La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/2020 | FRANCE | N°18-19424

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 01 juillet 2020, 18-19424


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 318 F-D

Pourvoi n° K 18-19.424

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUILLET 2020

1°/ M. Y... D..., domicilié [...]

,

2°/ la société Immodel, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° K 18-19.424 contre l'arrêt rendu le 1...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 318 F-D

Pourvoi n° K 18-19.424

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUILLET 2020

1°/ M. Y... D..., domicilié [...] ,

2°/ la société Immodel, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° K 18-19.424 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 1), dans le litige les opposant à la société Crédit du Nord, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Remeniéras, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. D... et de la société Immodel, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Crédit du Nord, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Remeniéras, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Crédit du Nord (la banque) a consenti le 24 août 2001 à la SCI lmmodel (la SCI) un prêt destiné à financer l'achat d'un terrain et la construction d'un bâtiment à usage commercial et dont le remboursement était garanti par le nantissement de deux contrats d'assurance-vie souscrits par M. D..., gérant de la SCI ; qu'une échéance du prêt étant demeurée impayée, la banque, après avoir prononcé la déchéance du terme, a assigné la SCI en paiement ; que, reconventionnellement, celle-ci a demandé que la banque soit déchue de son droit aux intérêts en invoquant une erreur affectant le taux effectif global stipulé par le contrat de prêt ; que M. D..., qui est intervenu à l'instance, a recherché la responsabilité de la banque en lui reprochant un manquement à son devoir de conseil ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire de M. D..., l'arrêt retient que le lien entre, d'un côté, l'instance principale introduite par la banque contre la SCI et, de l'autre, la demande de dommages-intérêts de M. D... n'est pas suffisant pour établir, conformément à l'article 325 du code de procédure civile, l'intérêt à agir de l'intervenant qui, ne soutenant pas lui-même que son intervention se rattache aux prétentions des parties par un tel lien, soumet à la cour d'appel un litige nouveau ;

Qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties, qui n'avaient discuté de la recevabilité de l'intervention volontaire de M. D... qu'au regard de son droit d'agir relativement à ses prétentions en application de l'article 329 du code de procédure civile, à présenter leurs observations sur le moyen d'irrecevabilité, qu'elle relevait d'office, tiré de l'absence de lien suffisant rattachant l'intervention aux prétentions des parties comme l'exige l'article 325 du même code, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déclare irrecevable l'intervention volontaire de M. D... et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, en conséquence, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Crédit du Nord aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Crédit du Nord et la condamne à payer à M. D... et à la SCI lmmodel la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. D... et la société Immodel

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SCI Immodel à payer au crédit du Nord la somme de 332.703,14 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 4,70 % l'an à partir du 20 novembre 2013 et a dit que les intérêts dus par année entière sur cette somme seront capitalisés ;

AUX MOTIFS QUE sur la demande de déchéance de la banque de son droit aux intérêts contractuels, telle que prévue par l'article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 mars 2014, il sera rappelé que si l'article L. 312-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er juillet 2010, prévoit que les dispositions relatives aux crédits immobiliers s'appliquent aux prêts qui, quelle que soit leur qualification ou leur technique, sont consentis de manière habituelle par toute personne physique ou morale en vue de financer l'achat de terrains destinés à la construction d'immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel d'habitation, l'article L. 312-3, 2°, devenu l'article 313-2, 2°, du même code en vertu de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 exclut du champ d'application de ces mêmes dispositions les prêts destinés ,sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fraction d'immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance ; que revêt un caractère professionnel l'activité d'une personne morale dont l'objet social est de procurer sous quelque forme que ce soit des immeubles en propriété pu en jouissance, peu important le nombre d'immeubles sur lesquels s'exerce cette activité ; qu'il n'est pas contesté que la société civile immobilière Immodel a pour objet social « la location de terrain et d'autre biens immobiliers » ; que le prêt litigieux a été souscrit par elle en vue de l'acquisition d'un terrain et de la construction d'un bâtiment à usage de commerce et de stockage dont la société civile immobilière Immodel, en indiquant dans ses écritures que ce prêt, souscrit in fine, lui permettrait « d'éviter le temps de la construction du bâtiment projeté, d'avoir à faire face à un besoin de trésorerie important, pour pallier l'absence de loyers immédiatement encaissés », reconnaît qu'il était destiné à la location ; qu'il suit qu'au regard de l'objet social et de la destination de ce prêt, celui-ci n'entre pas dans le champ d'application des dispositions du code de la consommation régissant le crédit immobilier ; (
) ; que le prêt litigieux n'étant en ces conditions pas soumis à l'article L. 312-33 du code de la consommation dans sa rédaction alors applicable, la société civile immobilière Immodel doit être déboutée de sa demande tendant à voir la société Le Crédit du Nord déchue de son droit aux intérêts contractuels stipulés dans chacun des contrat de prêt et avenant ;

