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25/06/2020 | FRANCE | N°17-22472

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 25 juin 2020, 17-22472


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 juin 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 383 F-D

Pourvoi n° C 17-22.472

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JUIN 2020

La société Axa assurance, exerçant sous la dénomination A

xa Winterthur, société anonyme, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° C 17-22.472 contre l'arrêt rendu le 22 février 2017 par la cour d'a...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 juin 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 383 F-D

Pourvoi n° C 17-22.472

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JUIN 2020

La société Axa assurance, exerçant sous la dénomination Axa Winterthur, société anonyme, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° C 17-22.472 contre l'arrêt rendu le 22 février 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Société de Manutention de carburants aviation (SMCA), société anonyme, dont le siège est [...] ,

2°/ à la Société mutuelle d'assurances du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [...] , prise en qualité d'assureur de la société [...],

3°/ à la société Axa France IARD, dont le siège est [...] , prise en qualité d'assureur de la société [...],

défenderesses à la cassation.

La société de manutention de carburants d'aviation a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Axa assurance, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Société de Manutention de carburants aviation, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la SMABTP, après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 février 2017), la Société de Manutention de carburants aviation (la SMCA), qui exploite un dépôt de stockage de carburant, a entrepris la construction de cuvettes de rétention, destinées à recueillir le carburant en cas de fuites. La société [...] (la société QF), assurée par la société Axa France et la SMABTP, a été chargée de la construction de ces cuvettes. La société de droit suisse Produits et techniques (la société PTI), assurée auprès de la société suisse Axa assurances Winterthur (société Winterthur), a fourni la membrane destinée à assurer l'étanchéité des cuvettes. La réception a été prononcée le 25 juin 1999. Les sociétés QF et PTI ont été mises en liquidation judiciaire.

2. Se plaignant de désordres, la SMCA a, après expertise, assigné en indemnisation, les sociétés Axa France IARD, Winterthur et SMABTP.

Examen des moyens

Sur les quatrième et cinquième moyens du pourvoi principal, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. La société Winterthur fait grief à l'arrêt de dire que la société PTI a engagé sa responsabilité délictuelle envers la SMCA, que les manquements respectifs de la société QF et de la société PTI avaient contribué à la survenance de l'intégralité du préjudice subi par la SMCA, de fixer la part respective de responsabilité à raison de 45 % pour la société PTI et 55 % pour la société QF, de la condamner à payer à la SMCA, certaines sommes in solidum avec la société Axa France IARD dans la limite de la garantie de celle-ci, et de dire que la société Axa France IARD et la société Axa Winterthur se devraient mutuellement garantie dans une certaine proportion, dans la limite du plafond de garantie de la garantie due par la société Axa France IARD, alors :

« 1°/ qu'il appartient au juge saisi de l'application d'un droit étranger de procéder à sa mise en oeuvre et, spécialement, d'en rechercher la teneur afin de trancher le litige selon ce droit ; qu'en appréciant directement au regard du droit matériel français la responsabilité de la société PTI à l'égard de la SMCA, sans faire application de la règle de conflit de lois ni rechercher si le droit français se trouvait désigné par celle-ci, la cour d'appel a méconnu l'article 3 du code civil et les principes de droit international privé ;

2°/ en toute hypothèse, au regard du droit matériel français, si le tiers à un contrat peut en principe invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel lorsque ce manquement lui a causé un dommage, c'est à la condition d'établir que ce manquement contractuel constituait une faute quasi-délictuelle à son égard ; qu'en se bornant, pour retenir que la société PTI avait engagé sa responsabilité délictuelle envers la SMCA, à relever des supposés manquements de la société PTI à ses obligations contractuelles envers la société QF au titre de ses interventions prévues pour le chantier litigieux, sans faire ressortir en quoi de tels manquements auraient constitué une faute délictuelle distincte à l'égard de la société SMCA, tierce au contrat liant les sociétés PTI et QF, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1165, devenu les articles 1199 et 1200, et de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

3°/ en tout état de cause, en affirmant que la société PTI aurait commis divers manquements à ses obligations contractuelles envers la société QF, sans rechercher comme elle y était invitée si le contrat liant ces deux sociétés avait la nature d'un contrat de vente et/ou d'un contrat d'entreprise, ni analyser au regard de l'une ou l'autre de ces qualifications les manquements reprochés à la société PTI dont il était explicitement soutenu qu'elle n'avait que la qualité de vendeur, ce dont il découlait notamment que les manquements retenus à son encontre par la cour d'appel excédaient les obligations incombant à un simple fournisseur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. D'une part, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une demande d'application d'un droit étranger dans l'hypothèse de l'application de la responsabilité délictuelle de la société PTI, n'a violé ni l'article 3 du code civil ni les principes du droit international privé.

6. D'autre part, en retenant que la société PTI, qui n'avait pas respecté les règles de l'art concernant les épaisseurs des éléments de l'installation réalisée et qui avait manqué de vigilance quant à la compatibilité du sol avec l'opération en n'ayant pas évoqué la question du risque de remontée d'humidité à l'origine des pustules, avait contribué à la survenance des désordres engageant ainsi sa responsabilité envers le maître d'ouvrage, tiers au contrat de fourniture, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise.

7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision de ce chef.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. La société Winterthur fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la SMCA certaines sommes in solidum avec la société Axa France IARD dans la limite de la garantie de celle-ci, et de dire que la société Axa France IARD et la société Axa Winterthur se devraient mutuellement garantie dans une certaine proportion, dans la limite du plafond de garantie de la garantie due par la société Axa France IARD, alors « que pour retenir péremptoirement l'existence d'une supposée reconnaissance de garantie d'Axa Winterthur, au titre d'un dommage causé à des tiers, l'arrêt attaqué se borne à relever que dans un courrier du 14 février 2005, l'assureur indiquait à la société PTI : « à ce titre, seuls les éventuels dommages matériels à des tiers pourraient justifier notre intervention » ; qu'aux termes clairs et précis dudit courrier, la société Axa Winterthur, loin de reconnaître devoir sa garantie au titre de l'ensemble de tout dommage causé à des tiers par l'activité de son assurée, se limitait à rappeler la distinction, dans la police d'assurance, entre dommages matériels (couverts) et dommages économiques ou « dommages indirects » (non couverts) et à faire observer que « le but de la procédure engagée par la SMCA [était] de faire constater [un] défaut d'exécution, et de demander qu'il soit remédié à ce défaut par les entreprises qui [étaient] à l'origine de ce défaut » ; que l'assureur en déduisait que « ces éléments ne constitu[ai]ent donc pas un dommage à un tiers, mais bien l'activité propre de la société PTI », exclue quant à elle du champ de la garantie ; qu'en retenant pourtant que le courrier en cause révélait une reconnaissance de garantie de la part de l'assureur, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de preuve soumis à son appréciation. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

9. Pour condamner la société Winterthur à payer des sommes à la SMCA, l'arrêt retient qu'il résulte des termes mêmes de la lettre adressée par Winterthur à la société PTI le 14 février 2005, dans laquelle l'assureur déniait devoir sa garantie au titre de la couverture des contrats de responsabilité civile entreprise (exclusion des prétentions concernant l'inexécution ou l'exécution imparfaite notamment des travaux), que cette police trouvait à s'appliquer dans le cas où l'activité de la société PTI causait un dommage au tiers et que Axa assurances Winterthur indiquait : « à ce titre, seuls les éventuels dommages matériels à des tiers pourraient justifier notre intervention ».

10. En statuant ainsi, alors que dans cette lettre, la société Winterthur indiquait que, "si nous procédons à l'examen de la situation actuelle, nous devons alors constater que nous ne sommes pas en présence d'un dommage à un tiers. Le but de la procédure engagée par la SMCA est de faire constater le défaut d'exécution d'un contrat et de demander qu'il soit remédié à ce défaut par les entreprises qui sont à l'origine de ce défaut. Ces éléments ne constituent donc pas un dommage à un tiers mais bien l'activité propre de la société PTI", la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cet écrit, a violé le principe susvisé.

Sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel

Enoncé du moyen

11. La SMECA fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en garantie contre la SMABTP, alors :

« 1° / que relèvent de la responsabilité décennale des constructeurs et de ceux qui y sont assimilés les travaux faisant appel aux techniques de travaux de bâtiment, sans qu'importe que les ouvrages réalisés revêtent un caractère industriel ou soient découverts ; qu'en affirmant que la construction des cuvettes litigieuses par la société QF n'engageait pas sa responsabilité sur le fondement de l'article 1792 du code civil et, partant, pas la garantie de son assureur, la SMABTP, bien qu'elle ait relevé que les travaux litigieux avaient impliqué, après préparation du terrain, la réalisation d'un radier, le coulage d'une chape en béton formé et la réalisation d'une étanchéité par membrane, et ainsi mis en oeuvre des techniques de travaux de bâtiment, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil, ensemble l'article L. 241-1 du code des assurances dans sa version applicable à la cause, antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 ;

2°/ que la motivation d'un jugement doit être intelligible et faire apparaître clairement ou, à tout le moins, suivant une interprétation raisonnable, les faits et les règles de droit qui le justifient ; qu'en déboutant la SMCA de son action tendant à faire jouer la garantie d'assurance de la SMABTP par des motifs imprécis, mêlant confusément plusieurs considérations, susceptibles de sens différents, ne permettant pas de déterminer avec certitude si elle a entendu relever une prétendue inopérance du moyen pris de l'existence d'une garantie obligatoire en matière de travaux de construction, ou une absence de garantie d'assurance en considération du champ d'activité couvert par la police d'assurance, ou encore une exclusion de la garantie des travaux de technique non courante, de sorte que la ou les raisons qui justifieraient sa décision sont indiscernables, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile et l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ en toute hypothèse, le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la SMCA fondait sa demande à l'encontre de la SMABTP sur l'existence d'une police d'assurance garantissant la responsabilité décennale de la société QF ; qu'en rejetant sa demande motif pris que dès avant la souscription de la police, la SMABTP, qui aurait été saisie par la société QF « pour le compte de PTI » avait fait savoir qu'elle ne pouvait accorder une garantie pour des travaux de technique non courante, quand l'absence de garantie de la société PTI par la SMABTP ne pouvait faire obstacle au jeu de la garantie d'assurance au profit de la société QF, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la SMCA en violation du principe susvisé ;

4°/ qu'en toute hypothèse, peut seule limiter le champ de l'activité assurée la définition positive et précise de la nature de cette activité, tandis que l'éventuelle exclusion des techniques employées du champ de la garantie relève d'une clause d'exclusion qui doit être formelle et limitée ; qu'en jugeant inopérant le moyen de la SMCA pris de ce que l'ouvrage relevait d'une garantie obligatoire d'assurance en matière de construction parce que dès avant la souscription, la SMABTP avait fait savoir qu'elle ne pouvait prévoir une garantie pour des travaux de technique non courante, quand un tel refus de garantie fondé sur les techniques employées et non sur le champ d'activité assuré ne pouvait procéder que du jeu d'une clause d'exclusion dont il incombait au juge d'apprécier la validité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du code des assurances dans leur rédaction applicable à la cause ;

5°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la SMCA fondait sa demande à l'encontre de la SMABTP sur l'existence d'une police d'assurance garantissant la responsabilité décennale de la société QF, en invoquant l'illicéité de la clause d'exclusion relative aux techniques non courantes ; qu'en jugeant, pour rejeter cette demande, que la contestation du plafond de garantie attaché au contrat d'assurance souscrit auprès de la SMABTP était dépourvue de fondement, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la SMCA en violation du principe susvisé ;

6°/ que doit être réputée non écrite la clause qui, ayant pour conséquence d'exclure de la garantie certains travaux de bâtiment réalisés par une société dans l'exercice de son activité d'entrepreneur, fait échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction ; qu'en fondant le rejet des demandes formées par la SCMA à l'encontre de la SMABTP, assureur de la société QF au titre de son activité de « structure et travaux courants de maçonnerie – béton armé » sur l'exclusion, dans la police, de toute garantie en cas de travaux de technique non courante, quand une telle exclusion devait, en matière d'assurance construction obligatoire, être réputée non écrite, la cour d'appel a violé les articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du code des assurances dans leur version applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel, qui a retenu par des motifs propres et adoptés intelligibles, que les cuvettes litigieuses, accessoires d'un dispositif de stockage et d'exploitation de carburant, constituées d'une couche de graviers plus ou moins compactés couvrant le sol naturel, d'un radier plus ou moins épais et d'une chape recouverte d'une membrane, et destinées à recueillir un éventuel écoulement d'hydrocarbures, ne caractérisait pas des travaux de bâtiment ni ne faisait appel aux techniques de travaux de bâtiment, a pu déduire, de ces seuls motifs, que la demande de garantie formée contre la SMABTP devait être rejetée.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Demande de mise hors de cause

14. Il y a lieu de mettre hors de cause la SMABTP dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

Met hors de cause la SMABTP ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la condamnation de la société Axa assurances connue sous la dénomination Axa Winterthur ci-après est prononcée in solidum avec celle à l'encontre de la compagnie Axa France IARD, dans la limite du plafond de la garantie due par la société Axa France IARD, condamne la société Axa assurances dite Axa Winterthur assureur de responsabilité civile de la société suisse Produits et techniques dite PTI, à payer à la Societe de Manutention de carburants aviation dite SMCA, en deniers ou quittances, en réparation du coût de réfection des cuvettes de rétention d'hydrocarbures du site de l'aéroport de Roissy les Chennevières-les-Louvres, les sommes de 2 788 927 euros au titre des travaux, 279 381 euros (10 %) au titre de la maîtrise d'oeuvre, pour un montant total de 3 068 308 euros HT et cela in solidum avec la société Axa France dans la limite de la garantie de celle-ci, dit que la société Axa France IARD et la société Axa France IARD dite Axa Winterthur se devront mutuellement garantie dans cette proportion, dans la limite du plafond de garantie de la garantie due par la société AXA France IARD, l'arrêt rendu le 22 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la SMCA aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la société Axa assurance (demanderesse au pourvoi principal).

