18-24.627
S 18-24.628
T 18-24.629
U 18-24.630
V 18-24.631
W 18-24.632
X 18-24.633
Y 18-24.634
Z 18-24.635
A 18-24.636
B 18-24.637 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2020

La société Vibratechniques, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé les pourvois n° V 18-24.608, W 18-24.609, X 18-24.610, Y 18-24.611, Z 18-24.612, A 18-24.613, B 18-24.614, C 18-24.615, D 18-24.616, E 18-24.617, F 18-24.618, H 18-24.619, G 18-24.620, J 18-24.621, K 18-24.622, M 18-24.623, N 18-24.624, P 18-24.625, Q 18-24.626, R 18-24.627, S 18-24.628, T 18-24.629, U 18-24.630, V 18-24.631, W 18-24.632, X 18-24.633, Y 18-24.634, Z 18-24.635, A 18-24.636 et B 18-24.637 contre un arrêt rendu le 20 septembre 2018 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à M. T... F..., domicilié [...] ,

2°/ à M. I... Y..., domicilié [...] ,

3°/ à M. O... W..., domicilié [...] ,

4°/ à M. E... C..., domicilié [...] ,

5°/ à M. L... Q..., domicilié [...] ,

6°/ à Mme X... S..., domiciliée [...] ,

7°/ à Mme U... R..., domiciliée [...] ,

8°/ à M. D... J..., domicilié [...] ,

9°/ à M. G... N..., domicilié [...] ,

10°/ à M. H... V..., domicilié [...] ,

11°/ à M. K... M..., domicilié [...] ,

12°/ à M. B... A..., domicilié [...] ,

13°/ à M. P... SH..., domicilié [...] ,

14°/ à M. DU... TR..., domicilié [...] ,

15°/ à M. AB... NA..., domicilié [...] ,

16°/ à Mme DY... BY..., domiciliée [...] ,

17°/ à Mme LG... OS..., domiciliée [...] ,

18°/ à M. AW... DN..., domicilié [...] ,

19°/ à M. TT... EI..., domicilié [...] ,

20°/ à M. Didier DV..., domicilié [...] ,

21°/ à M. AW... SK..., domicilié [...] ,

22°/ à Mme PZ... JS..., domiciliée [...] ,

23°/ à M. RS... GN..., domicilié [...] ,

24°/ à Mme RY... KF..., domiciliée [...] ,

25°/ à Mme X... KW..., domiciliée [...] ,

26°/ à M. FO... QB..., domicilié [...] ,

27°/ à M. XS... HR..., domicilié [...] ,

28°/ à M. JS... LB..., domicilié [...] ,

29°/ à M. O... NA..., domicilié [...] ,

30°/ à Mme TU... HI..., domiciliée [...] ,

31°/ à Pôle emploi Normandie dont le siège est [...]

32°/ à Pôle emploi Nouvelle Aquitaine, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation communs annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Vibratechniques, de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. F... et des vingt-neuf autres salariés, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 18-24.608, W 18-24.609, X 18-24.610, Y 18-24.611, Z 18-24.612, A 18-24.613, B 18-24.614, C 18-24.615, D 18-24.616, E 18-24.617, F 18-24.618, H 18-24.619, G 18-24.620, J 18-24.621, K 18-24.622, M 18-24.623, N 18-24.624, P 18-24.625, Q 18-24.626, R 18-24.627, S 18-24.628, T 18-24.629, U 18-24.630, V 18-24.631, W 18-24.632, X 18-24.633, Y 18-24.634, Z 18-24.635, A 18-24.636 et B 18-24.637 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Rouen, 20 septembre 2018), la société Vibratechniques, faisant partie du groupe Atlas Copco, a décidé, début 2013, dans le but de sauvegarder sa compétitivité, la fermeture de son site de production situé à Saint-Valery-en-Caux qui employait quarante-neuf salariés. Après mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi volontaire, elle a licencié quarante salariés affectés sur ce site le 19 juin 2013.

