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01/07/2020 | FRANCE | N°18-17786

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 01 juillet 2020, 18-17786


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 331 F-P+B

Pourvoi n° E 18-17.786

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUILLET 2020

1°/ M. J... W..., domicilié [.

..] ,

2°/ la société 7 invest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° E 18-17.786 contre l'arrêt ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 331 F-P+B

Pourvoi n° E 18-17.786

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUILLET 2020

1°/ M. J... W..., domicilié [...] ,

2°/ la société 7 invest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° E 18-17.786 contre l'arrêt n° RG : 17/07345 rendu le 17 avril 2018 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige les opposant à la société Y... G... et associés, dont le siège est [...] , prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Transports Frigo 7 - Locatex défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. W... et de la société 7 Invest, de Me Le Prado, avocat de la société Y... G... et associés, ès qualités, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Transport Frigo 7 - Locatex, dont M. W... était le président, a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde le 19 octobre 2011, convertie en redressement puis en liquidation judiciaires les 19 décembre 2012 et 22 mai 2013, la société Y... G... et associés étant désignée liquidateur ; que le liquidateur a assigné M. W..., devenu gérant de la société holding 7 invest, elle-même devenue présidente de la société Transports Frigo 7- Locatex, et cette société holding en responsabilité pour insuffisance d'actif et en prononcé d'une faillite personnelle ;

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, et le troisième moyen, pris en sa première branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :

Attendu que M. W... et la société 7 invest font grief à l'arrêt de condamner M. W... à une mesure de faillite personnelle d'une durée de douze ans alors, selon le moyen, que les mesures de faillite personnelle et d'interdiction de gérer doivent être regardées comme des sanctions ayant le caractère d'une punition ; qu'elles doivent être motivées en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité du dirigeant et de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en prononçant en l'espèce à l'égard de M. W... la sanction de la faillite personnelle pour une durée de douze ans, sans tenir aucun compte de sa situation matérielle, familiale et sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 de la convention européenne des droits de l'homme et L. 653-10 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant retenu que M. W... avait déjà été frappé d'une mesure de faillite personnelle d'une durée de cinq ans prononcée, en 2004, pour des faits de même nature, puis fait ressortir qu'en raison de ce précédent avertissement, les nouveaux faits qui lui étaient reprochés étaient plus graves, la cour d'appel, devant laquelle M. W... n'invoquait, par ailleurs, aucun élément relatif à la situation matérielle, familiale et sociale que le moyen évoque, a légalement justifié sa décision de prononcer la faillite personnelle pour une durée de douze ans ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 653-10 du code de commerce, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt prononce, dans son dispositif, l'incapacité de M. W... d'exercer une fonction publique élective pour une durée de cinq ans ;

Qu'en statuant ainsi, sans donner aucun motif à l'appui de cette mesure qui, selon l'article L. 653-10 du code de commerce, est facultative, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce l'incapacité pour M. W... d'exercer une fonction publique élective pour une durée de cinq ans, l'arrêt rendu le 17 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société Y... G... et associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Transport Frigo 7 - Locatex, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt, signé par lui, M. Remery, conseiller doyen, qui en a délibéré, en remplacement de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, empêché.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. J... W..., la société 7 invest.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné solidairement M. W... et la société 7 Invest, cette dernière dans la limite de la somme de 2 624 305 euros, à payer à la société G... ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Transports frigo 7 – locatex la somme de 3 074 305 euros sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