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

(Absence de garantie d'Axa Winterthur au titre du contrat d'assurance souscrit par la société PTI)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Axa assurances dite Winterthur, assureur de responsabilité civile de la société suisse Produits et techniques (PTI), à payer à la société de Manutention de carburants aviation (SMCA), en deniers ou quittances, en réparation du coût de réfection des cuvettes de rétention d'hydrocarbures du site de l'aéroport de Roissy les Chennevières les Louvres, les sommes de 2 788 927 € au titre des travaux, 279 381 € (10%) au titre de la maîtrise d'oeuvre, pour un montant total de 3 068 308 € HT, in solidum avec la société Axa France dans la limite de la garantie de celle-ci, et D'AVOIR dit que la société Axa France IARD et la société Axa Winterthur se devraient mutuellement garantie dans cette proportion, dans la limite du plafond de garantie de la garantie due par la société Axa France IARD,

AUX MOTIFS SUIVANTS :

Sur la recherche de garantie de Winterthur assureur de PTI

Il résulte des termes mêmes de la lettre adressée par Winterthur à PTI le 14 février 2005 (pièce Winterthur n°4 citée p. 92 des conclusions) dans laquelle l'assureur déniait devoir sa garantie dans le cadre de la couverture des contrats de responsabilité civile entreprise (exclusion des prétentions concernant l'inexécution ou l'exécution imparfaite notamment des travaux), que cette police trouvait à s'appliquer dans le cas où l'activité de PTI causait un dommage au tiers. Axa assurances Winterthur indique en effet « à ce titre, seuls les éventuels dommages matériels à des tiers pourraient justifier notre intervention »,
Or précisément SMCA est fondée à se prévaloir de sa qualité de tiers en l'absence de tout contrat entre elle et PTI.
En conséquence Winterthur sera condamnée à indemniser SMCA à hauteur du coût réparatoire fixé.
Contribution à la réparation
A titre liminaire l'argumentation de Winterthur tendant à voir juger que l'obligation à garantie devrait être plafonnée en tant que maximum au montant du marché initial de travaux concerne l'hypothèse de la responsabilité contractuelle.

Or le fondement ici retenu de la responsabilité délictuelle de PTI est exclusif de plafonnement.
D'ailleurs si Winterthur évoque l'article 99 alinéa 3 du code suisse des obligations, sans démontrer d'ailleurs que la loi suisse soit applicable en matière délictuelle, la rédaction de ce texte et en particulier le premier alinéa suffit à retenir le principe du droit à réparation intégrale du créancier. En effet selon cet article 99 :
1 - En général, le débiteur répond de toute faute.
2 - Cette responsabilité est plus ou moins étendue selon la nature particulière de l'affaire ; elle s'apprécie notamment avec moins de rigueur lorsque l'affaire n'est pas destinée à procurer un avantage au débiteur.
3 - Les règles relatives à la responsabilité dérivant d'actes illicites s'appliquent par analogie aux effets de la faute contractuelle.
L'argumentation sur la réduction de la responsabilité dérivant d'actes illicites est sans rapport avec la responsabilité ici recherchée de PTI sur le plan délictuel de sorte qu'il n'y a lieu à plafonnement (arrêt, pp. 19 et pp. 20-21),

1°/ Alors que dans ses conclusions d'appel (pp. 79 et s.), la société Axa Winterthur soutenait que seule était garantie par le contrat d'assurance l'activité déclarée suivante de la société PTI : « Fourniture et vente de produits mélangés de résines synthétiques et de produits hydrauliques (ciment) pour les protections et l'étanchéité de merlons, d'ouvrages en béton, de parois, de planchers, etc., y compris les conseils techniques afférents », ce qui ne comprenait pas les conseils se rapportant à l'appréciation des précautions techniques spéciales à prendre sur un chantier déterminé, de telles préconisations dépassant en effet manifestement l'obligation de conseil du vendeur professionnel (conclusions, pp. 84-85) ; qu'en ne répondant à ce moyen opérant des conclusions de la société Axa Winterthur, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ Alors que la société Axa Winterthur soutenait en outre que, « à supposer que PTI eût réellement eu les obligations auxquelles SMCA lui reproche d'avoir manqué, les dysfonctionnements de l'ouvrage d'étanchéité seraient alors exclus de l'assurance au titre des articles 7K et 7L CGA [relatifs à l'exclusion du "risque d'entreprise"] » , et faisait valoir que « le coût de la réfection de l'ouvrage constituerait, en outre, un "préjudice de fortune" exclu de la garantie de l'assureur », au regard des clauses des conditions générales d'assurance (conclusions, p. 88) ; qu'en ne répondant pas davantage à ce moyen déterminant des conclusions de la société Axa Winterthur, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ Alors que pour retenir péremptoirement l'existence d'une supposée reconnaissance de garantie d'Axa Winterthur, au titre d'un dommage causé à des tiers, l'arrêt attaqué se borne à relever que dans un courrier du 14 février 2005, l'assureur indiquait à la société PTI : « à ce titre, seuls les éventuels dommages matériels à des tiers pourraient justifier notre intervention » ; qu'aux termes clairs et précis dudit courrier, la société Axa Winterthur, loin de reconnaître devoir sa garantie au titre de l'ensemble de tout dommage causé à des tiers par l'activité de son assurée, se limitait à rappeler la distinction, dans la police d'assurance, entre dommages matériels (couverts) et dommages économiques ou « dommages indirects» (non couverts) et à faire observer que « le but de la procédure engagée par la SMCA [était] de faire constater [un] défaut d'exécution, et de demander qu'il soit remédié à ce défaut par les entreprises qui [étaient] à l'origine de ce défaut » ; que l'assureur en déduisait que « ces éléments ne constitu[ai]ent donc pas un dommage à un tiers, mais bien l'activité propre de la société PTI », exclue quant à elle du champ de la garantie ; qu'en retenant pourtant que le courrier en cause révélait une reconnaissance de garantie de la part de l'assureur, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de preuve soumis à son appréciation ;

4°/ Alors en tout état de cause que l'aveu exige, de la part de son auteur, une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques ; qu'en se fondant, pour retenir une supposée reconnaissance de garantie d'Axa Winterthur au titre d'un dommage causé à des tiers, à relever que dans son courrier du 14 février 2005, l'assureur indiquait à la société PTI : « à ce titre, seuls les éventuels dommages matériels à des tiers pourraient justifier notre intervention », tout en relevant par ailleurs que dans ce même courrier, Axa Winterthur « déniait devoir sa garantie dans le cadre de la couverture des contrats de responsabilité civile entreprise », la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser une manifestation de volonté non équivoque, et a méconnu les articles 1354 et suivants, devenus les articles 1383 et suivants du code civil ;

5°/ Alors que dans ses conclusions d'appel (pp. 114 et s.), la société Axa Winterthur soutenait que les obligations portant sur la conception de l'ouvrage d'étanchéité litigieux et le suivi ou contrôle des travaux de QF qu'aurait prétendument assumées PTI, au-delà de celles lui incombant au titre du contrat de vente, auraient nécessairement relevé d'un contrat distinct conclu à titre gratuit, entraînant alors, en droit suisse, une limitation de la responsabilité de PTI ; qu'en retenant que la société Axa Winterthur invoquait à ce titre un plafonnement de sa garantie (arrêt, pp. 20-21), la cour d'appel a dénaturé les conclusions précitées et violé l'article 4 du code de procédure civile.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

(Absence d'action directe de la SMCA contre Axa Winterthur)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Axa assurances dite Winterthur, assureur de responsabilité civile de la société suisse PTI, à payer à la SMCA, en deniers ou quittances, en réparation du coût de réfection des cuvettes de rétention d'hydrocarbures du site de l'aéroport de Roissy les Chennevières les Louvres, les sommes de 2 788 927 € au titre des travaux, 279 381 € (10%) au titre de la maîtrise d'oeuvre, pour un montant total de 3 068 308 € HT, in solidum avec la société Axa France dans la limite de la garantie de celle-ci, et D'AVOIR dit que la société Axa France IARD et la société Axa Winterthur se devraient mutuellement garantie dans cette proportion, dans la limite du plafond de garantie de la garantie due par la société Axa France IARD,

AUX MOTIFS SUIVANTS :

Si l'essentiel des développements des parties quant à la recherche de la loi applicable concernent la responsabilité contractuelle par référence à la convention de Rome I, Winterthur conclut cependant sur I'hypothèse de la responsabilité délictuelle de PTI (pages 93 et s. de ces conclusions) sans dénier dans ce cas la recevabilité à son encontre, ou encore l'existence en droit suisse, d'une action directe du tiers lésé contre l'assureur, puisqu'au contraire Winterthur objecte des moyens de fond pour voir écarter la responsabilité de son assuré.
En conséquence, l'action directe de SMCA contre Winterthur sera déclarée recevable par infirmation du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pontoise le 19 avril 2013 (arrêt, p. 19),

1°/ Alors qu'il appartient au juge saisi de l'application d'un droit étranger de procéder à sa mise en oeuvre et, spécialement, d'en rechercher la teneur afin de trancher le litige selon ce droit ; qu'en déclarant recevable l'action directe exercée par la société SMCA, maître de l'ouvrage, contre Axa Winterthur, assureur de la société PTI, par des motifs ne permettant pas de déterminer quel était le droit matériel, suisse ou français, dont elle entendait faire application, la cour d'appel a méconnu l'article 3 du code civil et les principes de droit international privé ;

2°/ Alors en tout état de cause que dans ses conclusions d'appel, la société Axa Winterthur soutenait que dans le cadre d'une chaîne de contrats translatifs de propriété, l'action en responsabilité du sous-acquéreur à l'encontre du vendeur initial est nécessairement de nature contractuelle ; que l'assureur se prévalait de l'existence d'une telle chaîne translative (conclusions pp. 38 et s.) et en déduisait notamment (conclusions, pp. 73 et s. et p. 157), au regard de la loi suisse applicable à cette action comme au regard de la loi suisse applicable au contrat d'assurance, l'absence d'action directe du tiers lésé contre l'assureur de responsabilité civile ; qu'en laissant sans réponse ce moyen des conclusions de la société Axa Winterthur, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

(Responsabilité éventuelle de la société PTI envers les sociétés QF et SMCA : nature juridique et loi applicable)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué D'AVOIR dit que la société suisse Produits et techniques (PTI) avait engagé sa responsabilité délictuelle envers la société de Manutention de carburants aviation (SMCA), dit que les manquements respectifs de la société [...] (QF) et de la société PTI avaient contribué à la survenance de l'intégralité du préjudice subi par la SMCA, fixé la part respective de responsabilité à raison de 45 % pour la société PTI et 55 % pour la société QF, D'AVOIR condamné la société Axa assurances dite Winterthur, assureur de responsabilité civile de la société suisse PTI, à payer à la SMCA, en deniers ou quittances, en réparation du coût de réfection des cuvettes de rétention d'hydrocarbures du site de l'aéroport de Roissy les Chennevières les Louvres, les sommes de 2 788 927 € au titre des travaux, 279 381 € (10%) au titre de la maîtrise d'oeuvre, pour un montant total de 3 068 308 € HT, in solidum avec la société Axa France dans la limite de la garantie de celle-ci, et D'AVOIR dit que la société Axa France IARD et la société Axa Winterthur se devraient mutuellement garantie dans cette proportion, dans la limite du plafond de garantie de la garantie due par la société Axa France IARD,

AUX MOTIFS SUIVANTS :

Désordres et responsabilités

Les désordres
Il sera rappelé pour mémoire qu'ils ont porté sur les points suivants :
- fissuration quasi systématique de la membrane au droit des joints de fractionnement de la forme en béton fibré, fissuration de la membrane et de son support,
- présence de petites pustules (cloques) qui dans la quasi-généralité des cas, sont de couleur blanchâtre,
- décollements de la membrane par rapport à son support,
L'expert judiciaire (page 11 du rapport) a retenu plusieurs causes à ces désordres :
- une exécution non conforme aux règles de l'art de la membrane, expliquant les fissures au droit des joints de fractionnement de la forme support en béton fibré. L'épaisseur de la membrane est très variable, pouvant descendre jusqu'à 1,5 mm,
- une exécution non conforme aux règles de l'art de la forme support en béton fibré qui explique les fissures constatées en partie courante de l'étanchéité. Il a en particulier été constaté après essais confiés au LNE (laboratoire national d'essais) que la forme en béton fibré avait une épaisseur très variable puisque comprise entre 1,5 cm et 10 cm, alors qu'elle aurait dû être d'une épaisseur d'au moins 12 cm,
- l'existence sur cette forme d'un ragréage adhérant mal, d'une épaisseur comprise entre 1 m[m] et 5 mm,
- absence d'un dispositif constructif pour éviter les remontées d'humidité capillaires, sous forme de feuille de polyéthylène, expliquant l'apparition des pustules sur la membrane étanche, et les décollements de celle-ci.

