LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 juin 2020
Cassation
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 489 F-D
Pourvoi n° R 19-13.476
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. I....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 décembre 2018.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JUIN 2020
M. S... I..., domicilié chez Mme C... E..., [...] , a formé le pourvoi n° R 19-13.476 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Mandataires judiciaires associés - MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [...] , prise en la personne de Mme O... J..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Takeeateasy.fr,
2°/ à la délégation UNEDIC AGS, dont le siège est [...] , élisant domicile au Centre de gestion et d'étude AGS CGEA Ile-de-France-Ouest, [...] ,
3°/ à l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés - AGS, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. I..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Mandataires judiciaires associés prise en la personne de Mme J..., ès qualités, après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 décembre 2017), M. I..., après avoir été immatriculé en qualité d'auto-entrepreneur, a conclu le 29 novembre 2015 un contrat de prestation de services avec la société Take Eat Easy.
2. Il a saisi la juridiction prud'homale le 7 octobre 2016 d'une demande de requalification de son contrat en un contrat de travail.
3. Par jugement du 30 août 2016, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Take Eat Easy et désigné en qualité de mandataire liquidateur Mme J....
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. I... fait grief à l'arrêt de rejeter le contredit, de dire qu'il n'était pas lié par un contrat de travail à la société Take Eat Easy et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris, alors « que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'ayant constaté, d'une part, que l'application était dotée d'un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société Take Eat Easy de la position du livreur et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci et, d'autre part, que la société Take Eat Easy disposait d'un pouvoir de sanction à l'égard du livreur consistant en un système de bonus et de pénalités graduées pouvant aller jusqu'à l'éviction du coursier, la cour d'appel qui tout en énonçant que ce système était « évocateur du pouvoir de sanction que peut mobiliser un employeur », a néanmoins exclu tout lien de subordination entre M. I... et la société Take Eat Easy, aux motifs inopérants que M. I... avait la liberté de choisir ses horaires de travail en s'inscrivant ou non sur un « shift » ou de ne pas travailler pendant une durée laissée à sa discrétion, qu'il n'était soumis ni à une clause d'exclusivité ni à une clause de non concurrence ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait l'existence d'un pouvoir de direction et de contrôle de l'exécution de la prestation caractérisant un lien de subordination et a violé l'article L. 8221-6 II du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 8221-6 II du code du travail :
5. Il résulte de ces dispositions que les personnes physiques, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation aux registres que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail. L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre.
6. Pour dire que M. I... n'était pas lié par un contrat de travail à la société Take Eat Easy et dire le conseil de prud'hommes incompétent pour connaître du litige, l'arrêt constate que la société a effectivement mis en place, dans le petit guide du coursier "un système de (...) pénalités ("strikes") distribuées en cas de manquement du coursier à ses obligations contractuelles : un "strike" en cas de désinscription tardive d'un "shift" (etlt; 48 h), de connexion partielle au "shift" (en dessous de 80 % du "shift" ), d'absence de réponse à son téléphone wiko" ou perso" pendant le shift", d'incapacité de réparer une crevaison, de refus de faire une livraison ; deux "strikes" en cas de "No-show" (inscrit à un "shift" mais non connecté) ; trois "strikes" en cas d'insulte du support, d'un client, de conservation des coordonnées de client ou de tout autre comportement grave, et relève que sur une période déterminée (inférieure à un mois), un "strike" ne porte à aucune conséquence, le cumul de deux "strikes" entraîne une perte de bonus, le cumul de trois "strikes" entraîne la convocation du coursier pour discuter de la situation et de [sa] motivation à continuer à travailler comme coursier partenaire de Take Eat Easy et le cumul de quatre " strikes" conduit à la désactivation du compte et la désinscription des "shifts" réservés. L'arrêt retient également que si de prime abord un tel système est évocateur du pouvoir de sanction que peut mobiliser un employeur, il ne suffit pas dans les faits à caractériser le lien de subordination allégué, alors que les pénalités considérées, qui ne sont prévues que pour des comportements objectivables du coursier constitutifs de manquements à ses obligations contractuelles, ne remettent nullement en cause la liberté de celui-ci de choisir ses horaires de travail en s'inscrivant ou non sur un "shift" proposé par la plate-forme ou de choisir de ne pas travailler pendant une période dont la durée reste à sa seule discrétion, et que la liberté totale de travailler ou non dont a bénéficié l'intéressé, qui lui permettait, sans avoir à en justifier, de choisir chaque semaine ses jours de travail et leur nombre sans être soumis à une quelconque durée du travail ni à un quelconque forfait horaire ou journalier mais aussi par voie de conséquence de fixer seul ses périodes d'inactivité ou de congés et leur durée, est exclusive d'une relation salariale.