AUX MOTIFS QUE « les appelants ne contestent pas l'existence d'une insuffisance d'actif qui, selon leurs propres calculs, s'élève à la somme de 12 769 000 euros dont une créance de restitution de la société Gefco d'un montant de 11 032 000 euros. Le passif admis s'élève en effet à 13 631 715,39 euros tandis que la cession des actifs s'est effectuée pour la valeur de 467 232 euros à laquelle devra être réintégrée pour déterminer l'insuffisance d'actif antérieure à l'ouverture de la procédure collective, le remboursement des créances de l'AGS (395 000 euros) considérée, à défaut d'autre précision, comme découlant intégralement de la liquidation judiciaire. À l'appui de sa demande, la Scp G... ès qualités invoque à l'encontre de M. W..., président de la Sas transports frigo 7 – locatex depuis le 24 juin 2009, puis de gérant de la Sarl 7 Invest devenue présidente de cette société, les fautes de gestion suivantes : - la poursuite en 2010 et en 2011 jusqu'à l'ouverture d'une procédure de sauvegarde le 19 octobre 2011 d'une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements ; - l'avance irrécouvrable de 2 624 305 euros consentie à la société 7 Invest ; - les conditions de rachat par la société SCI Bati 7 qu'il avait constituée pour la circonstance de l'ensemble immobilier situé [...] appartenant à la société Transports frigo 7 – locatex. Sur l'achat de l'immeuble Le 7 décembre 2009, M. W... a conclu un compromis de vente sous condition suspensive de financement d'un ensemble immobilier sis à Rennes d'une superficie de 10 001 m² appartenant à la société Transport frigo 7 – locatex pour le prix de 1 650 000 euros. Ce bien était valorisé au bilan de la société Transport frigo 7 – locatex pour une valeur brute en 2010 de 1 897 112 euros (soit la différence entre la valeur brute des terrains et constructions en début et fin d'exercice 2010 : 1 922 47 (-) 25 135 – pièce 185) et le prix convenu était a priori en rapport avec sa rentabilité, sa localisation et son importance. Pourtant suivant acte notarié du 24 décembre 2010, l'immeuble a été acquis par la SCI Bati 7, dont M. W... était l'associé majoritaire via la société civile Immo 7 Invest et le gérant (rapport M... page 5), pour un prix réduit à 1 200 000 euros. Le prétexte de cette diminution de prix était qu'il n'avait pu obtenir un financement bancaire plus important. M. W... soutient que ce prix réduit correspondait à la valeur réelle du bien mais l'unique attestation lapidaire et imprécise de M. O..., manifestement établie par complaisance pour les besoins de la cause, est dépourvue de toute valeur probante. En toute hypothèse, rien ne justifiait la vente en urgence de cet actif à un prix largement inférieur au prix escompté un an plus tôt puisque cette vente n'a rapporté à la société Transport frigo 7 – locatex qu'une trésorerie supplémentaire limitée à 339 584 euros alors que la société disposait à cette date d'une trésorerie pléthorique provenant de la provision de 9 397 747,12 euros perçue de la société Gefco. Au contraire l'intérêt de la société Transport frigo 7 – locatex était de conserver la propriété de l'immeuble partiellement loué à des tiers, ce qui lui rapportait un revenu annuel selon l'acte de cession de 134 400 euros, étant rappelé que le congé donné par la société Pomona n'a été délivré que le 10 août 2012 pour le 28 février 2013, aucune notification n'ayant été effectuée à la date de la cession selon l'acte, de sorte qu'il ne peut justifier a posteriori la cession consentie à des conditions aussi désavantageuses. Cette opération était d'autant plus défavorable à la société Transport frigo 7 – locatex que le rapport de M. M... (pièce 15 de l'intimée page 8) révèle que la SCI Bati 7, cessionnaire, a ensuite donné à bail à la société cédante partie de ce bien moyennant un loyer annuel de 30 000 euros. Outre l'obtention d'un prix nettement inférieur à ses attentes dont le caractère irréaliste n'est pas démontré, cette opération a donc fait perdre à la société Transport frigo 7 – locatex des revenus locatifs conséquents et a augmenté ses charges, l'ensemble représentant un préjudice annuel supplémentaire de 164 400 euros. Il sera d'ailleurs relevé que M. W..., pour la société Transport frigo 7 – locatex, n'hésitait pas à invoquer devant la cour d'appel de Versailles, au titre du préjudice imputable à la rupture des relations commerciales initiée par la société Gefco, l'obligation de vendre l'immeuble litigieux (dit immeuble de la rue de Lorient) qu'elle se disait avoir ensuite été contrainte de louer (page 11 de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 6 mai 2010), reconnaissant ainsi le caractère préjudiciable de l'opération alors même que celle-ci ne s'était pas encore concrétisée à cette date. Les appelants font valoir que la différence entre le prix fixé initialement et le prix de cession est compensée par la reprise d'une provision constituée sur les immobilisations corporelles pour 418 300 euros mais la légitimité de cette provision reste à démontrer (pièce 28) et est en tout état de cause sans effet sur le préjudice subi par la société en liquidation judiciaire du fait de la cession de l'immeuble dans les conditions sus-établies. L'opération en cause rentrait dans le cadre des conventions réglementées exigeant un rapport spécial du commissaire aux comptes et l'approbation par l'assemblée générale en application de l'article L. 227-10 du code de commerce. M. W... justifie avoir obtenu l'autorisation de l'assemblée générale d'acquérir le bien au prix de 1 650 000 euros suivant procès-verbal du 4 décembre 2009. En revanche, il ne démontre pas avoir reçu l'autorisation d'acquérir le bien, via une personne morale interposée, pour un prix inférieur de 450 000 euros un an plus tard. Il n'a donc pas respecté la procédure relative aux conventions réglementées, se prévalant uniquement d'une délibération de la SCI Bati 7 qui, comme le souligne le liquidateur judiciaire, ne