LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 juin 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 376 F-D
Pourvoi n° K 19-15.610
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JUIN 2020
La société L'Equité, société d'assurance et de réassurance contre les risques de toute nature, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 19-15.610 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2019 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. W... Y...,
2°/ à Mme N... M..., épouse Y...,
domiciliés [...] ,
3°/ à M. C... I...,
4°/ à M. U... P...,
5°/ à Mme K... QX..., épouse P...,
domiciliée [...] ,
6°/ à M. A... S...,
7°/ à Mme T... J..., épouse S...,
domiciliés [...] ,
8°/ à M. V... G...,
9°/ à Mme H... RE..., épouse G...,
domiciliés [...] ,
10°/ à M. E... Q...,
11°/ à Mme VE... D..., épouse Q...,
domiciliés [...] ,
12°/ à M. X... O...,
13°/ à Mme B... L..., épouse O...,
domiciliés [...] ,
14°/ à M. UX... NY...,
15°/ à Mme PA... PJ..., épouse NY...,
domiciliés [...] ,
16°/ à M. XV... UE...,
17°/ à Mme UE... CE..., épouse UE...,
domiciliés [...] ,
18°/ à M. E... TL...,
19°/ à Mme F... RN..., épouse TL...,
domiciliés [...] ,
20°/ à M. VT... MY...,
21°/ à Mme MS... UV..., épouse MY...,
domiciliés [...] ,
22°/ à M. SF... FK..., domicilié [...] ,
23°/ à M. MS... YJ...,
24°/ à Mme LE... XZ..., épouse YJ...,
domiciliés [...] ,
25°/ à M. SN... CQ...,
26°/ à Mme PA... AH..., épouse CQ...,
domiciliés [...] ,
27°/ à M. HE... FV...,
28°/ à Mme ID... YO..., épouse FV...,
domiciliés [...] ,
29°/ à M. TD... NE..., domicilié [...] ,
30°/ à M. NG... WE...,
31°/ à Mme HG... PX... 'h, épouse WE...,
domiciliés [...] ,
32°/ à M. UV... ES...,
33°/ à Mme TV... BV..., épouse ES...,
domiciliés [...] ,
34°/ à M. SF... TI... ,
35°/ à Mme SF... UJ..., épouse TI... ,
domiciliés [...] ,
36°/ à M. KN... TU...,
37°/ à Mme AY... EF... , épouse TU...,
domiciliés [...] ,
38°/ à M. X... R...,
39°/ à Mme XQ... NS..., épouse R...,
domiciliés [...] , aux droits desquels viennent M. et Mme GB..., et domiciliés [...] ,
40°/ à M. PO... RC...,
41°/ à Mme UV... YG..., épouse RC...,
domiciliés [...] ,
42°/ à M. UV... ME..., domicilié [...] ,
43°/ à M. BW... KK...,
44°/ à Mme PA... GV..., épouse KK...,
domiciliés [...] ,
45°/ à M. IO... XO...,
46°/ à Mme OW... GF..., épouse XO...,
domiciliés [...] ,
47°/ à M. OM... UZ...,
48°/ à Mme N... FP..., épouse UZ...,
domiciliés [...] ,
49°/ à M. IQ... IO...,
50°/ à Mme IC... ML...,
domiciliés [...] , et venant aux droits de M et Mme OR...,
51°/ à Mme IC... ME..., domiciliée [...] ,
52°/ à la société European Homes, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société L'Equité, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. et Mme Y..., de M. I..., de M. et Mme P..., de M. et Mme S..., de M. et Mme G..., de M. et Mme Q..., de M. et Mme O..., de M. et Mme NY..., de M. et Mme UE..., de M. et Mme TL..., de M. et Mme MY..., de M. FK..., de M. et Mme YJ..., de M. et Mme CQ..., de M. et Mme FV..., de M. NE..., de M. et Mme WE..., de M. et Mme ES..., de M. et Mme TI... , de M. et Mme TU..., de M. et Mme R..., de M. et Mme RC..., de M. ME..., de M. et Mme KK..., de M. et Mme XO..., de M. et Mme UZ..., de M. IO... et de Mme ML..., de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société European Homes, et après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Intervention volontaire
1. Il est donné acte à M. GB... et à Mme JT..., épouse GB... de leur intervention volontaire en lieu et place de M. R... et Mme NS..., épouse R....