Le coût réparatoire
La SMCA fixe sa demande d'indemnisation à la somme de 3 779 461,38 € HT en se basant sur les conclusions expertales qu'elle complète par une réclamation d'honoraires de contrôle technique et de coordination du chantier évaluée à 132 612,68 € HT (4 % du montant HT des travaux).
L'expertise a permis de déterminer la nécessité de procéder à une réparation « radicale » permettant d'éviter les remontées capillaires, consistant à conserver l'ancienne forme en béton fibré après l'avoir correctement nettoyée, à réaliser sur cette forme ancienne un dallage en béton armé de 12 cm d'épaisseur, en interposant une couche de désolidarisation en sable et deux feuilles de polyéthylène pour prévenir les remontées capillaires, et à appliquer sur le dallage une membrane de même type que la membrane originelle, avec traitement des joints de fractionnement selon les règles de l'art.
Le coût de ces travaux a été évalué par l'expert à la somme de 3 315 317 € HT soit en incluant le coût de la maitrise d'oeuvre à 3 646 849 € HT.
Winterthur fait observer que les travaux réparatoires ont été réalisés par SMCA en 2009-2010 pour un coût total HT de 3 068 308 € incluant les honoraires de maîtrise d'oeuvre [2 788 927 € + 279 381 € (10%)] ce qui n'est pas contesté, et qu'elle ne saurait réclamer un montant supérieur.
Cette somme de 3 068 308 € HT et sera retenue au titre du coût réparatoire.
Le surplus réclamé au titre du contrôle technique et de la coordination des travaux n'est pas justifié étant rappelé que le poste de contrôle technique n'a pas été discuté devant l'expert, que la nature de l'opération requiert nécessairement de recourir à un maître d'oeuvre d'exécution spécialisé, alors que la coordination n'est requise qu'en cas de pluralité d'entreprises ou de travailleurs indépendants travaillant simultanément sur un même chantier, et vise à prévenir les risques que cette co-intervention génère.
Pour mémoire le jugement du tribunal de grande instance de Paris, en application de la police souscrite auprès d'AXA France, a condamné AXA France à payer à SMCA la somme de 419 890 €, correspondant au coût initial de construction de l'installation.

Les responsabilités
La SMCA recherche la responsabilité de l'entreprise QF et celle de PTI.

Les parties adverses invoquent une part de responsabilité de SMCA.
L'expert a rappelé que lors de la réalisation des cuvettes,
- la SMCA a laissé entièrement à la charge des entreprises le choix du type d'ouvrage à réaliser,
- que la solution alors proposée par QF avait été étudiée conjointement avec le fabricant de la membrane mise en oeuvre, à savoir PTI,
- que de plus PTI a été associée au suivi des travaux et qu'elle a même participé à leur réception, dont elle a signé le procès-verbal,
Estimant que les désordres relevaient d'erreurs de conception, l'expert a proposé de retenir pour part égale la responsabilité de QF et celle de PTI.
Au regard de la discussion concernant les responsabilités encourues, la Cour retient que :
- par des motifs pertinents qu'elle adopte, le tribunal de grande instance de Paris a écarté la responsabilité du maître d'ouvrage. Sur ce point :
- il n'est effectivement démontré aucune compétence professionnelle de la SMCA dans la réalisation d'équipements de génie civil à finalité d'étanchéité,
- il n'a en outre pas été relevé d'immixtion du maître d'ouvrage l'expert ayant au contraire indiqué qu'elle ne s'était à aucun moment immiscée dans la conception technique et dans la conduite des travaux, et qu'elle ne pouvait supposer qu'il pouvait y avoir une relation entre la nature du sol et la bonne tenue des travaux dans le temps de l'ouvrage d'étanchéité imaginé par QF et PTI (Rapport page 15). Sur ce point l'expert a noté la différence de situation entre ce chantier et celui, similaire, réalisé à Orly où le maître d'ouvrage était intervenu.
- le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de QF. Le fondement contractuel s'applique dès lors que l'installation construite par sa spécificité n'est pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil mais un équipement de génie civil.
Sur ce point en effet les cuvettes ne constituent pas des bâtiments, ou des éléments de bâtiments élaborés selon les techniques du bâtiment et selon les techniques courantes de construction.
D'une part il s'agit d'éléments destinés à faire partie d'un dispositif de stockage et d'exploitation de carburant, à vocation industrielle, et en particulier à prévenir la pollution des sols par des hydrocarbures, dans les conditions prévues par les instructions ministérielles édictées en 1989.
D'autre part le choix constructif a fait appel à deux techniques innovantes, celle du béton fibré dont les brevets ont été déposés en 1997 (Béton Fibré à Ultra-hautes Performances (BEFUP)) pour construire la coque ou forme des cuvettes, et celle de la membrane étanche IR 4010 ® permettant précisément de réaliser l'étanchéité des dépôts pétroliers et des raffineries conformément à l'IM 89. (Instruction Ministérielle du 9.11.1989), dont la mise en oeuvre requiert l'agrément du fournisseur aux entreprises.
Les manquements de QF, titulaire du marché après avoir vu son offre retenue, sont notamment caractérisés par :
- l'absence de prise d'information sur la nature du sol, ou de préconisation auprès du maître d'ouvrage aux fins d'analyse géotechnique,
- l'absence de dispositif pour éviter les remontées d'eau par capillarité,
- la réalisation de la forme en béton fibré, du ragréage et de la membrane d'étanchéité sans respecter les épaisseurs définies pour chacune des étapes de ce chantier par les normes et règles de l'art dans ce domaine spécifique,
- le traitement non adapté des joints et réalisation de la membrane PTI sans respect de l'épaisseur requise.
S'agissant de la responsabilité recherchée de la société PTI,
-le tribunal de grande instance de Paris a évoqué dans ses motifs (page 11 du jugement entrepris) la responsabilité de PTI en ces termes :« il apparaît ainsi que, tant la conception de l'ouvrage par la société Produits et techniques PTI et la société [...] [QF] que la réalisation du dallage et l'application de la membrane par cette dernière sont en cause dans la survenance des désordres ».
- le jugement rendu le 19 avril 2013 par le tribunal de grande instance de Pontoise, saisi de l'action directe de SMCA contre l'assureur de PTI a écarté l'existence d'un lien contractuel direct entre PTI et la SMCA (page 9) en rappelant d'une part les commandes et devis intervenus entre SMCA et QF, d'autre part les factures établies par PTI à l'ordre de QF pour la fourniture des composants de la membrane. Il a retenu l'existence d'une chaîne de contrat[s] pour la fourniture des composants de la membrane (page 9).
- selon SMCA l'entreprise PTI est à titre principal responsable à son égard sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs. SMCA invoque au soutien de cette position le fait que PTI a accompli des prestations de maîtrise d'oeuvre, a fourni les matériaux nécessaires à la confection de la membrane, a participé en amont à la rédaction du Cahier des Charges relatif à la mise en oeuvre de la solution technique retenue et aux spécifications techniques du chantier et a participé en aval aux opérations de réception de l'ouvrage et en ayant signé le procès-verbal de réception.
- Winterthur assureur de PTI conteste l'existence d'un contrat de maîtrise d'oeuvre et soutient que PTI n'a été que simple vendeur. Au soutien de sa contestation, elle invoque une présentation erronée des faits par [SMCA], ajoute que c'est QF qui est le concepteur de l'ouvrage et que tout rôle de conseil de PTI a toujours été contesté, alors qu'en raison de la faillite de celle-ci en 2006, seule SMCA était présente à l'expertise. S'agissant des pièces produites par cette dernière sous cote n°18, datant du 10/4/98, Winterthur relève qu'elles sont antérieures à la consultation lancée pour ce chantier et ne constituent qu'une notice technique générale. Elle ajoute que la signature du procès-verbal de réception n'établit pas l'existence d'un contrat de maîtrise d'oeuvre et qu'elle était prévue en lien avec le contrat de maintenance qui avait été envisagé pour une durée de 10 ans mais que finalement la SMCA n'a pas souscrite.
S'il n'existe pas une définition unique, il est cependant admis que la maîtrise d'oeuvre est l'ensemble des prestations de conseil, d'études et de direction de travaux qu'un professionnel exécute pour le compte d'un client, maître d'ouvrage, en vue de réaliser des travaux et qui consiste principalement à :
- concevoir un projet de construction neuve ou d'intervention sur un bâtiment existant ;
- préparer les marchés de travaux passer avec les entrepreneurs ;
- diriger les travaux réalisés par les entrepreneurs choisis, vérifier qu'ils sont exécutés conformément aux dispositions du marché et en contrôler les paiements ;
- assister son client pour la réception.
C'est un professionnel qui a pour rôle de concevoir, coordonner et contrôler la bonne exécution des travaux.
En l'espèce, force est de constater qu'il n'est pas démontré de lien contractuel direct entre la SMCA et PTI.
En effet, l'appel d'offre aux entreprises n'a pas été lancé sur la base d'un projet technique préalablement défini, à l'élaboration duquel serait intervenu PTI, mais sur la base d'une demande de « mise en conformité IM89 » selon arrêté préfectoral du 26 octobre 1994 (préfecture du Val d'Oise) de quatre cuvettes de rétention (N°1 ,2, 11 et 12 du dépôt de Chènevières-les-Louvres) à charge pour les candidates de construire leur offre.
A cet égard il est inexact de présenter PTI fabricant de la membrane « IR 4010 », comme ayant rédigé les documents techniques afférents à la réalisation des travaux d'étanchéité, savoir le « cahier des charges » relatif à la membrane et les « spécifications du chantier » (ccl. SMCA page 4) alors que les pièces présentées sous la cote n°18 ne constituent pas un cahier de charge de l'opération mais :
- pour deux d'entre elles (18-1 et 18-2) des fiches techniques dont :
- l'une (18-1) énonce les compétences spécifiques requises des entreprises exécutant des étanchéités à l'aide de produits PTI (nettoyage et sciage de fonds de cuvette, ragréage, pontage, création d'un sol minéral fibré, mise en forme et renforcement des merlons, mise en oeuvre de la membrane et traitement des joints...). Il s'agit sans ambiguïté d'un document général d'information (« SPECIF 1/ 10.04/1998 ») dépourvu de toute indication relative au chantier litigieux.
- l'autre (18-2) intitulé « CAHIER DES CHARGES IR 4010-REVETEMENT MINERAL CUVETTES DE RETENTION » est également une fiche technique générale (datée « F.T. 16.09.1997 ») précisant les conditions dans lesquelles doit être mis en oeuvre le procédé de membrane minérale de PTI IR 4010, les caractéristiques des surfaces à revêtir et de cette membrane, ainsi que les essais qu'elle a subis en laboratoires.
Il est particulièrement intéressant de noter que cette fiche prévoit (page 3) que des contrôles du chantier seront exécutés sur les conditions de la mise en oeuvre, le respect de l'épaisseur et la réalisation de plaques et échantillons, contrôles que l'éditeur PTI mentionn[e] devoir être effectués en coordination avec le fabricant/auteur du procédé, c'est-à-dire elle-même.