fait que révéler le caractère délibéré du non-respect de la procédure par rapport à la société cédante, cette omission révélant sa volonté de conserver le caractère occulte de l'opération qu'il savait hautement contestable. La cession irrégulière ainsi constatée, préjudiciable à la société Transport frigo 7 – locatex, a été mise en oeuvre par M. W... afin de dépouiller cette société de ses actifs, à son seul profit, avant d'en provoquer la liquidation judiciaire. Elle constitue dès lors une faute de gestion justifiant sa condamnation au paiement de la différence entre le prix initialement retenu comme correspondant à la valeur réelle du bien et le prix de vente qu'il s'est finalement fait consentir, soit la somme de 450 000 euros. En revanche, l'acte de cession a été consenti par M. W... en qualité de président de la société venderesse, la société 7 Invest, qui n'avait pas encore ce mandat, n'ayant pas participé, ni tiré profit de cette opération, de sorte que la demande de condamnation solidaire prononcée à son encontre sera rejetée. Sur l'avance de 2 624 305 euros consentie à la société 7 Invest. L'article L. 225-216 du code de commerce énonce qu'une société ne peut avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une sûreté en vue de la souscription ou de l'achat de ses propres actions par un tiers. La violation de cette obligation constitue une infraction pénale sanctionnée par l'article L. 242-24. Le 8 novembre 2010, M. W... a fait immatriculer au registre du commerce et des sociétés de Rennes une société au capital de 1 000 euros dont il était l'unique associé et le gérant, la Sarl 7 Invest, à l'effet de racheter l'intégralité des actions détenues par les cinq actionnaires de la société Transport frigo 7 – locatex, cette cession étant réalisée un mois plus tard par acte du 14 décembre 2010 au prix unitaire de 50,58 euros l'action. Le prix ainsi convenu (qui n'a pas été établi par le commissaire aux apports) était anormalement élevé. Ainsi, la valeur des titres par référence au montant des capitaux propres de l'exercice 2010 n'aurait représenté qu'une valeur unitaire de 15,30 euros. Mais un tel montant était déjà économiquement irréaliste puisque ces capitaux propres étaient artificiellement gonflés par le versement de provisions dont le maintien était compromis par les procédures en cours et qui n'avaient en tout état de cause pas vocation à être accaparées par les actionnaires mais à permettre au contraire de rétablir la rentabilité de la société compromise par la rupture des relations commerciales avec l'ancien partenaire. Compte tenu du fait que les résultats d'exploitation étaient déficitaires depuis l'exercice 2008, que les capitaux propres étaient négatifs de 2 197 000 euros en 2009, avant le versement des provisions éminemment précaires, et que l'excédent brut d'exploitation de la société était négatif de 1 879 Keuros en 2008, de 864 Keuros en 2009 et encore de 1 013 Keuros au 31 décembre 2010 (pièce 15 de l'intimée), il ne pouvait qu'être évident tant pour M. W... que pour ses associés que les titres ne possédaient aucune valeur au jour de la cession. La conscience de l'absence totale de valeur de cet actif est confirmée par le fait que dès le 31 décembre 2011, soit un an après l'acquisition des titres, un amortissement du montant total de leur valeur a été comptabilisé dans les comptes de la société holding cessionnaire (pièce 14). Or cette cession de titres consentie à un prix aberrant a été financée par un effet de commerce d'un montant brut de 2 300 000 euros que la société émettrice n'avait aucun moyen d'honorer. Remis à l'escompte, il a été remboursé en 2011 par une avance en trésorerie d'un montant de 2 636 692 euros émanant de la société Transport frigo 7 – locatex qui a ainsi financé la cession de ses titres, non seulement en violation des dispositions sus-rappelées mais encore à un prix exorbitant. En effet, la société 7 Invest, cessionnaire des titres, aux résultats constamment et gravement déficitaires, n'ayant ni patrimoine, ni activité économique, était dès l'origine dans l'incapacité absolue et définitive de rembourser cette somme à sa filiale qui en a d'ailleurs tiré immédiatement les conséquence en constituant, immédiatement, une provision de 2 624 416 euros motivée par l'incertitude liée à la recouvrabilité des sommes dont elle venait de se dessaisir. Ainsi dès son exercice clos le 31 décembre 2011, 14 mois après son immatriculation, la société holding 7 Invest générait un déficit de 3 198 933 euros, les résultats postérieurs étant tout aussi déficitaires. Pour se justifier, les appelants se prévalent de la possibilité de conclure une convention de trésorerie entre sociétés du même groupe. Mais indépendamment de l'objet frauduleux de l'avance effectuée, il sera relevé que la société filiale, elle-même en grande difficulté économique, puisque son exploitation était gravement déficitaire depuis l'exercice 2008, n'avait pas les capacités financières de se priver de la trésorerie indispensable à son fonctionnement et ce a fortiori à fonds perdus puisqu'à la date où elle s'est dessaisie de sa trésorerie, elle savait que la société holding ne pourrait jamais la rembourser. La faute de gestion ayant consisté à détourner la trésorerie de la société Transport frigo 7 – locatex incombe à M. W..., directement et via la société holding qu'il représentait, lequel avait seul le pouvoir d'en disposer. C'est dès lors à tort que les premiers juges ont limité la condamnation de ce chef au seul montant qu'il est réputé avoir personnellement perçu, étant rappelé que le liquidateur judiciaire ne dispose d'action que contre lui et non contre les tiers qu'il a frauduleusement avantagés au détriment de la société qu'il dépouillait dans l'optique de sa liquidation judiciaire programmée. La condamnation de ce chef sera dès lors portée à la somme de 2 624 305 euros, montant dont seront solidairement tenus les appelants » ;