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 janvier 2019), la société European homes France, promoteur-vendeur, assurée selon une police unique de chantier auprès de la société L'Equité, a fait réaliser un programme de construction de vingt-huit maisons individuelles.
3. Se plaignant d'un phénomène de blanchiment et de déformation des ardoises artificielles de couverture, vingt-sept propriétaires ont, après expertise, assigné en réparation la société European homes France et la société L'Equité sur le fondement de la responsabilité décennale.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
5. La société L'Equité fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement l'ayant condamnée à garantir la société Européean homes France des condamnations prononcées à son encontre au profit des propriétaires, alors :
« 1°/ que seuls les désordres qui, actuellement, compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination ou qui, avec certitude dans le délai décennal, compromettront la solidité de l'ouvrage ou le rendront impropre à sa destination, relèvent de la garantie décennale ; qu'en l'espèce, pour affirmer que les couvertures des maisons en cause sont atteintes par un phénomène structurel de détérioration qui les rendent impropres à leur destination, la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que ces maisons sont recouvertes d'ardoises qui font l'objet d'un blanchiment généralisé qui s'accompagne d'une perte de matière de la matrice cimentaire et d'une déformation des ardoises, que les désordres ont pour cause un phénomène de carbonation qui entraîne des craquelures et le décollement de la peinture et aggrave la porosité du fibro-ciment, qu'aucune infiltration n'a été constatée par l'expert judiciaire mais que l'aggravation est inéluctable ; qu'en retenant ainsi le caractère décennal des désordres en cause sans rechercher, comme elle y était invitée, si les désordres qu'elle relevait avaient compromis la solidité de chacune des maisons en cause ou les avaient rendues impropres à leur destination dans le délai décennal de cette garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
2°/ que seuls les désordres qui, actuellement, compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination ou qui, avec certitude dans le délai décennal, compromettront la solidité de l'ouvrage ou le rendront impropre à sa destination, relèvent de la garantie décennale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé par motifs propres et adoptés, que les maisons en cause sont recouvertes d'ardoises qui font l'objet d'un blanchiment généralisé qui s'accompagne d'une perte de matière de la matrice cimentaire et d'une déformation des ardoises, que les désordres ont pour cause un phénomène de carbonation qui entraîne des craquelures et le décollement de la peinture et aggrave la porosité du fibro-ciment, qu'aucune infiltration n'a été constatée par l'expert judiciaire mais que l'aggravation est inéluctable, que celui-ci décrit un processus de décomposition de la matière cimentaire, que des infiltrations ont été relevées en 2014 chez les époux NY..., que début 2016 les époux S... ont constaté l'apparition d'auréoles au plafond du séjour ; qu'en se fondant ainsi, pour faire jouer la garantie décennale, en l'état d'une réception des travaux fixée au 30 juillet 2002, sur des motifs inopérants dès lors qu'ils n'étaient pas de nature à établir que les désordres qu'elle relevait avaient compromis la solidité des ouvrages en cause ou les avaient rendus impropres à leur destination dans le délai décennal de cette garantie, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que le vice affectant les ardoises artificielles constituant la couverture des maisons, lié à un phénomène de carbonation, s'était manifesté durant le délai d'épreuve par le blanchiment et la déformation des ardoises dont les bords se soulevaient jusqu'à un et demi ou deux centimètres, avec une perte de matière de la matrice cimentaire.
7. Elle a pu retenir que les désordres, qui relevaient d'un processus de décomposition décrit par l'expert judiciaire comme étant à évolution rapide et non susceptible de se stabiliser dans le temps, en privant dans le délai décennal les couvertures de leur fonction d'étanchéité à l'air, rendaient les maisons impropres à leur destination.