Cette formulation renvoie à la relation ainsi susceptible d'être contractualisée entre elle-même et les entreprises choisissant de mettre en oeuvre ce procédé.
- le troisième document (coté 18-3), mentionnant cette fois précisément l'opération qu'il s'agit de réaliser, est établi sous la double entête QF-PTI et fait état des paramètres retenus pour réaliser l'opération. Il est selon toute vraisemblance à destination de la SMCA et ne fait que contribuer à définir l'offre de travaux.
Aucun document ne place PTI en rôle de maître d'oeuvre, assistant le maître d'ouvrage et surveillant à son profit la réalisation des travaux, et le fait que cette société soit la conceptrice d'un produit d'étanchéité spécifique dont elle définit précisément les conditions de mise en oeuvre ne fait pas d'elle un maître d'oeuvre concepteur.
La production d'à tout le moins un document à double en-tête QF-PTI est au surplus antinomique avec la mission d'un maître d'oeuvre d'exécution qui, chargé de surveiller les entreprises et la coordination est par définition indépendant.
L'absence de tout règlement par la SMCA des prestations de PTI à celle-ci conforte ce constat.
Enfin il est une règle établie selon laquelle en l'absence de maîtrise d'oeuvre distincte, la mission attachée à cette maîtrise d'oeuvre est exercée par l'entreprise choisie.
De ce fait, au regard des éléments qui précèdent et des conditions dans lesquelles PTI définissait le contrôle de la mise en oeuvre de son produit, ce qui est un corollaire de la garantie attachée au produit, la signature de PTI apposée sur le procès-verbal de réception n'est en rien probante d'une maîtrise d'oeuvre distincte.
Au surplus comme il a été dit, la nature du chantier relève du génie civil et est à ce titre exclusive du régime de la responsabilité des constructeurs.
La responsabilité de PTI est recherchée à titre subsidiaire sur le fondement délictuel. SMCA se prévaut de ce que le manquement de PTI dans ses relations avec QF lui a causé préjudice et a engagé envers elle, tiers au contrat, sa responsabilité délictuelle (arrêt, pp. 12 – 17),

Sur le fond
La règle du non cumul de responsabilité opposée subsidiairement par Winterthur appelle les observations suivantes :
- rien ne s'oppose à ce que les fondements contractuel et délictuel soient recherchés l'un à défaut de l'autre et, ici, l'un à titre principal, l'autre à titre subsidiaire,
- il n'est pas invoqué de vice de la membrane elle-même en ses composants tels que conçus et définis par PTI, qui les a fournis à QF. Ce sont les conditions de réalisation des travaux qui sont à l'origine des désordres,
- les causes des désordres ont en effet mis en évidence une absence totale de prise en compte des caractéristiques du sol et du risque de possibles remontées d'eaux dans le substrat de l'installation, des épaisseurs inégales et non conformes tant de la forme en béton fibré que de la membrane posée dessus, et un traitement inadapté des joints,
- or PTI a mis en exergue dans la présentation de sa technique, l'existence de contrôles de sa part. Elle a apporté le crédit de son savoir-faire dans le domaine très spécifique et spécialisé de la création de cuvettes de rétention de carburants, et s'est présentée aux côtés de QF (pièce 18-3 citée) dans la définition des paramètres des travaux,
- en l'absence, comme il a été dit, de tout lien contractuel entre elle et SMCA, cette dernière est fondée à voir retenir la responsabilité délictuelle de PTI dès lors qu'elle relève avec exactitude les manquements de celle-ci dans ses interventions prévues pour ce chantier.
La Cour retiendra que PTI, en ayant défini les conditions de la réalisation et de suivi des travaux auprès de son client QF cela dans le cadre des contrôles expressément prévus selon les pièces cotées 18 précitées, et en ayant validé le résultat par sa présence aux côtés de QF lors de l'acte de réception, a manqué à vérifier le respect des règles de l'art notamment en ce qui concerne les épaisseurs des éléments de I'installation réalisée (cf. sur ce point ses spécifications de chantier en pièce 18-1 point 3 intitulé « Contrôles », et plus particulièrement 3-2 et 3-2 ). PTI a aussi manqué à la vigilance quant à la compatibilité du sol avec l'opération en n'ayant pas évoqué la question du risque de remontée d'humidité, ici à l'origine des pustules. En manquant à ces diligences elle a contribué à la survenance des désordres engageant ainsi sa responsabilité envers le maître d'ouvrage, tiers au contrat de fourniture.
Si l'essentiel des développements des parties quant à la recherche de la loi applicable concernent la responsabilité contractuelle par référence à la convention de Rome I, Winterthur conclut cependant sur I'hypothèse de la responsabilité délictuelle de PTI (pages 93 et s. de ces conclusions) sans dénier dans ce cas la recevabilité à son encontre, ou encore l'existence en droit suisse, d'une action directe du tiers lésé contre l'assureur, puisqu'au contraire Winterthur objecte des moyens de fond pour voir écarter la responsabilité de son assuré.
En conséquence, l'action directe de SMCA contre Winterthur sera déclarée recevable par infirmation du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pontoise le 19 avril 2013 (arrêt, pp. 15 – 19),

1°/ Alors qu'il appartient au juge saisi de l'application d'un droit étranger de procéder à sa mise en oeuvre et, spécialement, d'en rechercher la teneur afin de trancher le litige selon ce droit ; qu'en appréciant directement au regard du droit matériel français la responsabilité de la société PTI à l'égard de la société SMCA, sans faire application de la règle de conflit de lois ni rechercher si le droit français se trouvait désigné par celle-ci, la cour d'appel a méconnu l'article 3 du code civil et les principes de droit international privé ;

2°/ Alors que, en toute hypothèse, au regard du droit matériel français, si le tiers à un contrat peut en principe invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel lorsque ce manquement lui a causé un dommage, c'est à la condition d'établir que ce manquement contractuel constituait une faute quasi-délictuelle à son égard ; qu'en se bornant, pour retenir que la société PTI avait engagé sa responsabilité délictuelle envers la SMCA, à relever des supposés manquements de la société PTI à ses obligations contractuelles envers la société QF au titre de ses interventions prévues pour le chantier litigieux (arrêt, p. 18, pénult. §), sans faire ressortir en quoi de tels manquements auraient constitué une faute délictuelle distincte à l'égard de la société SMCA, tierce au contrat liant les sociétés PTI et QF, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article article 1165, devenu les articles 1199 et 1200, et de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

3°/ Alors que, en tout état de cause, en affirmant que la société PTI aurait commis divers manquements à ses obligations contractuelles envers la société QF, sans rechercher comme elle y était invitée (conclusions d'Axa Winterthur, spéc. pp. 93 et s.) si le contrat liant ces deux sociétés avait la nature d'un contrat de vente et/ou d'un contrat d'entreprise, ni analyser au regard de l'une ou l'autre de ces qualifications les manquements reprochés à la société PTI dont il était explicitement soutenu qu'elle n'avait que la qualité de vendeur (conclusions d'Axa Winterthur, not. pp. 101 et s.), ce dont il découlait notamment que les manquements retenus à son encontre par la cour d'appel excédaient les obligations incombant à un simple fournisseur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103 du code civil.

QUATRIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

(Défaut de caractérisation des manquements retenus à l'encontre de la société PTI dans ses rapports contractuels avec la société QF)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué D'AVOIR dit que la société suisse Produits et techniques (PTI) avait engagé sa responsabilité délictuelle envers la société de Manutention de carburants aviation (SMCA), dit que les manquements respectifs de la société [...] (QF) et de la société PTI avaient contribué à la survenance de l'intégralité du préjudice subi par la SMCA, fixé la part respective de responsabilité à raison de 45 % pour la société PTI et 55 % pour la société QF, D'AVOIR condamné la société Axa assurances dite Winterthur, assureur de responsabilité civile de la société suisse PTI, à payer à la SMCA, en deniers ou quittances, en réparation du coût de réfection des cuvettes de rétention d'hydrocarbures du site de l'aéroport de Roissy les Chennevières les Louvres, les sommes de 2 788 927 € au titre des travaux, 279 381 € (10%) au titre de la maîtrise d'oeuvre, pour un montant total de 3 068 308 € HT, in solidum avec la société Axa France dans la limite de la garantie de celle-ci, et D'AVOIR dit que la société Axa France IARD et la société Axa Winterthur se devraient mutuellement garantie dans cette proportion, dans la limite du plafond de garantie de la garantie due par la société Axa France IARD,

AUX MOTIFS SUIVANTS :

Désordres et responsabilités

Les désordres

Il sera rappelé pour mémoire qu'ils ont porté sur les points suivants :
- fissuration quasi systématique de la membrane au droit des joints de fractionnement de la forme en béton fibré, fissuration de la membrane et de son support,
- présence de petites pustules (cloques) qui dans la quasi-généralité des cas, sont de couleur blanchâtre,
- décollements de la membrane par rapport à son support,
L'expert judiciaire (page 11 du rapport) a retenu plusieurs causes à ces désordres :
- une exécution non conforme aux règles de l'art de la membrane, expliquant les fissures au droit des joints de fractionnement de la forme support en béton fibré. L'épaisseur de la membrane est très variable, pouvant descendre jusqu'à 1,5 mm,
- une exécution non conforme aux règles de l'art de la forme support en béton fibré qui explique les fissures constatées en partie courante de l'étanchéité. Il a en particulier été constaté après essais confiés au LNE (laboratoire national d'essais) que la forme en béton fibré avait une épaisseur très variable puisque comprise entre 1,5 cm et 10 cm, alors qu'elle aurait dû être d'une épaisseur d'au moins 12 cm,
- l'existence sur cette forme d'un ragréage adhérant mal, d'une épaisseur comprise entre 1 m[m] et 5 mm,
- absence d'un dispositif constructif pour éviter les remontées d'humidité capillaires, sous forme de feuille de polyéthylène, expliquant l'apparition des pustules sur la membrane étanche, et les décollements de celle-ci.

Le coût réparatoire
La SMCA fixe sa demande d'indemnisation à la somme de 3 779 461,38 € HT en se basant sur les conclusions expertales qu'elle complète par une réclamation d'honoraires de contrôle technique et de coordination du chantier évaluée à 132 612,68 € HT (4 % du montant HT des travaux).
L'expertise a permis de déterminer la nécessité de procéder à une réparation « radicale » permettant d'éviter les remontées capillaires, consistant à conserver l'ancienne forme en béton fibré après l'avoir correctement nettoyée, à réaliser sur cette forme ancienne un dallage en béton armé de 12 cm d'épaisseur, en interposant une couche de désolidarisation en sable et deux feuilles de polyéthylène pour prévenir les remontées capillaires, et à appliquer sur le dallage une membrane de même type que la membrane originelle, avec traitement des joints de fractionnement selon les règles de l'art.
Le coût de ces travaux a été évalué par l'expert à la somme de 3 315 317 € HT soit en incluant le coût de la maitrise d'oeuvre à 3 646 849 € HT.
Winterthur fait observer que les travaux réparatoires ont été réalisés par SMCA en 2009-2010 pour un coût total HT de 3 068 308 € incluant les honoraires de maîtrise d'oeuvre [2 788 927 € + 279 381 € (10%)] ce qui n'est pas contesté, et qu'elle ne saurait réclamer un montant supérieur.
Cette somme de 3 068 308 € HT et sera retenue au titre du coût réparatoire.
Le surplus réclamé au titre du contrôle technique et de la coordination des travaux n'est pas justifié étant rappelé que le poste de contrôle technique n'a pas été discuté devant l'expert, que la nature de l'opération requiert nécessairement de recourir à un maître d'oeuvre d'exécution spécialisé, alors que la coordination n'est requise qu'en cas de pluralité d'entreprises ou de travailleurs indépendants travaillant simultanément sur un même chantier, et vise à prévenir les risques que cette co-intervention génère.
Pour mémoire le jugement du tribunal de grande instance de Paris, en application de la police souscrite auprès d'AXA France, a condamné AXA France à payer à SMCA la somme de 419 890 €, correspondant au coût initial de construction de l'installation.