1°) ALORS QUE lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le juge peut décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté par le dirigeant ayant contribué par ses fautes de gestion à cette insuffisance d'actif ; que la sanction financière prononcée à l'encontre du dirigeant doit être proportionnée à la gravité de son comportement ayant contribué à l'insuffisance d'actif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'insuffisance d'actif accusée par la société Transports frigo 7 - locatex s'élevait à la somme de 12 769 000 euros comprenant une créance de restitution de la société Gefco d'un montant de 11 032 000 euros, ce dont il résultait que M. W... et la société 7 Invest n'avaient pu contribuer à l'insuffisance d'actif qu'à hauteur de la somme maximale de 1 737 000 euros correspondant à l'insuffisance d'actif, nette de la créance de restitution de la société Gefco, qui était sans lien avec les fautes de gestion relevées relatives à l'achat d'un immeuble et à une avance consentie (arrêt attaqué , p. 8 et s.) ; qu'en condamnant M. W... et la société 7 Invest, cette dernière dans la limite de la somme de 2 624 305 euros, à prendre en charge une somme de 3 074 305 euros au titre de l'insuffisance d'actif, la cour d'appel leur a appliqué une sanction disproportionnée au regard des faits ayant contribué à cette insuffisance relevés à leur encontre et a violé l'article L. 651-2 du code de commerce, ensemble le principe de proportionnalité, et l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°) ALORS QUE pour déterminer le montant de l'insuffisance d'actif mis à la charge d'un dirigeant, le juge doit tenir compte non seulement de la gravité des fautes et du montant de l'insuffisance d'actif mais également de la situation personnelle du dirigeant et de ses facultés contributives ; qu'en condamnant M. W... à payer à la société G... ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Transports frigo 7 – locatex la somme de 3 074 305 euros sans tenir compte de sa situation personnelle et de ses facultés contributives, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. W... à une mesure de faillite personnelle d'une durée de douze ans ;