8. Ayant relevé que le désordre, lié au vice du matériau, était généralisé et affectait toutes les toitures quelle que soit l'orientation des maisons, elle n'était pas tenue de procéder à d'autres recherches que ses constatations rendaient inopérantes.
9. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société L'Equité aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société L'Equité à payer à M. et Mme Y..., M. I..., M. et Mme P..., M. et Mme S..., M. et Mme G..., M. et Mme Q..., M. et Mme O..., M. et Mme NY..., M. et Mme UE..., M. et Mme TL..., M. et Mme MY..., M. FK..., M. et Mme YJ..., M. et Mme CQ..., M. et Mme FV..., M. NE..., M. et Mme WE..., M. et Mme ES..., M. et Mme TI... , M. et Mme TU..., M. et Mme R..., M. et Mme RC..., M. ME..., M. et Mme KK..., M. et Mme XO..., M. et Mme UZ..., M. IO... et à Mme ML... la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société L'Equité.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société European Homes à payer des sommes au titre de la réfection de leur toiture ainsi qu'à titre de dommages et intérêts à M. et Mme Y..., M. et Mme I..., M. et Mme P..., M. et Mme S..., M. et Mme Q..., M. et Mme O..., M. et Mme NY..., M. et Mme UE..., M. et Mme TL..., M. et Mme MY..., M. et Mme G..., M. et Mme YJ..., M. et Mme CQ..., M. et Mme FV..., M. NE..., M. et Mme WE..., M. et Mme ES..., M. et Mme TI... , M. et Mme TU..., M. et Mme R..., M. et Mme RC..., M. ME..., M. et Mme KK..., M. et Mme XO..., M. et Mme UZ..., M. IO..., Mme ML... et M. FK..., d'AVOIR condamné la société L'Équité à garantir la société European Homes France de toutes les condamnations prononcées à son encontre en principal, dommages et intérêts, frais et dépens et, en conséquence,
AUX PROPRES MOTIFS QUE l'Équité soutient que les désordres ne revêtent pas le caractère de désordres de nature décennale au motif qu'aucune infiltration n'a été constatée dans le délai de 10 ans, les dommages étant selon elle purement esthétiques ; qu'il ressort du rapport d'expertise que : - les maisons sont recouvertes d'ardoises artificielles livrées aux couvreurs par la société Ardosa qui les avait achetées à la société de droit belge Maxem ; elles font l'objet d'un blanchiment généralisé quelle que soit l'exposition qui s'accompagne d'une perte de matière de la matrice cimentaire et d'un tuilage, c'est à dire une déformation des ardoises dont les bords se soulèvent parfois de 1,5 à 2 cm ; - les désordres ont pour cause un phénomène de carbonation qui entraîne des craquelures et le décollement de la peinture et aggrave la porosité naturelle du fibro-ciment ; aucune infiltration n'a été constatée par l'expert mais l'aggravation est inéluctable ; - une réparation étant impossible, les ardoises doivent être remplacées par d'autres ardoises artificielles ; Qu'en 2011 et 2016, l'huissier de justice a constaté la présence dans les gouttières d'une poudre devenue une boue noire provenant de la perte de matière par carbonation ; que l'appelante n'est pas de bonne foi à arguer d'une simple perte de décoloration constituant un désordre esthétique alors que c'est un véritable processus de décomposition de la matière cimentaire qui est décrit par l'expert ; que les demandeurs font justement observer qu'il aurait suffi de repeindre les ardoises si les désordres avaient été ceux allégués par l'assureur ; que le soulèvement des ardoises rend la couverture non étanche à l'air et favorise les infiltrations ; que cellesci se sont confirmées en 2014 chez les époux NY... dont il est apparu, après un test d'arrosage, que les traces d'humidité, les coulures et les moisissures provenaient des espaces libérés par la déformation des ardoises ; que début 2016, les époux S... ont constaté l'apparition d'auréoles au plafond du séjour ;