3. Contestant leur licenciement, M. F... et vingt-neuf autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief aux arrêts de dire les licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer à chacun des salariés des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à chaque salarié, alors « qu'est suffisamment précise la lettre de demande de recherche de reclassement adressée par l'employeur aux autres sociétés du groupe indiquant, pour les salariés à reclasser, l'emploi occupé par département de l'entreprise ainsi que le nombre de salariés concernés par chacun de ces emplois, et précisant encore que les curriculum vitae de chacun sont tenus à disposition ; qu'en affirmant au contraire que les recherches de reclassement au sein du groupe avaient été insuffisantes et non personnalisées, peu important que les curriculum vitae soient tenus à disposition, dès lors qu'elles ont consisté dans l'envoi d'un tableau récapitulant par département de l'entreprise, l'emploi occupé et le nombre de salariés concernés par chacun de ces emplois, à l'exception de tout élément sur le parcours de chacun quant aux compétences acquises au sein de la société Vibratechniques, mais aussi en dehors et aux expériences, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 :

6. Il résulte de ce texte que l'employeur est tenu avant tout licenciement économique de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

7. Pour retenir un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement et juger les licenciements des salariés dépourvus de cause réelle et sérieuse, les arrêts retiennent que les recherches de reclassement de la société n'ont aucunement été personnalisées puisqu'elles consistent dans l'envoi d'un tableau récapitulant par département de l'entreprise, l'emploi occupé et le nombre de salariés concernés par chacun de ces emplois, à l'exception de tout élément sur le parcours de chacun quant aux compétences acquises au sein de la société mais aussi en dehors et aux expériences, étant observé que l'indication dans le courriel que le curriculum vitae est tenu à disposition démontre que celui-ci n'a à ce stade pas été envoyé et que rien n'établit qu'il a été envoyé en tout état de cause à un autre moment.

8. En statuant ainsi, alors que la lettre de demande de recherche de postes de reclassement, qui comportait un tableau récapitulant par département de l'entreprise, l'emploi occupé par les salariés à reclasser et le nombre de salariés concernés pour chacun de ces emplois, était suffisamment personnalisée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le premier moyen, pris en sa septième branche

Enoncé du moyen

9. L'employeur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que les offres de reclassement doivent être écrites, précises et fermes et que ne répondent pas à cette exigence, les propositions faites par la société Vibratechniques d'un poste subordonné à un entretien avec un supérieur hiérarchique de l'entité d'accueil et à la possibilité d'une offre ferme d'emploi adressée le cas échéant par le directeur des ressources humaines de cette entité ; que cependant, les propositions de reclassement indiquaient seulement : « Si vous manifestez votre intérêt pour la (les) proposition(s) de poste qui est (sont) faites avant la fin du délai, vous pourrez bénéficier de 2 jours d'absence rémunérée dans le cadre d'un voyage de reconnaissance pour vous rendre sur votre potentiel nouveau lieu de travail et avoir un entretien avec le responsable hiérarchique local
À l'issue de l'entretien avec le supérieur hiérarchique du poste proposé, une offre ferme d'emploi pourra être adressée au salarié par écrit par le directeur des ressources humaines de l'entité d'accueil, accompagnée de deux exemplaires originaux du contrat de travail avec l'entité d'accueil
» ; qu'ainsi les propositions de reclassement faites aux salariés, conformément au plan de sauvegarde de l'emploi, ne subordonnaient pas le reclassement à un entretien avec le supérieur hiérarchique pouvant être suivi d'une offre du responsable des ressources humaines, mais offraient seulement la faculté aux salariés d'un tel entretien, lequel n'avait pour seul objet que de leur présenter l'environnement professionnel dans lequel ils étaient susceptibles d'évoluer ; que rien, en revanche, ne les obligeait à cette rencontre, ni ne subordonnait le reclassement effectif à l'accord du responsable des ressources humaines ; qu'il en résulte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les propositions de reclassement et a méconnu le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

10. Pour retenir un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement et juger les licenciements des salariés dépourvus de cause réelle et sérieuse, les arrêts retiennent encore que les propositions de reclassement à un poste sont subordonnées à un entretien avec un supérieur hiérarchique à l'issue duquel une offre ferme d'emploi pourra être adressée par le directeur des ressources humaines de l'entité d'accueil, en sorte qu'elles ne sont pas fermes.