Les responsabilités
La SMCA recherche la responsabilité de l'entreprise QF et celle de PTI.
Les parties adverses invoquent une part de responsabilité de SMCA.
L'expert a rappelé que lors de la réalisation des cuvettes,
- la SMCA a laissé entièrement à la charge des entreprises le choix du type d'ouvrage à réaliser,
- que la solution alors proposée par QF avait été étudiée conjointement avec le fabricant de la membrane mise en oeuvre, à savoir PTI,
- que de plus PTI a été associée au suivi des travaux et qu'elle a même participé à leur réception, dont elle a signé le procès-verbal,
Estimant que les désordres relevaient d'erreurs de conception, l'expert a proposé de retenir pour part égale la responsabilité de QF et celle de PTI.
Au regard de la discussion concernant les responsabilités encourues, la Cour retient que :
- par des motifs pertinents qu'elle adopte, le tribunal de grande instance de Paris a écarté la responsabilité du maître d'ouvrage. Sur ce point :
- il n'est effectivement démontré aucune compétence professionnelle de la SMCA dans la réalisation d'équipements de génie civil à finalité d'étanchéité,
- il n'a en outre pas été relevé d'immixtion du maître d'ouvrage l'expert ayant au contraire indiqué qu'elle ne s'était à aucun moment immiscée dans la conception technique et dans la conduite des travaux, et qu'elle ne pouvait supposer qu'il pouvait y avoir une relation entre la nature du sol et la bonne tenue des travaux dans le temps de l'ouvrage d'étanchéité imaginé par QF et PTI (Rapport page 15). Sur ce point l'expert a noté la différence de situation entre ce chantier et celui, similaire, réalisé à Orly où le maître d'ouvrage était intervenu.
- le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de QF. Le fondement contractuel s'applique dès lors que l'installation construite par sa spécificité n'est pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil mais un équipement de génie civil.
Sur ce point en effet les cuvettes ne constituent pas des bâtiments, ou des éléments de bâtiments élaborés selon les techniques du bâtiment et selon les techniques courantes de construction.
D'une part il s'agit d'éléments destinés à faire partie d'un dispositif de stockage et d'exploitation de carburant, à vocation industrielle, et en particulier à prévenir la pollution des sols par des hydrocarbures, dans les conditions prévues par les instructions ministérielles édictées en 1989.
D'autre part le choix constructif a fait appel à deux techniques innovantes, celle du béton fibré dont les brevets ont été déposés en 1997 (Béton Fibré à Ultra-hautes Performances (BEFUP)) pour construire la coque ou forme des cuvettes, et celle de la membrane étanche IR 4010 ® permettant précisément de réaliser l'étanchéité des dépôts pétroliers et des raffineries conformément à l'IM 89. (Instruction Ministérielle du 9.11.1989), dont la mise en oeuvre requiert l'agrément du fournisseur aux entreprises.
Les manquements de QF, titulaire du marché après avoir vu son offre retenue, sont notamment caractérisés par :
- l'absence de prise d'information sur la nature du sol, ou de préconisation auprès du maître d'ouvrage aux fins d'analyse géotechnique,
- l'absence de dispositif pour éviter les remontées d'eau par capillarité,
- la réalisation de la forme en béton fibré, du ragréage et de la membrane d'étanchéité sans respecter les épaisseurs définies pour chacune des étapes de ce chantier par les normes et règles de l'art dans ce domaine spécifique,
- le traitement non adapté des joints et réalisation de la membrane PTI sans respect de l'épaisseur requise.
S'agissant de la responsabilité recherchée de la société PTI,
-le tribunal de grande instance de Paris a évoqué dans ses motifs (page 11 du jugement entrepris) la responsabilité de PTI en ces termes :« il apparaît ainsi que, tant la conception de l'ouvrage par la société Produits et techniques PTI et la société [...] [QF] que la réalisation du dallage et l'application de la membrane par cette dernière sont en cause dans la survenance des désordres ».
- le jugement rendu le 19 avril 2013 par le tribunal de grande instance de Pontoise, saisi de l'action directe de SMCA contre l'assureur de PTI a écarté l'existence d'un lien contractuel direct entre PTI et la SMCA (page 9) en rappelant d'une part les commandes et devis intervenus entre SMCA et QF, d'autre part les factures établies par PTI à l'ordre de QF pour la fourniture des composants de la membrane. Il a retenu l'existence d'une chaîne de contrat[s] pour la fourniture des composants de la membrane (page 9).
- selon SMCA l'entreprise PTI est à titre principal responsable à son égard sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs. SMCA invoque au soutien de cette position le fait que PTI a accompli des prestations de maîtrise d'oeuvre, a fourni les matériaux nécessaires à la confection de la membrane, a participé en amont à la rédaction du Cahier des Charges relatif à la mise en oeuvre de la solution technique retenue et aux spécifications techniques du chantier et a participé en aval aux opérations de réception de l'ouvrage et en ayant signé le procès-verbal de réception.

- Winterthur assureur de PTI conteste l'existence d'un contrat de maîtrise d'oeuvre et soutient que PTI n'a été que simple vendeur. Au soutien de sa contestation, elle invoque une présentation erronée des faits par [SMCA], ajoute que c'est QF qui est le concepteur de l'ouvrage et que tout rôle de conseil de PTI a toujours été contesté, alors qu'en raison de la faillite de celle-ci en 2006, seule SMCA était présente à l'expertise. S'agissant des pièces produites par cette dernière sous cote n°18, datant du 10/4/98, Winterthur relève qu'elles sont antérieures à la consultation lancée pour ce chantier et ne constituent qu'une notice technique générale. Elle ajoute que la signature du procès-verbal de réception n'établit pas l'existence d'un contrat de maîtrise d'oeuvre et qu'elle était prévue en lien avec le contrat de maintenance qui avait été envisagé pour une durée de 10 ans mais que finalement la SMCA n'a pas souscrite.
S'il n'existe pas une définition unique, il est cependant admis que la maîtrise d'oeuvre est l'ensemble des prestations de conseil, d'études et de direction de travaux qu'un professionnel exécute pour le compte d'un client, maître d'ouvrage, en vue de réaliser des travaux et qui consiste principalement à :
- concevoir un projet de construction neuve ou d'intervention sur un bâtiment existant ;
- préparer les marchés de travaux passer avec les entrepreneurs ;
- diriger les travaux réalisés par les entrepreneurs choisis, vérifier qu'ils sont exécutés conformément aux dispositions du marché et en contrôler les paiements ;
- assister son client pour la réception.
C'est un professionnel qui a pour rôle de concevoir, coordonner et contrôler la bonne exécution des travaux.
En l'espèce, force est de constater qu'il n'est pas démontré de lien contractuel direct entre la SMCA et PTI.
En effet, l'appel d'offre aux entreprises n'a pas été lancé sur la base d'un projet technique préalablement défini, à l'élaboration duquel serait intervenu PTI, mais sur la base d'une demande de « mise en conformité IM89 » selon arrêté préfectoral du 26 octobre 1994 (préfecture du Val d'Oise) de quatre cuvettes de rétention (N°1 ,2, 11 et 12 du dépôt de Chènevières-les-Louvres) à charge pour les candidates de construire leur offre.

A cet égard il est inexact de présenter PTI fabricant de la membrane « IR 4010 », comme ayant rédigé les documents techniques afférents à la réalisation des travaux d'étanchéité, savoir le « cahier des charges » relatif à la membrane et les « spécifications du chantier » (ccl. SMCA page 4) alors que les pièces présentées sous la cote n°18 ne constituent pas un cahier de charge de l'opération mais :
- pour deux d'entre elles (18-1 et 18-2) des fiches techniques dont :
- l'une (18-1) énonce les compétences spécifiques requises des entreprises exécutant des étanchéités à l'aide de produits PTI (nettoyage et sciage de fonds de cuvette, ragréage, pontage, création d'un sol minéral fibré, mise en forme et renforcement des merlons, mise en oeuvre de la membrane et traitement des joints...). Il s'agit sans ambiguïté d'un document général d'information (« SPECIF 1/ 10.04/1998 ») dépourvu de toute indication relative au chantier litigieux.
- l'autre (18-2) intitulé « CAHIER DES CHARGES IR 4010-REVETEMENT MINERAL CUVETTES DE RETENTION » est également une fiche technique générale (datée « F.T. 16.09.1997 ») précisant les conditions dans lesquelles doit être mis en oeuvre le procédé de membrane minérale de PTI IR 4010, les caractéristiques des surfaces à revêtir et de cette membrane, ainsi que les essais qu'elle a subis en laboratoires.
Il est particulièrement intéressant de noter que cette fiche prévoit (page 3) que des contrôles du chantier seront exécutés sur les conditions de la mise en oeuvre, le respect de l'épaisseur et la réalisation de plaques et échantillons, contrôles que l'éditeur PTI mentionn[e] devoir être effectués en coordination avec le fabricant/auteur du procédé, c'est-à-dire elle-même.
Cette formulation renvoie à la relation ainsi susceptible d'être contractualisée entre elle-même et les entreprises choisissant de mettre en oeuvre ce procédé.
- le troisième document (coté 18-3), mentionnant cette fois précisément l'opération qu'il s'agit de réaliser, est établi sous la double entête QF-PTI et fait état des paramètres retenus pour réaliser l'opération. Il est selon toute vraisemblance à destination de la SMCA et ne fait que contribuer à définir l'offre de travaux.

Aucun document ne place PTI en rôle de maître d'oeuvre, assistant le maître d'ouvrage et surveillant à son profit la réalisation des travaux, et le fait que cette société soit la conceptrice d'un produit d'étanchéité spécifique dont elle définit précisément les conditions de mise en oeuvre ne fait pas d'elle un maître d'oeuvre concepteur.
La production d'à tout le moins un document à double en-tête QF-PTI est au surplus antinomique avec la mission d'un maître d'oeuvre d'exécution qui, chargé de surveiller les entreprises et la coordination est par définition indépendant.
L'absence de tout règlement par la SMCA des prestations de PTI à celle-ci conforte ce constat.
Enfin il est une règle établie selon laquelle en l'absence de maîtrise d'oeuvre distincte, la mission attachée à cette maîtrise d'oeuvre est exercée par l'entreprise choisie.
De ce fait, au regard des éléments qui précèdent et des conditions dans lesquelles PTI définissait le contrôle de la mise en oeuvre de son produit, ce qui est un corollaire de la garantie attachée au produit, la signature de PTI apposée sur le procès-verbal de réception n'est en rien probante d'une maîtrise d'oeuvre distincte.
Au surplus comme il a été dit, la nature du chantier relève du génie civil et est à ce titre exclusive du régime de la responsabilité des constructeurs.
La responsabilité de PTI est recherchée à titre subsidiaire sur le fondement délictuel. SMCA se prévaut de ce que le manquement de PTI dans ses relations avec QF lui a causé préjudice et a engagé envers elle, tiers au contrat, sa responsabilité délictuelle (arrêt, pp. 12 – 17),

Sur le fond
La règle du non cumul de responsabilité opposée subsidiairement par Winterthur appelle les observations suivantes :
- rien ne s'oppose à ce que les fondements contractuel et délictuel soient recherchés l'un à défaut de l'autre et, ici, l'un à titre principal, l'autre à titre subsidiaire,
- il n'est pas invoqué de vice de la membrane elle-même en ses composants tels que conçus et définis par PTI, qui les a fournis à QF. Ce sont les conditions de réalisation des travaux qui sont à l'origine des désordres,
- les causes des désordres ont en effet mis en évidence une absence totale de prise en compte des caractéristiques du sol et du risque de possibles remontées d'eaux dans le substrat de l'installation, des épaisseurs inégales et non conformes tant de la forme en béton fibré que de la membrane posée dessus, et un traitement inadapté des joints,
- or PTI a mis en exergue dans la présentation de sa technique, l'existence de contrôles de sa part. Elle a apporté le crédit de son savoir-faire dans le domaine très spécifique et spécialisé de la création de cuvettes de rétention de carburants, et s'est présentée aux côtés de QF (pièce 18-3 citée) dans la définition des paramètres des travaux,
- en l'absence, comme il a été dit, de tout lien contractuel entre elle et SMCA, cette dernière est fondée à voir retenir la responsabilité délictuelle de PTI dès lors qu'elle relève avec exactitude les manquements de celle-ci dans ses interventions prévues pour ce chantier.
La Cour retiendra que PTI, en ayant défini les conditions de la réalisation et de suivi des travaux auprès de son client QF cela dans le cadre des contrôles expressément prévus selon les pièces cotées 18 précitées, et en ayant validé le résultat par sa présence aux côtés de QF lors de l'acte de réception, a manqué à vérifier le respect des règles de l'art notamment en ce qui concerne les épaisseurs des éléments de I'installation réalisée (cf. sur ce point ses spécifications de chantier en pièce 18-1 point 3 intitulé « Contrôles », et plus particulièrement 3-2 et 3-2 ). PTI a aussi manqué à la vigilance quant à la compatibilité du sol avec l'opération en n'ayant pas évoqué la question du risque de remontée d'humidité, ici à l'origine des pustules. En manquant à ces diligences elle a contribué à la survenance des désordres engageant ainsi sa responsabilité envers le maître d'ouvrage, tiers au contrat de fourniture.
Si l'essentiel des développements des parties quant à la recherche de la loi applicable concernent la responsabilité contractuelle par référence à la convention de Rome I, Winterthur conclut cependant sur I'hypothèse de la responsabilité délictuelle de PTI (pages 93 et s.de ces conclusions) sans dénier dans ce cas la recevabilité à son encontre, ou encore l'existence en droit suisse, d'une action directe du tiers lésé contre l'assureur, puisqu'au contraire Winterthur objecte des moyens de fond pour voir écarter la responsabilité de son assuré.
En conséquence, l'action directe de SMCA contre Winterthur sera déclarée recevable par infirmation du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pontoise le 19 avril 2013 (arrêt, pp. 15 – 19),