que l'appelante évoque le rapport d'un autre expert judiciaire rendu en mars 2012 dans un litige de même nature affectant le programme immobilier de la société European Homes à Larmor-Plage ; qu'or, M. XR... assisté d'un sapiteur a décrit le même phénomène (« mise à nue de la matrice cimentaire qui donne une couleur blanche aux toitures, conduit inexorablement à une amplification du tuilage des ardoises ainsi qu'une attaque cimentaire »), dit que le relèvement important des ardoises à leurs extrémités permettait au vent et à la pluie de s'engouffrer et conclu pareillement à leur dépose (pages 12 et 13 de son rapport) ; que compte tenu de ces éléments, c'est à bon droit que les premiers juges ont dit que les couvertures étaient atteintes par un phénomène structurel de détérioration qui rendait les maisons impropres à leur destination de sorte que la responsabilité de plein droit de la société European Homes était engagée ; Sur la garantie de L'Equité : que la société L'Equité prétend que sa garantie n'est pas mobilisable en l'absence de procès-verbal de réception ; qu'or, la réception peut aussi être tacite ou judiciaire et il a été vu plus haut que son assurée l'avait prononcée le 30 juillet 2002 ; que le moyen n'étant pas sérieux, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné l'assureur à garantir son assurée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'il est constant que, pour revêtir le caractère décennal, les désordres doivent rendre l'ouvrage impropre à sa destination ou compromettre sa solidité et que la gravité des désordres doit être constatée pendant le délai de la garantie décennale ; qu'en l'espèce, il résulte du rapport d'expertise : - que les désordres consistent en un blanchiment généralisé des couvertures et une déformation des ardoises sous forme de « tuilage » (les bords se soulevant, parfois de 1,50 à 2 cm) ;- que les ardoises présentent des réseaux de craquelures, même dans leur partie recouverte ; - que la matrice cimentaire des ardoises est fortement carbonatée ; - que la carbonatation, à l'origine de la déformation des ardoises, est susceptible de générer un retrait différentiel, le matériel (fibrociment) présentant en outre une porosité élevée ;- que les désordres sont dus à un vice de fabrication ; Que la société European Homes soutient que les demandeurs n'apportent pas la preuve que les conclusions de l'expert se rapporteraient à leur pavillon et que ce dernier serait affecté de désordres de nature décennale ; qu'il sera observé que l'expert, qui s'est rendu sur place et a examiné les toitures, a constaté le même phénomène sur l'ensemble de celles-ci et qu'il n'y a donc pas lieu de faire une distinction selon les pavillons ; que la compagnie L'Équité fait valoir que les désordres consistent uniquement en un blanchiment des toitures, que, bien que généralisé, il s'agit d'un phénomène esthétique, l'expert n'ayant constaté aucune infiltration et aucune des couvertures litigieuses ne s'étant révélée fuyarde et ce, 10 après la livraison des pavillons ; qu'il est constant qu'un désordre généralisé peut être purement esthétique et un désordre localisé de nature décennale ;
qu'en l'espèce, l'expert a constaté que les désordres s'aggraveront rapidement au fil du temps en raison de leurs origines, le phénomène de carbonatation ne pouvant pas se stabiliser dans le temps, qu'il ressort en outre de ses conclusions exposées ci-dessus que les ardoises subissent une perte de matière, se craquellent, « tuilent » et se déforment, ce qui compromet leur étanchéité à l'air, mais aussi à l'eau, comme cela a été constaté dans l'immeuble NY... victime d'infiltrations (cf. constat du 16 juin 2014) ; que de même un constat d'huissier du 14 septembre 2011 et des photographies mettent en évidence que des particules se détachent des ardoises de se déposent dans les gouttières ; qu'en outre, l'expert préconise une solution radicale consistant dans le remplacement de toutes les ardoises et observe qu'une couverture en ardoises est donnée pour une durée de vie totale de 25 ans sans nécessité de grosses réparations ; qu'en conséquence, il s'agit bien d'un phénomène structurel de détérioration de l'ouvrage suffisamment grave pour le rendre impropre à sa destination, dans la mesure où les toitures composées des ardoises viciées ne remplissent plus leur office de couverture étanche à l'air et à l'eau ; qu'il convient donc de dire qu'il s'agit de désordres de nature décennale dont le constructeur est responsable de plein droit en application de l'article 1792 du code civil ;