ALORS QUE la SCI Immodel avait invoqué les dispositions de l'article L. 313-4 du code monétaire et financier lesquelles s'appliquent quelle que soit la nature du prêt, professionnel ou non (conclusions d'appel p. 18) ; qu'en se bornant, pour débouter la SCI Immodel de sa demande tendant à voir la société Crédit du Nord déchue de son droit aux intérêts contractuels stipulés dans le contrat de prêt et l'avenant, à retenir que les dispositions du code de la consommation étaient inapplicables au prêt litigieux, sans répondre aux conclusions de la SCI Immodel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'intervention volontaire de M. D... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE si M. D... reproche au premier juge d'avoir déclaré irrecevable, comme prescrite, sa demande en dommages-intérêts formée contre la société Crédit du Nord pour manquement à son devoir de conseil, la cour observe que le premier juge, dans le dispositif de son jugement, a déclaré irrecevable, non pas la demande en dommages-intérêts ainsi formulée par M. D... , mais son intervention volontaire elle-même ; que M. D... ne prétend à cet égard pas que celle-ci, ainsi que l'impose l'article 325 du code de procédure civile, se rattacherait aux prétentions des parties par un lien suffisant alors même que la cour observe que le lien entre l'instance principale en paiement du solde engagée par la société Crédit du Nord contre la société civile immobilière Immodel et la demande en dommages-intérêts formée par M. D... à titre personnel contre l'établissement de crédit pour manquement de celui-ci à l'obligation de conseil à laquelle il était tenu, selon lui, à son égard au titre du contrat de l'assurance-vie « Antarius », prétention principale qui lui est propre, n'est pas suffisant pour justifier, conformément à l'article précité, de l'intérêt à agir de M. D... qui soumet en réalité un litige nouveau ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DU PREMIER JUGE QUE l'action en responsabilité devait en l'espèce être engagée dans les deux ans suivant la connaissance par M. D... des pertes qu'il reproche à la banque, constatées en mai 2005 (ce qui a selon lui conduit à la signature de l'avenant au contrat de prêt, signé le 24 mai 2005) notamment, de sorte qu'il devait agir avant le 24 mai 2007 ; que ses demandes n'ayant été faites que par ses conclusions d'intervention volontaire du 5 mars 2015 sont donc irrecevables comme prescrites, ce qui doit aboutir à déclarer irrecevable son intervention volontaire ;

1°) ALORS QUE le tribunal a expressément relevé, dans les motifs du jugement entrepris (p. 3), que les demandes en responsabilité de Monsieur D... étaient « irrecevables, comme prescrites, ce qui doit aboutir à déclarer irrecevable son intervention volontaire » ; qu'en énonçant, pour s'abstenir de répondre aux conclusions de Monsieur D... (p. 29 et s.), qui invoquait une erreur du tribunal quant au fondement de son action et par suite au régime de la prescription, que le tribunal « dans le dispositif de son jugement, a déclaré irrecevable, non pas la demande en dommages et intérêts ainsi formulée par Monsieur D..., mais son intervention volontaire elle-même », la Cour d'appel, qui a méconnu le fondement retenu par le tribunal pour déclarer Monsieur D... irrecevable en son intervention volontaire, a statué par un motif inopérant, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en s'abstenant, au surplus de répondre aux conclusions (p. 29 et s.) par lesquelles Monsieur D... faisait valoir que le tribunal avait à tort déclaré ses demandes irrecevables comme prescrites en se méprenant sur le fondement de son action, la responsabilité de la banque étant recherchée, non sur un fondement contractuel mais sur le fondement de l'article 1382 du Code civil en cas de faute prouvée, et par suite sur le régime de la prescription, la Cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge est tenu de respecter le principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, pour s'opposer à la demande de M. D..., le Crédit du Nord s'était borné à soutenir, d'une part, que l'intervention volontaire était irrecevable parce que l'action de M. D... était prescrite du fait de l'expiration du délai de prescription biennale posé par l'article L. 114-1 du code des assurances et, d'autre part, sur le fond, qu'aucun manquement dans la gestion du contrat d'assurance-vie n'était établi ; que la banque n'avait ainsi nullement excipé de l'absence de lien suffisant entre les prétentions de la SCI Immodel et celles de M. D... pour soutenir son moyen d'irrecevabilité ; qu'en conséquence, en relevant d'office ce moyen, sans avoir préalablement invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QU'en statuant de la sorte, la Cour d'appel, qui a relevé d'office le moyen tiré de l'absence de lien suffisant entre l'instance principale opposant la banque et la SCI Immodel et la demande de dommages-intérêts de Monsieur D... à l'encontre de la banque, la Cour d'appel a encore méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE l'intervention volontaire est recevable si elle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en l'espèce, la demande de M. D... tendant à voir engager la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de conseil relativement au contrat d'assurance-vie Antarius, nanti pour garantir le prêt accordé à la SCI Immodel par le Crédit du Nord était indissociablement liée à l'action principale en paiement du solde du prêt dès lors que, comme le faisait valoir M. D..., le refus par la banque d'arbitrer entre les différents supports du contrat pour dynamiser le rendement - et les pertes qui en étaient résultées - était seul à l'origine de l'absence de paiement du prêt à l'échéance ; que pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire de M. D..., la cour d'appel a retenu que la demande en dommages-intérêts était une « prétention principale qui lui est propre » de sorte que le lien entre l'instance principale et cette demande n'était « pas suffisant » ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si le lien ne résultait pas de ce que l'impayé du prêt à l'échéance ne résultait pas des pertes enregistrées par le contrat d'assurance-vie géré par le crédit du Nord, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 325 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-19424
Date de la décision : 01/07/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 17 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 01 jui. 2020, pourvoi n°18-19424


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.19424
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award