1°/ Alors que la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; que, pour estimer que la société PTI aurait engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société QF, et en déduire que PTI avec engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société SMCA, la cour d'appel a énoncé « que PTI, en ayant défini les conditions de la réalisation et de suivi des travaux auprès de son client QF cela dans le cadre des contrôles expressément prévus selon les pièces cotées 18 précitées, et en ayant validé le résultat par sa présence aux côtés de QF lors de l'acte de réception, a[vait] manqué à vérifier le respect des règles de l'art notamment en ce qui concerne les épaisseurs des éléments de l'installation réalisées (cf. sur ce point ses spécifications de chantier en pièce 18-1 point 3 intitulé "Contrôles", et plus particulièrement 3-2 et 3-2) » (arrêt, p. 18) ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant retenu que « les pièces présentées sous la cote nº18 ne constituent pas un cahier des charges de l'opération mais (
) pour deux d'entre elles (18-1 et 18-2) des fiches techniques dont l'une (18-1) énonce les compétences spécifiques requises des entreprises exécutant des étanchéités à l'aide de produits PTI (
). Il s'agit sans ambiguïté d'un document général d'information (
) dépourvu de toute indication relative au chantier litigieux. (
) [L]e troisième document (coté 18-3), (
) ne fait que contribuer à définir l'offre de travaux » (arrêt, pp. 16-17), la cour d'appel s'est contredite, méconnaissant les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ Alors qu'en retenant, de même, que la société PTI aurait « défini les conditions de la réalisation et de suivi des travaux auprès de son client QF, cela dans le cadre des contrôles expressément prévus selon les pièces cotées 18 (
) » et aurait « manqué à vérifier le respect des règles de l'art, notamment en ce qui concerne les épaisseurs des éléments de l'installation réalisée (cf. sur ce point ses spécifications de chantier en pièce 18-1 point 3 intitulé "Contrôles" » (arrêt, pp. 18-19), après avoir pourtant relevé que les « fiches techniques » cotées 18-1 et 18-2 se bornaient à « renvo[yer] à la relation (
) susceptible d'être contractualisée entre [la société PTI] et les entreprises choisissant de mettre en oeuvre [l]e procédé [litigieux] » (arrêt, p. 16, antépénult. et pénult. §), ce dont il résultait qu'à défaut d'une telle « contractualisation », avec la société QF, des contrôles susceptibles d'être mis en oeuvre, la société PTI, fournisseur, ne pouvait voir sa responsabilité contractuelle engagée envers la société QF au titre de la mise en oeuvre du procédé technique en cause, la cour d'appel s'est encore contredite, méconnaissant les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ Alors qu'en se bornant, pour retenir l'existence de manquements contractuels de la société PTI envers la société QF, à énoncer que « PTI a[vait] mis en exergue dans la présentation de sa technique, l'existence de contrôles de sa part. Elle a[vait] apporté le crédit de son savoir-faire dans le domaine très spécifique et spécialisé de la création de cuvettes de rétention de carburants, et s'[était] présentée aux côtés de QF (pièce 18-3 citée) dans la définition des paramètres des travaux » (arrêt, p. 16), quand une telle « présentation » et l'apport de ce « crédit » ne pouvaient engager le cas échéant la société PTI qu'envers la société SMCA et non envers la société QF, dont l'en-tête figurait sur le document litigieux, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

4°/ Alors qu'en ne répondant pas au moyen des conclusions de la société Axa Winterthur pris de ce que ni la société SMCA, ni la société QF n'étaient fondées à invoquer de manquement de la société PTI à d'autres obligations que celles découlant du contrat de vente passé avec la société QF, en l'absence de contrat distinct de maîtrise d'oeuvre ou de conseil technique passé entre la société PTI et la société QF comme avec la société SMCA (conclusions d'Axa Winterthur, pp. 101e s. et pp. 37 s.), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ Alors qu'en toute hypothèse, à supposer que la cour d'appel ait entendu retenir l'existence, entre les sociétés PTI et QF, d'un contrat distinct du contrat de vente du produit litigieux, il lui appartenait de procéder à la mise en oeuvre de la règle de conflit invoquée par la société Axa Winterthur, laquelle se prévalait de l'application du droit suisse (conclusions, pp. 45 et s.), et spécialement, d'en rechercher la teneur afin de trancher le litige selon ce droit, de façon à donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif applicable ; qu'en s'abstenant de toute recherche à cet égard, la cour d'appel a méconnu l'article 3 du code civil et les principes de droit international privé.
CINQUIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

(Appréciation du préjudice et du lien de causalité)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué D'AVOIR dit que la société suisse Produits et techniques (PTI) avait engagé sa responsabilité délictuelle envers la société de Manutention de carburants aviation (SMCA), dit que les manquements respectifs de la société [...] (QF) et de la société PTI avaient contribué à la survenance de l'intégralité du préjudice subi par la SMCA, fixé la part respective de responsabilité à raison de 45 % pour la société PTI et 55 % pour la société QF, D'AVOIR condamné la société Axa assurances dite Winterthur, assureur de responsabilité civile de la société suisse PTI, à payer à la SMCA, en deniers ou quittances, en réparation du coût de réfection des cuvettes de rétention d'hydrocarbures du site de l'aéroport de Roissy les Chennevières les Louvres, les sommes de 2 788 927 € au titre des travaux, 279 381 € (10%) au titre de la maîtrise d'oeuvre, pour un montant total de 3 068 308 € HT, in solidum avec la société Axa France dans la limite de la garantie de celle-ci, et D'AVOIR dit que la société Axa France IARD et la société Axa Winterthur se devraient mutuellement garantie dans cette proportion, dans la limite du plafond de garantie de la garantie due par la société Axa France IARD,

AUX MOTIFS SUIVANTS :

Désordres et responsabilités

Les désordres Il sera rappelé pour mémoire qu'ils ont porté sur les points suivants :
- fissuration quasi systématique de la membrane au droit des joints de fractionnement de la forme en béton fibré, fissuration de la membrane et de son support,
- présence de petites pustules (cloques) qui dans la quasi-généralité des cas, sont de couleur blanchâtre,
- décollements de la membrane par rapport à son support,
L'expert judiciaire (page 11 du rapport) a retenu plusieurs causes à ces désordres :
- une exécution non conforme aux règles de l'art de la membrane, expliquant les fissures au droit des joints de fractionnement de la forme support en béton fibré. L'épaisseur de la membrane est très variable, pouvant descendre jusqu'à 1,5 mm,
- une exécution non conforme aux règles de l'art de la forme support en béton fibré qui explique les fissures constatées en partie courante de l'étanchéité. Il a en particulier été constaté après essais confiés au LNE (laboratoire national d'essais) que la forme en béton fibré avait une épaisseur très variable puisque comprise entre 1,5 cm et 10 cm, alors qu'elle aurait dû être d'une épaisseur d'au moins 12 cm,
- l'existence sur cette forme d'un ragréage adhérant mal, d'une épaisseur comprise entre 1 m[m] et 5 mm,
- absence d'un dispositif constructif pour éviter les remontées d'humidité capillaires, sous forme de feuille de polyéthylène, expliquant l'apparition des pustules sur la membrane étanche, et les décollements de celle-ci.
Le coût réparatoire
La SMCA fixe sa demande d'indemnisation à la somme de 3 779 461,38 € HT en se basant sur les conclusions expertales qu'elle complète par une réclamation d'honoraires de contrôle technique et de coordination du chantier évaluée à 132 612,68 € HT (4 % du montant HT des travaux).
L'expertise a permis de déterminer la nécessité de procéder à une réparation « radicale » permettant d'éviter les remontées capillaires, consistant à conserver l'ancienne forme en béton fibré après l'avoir correctement nettoyée, à réaliser sur cette forme ancienne un dallage en béton armé de 12 cm d'épaisseur, en interposant une couche de désolidarisation en sable et deux feuilles de polyéthylène pour prévenir les remontées capillaires, et à appliquer sur le dallage une membrane de même type que la membrane originelle, avec traitement des joints de fractionnement selon les règles de l'art.
Le coût de ces travaux a été évalué par l'expert à la somme de 3 315 317 € HT soit en incluant le coût de la maitrise d'oeuvre à 3 646 849 € HT.
Winterthur fait observer que les travaux réparatoires ont été réalisés par SMCA en 2009-2010 pour un coût total HT de 3 068 308 € incluant les honoraires de maîtrise d'oeuvre [2 788 927 € + 279 381 € (10%)] ce qui n'est pas contesté, et qu'elle ne saurait réclamer un montant supérieur.
Cette somme de 3 068 308 € HT et sera retenue au titre du coût réparatoire.
Le surplus réclamé au titre du contrôle technique et de la coordination des travaux n'est pas justifié étant rappelé que le poste de contrôle technique n'a pas été discuté devant l'expert, que la nature de l'opération requiert nécessairement de recourir à un maître d'oeuvre d'exécution spécialisé, alors que la coordination n'est requise qu'en cas de pluralité d'entreprises ou de travailleurs indépendants travaillant simultanément sur un même chantier, et vise à prévenir les risques que cette co-intervention génère.
Pour mémoire le jugement du tribunal de grande instance de Paris, en application de la police souscrite auprès d'AXA France, a condamné AXA France à payer à SMCA la somme de 419 890 €, correspondant au coût initial de construction de l'installation.
Les responsabilités
La SMCA recherche la responsabilité de l'entreprise QF et celle de PTI.
Les parties adverses invoquent une part de responsabilité de SMCA.
L'expert a rappelé que lors de la réalisation des cuvettes,
- la SMCA a laissé entièrement à la charge des entreprises le choix du type d'ouvrage à réaliser,
- que la solution alors proposée par QF avait été étudiée conjointement avec le fabricant de la membrane mise en oeuvre, à savoir PTI,
- que de plus PTI a été associée au suivi des travaux et qu'elle a même participé à leur réception, dont elle a signé le procès-verbal,
Estimant que les désordres relevaient d'erreurs de conception, l'expert a proposé de retenir pour part égale la responsabilité de QF et celle de PTI.
Au regard de la discussion concernant les responsabilités encourues, la Cour retient que :
- par des motifs pertinents qu'elle adopte, le tribunal de grande instance de Paris a écarté la responsabilité du maître d'ouvrage. Sur ce point :
- il n'est effectivement démontré aucune compétence professionnelle de la SMCA dans la réalisation d'équipements de génie civil à finalité d'étanchéité,
- il n'a en outre pas été relevé d'immixtion du maître d'ouvrage l'expert ayant au contraire indiqué qu'elle ne s'était à aucun moment immiscée dans la conception technique et dans la conduite des travaux, et qu'elle ne pouvait supposer qu'il pouvait y avoir une relation entre la nature du sol et la bonne tenue des travaux dans le temps de l'ouvrage d'étanchéité imaginé par QF et PTI (Rapport page 15). Sur ce point l'expert a noté la différence de situation entre ce chantier et celui, similaire, réalisé à Orly où le maître d'ouvrage était intervenu.
- le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de QF. Le fondement contractuel s'applique dès lors que l'installation construite par sa spécificité n'est pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil mais un équipement de génie civil.
Sur ce point en effet les cuvettes ne constituent pas des bâtiments, ou des éléments de bâtiments élaborés selon les techniques du bâtiment et selon les techniques courantes de construction.
D'une part il s'agit d'éléments destinés à faire partie d'un dispositif de stockage et d'exploitation de carburant, à vocation industrielle, et en particulier à prévenir la pollution des sols par des hydrocarbures, dans les conditions prévues par les instructions ministérielles édictées en 1989.
D'autre part le choix constructif a fait appel à deux techniques innovantes, celle du béton fibré dont les brevets ont été déposés en 1997 (Béton Fibré à Ultra-hautes Performances (BEFUP)) pour construire la coque ou forme des cuvettes, et celle de la membrane étanche IR 4010 ® permettant précisément de réaliser l'étanchéité des dépôts pétroliers et des raffineries conformément à l'IM 89. (Instruction Ministérielle du 9.11.1989), dont la mise en oeuvre requiert l'agrément du fournisseur aux entreprises.
Les manquements de QF, titulaire du marché après avoir vu son offre retenue, sont notamment caractérisés par :
- l'absence de prise d'information sur la nature du sol, ou de préconisation auprès du maître d'ouvrage aux fins d'analyse géotechnique,
- l'absence de dispositif pour éviter les remontées d'eau par capillarité,
- la réalisation de la forme en béton fibré, du ragréage et de la membrane d'étanchéité sans respecter les épaisseurs définies pour chacune des étapes de ce chantier par les normes et règles de l'art dans ce domaine spécifique,
- le traitement non adapté des joints et réalisation de la membrane PTI sans respect de l'épaisseur requise.
S'agissant de la responsabilité recherchée de la société PTI,
-le tribunal de grande instance de Paris a évoqué dans ses motifs (page 11 du jugement entrepris) la responsabilité de PTI en ces termes :« il apparaît ainsi que, tant la conception de l'ouvrage par la société Produits et techniques PTI et la société [...] [QF] que la réalisation du dallage et l'application de la membrane par cette dernière sont en cause dans la survenance des désordres ».
- le jugement rendu le 19 avril 2013 par le tribunal de grande instance de Pontoise, saisi de l'action directe de SMCA contre l'assureur de PTI a écarté l'existence d'un lien contractuel direct entre PTI et la SMCA (page 9) en rappelant d'une part les commandes et devis intervenus entre SMCA et QF, d'autre part les factures établies par PTI à l'ordre de QF pour la fourniture des composants de la membrane. Il a retenu l'existence d'une chaîne de contrat[s] pour la fourniture des composants de la membrane (page 9).
- selon SMCA l'entreprise PTI est à titre principal responsable à son égard sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs. SMCA invoque au soutien de cette position le fait que PTI a accompli des prestations de maîtrise d'oeuvre, a fourni les matériaux nécessaires à la confection de la membrane, a participé en amont à la rédaction du Cahier des Charges relatif à la mise en oeuvre de la solution technique retenue et aux spécifications techniques du chantier et a participé en aval aux opérations de réception de l'ouvrage et en ayant signé le procès-verbal de réception.
- Winterthur assureur de PTI conteste l'existence d'un contrat de maîtrise d'oeuvre et soutient que PTI n'a été que simple vendeur. Au soutien de sa contestation, elle invoque une présentation erronée des faits par [SMCA], ajoute que c'est QF qui est le concepteur de l'ouvrage et que tout rôle de conseil de PTI a toujours été contesté, alors qu'en raison de la faillite de celle-ci en 2006, seule SMCA était présente à l'expertise. S'agissant des pièces produites par cette dernière sous cote n°18, datant du 10/4/98, Winterthur relève qu'elles sont antérieures à la consultation lancée pour ce chantier et ne constituent qu'une notice technique générale. Elle ajoute que la signature du procès-verbal de réception n'établit pas l'existence d'un contrat de maîtrise d'oeuvre et qu'elle était prévue en lien avec le contrat de maintenance qui avait été envisagé pour une durée de 10 ans mais que finalement la SMCA n'a pas souscrite.
S'il n'existe pas une définition unique, il est cependant admis que la maîtrise d'oeuvre est l'ensemble des prestations de conseil, d'études et de direction de travaux qu'un professionnel exécute pour le compte d'un client, maître d'ouvrage, en vue de réaliser des travaux et qui consiste principalement à :
- concevoir un projet de construction neuve ou d'intervention sur un bâtiment existant ;
- préparer les marchés de travaux passer avec les entrepreneurs ;