7. Cependant, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
8. En statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses constatations l'existence d'un pouvoir de direction, de contrôle de l'exécution de la prestation au moyen d'un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position et du comportement du coursier, ainsi que d'un pouvoir de sanction à l'égard de celui-ci, éléments caractérisant un lien de subordination, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne Mme J..., ès qualités, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme J..., ès qualités et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour M. I...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le contredit formé par M. S... I..., d'AVOIR dit que celui-ci n'était pas lié par un contrat de travail à la société Take eat easy d'AVOIR confirmé le jugement entrepris d'AVOIR dit n'y avoir lieu à évocation et d'AVOIR renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris
AUX MOTIFS PROPRES QUE « S... I... a été engagé à compter du 29 novembre 2015 en qualité de coursier à vélo par la société Takeeateasy.fr, plate-forme de mise en relation par voie numérique entre des clients, des restaurateurs et des coursiers, selon un «contrat de prestations» ; que la société Take eat easy a mis fin aux relations contractuelles le 26 juillet 2016 ; que par jugement en date du 30 août 2016, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Takeeateasy.fr ; que contestant tout à la fois la nature de la relation contractuelle et les circonstances de sa rupture, S... I... a, le 7 octobre 2016, saisi le conseil de prud'hommes de Paris ; qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions de ce même code entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient ; qu'il règle les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti ; que selon l'article L.8221-6 du code du travail, sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, notamment les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales ; que l'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans les conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ; que dans ce cas la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur mentionnées à l'article L.8221-5 ; qu'il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination, lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution ; que l'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur ; que l'existence d'un lien de subordination n'est pas incompatible avec une indépendance technique dans l'exécution de la prestation ; qu'au cas présent, il ressort des pièces communiquées et il n'est pas contesté que S... I... a été immatriculé en qualité d'auto-entrepreneur à compter de novembre 2015 pour exercer l'activité principale «Autres activités de poste et de courrier », étant observé qu'il n'existe en outre aucun contrat de travail apparent entre les parties ; que S... I... fait valoir qu'il fournissait une prestation de travail, à savoir qu'il était chargé d'aller chercher à une heure précise des commandes chez un restaurateur et de les livrer à une heure précise aux clients de la société, qu'il percevait une rémunération via des factures rédigées par la société Take eat easy sans aucune marge de négociation, et dont le montant variait constamment selon le bon vouloir de la société, qu'il était placé dans un lien de subordination ;
qu'il souligne le fait qu'il n'a jamais signé les conditions générales dont la société Take eat easy se prévaut et encore moins les conditions particulières à laquelle il est fait référence, que ses horaires de travail n'étaient pas libres dès lors qu'il ne pouvait que s'auto-positionner sur des plages imposées, qu'il ne pouvait s'en dégager et qu'il arrivait à la société de les modifier unilatéralement, qu'il devait rester joignable par téléphone en permanence, qu'il avait interdiction de refuser une course assignée, qu'il utilisait un matériel imposé, que la société exerçait un pouvoir de contrôle, en assurant le suivi des courses au moyen d'un GPS, et également un pouvoir de sanction par le recours au système des strikes, que le statut d'auto-entrepreneur est totalement fictif, qu'il n'avait ainsi pas le droit de conserver les coordonnées d'un client ; que la SELAFA MJA prise en la personne de Maître O... J... mandataire liquidateur de la société Take eat easy expose que S... I... a exercé en qualité d'auto-entrepreneur en l'absence dc tout lien de subordination, libre de contracter avec toute autre entreprise, que c'est pour lui permettre d'exercer leur activité en toute indépendance que la société Take eat easy demandait aux prestataires d'être inscrits au répertoire SIREN, que S... I... avait pleinement connaissance des dispositions du contrat de services, que le contrat de prestation de services prévoyait le règlement de la rémunération due hors TVA, que la société Take eat easy est une plate-forme web servant d'intermédiaire entre les clients, les restaurateurs et S... I... et qu'il incombait à ce dernier de développer et pérenniser cette relation clients, qu'il avait toute liberté pour choisir librement les plages horaires proposées, lesquelles correspondaient à l'activité exercée, ainsi que ses