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24/06/2020 | FRANCE | N°18-24849

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 juin 2020, 18-24849


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 juin 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 511 F-D

Pourvoi n° H 18-24.849

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JUIN 2020

L'Office des postes et télécommunication

s, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 18-24.849 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2018 par la cour d'appel de Papeete (chambre socia...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 juin 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 511 F-D

Pourvoi n° H 18-24.849

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JUIN 2020

L'Office des postes et télécommunications, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 18-24.849 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2018 par la cour d'appel de Papeete (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme X... T..., domiciliée [...] ,

2°/ à la conférération syndicale Otahi Noa Taua, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'Office des postes et télécommunications, de la SCP Ortscheidt, avocat de Mme T..., et après débats en l'audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. David, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à l'Office des postes et télécommunications du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le syndicat Otahi Noa Taua.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 14 juin 2018), rendu en référé, Mme T..., salariée de l'Office des postes et télécommunications, a saisi un président du tribunal du travail aux fins de voir ordonner à son employeur de cesser d'opérer sur son salaire des retenues au titre de la part salariale des cotisations sociales et fiscales afférentes à la prise en charge par l'employeur de frais de transport exposés pendant les congés cumulés, prévue par l'article 51 J de la convention d'établissement du 28 février 2005, et d'obtenir le remboursement des sommes prélevées.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de lui faire interdiction d'effectuer sur la rémunération de la salariée tous prélèvements relatifs à la prise en charge des frais de transport à l'occasion de congés cumulés, de lui enjoindre de rembourser à l'intéressée les sommes prélevées au titre de la prise en charge des frais de transport à l'occasion de congés cumulés et de dire qu'il doit payer à la salariée une somme à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, alors « que les cotisations des employeurs et des travailleurs sont assises sur l'ensemble des rémunérations versées à ces derniers dans la limite des plafonds réglementaires et que sont considérées comme rémunérations toutes les sommes, notamment les avantages en nature, versées aux salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail si bien qu'en retenant que l'OPT s'était rendu responsable d'un trouble manifestement illicite en faisant supporter à la salariée le paiement des cotisations salariales afférentes à ses congés cumulés, au motif inopérant que l'article 51 J de la convention d'établissement de l'OPT du 28 février 2005 ne précisait pas que les cotisations salariales à l'occasion de congés cumulés n'étaient pas comprises dans la prise en charge par l'OPT du coût du transport de l'intéressée, cependant que la prise en charge par l'employeur de tels frais était un avantage en nature soumis à cotisations sociales dues par celui-ci et le salarié, et qu'aucune disposition de la convention d'établissement ne dérogeait à cette règle qui devait donc s'appliquer sans avoir besoin d'être précisée dans l'accord, la cour d'appel a violé l'article susvisé, ainsi que l'article 19 de l'arrêté n° 1336 IT du 28 septembre 1956 dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article Lp. 1422-28 du code du travail de la Polynésie française. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 51 J de la convention d'établissement de l'Office des postes et télécommunications du 28 février 2005, l'article 19 de l'arrêté n° 1336 I.T. du 28 septembre 1956 portant organisation et fonctionnement de la caisse de compensation des prestations familiales du territoire des Etablissements français de l'Océanie, dans sa rédaction issue de la délibération n° 97-105 APF du 10 juillet 1997, et l'article Lp. 1422-28 du code du travail de la Polynésie française :

4. Selon le premier de ces textes, à l'occasion des congés cumulés auxquels ont droit les salariés titulaires d'un contrat à durée indéterminée, l'employeur prend en charge le transport de l'agent, de son conjoint ou de son concubin et des enfants à charge au sens des prestations familiales.

5. Aux termes du deuxième de ces textes, les cotisations des employeurs et des travailleurs sont assises sur l'ensemble des rémunérations versées aux travailleurs dans la limite des plafonds réglementaires. Sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les primes, gratifications et tous autres avantages en nature ou en espèces.

6. Pour faire droit aux demandes de la salariée, l'arrêt retient que la prise en charge par l'employeur des frais de transport à l'occasion de congés cumulés est un avantage en nature soumis à cotisations sociales dues par l'employeur et le salarié, qu'il convient de déterminer si l'employeur a accepté de ne pas faire supporter par le salarié les cotisations afférentes à l'avantage en nature, que bien que les avantages en nature soient inclus dans l'assiette des cotisations sociales, l'article 51 de la convention d'établissement fait ressortir que celui-ci règle la totalité du coût du transport du salarié et de sa famille dans le cadre des congés cumulés, sans qu'il soit précisé que la cotisation salarié n'est pas comprise, que dans ces conditions, en faisant supporter à l'intéressée le paiement des cotisations salariés afférentes à ses congés, l'employeur a réduit le montant de l'avantage prévu par la convention d'établissement et s'est rendu responsable d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser.