- diriger les travaux réalisés par les entrepreneurs choisis, vérifier qu'ils sont exécutés conformément aux dispositions du marché et en contrôler les paiements ;
- assister son client pour la réception.
C'est un professionnel qui a pour rôle de concevoir, coordonner et contrôler la bonne exécution des travaux.
En l'espèce, force est de constater qu'il n'est pas démontré de lien contractuel direct entre la SMCA et PTI.
En effet, l'appel d'offre aux entreprises n'a pas été lancé sur la base d'un projet technique préalablement défini, à l'élaboration duquel serait intervenu PTI, mais sur la base d'une demande de « mise en conformité IM89 » selon arrêté préfectoral du 26 octobre 1994 (préfecture du Val d'Oise) de quatre cuvettes de rétention (N°1 ,2, 11 et 12 du dépôt de Chènevières-les-Louvres) à charge pour les candidates de construire leur offre.
A cet égard il est inexact de présenter PTI fabricant de la membrane « IR 4010 », comme ayant rédigé les documents techniques afférents à la réalisation des travaux d'étanchéité, savoir le « cahier des charges » relatif à la membrane et les « spécifications du chantier » (ccl. SMCA page 4) alors que les pièces présentées sous la cote n°18 ne constituent pas un cahier de charge de l'opération mais :
- pour deux d'entre elles (18-1 et 18-2) des fiches techniques dont :
- l'une (18-1) énonce les compétences spécifiques requises des entreprises exécutant des étanchéités à l'aide de produits PTI (nettoyage et sciage de fonds de cuvette, ragréage, pontage, création d'un sol minéral fibré, mise en forme et renforcement des merlons, mise en oeuvre de la membrane et traitement des joints...). Il s'agit sans ambiguïté d'un document général d'information (« SPECIF 1/ 10.04/1998 ») dépourvu de toute indication relative au chantier litigieux.
- l'autre (18-2) intitulé « CAHIER DES CHARGES IR 4010-REVETEMENT MINERAL CUVETTES DE RETENTION » est également une fiche technique générale (datée « F.T. 16.09.1997 ») précisant les conditions dans lesquelles doit être mis en oeuvre le procédé de membrane minérale de PTI IR 4010, les caractéristiques des surfaces à revêtir et de cette membrane, ainsi que les essais qu'elle a subis en laboratoires.
Il est particulièrement intéressant de noter que cette fiche prévoit (page 3) que des contrôles du chantier seront exécutés sur les conditions de la mise en oeuvre, le respect de l'épaisseur et la réalisation de plaques et échantillons, contrôles que l'éditeur PTI mentionn[e] devoir être effectués en coordination avec le fabricant/auteur du procédé, c'est-à-dire elle-même.
Cette formulation renvoie à la relation ainsi susceptible d'être contractualisée entre elle-même et les entreprises choisissant de mettre en oeuvre ce procédé.
- le troisième document (coté 18-3), mentionnant cette fois précisément l'opération qu'il s'agit de réaliser, est établi sous la double entête QF-PTI et fait état des paramètres retenus pour réaliser l'opération. Il est selon toute vraisemblance à destination de la SMCA et ne fait que contribuer à définir l'offre de travaux.
Aucun document ne place PTI en rôle de maître d'oeuvre, assistant le maître d'ouvrage et surveillant à son profit la réalisation des travaux, et le fait que cette société soit la conceptrice d'un produit d'étanchéité spécifique dont elle définit précisément les conditions de mise en oeuvre ne fait pas d'elle un maître d'oeuvre concepteur.
La production d'à tout le moins un document à double en-tête QF-PTI est au surplus antinomique avec la mission d'un maître d'oeuvre d'exécution qui, chargé de surveiller les entreprises et la coordination est par définition indépendant.
L'absence de tout règlement par la SMCA des prestations de PTI à celle-ci conforte ce constat.
Enfin il est une règle établie selon laquelle en l'absence de maîtrise d'oeuvre distincte, la mission attachée à cette maîtrise d'oeuvre est exercée par l'entreprise choisie.
De ce fait, au regard des éléments qui précèdent et des conditions dans lesquelles PTI définissait le contrôle de la mise en oeuvre de son produit, ce qui est un corollaire de la garantie attachée au produit, la signature de PTI apposée sur le procès-verbal de réception n'est en rien probante d'une maîtrise d'oeuvre distincte.
Au surplus comme il a été dit, la nature du chantier relève du génie civil et est à ce titre exclusive du régime de la responsabilité des constructeurs.
La responsabilité de PTI est recherchée à titre subsidiaire sur le fondement délictuel. SMCA se prévaut de ce que le manquement de PTI dans ses relations avec QF lui a causé préjudice et a engagé envers elle, tiers au contrat, sa responsabilité délictuelle (arrêt, pp. 12 – 17),

Sur le fond
La règle du non cumul de responsabilité opposée subsidiairement par Winterthur appelle les observations suivantes :
- rien ne s'oppose à ce que les fondements contractuel et délictuel soient recherchés l'un à défaut de l'autre et, ici, l'un à titre principal, l'autre à titre subsidiaire,
- il n'est pas invoqué de vice de la membrane elle-même en ses composants tels que conçus et définis par PTI, qui les a fournis à QF. Ce sont les conditions de réalisation des travaux qui sont à l'origine des désordres,
- les causes des désordres ont en effet mis en évidence une absence totale de prise en compte des caractéristiques du sol et du risque de possibles remontées d'eaux dans le substrat de l'installation, des épaisseurs inégales et non conformes tant de la forme en béton fibré que de la membrane posée dessus, et un traitement inadapté des joints,
- or PTI a mis en exergue dans la présentation de sa technique, l'existence de contrôles de sa part. Elle a apporté le crédit de son savoir-faire dans le domaine très spécifique et spécialisé de la création de cuvettes de rétention de carburants, et s'est présentée aux côtés de QF (pièce 18-3 citée) dans la définition des paramètres des travaux,
- en l'absence, comme il a été dit, de tout lien contractuel entre elle et SMCA, cette dernière est fondée à voir retenir la responsabilité délictuelle de PTI dès lors qu'elle relève avec exactitude les manquements de celle-ci dans ses interventions prévues pour ce chantier.
La Cour retiendra que PTI, en ayant défini les conditions de la réalisation et de suivi des travaux auprès de son client QF cela dans le cadre des contrôles expressément prévus selon les pièces cotées 18 précitées, et en ayant validé le résultat par sa présence aux côtés de QF lors de l'acte de réception, a manqué à vérifier le respect des règles de l'art notamment en ce qui concerne les épaisseurs des éléments de I'installation réalisée (cf. sur ce point ses spécifications de chantier en pièce 18-1 point 3 intitulé « Contrôles », et plus particulièrement 3-2 et 3-2 ). PTI a aussi manqué à la vigilance quant à la compatibilité du sol avec l'opération en n'ayant pas évoqué la question du risque de remontée d'humidité, ici à l'origine des pustules. En manquant à ces diligences elle a contribué à la survenance des désordres engageant ainsi sa responsabilité envers le maître d'ouvrage, tiers au contrat de fourniture.
Si l'essentiel des développements des parties quant à la recherche de la loi applicable concernent la responsabilité contractuelle par référence à la convention de Rome I, Winterthur conclut cependant sur I'hypothèse de la responsabilité délictuelle de PTI (pages 93 et s. de ces conclusions) sans dénier dans ce cas la recevabilité à son encontre, ou encore l'existence en droit suisse, d'une action directe du tiers lésé contre l'assureur, puisqu'au contraire Winterthur objecte des moyens de fond pour voir écarter la responsabilité de son assuré.
En conséquence, l'action directe de SMCA contre Winterthur sera déclarée recevable par infirmation du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pontoise le 19 avril 2013 (arrêt, pp. 18 – 19),

Contribution à la réparation

A titre liminaire l'argumentation de Winterthur tendant à voir juger que l'obligation à garantie devrait être plafonnée en tant que maximum au montant du marché initial de travaux concerne l'hypothèse de la responsabilité contractuelle.
Or le fondement ici retenu de la responsabilité délictuelle de PTI est exclusif de plafonnement.
D'ailleurs si Winterthur évoque l'article 99 alinéa 3 du code suisse des obligations, sans démontrer d'ailleurs que la loi suisse soit applicable en matière délictuelle, la rédaction de ce texte et en particulier le premier alinéa suffit à retenir le principe du droit à réparation intégrale du créancier. En effet selon cet article 99 :
1 - En général, le débiteur répond de toute faute.
2 - Cette responsabilité est plus ou moins étendue selon la nature particulière de l'affaire ; elle s'apprécie notamment avec moins de rigueur lorsque l'affaire n'est pas destinée à procurer un avantage au débiteur.
3 - Les règles relatives à la responsabilité dérivant d'actes illicites s'appliquent par analogie aux effets de la faute contractuelle.
L'argumentation sur la réduction de la responsabilité dérivant d'actes illicites est sans rapport avec la responsabilité ici recherchée de PTI sur le plan délictuel de sorte qu'il n'y a lieu à plafonnement.
Sur la part contributive de PTI dans la réalisation du dommage, il convient de prendre en compte les éléments suivants :
- l'appel d'offres émise par SMCA (pièce 6b article 3) a laissé le choix du procédé aux entreprises, donc à QF qui a choisi, en lien avec PTI, celui de la membrane minérale IR 4010,
- en l'absence de maîtrise d'oeuvre distincte, QF a été investie, dans ses relations avec le maître d'ouvrage, des missions habituelles attachées à la maîtrise d'oeuvre, donc au suivi du bon déroulement des travaux et de leur conformité aux règles de l'art, par autocontrôles de l'entreprise. Or QF a été largement défaillante quant à la qualité des travaux dont l'expertise a mis en évidence des épaisseurs non conformes non seulement de la forme en béton fibré mais aussi de la membrane elle-même,
- PTI spécialiste du procédé, qui a précisément défini ses préconisations et énoncé les compétences requises de l'entreprise applicatrice de la membrane d'étanchéité (pièce SMCA 18-1) a, par sa participation à la définition des paramètres des travaux résultant du document 18-3 à double entête PTI-QF, et par sa présence à la réception et sa signature du procès-verbal validé la bonne exécution des travaux réalisés par QF,
- PTI spécialiste du procédé est ainsi réputée avoir considéré que les conditions de réalisation prescrites avaient été respectées, ce qui au regard du produit a nécessairement inclus la compatibilité du sol d'assises avec le projet, alors qu'en l'absence de tout élément sur ce point, il sera retenu qu'à cet égard elle a manqué à appeler l'attention de sa cocontractante QF, alors que l'absence de dispositif contre les remontées d'humilité a été l'une des causes déterminantes du sinistre.
Ces circonstances permettent de fixer la part respective de responsabilité de QF et PTI à raison de :
- 45% pour PTI
- 55% pour QF
Winterthur d'une part, AXA France d'autre part, se devront l'une et l'autre garantie dans cette proportion, cela toutefois en ce qui concerne AXA France dans la limite du plafonnement de garantie au coût de l'ouvrage initial (arrêt, pp. 15-19),

