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24/06/2020 | FRANCE | N°18-15249

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 juin 2020, 18-15249


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 juin 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 345 F-D

Pourvoi n° X 18-15.249

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 JUIN 2020

1°/ la société BM Est France, société

par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,

2°/ la société Groupe Rivalis, société anonyme, dont le siège est [...] ,

ont fo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 juin 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 345 F-D

Pourvoi n° X 18-15.249

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 JUIN 2020

1°/ la société BM Est France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,

2°/ la société Groupe Rivalis, société anonyme, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° X 18-15.249 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2018 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige les opposant à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , en la personne de M. T... M..., prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Accel TPE, défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés BM Est France et Groupe Rivalis, de Me Bertrand, avocat de la société [...], ès qualités, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 14 mars 2018), la société Groupe Rivalis (la société Rivalis) a développé un progiciel ainsi que des méthodes d'aide à la gestion et à la prise de décision à destination des petites entreprises, qu'elle commercialise par un réseau d'affiliés sous l'enseigne Rivalis. Celui-ci est animé par la société BM Est France. Le 21 juin 2010, Mme D... a conclu avec la société BM Est France un contrat de partenariat afin de pouvoir commercialiser l'utilisation de ce progiciel aux entreprises et de bénéficier de prestations de formation. Dans cet objectif, elle a créé la société Accel TPE, dont elle est la gérante et qui a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 2 septembre 2013.

2. Soutenant, notamment, que le contrat ainsi conclu était un contrat de franchise et que la société BM Est France, franchiseur, avait manqué à son obligation d'information, en violation de l'article L. 330-3 du code de commerce, en fournissant à la société Accel TPE un document d'information précontractuelle faisant apparaître des prévisions de chiffre d'affaires exagérément optimistes, M. M..., agissant en qualité de liquidateur de la société Accel TPE, a assigné la société BM Est France et la société Rivalis en annulation du contrat et de ses avenants ainsi qu'en paiement de diverses sommes à titre de réparation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. La société BM Est France et la société Rivalis font grief à l'arrêt de les condamner à payer à M. M..., ès-qualités, la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile alors « qu'une fin de non-recevoir peut être soulevée pour la première fois en cause d'appel et qu'en condamnant les sociétés BM Est France et Rivalis à des dommages-intérêts parce que la fin de non-recevoir avait été proposée en cause d'appel, cinq ans après les faits, sans établir leur intention dilatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 123 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Après avoir relevé que la fin de non-recevoir fondée sur l'inobservation de la clause imposant une procédure préalable de règlement amiable des différends avait été soulevée seulement à hauteur d'appel, après près de cinq ans de procédure, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a retenu que l'invocation de cette fin de non-recevoir n'avait d'autre objet que dilatoire.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, et le second moyen, pris en ses quatre premières branches, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

7. La société BM Est France et la société Rivalis font grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat de franchise et de tous ses avenants subséquents, ainsi que de les condamner solidairement à payer à M. M..., ès-qualités, la somme de 63 598,19 euros au titre des sommes versées par la société Accel TPE au titre des contrats annulés, la somme de 6 970,10 euros au titre des sommes versées par la société Accel TPE au titre des coûts d'emprunt, la somme de 87 212,50 euros correspondant à la restitution des revenus sur 18 mois alors « que l'erreur sur la rentabilité du concept ne peut conduire à la nullité du contrat de franchise que si les comptes prévisionnels d'exploitation ont été établis par le franchiseur et qu'ils étaient manifestement erronés ; que la société BM Est France faisait valoir que les comptes prévisionnels n'avaient pas été établis par ses soins mais par Mme D... elle-même, assistée de son expert-comptable, le franchiseur s'étant borné à fournir à Mme D... une matrice en transmettant une clef USB contenant un guide et un tableau Excel de comptes d'exploitation prévisionnels qu'il incombait à la candidate de remplir en fonction de ses propres prévisions et objectifs ; que la société BM Est France invoquait à cet égard le courriel de Mme D... du 19 mars 2010 démontrant la réception de ce tableau Excel à remplir, la capture d'écran de ce guide devant permettre au candidat d'établir ses premiers objectifs et qui rappelait que « cet outil est un guide et n'engage en rien la responsabilité du Groupe Rivalis quant aux chiffres que vous allez y inscrire et la réalisation de ces mêmes objectifs », le courriel de Mme D... du 23 mars 2010 démontrant que Mme D... avait elle-même fourni les chiffres et qu'elle avait été assistée pour ce faire de son expert-comptable ; qu'en se bornant à retenir que les comptes prévisionnels avaient été établis et adressés à Mme D... par la société BM Est France, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il ne résultait pas de l'ensemble de ces éléments que la société BM Est France n'était pas l'auteur des comptes prévisionnels et qu'à supposer que Mme D... ait pu commettre une erreur, cette dernière n'était pas imputable à la société BM Est France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 (devenu 1132 du même code). »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