7. En statuant ainsi, alors, d'une part, que la prise en charge par l'employeur des frais de transport exposés par le salarié et les membres de sa famille pendant les congés cumulés constitue un avantage en nature devant être intégré à l'assiette des cotisations sociales, d'autre part, qu'aucune disposition de l'accord d'établissement du 28 février 2005 n'impose à l'employeur de supporter la part salariale des cotisations sociales et fiscales afférentes à cet avantage, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire que l'employeur était titulaire à l'encontre de la salariée d'une créance en remboursement des sommes versées à ce titre et que la retenue de salaire qu'il opérait, pourvu qu'elle ne portât que sur la fraction saisissable du salaire, ne caractérisait pas un trouble manifestement illicite, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes formées par la confédération syndicale Otahi, l'arrêt rendu le 14 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;

Condamne Mme T... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour l'Office des postes et télécommunications

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fait interdiction à l'OPT d'effectuer sur les salaires de Mme T... tous prélèvements relatifs à la prise en charge des frais de transport à l'occasion de congés cumulés, de lui avoir enjoint de rembourser à l'intéressée les sommes prélevées au titre de la prise en charge des frais de transport à l'occasion de congés cumulés, et d'avoir dit que l'OPT doit payer à Mme T... la somme de 100.000 FCP à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ;

AUX MOTIFS QUE

« sur le trouble manifestement illicite

En sollicitant l'arrêt des retenues sur salaire et les remboursements des sommes prélevées, X... T... demande au juge des référés de faire cesser un trouble manifestement illicite et de prévenir un dommage imminent.

Dans ces hypothèses, des mesures conservatoires ou de remise en état peuvent être prises même en cas de contestation sérieuse et sans qu'il soit nécessaire de constater l'urgence.

L'article 51 J de la convention d'établissement de l'OPT du 28 février 2005 dispose que

« Les salariés de l'Office sur contrat à durée indéterminée, ont droit aux congés cumulés

• en métropole ou dans les Dom Tom,
• pour une destination de la Polynésie française,
• en Nouvelle Zélande.

Ce droit est ouvert à condition d'avoir cumulé sur deux (2) ou trois (3) années les droits à congés permettant de bénéficier d'un congé cumulé compris entre deux (2) et trois (3) mois.

L'agent devra formuler sa demande au cours de la première année de cumul des droits à congés. Cette demande de congés cumulés ne pourra être reportée plus de deux fois. Si ces congés cumulés ne sont pas utilisés l'agent perdra le bénéfice de cette mesure. Il doit, alors, utiliser ses congés cumulés non pris dans l'année qui suit.

A cette occasion, l'Office prendra en charge le transport de l'agent et de la conjointe (du conjoint) ou de la concubine (du concubin) notoire, des enfants naturels, légitimes ou à charge au sens des prestations familiales, ceci par la voie aérienne la plus directe.

La durée du séjour dans l'une des destinations listées ci-dessus correspondra à celle exigée par les compagnies aériennes pour bénéficier des tarifs les plus avantageux.

L'époux ou concubin(e), notoire d'un(e) salarié(e) de l'Office bénéficiant d'un revenu annuel supérieur à celui afférent au coefficient 400, n'a pas droit à la prise en charge du transport ».

En matière d'assiette de cotisations sociales, l'article 19 de l'arrêté n° 1336 IT du 28 septembre 1956 alors applicable est ainsi rédigée :

« Les cotisations des employeurs et des travailleurs sont assises sur l'ensemble des rémunérations versées aux travailleurs dans la limite des plafonds réglementaires. Sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les primes, gratifications et tous autres avantages en nature ou en espèces... ».

Il n'est pas contesté, ni contestable que la prise en charge par l'employeur des frais de transport à l'occasion de congés cumulés, qui, en l'espèce, s'est élevée à la somme de 1 607 400 FCFP, est un avantage en nature soumis à cotisations sociales dues par l'employeur et le salarié.

Il s'agit dès lors de déterminer si l'employeur a accepté de ne pas faire supporter par le salarié les cotisations afférentes à l'avantage en nature.

Bien que les avantages en nature soient inclus dans l'assiette des cotisations sociales, l'article 51 de la convention d'établissement de l'OPT fait ressortir que celui-ci règle la totalité du coût du transport du salarié et de sa famille dans le cadre des congés cumulés, sans qu'il soit précisé que la cotisation salarié n'est pas comprise.

Dans ces conditions, en faisant supporter à X... T... le paiement des cotisations salariés afférentes à ses congés, l'OPT a réduit le montant de l'avantage prévu par la convention d'établissement qui fait la loi des parties et s'est rendu responsable d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser.

Il sera donc fait interdiction à l'OPT d'effectuer sur les salaires de X... T... tous prélèvements relatifs à la prise en charge des frais de transport à l'occasion de congés cumulés.

Et il lui sera enjoint de rembourser à X... T... les sommes prélevées à ce titre » ;

ALORS QUE les cotisations des employeurs et des travailleurs sont assises sur l'ensemble des rémunérations versées à ces derniers dans la limite des plafonds réglementaires et que sont considérées comme rémunérations toutes les sommes, notamment les avantages en nature, versées aux salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail si bien qu'en retenant que l'OPT s'était rendu responsable d'un trouble manifestement illicite en faisant supporter à Mme T... le paiement des cotisations salariales afférentes à ses congés cumulés, au motif inopérant que l'article 51 J de la convention d'établissement de l'OPT du 28 février 2005 ne précisait pas que les cotisations salariales à l'occasion de congés cumulés n'étaient pas comprises dans la prise en charge par l'OPT du coût du transport de l'intéressée, cependant que la prise en charge par l'employeur de tels frais était un avantage en nature soumis à cotisations sociales dues par celui-ci et le salarié, et qu'aucune disposition de la convention d'établissement ne dérogeait à cette règle qui devait donc s'appliquer sans avoir besoin d'être précisée dans l'accord, la cour d'appel a violé l'article susvisé, ainsi que l'article 19 de l'arrêté n° 1336 IT du 28 septembre 1956 dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article Lp 1422-28 du code du travail de la Polynésie française.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-24849
Date de la décision : 24/06/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 14 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 jui. 2020, pourvoi n°18-24849


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.24849
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