11. En statuant ainsi, alors que les lettres de proposition de postes de reclassement précisaient qu'en cas d'intérêt manifesté pour une proposition de poste, le salarié pourrait bénéficier d'une absence rémunérée dans le cadre d'un voyage de reconnaissance pour se rendre sur le potentiel nouveau lieu de travail et avoir un entretien individuel avec le responsable hiérarchique local, ce dont il résultait que l'entretien avec le supérieur hiérarchique n'était qu'une faculté offerte au salarié, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes des lettres de proposition de postes de reclassement, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils disent les licenciements des salariés dépourvus de cause réelle et sérieuse et condamnent la société Vibratechniques à payer aux salariés une somme à titre de dommages-intérêts à ce titre et à rembourser à l'antenne Pôle emploi concernée les indemnités versées aux salariés, les arrêts rendus le 20 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne MM. F..., Y..., W..., C..., Q..., J..., N..., V..., M..., A..., SH..., TR..., NA..., DN..., EI..., DV..., SK..., GN..., QB..., HR..., LB..., NA..., et Mmes S..., R..., BY..., OS..., JS..., KF..., KW... et HI... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens communs produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Vibratechniques, demanderesse aux pourvois n° V 18-24.608, W 18-24.609, X 18-24.610, Y 18-24.611, Z 18-24.612, A 18-24.613, B 18-24.614, C 18-24.615, D 18-24.616, E 18-24.617, F 18-24.618, H 18-24.619, G 18-24.620, J 18-24.621, K 18-24.622, M 18-24.623, N 18-24.624, P 18-24.625, Q 18-24.626, R 18-24.627, S 18-24.628, T 18-24.629, U 18-24.630, V 18-24.631, W 18-24.632, X 18-24.633, Y 18-24.634, Z 18-24.635, A 18-24.636 et B 18-24.637

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux décisions infirmatives attaquées d'AVOIR dit le licenciement de chaque salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Vibratechniques à verser à chaque salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR condamné la société Vibratechniques à rembourser à l'antenne pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à chaque salarié dans la limite de six mois depuis le licenciement jusqu'au jugement, d'AVOIR rejeté toutes autres demandes de la société Vibratechniques et condamné la société Vibratechniques aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE chaque salarié a été licencié pour motif économique dans le cadre d'un licenciement collectif, motif pris de la fermeture du site de Saint-Valéry-en-Caux afin de sauvegarder la compétitivité de l'activité Outils pour béton frais à laquelle appartient la société au sein du groupe Atlas Copco ;
que même justifié par une cause économique avérée, le licenciement du salarié ne peut être légitimement prononcé que si l'employeur a préalablement satisfait à son obligation générale de reclassement préalable à tout licenciement pour motif économique, laquelle doit être effective et mise en oeuvre de bonne foi par l'employeur ; que ne satisfait pas à ces exigences, l'employeur qui adresse des demandes de reclassement imprécises ;
qu'en l'espèce, si l'employeur justifie avoir interrogé de très nombreuses entités du groupe Atlas Copco auquel elle appartient, ces recherches n'ont aucunement été personnalisées puisque consistant dans l'envoi d'un tableau récapitulant par département de l'entreprise, l'emploi occupé et le nombre de salariés concernés par chacun de ces emplois, à l'exception de tout élément sur le parcours de chacun quant aux compétences acquises au sein de la société Vibratechniques, mais aussi en dehors et aux expériences, étant observé que l'indication dans le courriel que le curriculum vitae est tenu à disposition démontre que celui-ci n'a à ce stade pas été envoyé et que rien n'établit qu'il a été envoyé en tout état de cause à un autre moment ;
qu'au surplus, les offres de reclassement doivent être écrites, précises et fermes ; que ne répondent pas à cette exigence, les propositions faites par la société Vibratechniques d'un poste subordonné à un entretien avec un supérieur hiérarchique de l'entité d'accueil et à la possibilité d'une offre ferme d'emploi adressée le cas échéant par le directeur des ressources humaines de cette entité ;
que dans de telles conditions, il doit être retenu que la société Vibratechniques a manqué à l'obligation de reclassement lui incombant et ainsi que le licenciement est pour ce motif dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