8. L'erreur sur la rentabilité du concept d'une franchise ne peut conduire à la nullité du contrat pour vice du consentement du franchisé si elle ne procède pas de données établies et communiquées par le franchiseur.

9. Pour annuler le contrat de franchise et condamner la société BM Est France et la société Rivalis au paiement de diverses sommes en conséquence de cette annulation, l'arrêt relève que les prévisions envisagées, telles qu'adressées par la société Rivalis, se sont révélées très optimistes, que les résultats n'ont pu être approchés, que ce soit de près ou de loin, de même que le ratio de contacts / clients. Après avoir, ensuite, énoncé que la transmission des comptes prévisionnels permettait au futur franchisé de s'engager en connaissance de tous les éléments et qu'il ne pouvait être contesté que ces prévisions étaient déterminantes dans le consentement, l'arrêt relève qu'en l'espèce, les informations incomplètes ou manquantes, l'absence d'un état réel du réseau et du marché local et la distorsion entre les chiffres prévisionnels, particulièrement optimistes, et les chiffres réalisés étaient de nature à induire en erreur quant aux perspectives de rentabilité envisagées par Mme D.... L'arrêt conclut que l'espérance de gain en rapport avec le chiffre d'affaires annoncé ayant été déterminante dans le consentement de Mme D..., qui espérait gagner autant, voire plus, que dans son emploi précédent, le vice du consentement consistant en une erreur substantielle sur la rentabilité doit être retenu, entraînant la nullité du contrat.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les comptes prévisionnels n'avaient pas été établis par la société franchiseur, mais par Mme D... elle-même, assistée de son expert-comptable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il écarte la fin de non-recevoir et condamne les sociétés Rivalis et BM Est France à payer à M. M... en qualité de liquidateur de la société Accel TPE, la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en application de l'article 123 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les sociétés BM Est France et Groupe Rivalis

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté la fin de non-recevoir ; et d'avoir condamné la société BM Est France et la société Rivalis à payer à M. M... es qualité la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE concernant le défaut de mise en oeuvre de la clause de l'article 18 du contrat, il s'agit d'une fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre d'une clause contractuelle qui institue une procédure, obligatoire et préalable à la saisine du juge, favorisant une solution du litige par le recours à un tiers, qui peut être invoquée pour la première fois à hauteur d'appel et qui n'est pas susceptible d'être régularisée par la mise en oeuvre de la clause en cours d'instance ; que la clause est libellée comme suit : « en cas de contestation portant sur l'interprétation et ou l'exécution et ou la cessation des présentes, les parties s'engagent à se soumettre à une procédure amiable de règlement de leur différend, préalablement à l'exercice de toute procédure contentieuse » ; que la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre de cette clause, insérée dans un contrat, instituant une procédure de conciliation préalable à la saisine du juge ne concerne que les modalités d'exercice et de cessation de ce contrat et non l'action en annulation dudit contrat, de sorte qu'elle ne saurait être opposée ; qu'en conséquence, la demande de Me M... ès qualité est recevable ;

1°) ALORS QUE la clause d'un contrat instituant une procédure amiable de règlement des différends, préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge ; que le contrat de partenariat stipulait en son article 18 « en cas de contestation portant sur l'interprétation et/ou l'exécution et/ou la cessation des présentes, les parties s'engagent à se soumettre à une procédure amiable de règlement de leur différend, préalablement à l'exercice de toute procédure contentieuse » ; qu'en décidant que la clause de procédure amiable préalable convenue entre les parties n'était pas applicable au litige en ce qu'elle concernait uniquement les modalités d'exercice et de cessation du contrat et non l'action en annulation du contrat, la cour d'appel a refusé d'appliquer la clause à une action qu'elle n'excluait pas puisque la clause imposait le recours à une procédure amiable préalable pour tout différend portant sur la cessation du contrat, sans distinguer selon les causes de la fin du contrat ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé la clause visée et a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code.