AUX MOTIFS QUE « la SCP G... reproche à M. W... d'avoir commis la faute prévue par l'article L. 653-4 3ème du code de commerce ayant consisté à avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement. Il a en effet déjà été établi supra qu'il a suscité la création d'une nouvelle société, la SCI Bati 7 qu'il contrôlait intégralement, pour se faire attribuer à un prix particulièrement avantageux l'actif immobilier appartenant à la société Transport frigo 7 – locatex dont il était le dirigeant. Il est également établi qu'il a détourné la trésorerie de la société Transport frigo 7 – locatex pour financer la reprise des titres qu'il détenait dans cette société, titres qu'il savait dépourvus de toute valeur et se faire verser une soulte. Le liquidateur judiciaire se prévaut également de l'article L. 653-4 4° sanctionnant le fait d'avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale. En effet à compter de juin 2009, M. W... a poursuivi, sans effectuer les mesures de restructuration suffisantes qui s'imposaient alors que celles-ci étaient pré-financées par les provisions versées, une exploitation gravement déficitaire dans son unique intérêt personnel afin de se donner le temps de disposer des actifs de la société, en faisant l'acquisition de son patrimoine immobilier et en lui faisant financer la cession de titres dépourvus de valeur, tout en continuant à s'attribuer une rémunération mensuelle de 10 000 euros, sans rapport avec les capacités contributives de la société. Pourtant alerté par le commissaire aux comptes, il savait la continuité de l'exploitation gravement compromise, l'excédent brut d'exploitation négatif de 1 879 Keuros en 2008 étant encore négatif de 869 Keuros en 2009 et de 1 0134 Keuros en 2010. Conscient de cette situation, il a oeuvré, par la dilapidation des actifs, à rendre non seulement la cessation des paiements inéluctable mais en outre à compromettre irrémédiablement la poursuite de l'activité. Au regard de la précédente sanction de faillite personnelle déjà prononcée à son encontre, M. W... ayant réitéré des faits de même nature mais encore plus graves dès que cette sanction a été accomplie, et à l'importance du préjudice qu'il a délibérément occasionné, M. W... sera condamné à la sanction de la faillite personnelle pour une durée de douze ans » ;