parcours, qu'il disposait de son matériel de livraison dans le cadre du contrat de prestation conclu avec la société Take eat easy, qu'il n'a jamais été porté d'appréciation sur la quantité et la qualité des prestations de S... I... lequel n'a jamais reçu de sanction ou mise en demeure ; que le contrat de prestations de services conclu par les parties est composé de conditions générales et de conditions particulières, seules les premières étant versées aux débats ; qu'il en résulte notamment que le prestataire choisit librement les plages horaires disponibles à l'intérieur desquelles il s'engage à effectuer une ou plusieurs livraisons et peut modifier une plage horaire au maximum 72 heures avant son commencement, que le prestataire exerce son activité de livraison en qualité d'entrepreneur indépendant et doit remettre à la société lors de la conclusion du contrat et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution l'attestation de déclarations sociales mentionnant le paiement des cotisations sociales et contributions de sécurité sociale lui incombant, qu'au plus tard à 11 h15 pour une plage horaire du midi et au plus tard à 18 h 30 pour une plage horaire du soir, le prestataire s'engage à être en possession de son propre matériel de livraison comprenant en particulier son vélo, son kit de réparation, son casque, son gilet ou brassard réfléchissant, le sac de livraison équipé d'un sac isotherme mis à sa disposition par la société pour des impératifs de qualité et d'hygiène, et son smartphone chargé avec l'application allumée, qu'à défaut de valider dans les cinq minutes de sa notification la proposition de livraison qui lui est faite via l'application, le prestataire est automatiquement réputé la refuser et la livraison est alors redirigée vers un autre livreur, que pour chaque plage horaire intégralement prise en charge et chaque livraison effectuée conformément à la convention, le prestataire a droit à la rémunération définie d'un commun accord dans les conditions particulières (7,5 euros par course selon la facturation communiquée), que la société peut sans mise en demeure procéder à la résiliation avec effet immédiat de la convention en cas de manquement grave du prestataire à ses obligations, tel que: - ne pas effectuer de manière répétée et après acceptation les livraisons dans le délai imparti, sauf cas de force majeure, - ne pas disposer du matériel requis pour le service de livraison ou disposer d'un matériel qui ne répond pas aux normes légales et réglementaires, notamment en matière de sécurité, - avoir, de manière avérée, adopté un comportement irrespectueux ou impoli à l'égard des partenaires de la société, de leurs dirigeants ou membres du personnel ou à l'égard d'un client, - avoir, de manière avérée, adopté un comportement dangereux (non-respect des règles de circulation routière, ébriété...), - ne pas être en ordre au regard des obligations sociales ou fiscales qui s'imposent au prestataire, - ne pas avoir respecté l'une des stipulations de l'article 10 concernant les obligations fiscales, - ne pas disposer d'une assurance couvrant les risques liés à l'exécution de la convention ainsi que les dommages causés ou subis par le prestataire, - abandonner l'exécution de ses obligations issues des présentes à un tiers ou céder, à titre onéreux ou non, les droits qui découlent de la convention, sauf le cas échéant à faire réaliser la prestation par ses propres salariés ; qu'hormis ces cas, chacune des parties peut mettre fin à la convention moyennant le même préavis dont la durée augmente en fonction de celle du contrat, lequel est conclu pour six mois et tacitement reconduit à l'issue pour une durée indéterminée, que l'application est dotée d'un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel tant par la société que par le client de la position du prestataire et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci dans le cadre de l'exécution de la convention ; que le prestataire est libre de conclure avec toute autre entreprise un contrat similaire ou équivalent, la société Take eat easy ne disposant d'aucune exclusivité ; que ces stipulations ne sont pas en soi révélatrices du lien de subordination allégué ni même d'une dépendance économique du prestataire, dans la mesure où il n'est lié à la société Take eat easy par aucune clause d'exclusivité ou de non-concurrence et reste libre chaque semaine de déterminer lui-même les plages horaires au cours desquelles il souhaite travailler, ou de n'en sélectionner aucune s'il ne souhaite pas travailler ; que si dans le cadre d'une relation tripartite entre le restaurateur, le coursier à vélo et le client, le service de livraison de repas est nécessairement organisé, pour autant la société Take eat easy ne détermine pas unilatéralement les conditions d'exécution du travail du livreur puisque celui-ci choisit librement ses plages horaires d'activité ; qu'il doit également être relevé que le prestataire travaille avec son propre matériel, la société ne fournissant contre caution que le sac de livraison équipé d'un sac isotherme et si nécessaire le smartphone ; que la société Take eat easy a effectivement mis en place, dans le «petit guide du coursier» un système de bonus (le bonus «Time Bank» en fonction