2°) ALORS QU' une clause instituant une procédure amiable de différends préalable à toute saisine d'un juge portant sur l'interprétation, l'exécution ou la cessation d'un contrat s'applique de plein droit, à l'action portant sur la validité du contrat ; qu'en énonçant le contraire, la cour d ‘appel a violé l'article 1134 du code civile, devenu l'article 1103 du même code, ensemble les articles 122 et 124 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU' une fin de non-recevoir peut être soulevée pour la première fois en cause d'appel et qu'en condamnant les sociétés BM Est France et groupe Rivalis à des dommages et intérêts parce que la fin de non-recevoir avait été proposée en cause d'appel cinq ans après les faits sans établir leur intention dilatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 123 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la nullité du contrat de franchise et de tous ses avenants subséquents, d'AVOIR condamné la société BM Est France et le groupe Rivalis solidairement et conjointement à payer à Me M... ès-qualités la somme de 63.598,19 € au titre des sommes versées par Accel Tpe au titre des contrats annulés, d'AVOIR condamné la société BM Est France et le groupe Rivalis solidairement et conjointement à payer à Me M... ès-qualités la somme de 6.970,10 € au titre des sommes versées par Accel Tpe au titre des coûts d'emprunt, d'AVOIR condamné solidairement les sociétés Rivalis et BM Est France à payer à Me M... ès-qualités la somme de 87 212,50 euros correspondant à la restitution des revenus sur 18 mois et d'AVOIR condamné solidairement les sociétés Rivalis et BM Est France à payer à Me M... ès-qualités la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts au titre de l'article 123 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application de l'article L 330-3 du code de commerce, le franchiseur doit fournir à l'autre partie un document précontractuel donnant des informations (DIP) complètes et sincères, qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause ; que les articles 1109 et 1116 suivants du code civil sanctionnent par la nullité, le contrat conclu par erreur ou à la faveur d'un dol ; qu'en l'espèce, le DIP transmis à Mme D... à peine 4 jours après la décision du 19 mars 2010 validant le principe de son intégration, donne une description très favorable du marché concédé au futur Partenaire : 1200 à 1400 entreprises dont la moitié d'artisans et de commerçants ; que le DIP doit contenir la liste des partenaires ; que cette liste est manquante ; que concernant les renseignements sur les gains escomptés, Mme D... avait fait part, dès le 12 avril 2010, de ses réserves sur le montage financier à mettre en place ; qu'n réponse à ces interrogations, Mme L... lui a adressé le 21 avril 2010 une simulation de compte d'exploitation qui révise à la hausse le salaire attendu et retient un résultat avant impôt très largement optimisé de 53371,10 € en fin de 2ème année et de 535.174 € en 5ème année outre une estimation de valeur de fonds de commerce de 419 100€ ; que si le franchiseur n'a aucune obligation de présenter des résultats précis, il n'en demeure pas moins que les prévisions qu'il envisage doivent être prudentes et réalistes ; qu'en effet, l'information sur l'espérance de gain est déterminante pour le consentement du franchisé ; que les résultats observés par Mme D... mais également ceux réalisés par les partenaires de Rivalis démentent cette présentation qui s'est révélée excessivement optimiste ; qu'il est observé que le DIP décrit le profit type du partenaire soit des jeunes gestionnaires, anciens salariés, désireux de devenir indépendants, prêts à investir 75% de leur temps dans l'activité Rivalis ; qu'il s'agit de profil de personnes particulièrement peu informées des aléas économiques et de la gestion d'une entreprise ; que l'information précontractuelle est à cet égard déterminante ; la formation et l'assistance à la compétence avec la mise à. disposition d'un formateur permanent indispensables ; que le DIP présente en annexe un projet de contrat détaillant les obligations du franchiseur et celles du partenaire dressant un tableau équilibré des obligations réciproques ; qu'en contrepartie, des services de Rivalis, le Partenaire paie des redevances mensuelles pour l'utilisation des progiciels, la communication de 6000 €, un droit d'entrée de 28000 € par secteur et 14500 € pour les fi-ais de formation ; qu'il doit en outre investir dans une voiture avec habillage de 20.000 € environ ; que le partenaire bénéficie de l'exclusivité de son secteur et de la propriété de ses clients ; qu'il n' pas le droit de prospecter sur le territoire