1) ALORS QUE seuls les désordres qui, actuellement, compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination ou qui, avec certitude dans le délai décennal, compromettront la solidité de l'ouvrage ou le rendront impropre à sa destination, relèvent de la garantie décennale ; qu'en l'espèce, pour affirmer que les couvertures des maisons en cause sont atteintes par un phénomène structurel de détérioration qui les rendent impropres à leur destination, la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que ces maisons sont recouvertes d'ardoises qui font l'objet d'un blanchiment généralisé qui s'accompagne d'une perte de matière de la matrice cimentaire et d'une déformation des ardoises, que les désordres ont pour cause un phénomène de carbonation qui entraîne des craquelures et le décollement de la peinture et aggrave la porosité du fibro-ciment, qu'aucune infiltration n'a été constatée par l'expert judiciaire mais que l'aggravation est inéluctable ; qu'en retenant ainsi le caractère décennal des désordres en cause sans rechercher, comme elle y était invitée, si les désordres qu'elle relevait avaient compromis la solidité de chacune des maisons en cause ou les avaient rendues impropres à leur destination dans le délai décennal de cette garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
2) ALORS, en toute hypothèse, QUE seuls les désordres qui, actuellement, compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination ou qui, avec certitude dans le délai décennal, compromettront la solidité de l'ouvrage ou le rendront impropre à sa destination, relèvent de la garantie décennale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé par motifs propres et adoptés, que les maisons en cause sont recouvertes d'ardoises qui font l'objet d'un blanchiment généralisé qui s'accompagne d'une perte de matière de la matrice cimentaire et d'une déformation des ardoises, que les désordres ont pour cause un phénomène de carbonation qui entraîne des craquelures et le décollement de la peinture et aggrave la porosité du fibro-ciment, qu'aucune infiltration n'a été constatée par l'expert judiciaire mais que l'aggravation est inéluctable, que celui-ci décrit un processus de décomposition de la matière cimentaire, que des infiltrations ont été relevées en 2014 chez les époux NY..., que début 2016 les époux S... ont constaté l'apparition d'auréoles au plafond du séjour ; qu'en se fondant ainsi, pour faire jouer la garantie décennale, en l'état d'une réception des travaux fixée au 30 juillet 2002, sur des motifs inopérants dès lors qu'ils n'étaient pas de nature à établir que les désordres qu'elle relevait avaient compromis la solidité des ouvrages en cause ou les avaient rendus impropres à leur destination dans le délai décennal de cette garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
3) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que dans son rapport d'expertise en date du 12 mars 2012 portant sur le programme immobilier de la société European Homes dans un autre litige, M. XR... énonçait : « à la question de savoir si les ardoises étaient infiltrantes il a été répondu par la négative » (p. 11) et se bornait à conclure qu'on pouvait craindre, « sans pour autant être capable d'en préciser l'échéance, une fissuration ou un déliminage de l'ardoise due à un retrait différentiel », le relèvement important de l'extrémité de l'ardoise « permettant alors l'engouffrement du vent et de la pluie » (p. 13) ; qu'en affirmant que M. XR... avait dit que le relèvement important des ardoises à leurs extrémités permettait au vent et à la pluie de s'engouffrer, pour en déduire que les maisons litigieuses étaient impropres à leur destination, la cour d'appel a dénaturé ce rapport d'expertise, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
4) ALORS QUE le caractère décennal des désordres s'apprécie au regard de l'ouvrage en cause, à l'exclusion de ceux qui affecteraient un ouvrage faisant l'objet d'un litige distinct ; qu'en se fondant, pour faire application de la garantie décennale, sur le rapport d'un expert judiciaire, M. XR..., rendu dans un autre litige, au motif inopérant que ce litige serait de même nature que celui en cause dans le présent litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code.