du temps d'attente au restaurant et le bonus «KM » lié au dépassement de la moyenne kilométrique des coursiers) et de pénalités (« strikes ») distribuées en cas de manquement du coursier à ses obligations contractuelles : - un « strike » en cas de désinscription tardive d'un « shift» (etlt;48 h), de connexion partielle au « shift» (en dessous de 80 % du «shift »), d'absence de réponse à son téléphone «wiko » ou « perso » pendant le «shift », d'incapacité de réparer une crevaison, de refus de faire une livraison, - deux «strikes » en cas de «No-show » (inscrit à un «shift » mais non connecté) et, - trois «strikes » en cas d'insulte du «support » ou d'un client, de conservation des coordonnées de client, de tout autre comportement grave ; qu'il doit être relevé que sur une période déterminée (inférieure à un mois), un «strike » ne porte à aucune conséquence, le cumul de deux «strikes » entraîne une perte de bonus, le cumul de trois «strikes » entraîne la convocation du coursier «pour discuter de la situation et de [sa] motivation à continuer à travailler comme coursier partenaire de Take eat easy » et le cumul de quatre «strikes » conduit à la désactivation du compte et la désinscription des «shifts » réservés ; que si de prime abord un tel système est évocateur du pouvoir de sanction que peut mobiliser un employeur, il ne suffit pas dans les faits à caractériser le lien de subordination allégué, alors que les pénalités considérées, qui ne sont prévues que pour des comportements objectivables du coursier constitutifs de manquements à ses obligations contractuelles, ne remettent nullement en cause la liberté de celui-ci de choisir ses horaires de travail en s'inscrivant ou non sur un « shift » proposé par la plate-forme ou de choisir dc ne pas travailler pendant une période dont la durée reste à sa seule discrétion ; qu'en effet, aucune pénalité n'était prévue en cas de non-inscription sur un «shift », ni même en cas de désinscription dans un délai de prévenance raisonnable d'au moins 48 heures ; que cette liberté totale de travailler ou non dont a bénéficié S... I..., qui lui permettait, sans avoir à en justifier, de choisir chaque semaine ses jours de travail et leur nombre sans être soumis à une quelconque durée du travail ni à un quelconque forfait horaire ou journalier mais aussi par voie de conséquence de fixer seul ses périodes d'inactivité ou de congés et leur durée, est exclusive d'une relation salariale ; qu'il s'ensuit que S... I... manque à rapporter la preuve qu'il fournissait des prestations à la société Take eat easy dans des conditions le plaçant dans un lien de subordination à l'égard de celleci, et spécialement dans un lien de subordination juridique permanent ; qu'il n'est donc nullement établi que les parties étaient liées par un contrat de travail ; qu'il convient par conséquent de rejeter le contredit, de dire que S... I... n'était pas lié à la société Take eat easy par un contrat de travail, de confirmer le jugement entrepris et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris, la cour estimant n'y avoir lieu d'évoquer » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur l'exception d'incompétence du conseil de prud'hommes au profit du tribunal de commerce, la société Takeeateasy.fr a soulevé l'incompétence du conseil de prud'hommes au profit du tribunal de commerce avant toute défense au fond ; que celle-ci est recevable en la forme ; que sur la demande de requalification du statut d'auto entrepreneur en contrat à durée indéterminée, la société Takeeateasy.fr indique être liée à M. S... I... par un contrat de collaboration commerciale et non un contrat de travail ; que M. I... estime que ce contrat de collaboration est en réalité un contrat de travail et qu'il a donc exécuté les prestations sous la subordination juridique de la société Takeeateasy.fr ; que M. I... est inscrit en qualité d'auto entrepreneur auprès du registre du commerce de Paris ; que suivant l'article L.8221-6 du code du travail: « sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription 1°) Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales (..) » ; que cette présomption légale ne peut être renversée que dans l'hypothèse où la preuve de l'existence d'un contrat de travail est rapportée ; que le contrat de travail est «une convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant rémunération» ; que ce lien de subordination juridique est manifeste lorsque l'une des parties au contrat est soumise au pouvoir de direction de l'autre ; que la qualification du contrat de travail dépend des conditions de fait dans laquelle est exercée l'activité du salarié ; que suivant l'article L.1411-1 du code de travail «Le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient» ; que le conseil de prud'hommes ne peut se déclarer compétent que si le lien de subordination est caractérisé et doit, dans le cas contraire, se déclarer incompétent ; que M. I... n'apporte aucun élément qui démontrerait qu'il a effectué ses courses sous le contrôle, les directives et l'autorité de la société Takeeateasy.fr ; que la documentation remise à M. I... dans son article 1 .4 que « Les parties reconnaissent que le présent contrat n‘établit, en aucun cas, sous quelque forme que ce