1°/ Alors que conformément aux principes de la responsabilité civile, le partage de responsabilité se détermine en considération de la faute commise par la victime ; dans ses conclusions d'appel, la société Axa Winterthur se prévalait de la faute commise par la société SMCA, laquelle avait omis d'attirer l'attention de la société QF sur les données relatives au sous-sol de son site, connues d'elles, et s'était abstenue également de conclure le contrat de maintenance préconisé pour l'étanchéité des membranes minérales IR 4010 ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant des conclusions de la société Axa Winterthur (conclusions, pp. 124-126), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ Alors que seul le dommage présentant un lien de causalité avec le fait dommageable est susceptible d'être réparé ; qu'en retenant, au vu des conclusions expertales, un « coût réparatoire » de 3 068 308 euros HT (arrêt, p. 13), fondé notamment sur la réalisation d'un dallage en béton non prévu par le contrat d'origine passé entre les sociétés SMCA et QF, sans répondre au moyen des conclusions de la société Axa Winterthur pris de ce que cette solution de réfection "radicale", préconisée par l'expert, ne se trouvait pas dans un rapport de causalité avec le comportement fautif imputé à la société PTI (conclusions, pp. 136 s.), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ Alors que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; que la société Axa Winterthur, dans ses conclusions d'appel (pp. 131 et s), invoquait la nécessité de ne pas conférer au maître de l'ouvrage un enrichissement au-delà de la réparation du préjudice subi, par la réalisation d'un ouvrage excédant ce qui était strictement nécessaire pour replacer la société SMCA dans la situation qui aurait été la sienne en l'absence des manquements prétendus à ses obligations imputés à la société PTI ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, sans répondre à ce moyen opérant soulevé devant elle, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la Société de Manutention de carburants aviation (SMCA) (demanderesse au pourvoi incident éventuel).

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de la SMCA tendant à la condamnation de la SMABTP à lui verser la somme de 3 779 461,38 euros HT au titre des travaux de réfection ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur les responsabilités, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de QF ; que le fondement contractuel s'applique dès lors que l'installation construite par sa spécificité n'est pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil mais un équipement de génie civil ; que sur ce point en effet les cuvettes ne constituent pas des bâtiments, ou des éléments de bâtiments élaborés selon les techniques du bâtiment et selon les techniques courantes de construction ; que d'une part il s'agit d'éléments destinés à faire partie d'un dispositif de stockage et d'exploitation de carburant, à vocation industrielle, et en particulier à prévenir la pollution des sols par des hydrocarbures, dans les conditions prévues par les instructions ministérielles édictées en 1989 ; que, d'autre part le choix constructif a fait appel à deux techniques innovantes, celle du béton fibré dont les brevets ont été déposés en 1997 (Béton Fibré à Ultra-hautes Performances - BEFUP) pour construire la coque ou forme des cuvettes, et celle de la membrane étanche IR 4010 permettant précisément de réaliser l'étanchéité des dépôts pétroliers et des raffineries conformément à l'IM 89 (instruction ministérielle du 9.11.1989), dont la mise en oeuvre requiert l'agrément du fournisseur aux entreprises » ;

ET QUE « sur la recherche de garantie de la SMABTP assureur de garantie décennale, il est rappelé que les cuvettes litigieuses ont pour finalité de prévenir l'écoulement de carburant dans le sol, et qu'elles sont ainsi des accessoires de citernes de stockage et de distribution d'énergie qu'elles entourent ; que la cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que les travaux litigieux relevaient du génie civil et non des travaux de construction après avoir précisément décrit les travaux constructifs des cuvettes à savoir couche de graviers plus ou moins compactés couvrant le sol naturel, radier plus ou moins épais et chape recouverte de la membrane, le tout destiné à recueillir un éventuel écoulement d'hydrocarbures, qui ne caractérisaient pas des travaux de bâtiment ; que l'argumentation adverse soutenant qu'il s'est agi d'un ouvrage relevant de la garantie obligatoire et par conséquent de la garantie souscrite auprès de la SMABTP est inopérante ; qu'à cet égard il est établi que dès avant la souscription de la police en vue de ce chantier, la SMABTP, saisie par QF "pour le compte de PTI le 25 novembre 1998" (pièce 4) avait répondu le 30 décembre 1998 en ces termes : "après une nouvelle étude des documents complémentaires transmis, il ressort qu'il ne nous est pas possible de prévoir une garantie pour vos travaux de technique non courante de mise en conformité des bassins de rétention d'hydrocarbures pour vos deux chantiers" ; que la garantie décennale obligatoire ne concernant que les ouvrages au sens des articles 1792 et suivants du code civil, l'argumentation des premiers juges est superfétatoire en ce qu'ils ont retenu sur ce point que la réalisation en 1999 d'un béton fibré ne relevait pas d'une technique courante, la norme DTU 13.3 applicable n'ayant été en vigueur qu'en mars 2005 ; qu'il s'en évince que la contestation du plafond de garantie attaché au contrat d'assurance souscrit auprès de la SMABTP est dépourvue de fondement ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées contre la SMABTP » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « la société ne démontre effectivement pas en quoi l'ouvrage fait appel aux techniques de travaux de bâtiment : l'ouvrage apparaît être constitué par une couche de graviers plus ou moins compactés couvrant le sol naturel, d'un radier plus ou moins épais et d'une chape, recouverte de la membrane, le tout étant destiné à recueillir un éventuel écoulement d'hydrocarbures, de sorte que l'ouvrage a une vocation purement industrielle ; que les techniques utilisées ne sont en rien spécifiques à la construction d'une ouvrage de bâtiment ; qu'enfin le demandeur ne démontre pas en quoi cet ouvrage relevant des techniques générales serait l'accessoire d'un ouvrage de bâti ; que, par suite, il échet de retenir qu'il s'agit d'un ouvrage de génie civil, qui n'entre pas dans les prévisions de l'article 1792 du code civil et qui relève des seules dispositions de l'article 1147 du code civil » ;

ET QUE « la société QF a souscrit auprès de la SMABTP une assurance couvrant l'activité "structure de travaux courants de maçonnerie – béton armé", excluant toute garantie en cas de travaux de technique non courante ; que cette exclusion a été expressément rappelée le 30 décembre 1998 par l'assureur à la société QF, qui l'avait consulté à ce titre avant l'engagement des travaux ; que la demanderesse prétend démontrer que la réalisation en 1999 d'un béton fibré, comme en l'espèce, relève d'une technique courante, dès lors qu'elle est prévue au DTU 13.3 Dallage ; qu'or, la production à ce titre de la norme DTU 13.2 en vigueur en mars 2005 ne peut à l'évidence valoir démonstration d'un tel fait ; qu'aucune normalisation n'existant à ce titre à la date de réalisation de la chape en béton fibré, cette technique doit être qualifiée de non courante à l'époque de la construction ; que la garantie due au titre des ouvrages de génie civil n'est pas obligatoire, de sorte qu'une exclusion de garantie au titre des techniques non courantes est valable ; que par suite, la SMABTP est bien fondée à opposer une telle exclusion de garantie en l'espèce » ;

1°) ALORS QUE relèvent de la responsabilité décennale des constructeurs et de ceux qui y sont assimilés les travaux faisant appel aux techniques de travaux de bâtiment, sans qu'importe que les ouvrages réalisés revêtent un caractère industriel ou soient découverts ; qu'en affirmant que la construction des cuvettes litigieuses par la société QF n'engageait pas sa responsabilité sur le fondement de l'article 1792 du code civil et, partant, pas la garantie de son assureur, la SMABTP, bien qu'elle ait relevé que les travaux litigieux avaient impliqué, après préparation du terrain, la réalisation d'un radier, le coulage d'une chape en béton formé et la réalisation d'une étanchéité par membrane, et ainsi mis en oeuvre des techniques de travaux de bâtiment, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil, ensemble l'article L. 241-1 du code des assurances dans sa version applicable à la cause, antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 ;

2°) ALORS QUE la motivation d'un jugement doit être intelligible et faire apparaître clairement ou, à tout le moins, suivant une interprétation raisonnable, les faits et les règles de droit qui le justifient ; qu'en déboutant la SMCA de son action tendant à faire jouer la garantie d'assurance de la SMABTP par des motifs imprécis, mêlant confusément plusieurs considérations, susceptibles de sens différents, ne permettant pas de déterminer avec certitude si elle a entendu relever une prétendue inopérance du moyen pris de l'existence d'une garantie obligatoire en matière de travaux de construction, ou une absence de garantie d'assurance en considération du champ d'activité couvert par la police d'assurance, ou encore une exclusion de la garantie des travaux de technique non courante, de sorte que la ou les raisons qui justifieraient sa décision sont indiscernables, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile et l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la SMCA fondait sa demande à l'encontre de la SMABTP sur l'existence d'une police d'assurance garantissant la responsabilité décennale de la société QF ; qu'en rejetant sa demande motif pris que dès avant la souscription de la police, la SMABTP, qui aurait été saisie par la société QF « pour le compte de PTI » avait fait savoir qu'elle ne pouvait accorder une garantie pour des travaux de technique non courante, quand l'absence de garantie de la société PTI par la SMABTP ne pouvait faire obstacle au jeu de la garantie d'assurance au profit de la société QF, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la SMCA en violation du principe susvisé ;

4°) ALORS QU'en toute hypothèse, peut seule limiter le champ de l'activité assurée la définition positive et précise de la nature de cette activité, tandis que l'éventuelle exclusion des techniques employées du champ de la garantie relève d'une clause d'exclusion qui doit être formelle et limitée ; qu'en jugeant inopérant le moyen de la SMCA pris de ce que l'ouvrage relevait d'une garantie obligatoire d'assurance en matière de construction parce que dès avant la souscription, la SMABTP avait fait savoir qu'elle ne pouvait prévoir une garantie pour des travaux de technique non courante, quand un tel refus de garantie fondé sur les techniques employées et non sur le champ d'activité assuré ne pouvait procéder que du jeu d'une clause d'exclusion dont il incombait au juge d'apprécier la validité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du code des assurances dans leur rédaction applicable à la cause ;

5°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la SMCA fondait sa demande à l'encontre de la SMABTP sur l'existence d'une police d'assurance garantissant la responsabilité décennale de la société QF, en invoquant l'illicéité de la clause d'exclusion relative aux techniques non courantes ; qu'en jugeant, pour rejeter cette demande, que la contestation du plafond de garantie attaché au contrat d'assurance souscrit auprès de la SMABTP était dépourvue de fondement, la cour d'appel a dénaturé dénaturé les conclusions d'appel de la SMCA en violation du principe susvisé ;

6°) ALORS QU'en toute hypothèse, doit être réputée non écrite la clause qui, ayant pour conséquence d'exclure de la garantie certains travaux de bâtiment réalisés par une société dans l'exercice de son activité d'entrepreneur, fait échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction ; qu'en fondant le rejet des demandes formées par la SCMA à l'encontre de la SMABTP, assureur de la société QF au titre de son activité de « structure et travaux courants de maçonnerie – béton armé » sur l'exclusion, dans la police, de toute garantie en cas de travaux de technique non courante, quand une telle exclusion devait, en matière d'assurance construction obligatoire, être réputée non écrite, la cour d'appel a violé les articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du code des assurances dans leur version applicable à la cause.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-22472
Date de la décision : 25/06/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 25 jui. 2020, pourvoi n°17-22472


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Boutet et Hourdeaux, SCP L. Poulet-Odent, SCP Ohl et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:17.22472
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