1) ALORS QUE les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe auquel appartient l'employeur qui envisage un licenciement économique collectif n'ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés ; que la cour d'appel a cependant jugé que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement au prétexte que les recherches de reclassement au sein du groupe n'auraient pas été personnalisées faute de préciser les compétences, expériences et parcours professionnel de chaque salarié concerné ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige ;

2) ALORS en tout état de cause QUE satisfait à son obligation de reclassement l'employeur qui interroge les sociétés du groupe auquel il appartient sur l'existence en leur sein de postes disponibles, en précisant les fonctions occupées par les salariés dont le licenciement est envisagé, et qui a pu en conséquence identifier les postes de reclassement pouvant être proposés individuellement et de façon personnalisée ; qu'en l'espèce, l'employeur justifiait avoir adressé aux sociétés du groupe la liste des postes occupés par les salariés devant être licenciés en leur demandant « de nous communiquer les descriptifs de vos postes vacants [sans distinction ni restriction] afin que nous puissions les étudier et les proposer aux personnes dont le licenciement est envisagé » (pièce d'appel n° 37) ; qu'il justifiait encore avoir identifié 4 postes de reclassement en France et 189 à l'étranger, ce qui avait permis de formuler des propositions individuelles de reclassement auprès des salariés en tenant compte de leur situation personnelle ; que la cour d'appel a cependant jugé que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement au prétexte que les recherches de reclassement au sein du groupe n'auraient pas été personnalisées faute de préciser les compétences, expériences et parcours professionnel de chaque salarié concerné et que les offres de reclassement n'auraient pas été fermes ; qu'en statuant par des motifs ne permettant de caractériser que l'employeur aurait limité le nombre de postes de reclassement pouvant être identifiés et proposés, ou qu'il aurait pu être fait obstacle au reclassement par le refus d'un responsable du recrutement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige ;

3) ALORS QU'est suffisamment précise la lettre de demande de recherche de reclassement adressée par l'employeur aux autres sociétés du groupe indiquant, pour les salariés à reclasser, l'emploi occupé par département de l'entreprise ainsi que le nombre de salariés concernés par chacun de ces emplois, et précisant encore que les curriculum vitae de chacun sont tenus à disposition ; qu'en affirmant au contraire que les recherches de reclassement au sein du groupe avaient été insuffisantes et non personnalisées, peu important que les curriculum vitae soient tenus à disposition, dès lors qu'elles ont consisté dans l'envoi d'un tableau récapitulant par département de l'entreprise, l'emploi occupé et le nombre de salariés concernés par chacun de ces emplois, à l'exception de tout élément sur le parcours de chacun quant aux compétences acquises au sein de la société Vibratechniques, mais aussi en dehors et aux expériences, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige ;

4) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les éléments de preuve versés aux débats ; qu'en affirmant que les demandes de postes adressées aux sociétés du groupe ne comportaient pas d'éléments relatifs au « parcours de chacun quant aux compétences acquises au sein de la société Vibratechniques, mais aussi en dehors et aux expériences », quand la simple lecture du coupon-réponse qu'il était demandé aux entreprises du groupe de remplir et de renvoyer précisait « Les salariés occupant dans l'entreprise ces types de postes ont une ancienneté dans l'entreprise supérieure à 2 ans, et ont tous un diplôme et/ou une expérience qualifiante et une bonne connaissance des produits outils pour le béton frais », la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