soit, une hiérarchie ou un quelconque lien de subordination entre elles» ; que l'article 11.7 du contrat de prestations stipule que le prestataire est libre de conclure avec toute autre entreprise un contrat similaire ou équivalent à la convention, Take eat easy ne dispose d‘aucune exclusivité ; que l'analyse des clauses contractuelles du contrat de prestations fait apparaître l'absence de tout lien de subordination de M. I... à la société Takeeateasy.fr ; que suivant l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que ce contrat a été signé par les deux parties en toute connaissance de cause ; qu'il ressort des pièces versées au débat, que M. I... choisissait librement ses plages horaires et les jours de la semaine sur lesquels il souhaitait effectuer des livraisons ; qu'il pouvait unilatéralement modifier les plages horaires, voir les annuler sans qu' aucune sanction ne soit prise à son encontre ; que M. I... s'organisait librement et faisait un nombre de courses variable d'un mois sur l'autre; que le système de « strikes » ne peut être considéré comme un système de sanction ; qu'il s'apparente plutôt à un système de vérification du respect des clauses du contrat de prestations de services ; que l'auto-facturation par la société était établie en fonction du nombre de courses librement effectuées par M. I... ; que ce dernier ne l'a jamais contestée ; qu'en conséquence de tout ce qui précède, dit que le conseil de prud'hommes est compétent pour déterminer la nature de la relation ayant existé entre les parties, dit que les parties étaient liées par un contrat de prestations de services, en conséquence, se déclare incompétent matériellement au profit du tribunal de commerce de Paris ; dit qu'à défaut de recours, le dossier sera transmis à cette juridiction, conformément aux dispositions de l'article 97 du code de procédure civile » ;
1°) ALORS QUE l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'ayant constaté, d'une part, que l'application était dotée d'un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société Take Eat Easy de la position du livreur et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci et, d'autre part, que la société Take Eat Easy disposait d'un pouvoir de sanction à l'égard du livreur consistant en un système de bonus et de pénalités graduées pouvant aller jusqu'à l'éviction du coursier, la cour d'appel qui tout en énonçant que ce système était « évocateur du pouvoir de sanction que peut mobiliser un employeur », a néanmoins exclu tout lien de subordination entre M. I... et la société Take Eat Easy, aux motifs inopérants que M. I... avait la liberté de choisir ses horaires de travail en s'inscrivant ou non sur un « shift » ou de ne pas travailler pendant une durée laissée à sa discrétion, qu'il n'était soumis ni à une clause d'exclusivité ni à une clause de non concurrence ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait l'existence d'un pouvoir de direction et de contrôle de l'exécution de la prestation caractérisant un lien de subordination et a violé l'article L.8221-6 II du code du travail ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE dans ses conclusions d'appel (p. 6 et 7), M. I... faisait valoir que bien loin d'être libre dans ses horaires, il devait travailler sur des plages horaires imposées par la société Take Eat Easy, dont il ne pouvait ensuite se dégager, que cette dernière n'hésitait pas à modifier unilatéralement les horaires des coursiers et qu'il avait l'obligation de se connecter quinze minutes avec un « shift » long et trente minutes avant un « shift » court ; qu'en relevant que M. I... aurait la liberté de choisir ses horaires de travail, sans s'expliquer sur ces différents éléments, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE M. I... versait aux débats une pièce n° 14 constituée d'exemples de modification unilatérale des horaires imposée par la société Take Eat Easy et une pièce n° 15 montrant la surveillance des horaires exercée par cette société ; qu'en relevant que M. I... aurait la liberté de choisir ses horaires de travail, sans analyser, même sommairement, ces pièces, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE dans ses conclusions d'appel (p. 7 et 8), M. I... faisait valoir, pièces à l'appui, non seulement que la société Take Eat Easy fournissait à ses coursiers un téléphone, accompagné d'un forfait mobile, sur lequel ils devaient télécharger l'application conçue par la société, mais qu'elle leur imposait également de porter le sac de livraison aux couleurs de l'entreprise ainsi qu'une tenue obligatoire, en leur interdisant, sous peine de sanctions, d'utiliser leur propre matériel ou celui d'un concurrent ; qu'en affirmant que « le prestataire travaille avec son propre matériel, la société ne fournissant contre caution que le sac de livraison équipé d'un sac isotherme et si nécessaire le smartphone », sans rechercher, comme elle y était invitée, au vu des pièces versées aux débats par l'exposant, si la société Take Eat Easy n'imposait pas également le port d'une tenue aux couleurs de l'entreprise et n'interdisait pas à ses coursiers, sous peine de sanctions, d'utiliser leur propre matériel ou celui d'un concurrent, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.