1°) ALORS QUE la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision censurée qui présentent un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire entre elles ; qu'en l'espèce, la cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi relatif à la condamnation des exposants au titre de l'insuffisance de l'actif accusée par la société Transports frigo 7 - locatex, doit entraîner l'annulation, par voie de conséquence, du chef de dispositif relatif à la condamnation de M. W... à la faillite personnelle critiquée dans le cadre du présent moyen, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les limites apportées à la liberté d'entreprendre doivent être strictement proportionnées au but poursuivi ; que si le juge peut prononcer la faillite personnelle du dirigeant d'une personne morale, la sanction doit être proportionnée à la gravité du comportement du dirigeant dès lors qu'elle est attentatoire à sa liberté fondamentale d'entreprendre ; qu'en énonçant, pour condamner M. W... à la sanction de la faillite personnelle pour une durée de douze ans, que celui-ci avait déjà fait l'objet d'une sanction de faillite personnelle et qu'il avait occasionné un important préjudice, la cour d'appel a prononcé une sanction disproportionnée par rapport aux manquements retenus et méconnu le principe de proportionnalité, ensemble le principe fondamental de la liberté d'entreprendre découlant de l'article 4 de la Déclaration de 1789 ;

3°) ALORS QUE les mesures de faillite personnelle et d'interdiction de gérer doivent être regardées comme des sanctions ayant le caractère d'une punition ; qu'elles doivent être motivées en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité du dirigeant et de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en prononçant en l'espèce à l'égard de M. W... la sanction de la faillite personnelle pour une durée de douze ans, sans tenir aucun compte de sa situation matérielle, familiale et sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 de la convention européenne des droits de l'homme et L. 653-10 du code de commerce ;

4°) ALORS QUE la contradiction entre différents motifs d'une décision équivaut à une absence de motif ; qu'ayant énoncé, pour exclure une faute de gestion de M. W... au titre de « la poursuite en 2010 et 2011 d'une exploitation déficitaire », que « l'aggravation de l'insuffisance d'actif en 2010 et 2011, avant l'ouverture de la procédure de sauvegarde survenue au mois d'octobre, est davantage liée à la dilapidation des éléments d'actifs sus-reprochés qu'à la poursuite de l'activité » (arrêt attaqué, p. 11 et 12), la cour d'appel ne pouvait sans se contredire retenir, pour le condamner à une mesure de faillite personnelle, qu'« à compter de juin 2009, M. W... a poursuivi, sans effectuer les mesures de restructuration suffisantes qui s'imposaient alors que celles-ci étaient pré-financées par les provisions versées, une exploitation gravement déficitaire », (arrêt attaqué, p. 12) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs et a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE la condamnation à la faillite personnelle ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes, la cassation encourue à raison de cette faute entraine, en application du principe de proportionnalité, la cassation de l'arrêt.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé, en application de l'article L. 653-10 du code de commerce, l'incapacité de M. W... d'exercer une fonction publique élective pour une durée de cinq ans ;

1°) ALORS QUE la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision censurée qui présentent un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire entre elles ; qu'en l'espèce, la cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi relatif à la condamnation des exposants au titre de l'insuffisance de l'actif accusée par la société Transports frigo 7 – locatex ou du deuxième moyen portant sur la condamnation de M. W... à la faillite personnelle, doit entraîner l'annulation, par voie de conséquence, du chef de dispositif relatif à la condamnation de M. W... à une incapacité d'exercer une fonction publique élective pour une durée de cinq ans dans le cadre du présent moyen, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en prononçant dans le dispositif de la décision l'incapacité de M. W... d'exercer une fonction publique élective pour une durée de cinq ans, sans assortir sa décision d'aucun motifs, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Responsabilités et sanctions - Faillite et interdictions - Incapacité d'exercer une fonction publique élective - Caractère facultatif - Office du juge - Motivation de la décision - Nécessité

L'incapacité d'exercer une fonction publique élective pour une durée de cinq ans est facultative selon l'article L. 653-10 du code de commerce et son prononcé nécessite d'être motivé. Viole l'article L. 653-10 du code de commerce ensemble l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt qui prononce une telle incapacité pour une durée de cinq ans dans son dispositif, sans donner aucun motif à l'appui de cette mesure


Références :

article L. 653-10 du code de commerce

article 455 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 17 avril 2018


Publications
Proposition de citation: Cass. Com., 01 jui. 2020, pourvoi n°18-17786, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles
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Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, Me Le Prado

Origine de la décision
Formation : Chambre commerciale
Date de la décision : 01/07/2020
Date de l'import : 23/02/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18-17786
Numéro NOR : JURITEXT000042113137 ?
Numéro d'affaire : 18-17786
Numéro de décision : 42000331
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2020-07-01;18.17786 ?
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