5) ALORS QUE, tenus de motiver leur décision, les juges du fond doivent viser et analyser les éléments de preuve versés aux débats par les parties ; que la cour d'appel affirme en l'espèce que les correspondances adressées aux sociétés du groupe afin de rechercher des postes de reclassement ne contenaient aucun élément sur le parcours de chacun quant aux compétences acquises et aux expériences, et que l'indication dans le courriel que le curriculum vitae est tenu à disposition démontre que celui-ci n'a à ce stade pas été envoyé et que rien n'établit qu'il a été envoyé en tout état de cause à un autre moment ; qu'en statuant ainsi sans viser ni examiner les pièces communes d'appel numéros 37 bis, 40 et 41 de l'employeur, dont il se prévalait (conclusions communes pag 37 et 38) et dont il ressortait que les curriculum vitae de chaque salarié avaient été adressés aux sociétés du groupe, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6) ALORS QUE les juges du fond, tenus de motiver leur décision, doivent préciser l'origine de leurs renseignements ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a cru pouvoir affirmer que l'employeur justifiait « avoir interrogé de très nombreuses entités du groupe Atlas Copco », et non pas avoir interrogé toutes les entités du groupe, contrairement à ce que soutenait l'employeur (conclusions communes page 36 et conclusions individuelles du dossier pilote page 4) ; qu'en statuant ainsi sans aucunement justifier de l'origine de son appréciation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que les offres de reclassement doivent être écrites, précises et fermes et que ne répondent pas à cette exigence, les propositions faites par la société Vibratechniques d'un poste subordonné à un entretien avec un supérieur hiérarchique de l'entité d'accueil et à la possibilité d'une offre ferme d'emploi adressée le cas échéant par le directeur des ressources humaines de cette entité ; que cependant, les propositions de reclassement indiquaient seulement : « Si vous manifestez votre intérêt pour la (les) proposition(s) de poste qui est (sont) faites avant la fin du délai, vous pourrez bénéficier de 2 jours d'absence rémunérée dans le cadre d'un voyage de reconnaissance pour vous rendre sur votre potentiel nouveau lieu de travail et avoir un entretien avec le responsable hiérarchique local
À l'issue de l'entretien avec le supérieur hiérarchique du poste proposé, une offre ferme d'emploi pourra être adressée au salarié par écrit par le directeur des ressources humaines de l'entité d'accueil, accompagnée de deux exemplaires originaux du contrat de travail avec l'entité d'accueil
» ; qu'ainsi les propositions de reclassement faites aux salariés, conformément au plan de sauvegarde de l'emploi, ne subordonnaient pas le reclassement à un entretien avec le supérieur hiérarchique pouvant être suivi d'une offre du responsable des ressources humaines, mais offraient seulement la faculté aux salariés d'un tel entretien, lequel n'avait pour seul objet que de leur présenter l'environnement professionnel dans lequel ils étaient susceptibles d'évoluer ; que rien, en revanche, ne les obligeait à cette rencontre, ni ne subordonnait le reclassement effectif à l'accord du responsable des ressources humaines ; qu'il en résulte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les propositions de reclassement et a méconnu le principe susvisé ;

8) ALORS QUE CONCERNANT LES SALARIES QUI N'ONT PU FAIRE L'OBJET D'AUCUNE OFFRE DE RECLASSEMENT :

1. M. XS...
HR...
Pourvoi n° Y1824634

2. M. JS...
LB...
Pourvoi n° Z1824635

3. M. CC...
C...
Pourvoi n° Y1824611

4. M. L...
Q...
Pourvoi n° Z1824612

5. M. D...
J...
Pourvoi n° C1824615

6. M. H...
V...
Pourvoi n° E1824617

7. M. K...
M...
Pourvoi n° F1824618

8. M. B...
A...
Pourvoi n° H1824619

9. M. DU...
TR...
Pourvoi n° J1824621

10. M. AB...
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Pourvoi n° K1824622

11. M. O...
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Pourvoi n° A1824636

12. Mme DY...
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Pourvoi n° M1824623

13. Mme LG...
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Pourvoi n° N1824624

14. M. AW...
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Pourvoi n° P1824625

15. M. GI...
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Pourvoi n° R1824627

16. M. AW...
SK...
Pourvoi n° S1824628

17. Mme PZ...
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Pourvoi n° T1824629

18. M. RS...
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Pourvoi n° U1824630

19. Mme RY...
KF...
Pourvoi n° V1824631

les juges du fond sont tenus par les limites du litige telles qu'elles sont fixées par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même relevé que l'employeur soutenait qu'il n'avait été en mesure de formuler des offres de reclassement qu'à seize salariés ; que la société Vibratechniques faisait en effet précisément valoir, sans être contredite, que, pour les salariés susvisés, il avait été impossible de formuler la moindre offre de reclassement compte tenu de la spécificité des postes disponibles au sein du groupe et de la situation de chaque salarié ; qu'en reprochant néanmoins à l'employeur d'avoir formulé des offres de reclassements qui n'auraient pas été fermes, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux décisions infirmatives attaquées d'AVOIR dit que la procédure de licenciement collectif n'a pas été respectée, d'AVOIR condamné la société Vibratechniques à verser à chaque salarié des dommages et intérêts pour violation de la procédure de licenciement économique collectif et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR rejeté toutes autres demandes de la société Vibratechniques et condamné la société Vibratechniques aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QU'en cas de non-respect par l'employeur des procédures de consultation des représentants du personnel ou d'information de l'autorité administrative, le salarié compris dans un licenciement collectif pour motif économique peut prétendre, par application des dispositions de l'article L. 1235-12 du code du travail, à une indemnité évaluée en fonction du préjudice subi ; qu'il ressort des éléments versés au débat, plus particulièrement du compte-rendu d'une réunion entre la direction et le comité d'entreprise au sujet du livre II du 02/04/2013, que les membres du comité d'entreprise européen du groupe, à l'exception selon M. C..., secrétaire du comité d'entreprise de la société Vibratechniques, de son secrétaire, n'avaient jusqu'à cette date pas été convoqués ; que ce seul non-respect de la procédure de consultation établi justifie l'octroi d'une somme en réparation du préjudice subi par chaque salarié ;

ALORS QUE tenus de motiver leur décision, les juges du fond doivent examiner les éléments de preuve versés aux débats par les parties ; qu'en affirmant qu'il ressortait des éléments versés au débat que les membres du comité d'entreprise européen du groupe n'avaient pas été convoqués au seul regard du compte-rendu d'une réunion entre la direction et le comité d'entreprise du 2 avril 2013, sans viser ni examiner le compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise européen du 5 février 2013 dont se prévalait l'employeur (conclusions générales pages 6 et 24, pièce commune n° 10) établissant qu'à cette date il avait été informé de la situation économique de la société Vibratechniques, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-24608;18-24609;18-24610;18-24611;18-24612;18-24613;18-24614;18-24615;18-24616;18-24617;18-24618;18-24619;18-24620;18-24621;18-24622;18-24623;18-24624;18-24625;18-24626;18-24627;18-24628;18-24629;18-24630;18-24631;18-24632;18-24633;18-24634;18-24635;18-24636;18-24637
Date de la décision : 01/07/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 20 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 jui. 2020, pourvoi n°18-24608;18-24609;18-24610;18-24611;18-24612;18-24613;18-24614;18-24615;18-24616;18-24617;18-24618;18-24619;18-24620;18-24621;18-24622;18-24623;18-24624;18-24625;18-24626;18-24627;18-24628;18-24629;18-24630;18-24631;18-24632;18-24633;18-24634;18-24635;18-24636;18-24637


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.24608
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