voisin ; que le partenaire bénéficie également d'une priorité de 48 heures sur les prospects qui lui sont transmis par le groupe ; qu'en l'espèce, le contrat a été signé le 21 juin 2010 soit 2 mois après la communication des chiffres de Mme L... ; que compte tenu des difficultés rencontrées au démarrage d'activité, le contrat initial était modifié par avenant du 16 décembre 2010 pour reporter le début d'activité au 2 janvier 2011 ; qu'un avenant du 5 mars 2011 mettait fin à l'exclusivité territoriale ; qu'il s'évince de l'ensemble de ces éléments que non seulement les informations transmises à Mme D... se sont révélées insuffisantes (absence de liste de partenaires, absence d'information sur le réseau, etc...) mais également audacieuses et exagérément optimistes ; qu'en effet, les résultats susceptibles d'être générés par l'activité sont en réalité très inférieurs à ceux fournis par Rivalis à Mme D..., notamment les résultats présentés dans le DIP et dans la projection de chiffre d'affaires et de résultat communiqués par Mme L... le 21 avril 2010 ; que les pièces produites par la société Rivalis confirment que les résultats dégagés par les partenaires de Rivalis présentent un écart de plus de moitié de ceux annoncés à Mme D... pour la première année et de bien plus pour les années suivantes, étant observé que les bilans produits ne permettent pas de vérifier que l'activité des partenaires ne concernent que Rivalis dès lors que les partenaires ne sont soumis à aucune exclusivité ; que ces éléments étaient déterminants pour une personne profane dans la branche d'activité, alimentée par une masse d'informations économiques exactes dans leur présentation générale mais lacunaires sur le plan spécifique ; que les informations transmises par Mme L... à Mme D... en réponse à ses propres hésitations ont eu à cet égard un impact certain qui, ajouté à un mode de recrutement rodé, une communication persuasive (revue de presse, relationnel fort), ont conforté la croyance de réussite et de performance et limité les capacités d'objectivation du candidat ; que Mme D... n'a, par ailleurs, pas disposé de la liste des partenaires lui permettant de confronter ses propres recherches aux données transmises ; qu'une communication loyale et sincère, au stade précontractuel, notamment sur les revenus réels susceptibles d'être générés par l'activité Rivalis, auraient dissuadé Madame D... de s'engager étant observé qu'au stade de son recrutement, elle bénéficiait encore d'un emploi et d'un salaire significatif (58141 € au titre de l'IR 2010), bien supérieur à celui dégagé par un partenaire de Rivalis ; que le tribunal observe enfin que la contrepartie au versement des redevances s'est trouvée singulièrement réduite par la perte de l'exclusivité de territoire ; que cette modification substantielle dans le rapport entre parties, ajoutée à l'insuffisance des prestations d'assistance technique à la charge de la société Rivalis pour soutenir son partenaire constituent une dilution majeure des obligations du franchiseur ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que Mme D... a contracté par erreur, cette erreur ayant été favorisée par une attitude déloyale de son cocontractant ; que ce vice du consentement affecte la validité du contrat ; qu'il convient dès lors, de prononcer la nullité de celui-ci ; qu'il est constant que 11 est constant que la société Accel Tpe a été créée que pour engager l'activité de partenaire de Rivalis ; que Mme D... a ainsi versé : droit d'entrée Rivalis 33.488 €, redevances 14.891 €, formation 14.500€, colloques Rivalis 719,99€ Total 63.598,19 € ; qu'à cette somme se sont ajoutés les coûts d'emprunts ; que la société a emprunté 50 000 €. ; que les intérêts s'élèvent à 6.188,41 € et les cotisations d'assurance prêt de 781,69 €, soit un montant total de 6970,10 € ; que ce préjudice a été exposé pour l'exécution des obligations contractuelles ; qu'il convient, dès lors, de condamner la société BM st France France et la société Rivalis, solidairement, à payer ces sommes ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QU'il n'est pas contesté que le contrat de partenariat conclu entre Mme D... et la société BM Est France est un contrat de franchise ; que dans le cadre d'un tel contrat, le franchiseur est tenu à une obligation d'information, imposée dans l'article L 330-3 du code de commerce qui dispose que toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ; que le document dont le contenu est fixé par l'article R 330-3 du code de commerce, précise "notamment l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement de résiliation et de cession des contrats ainsi que le champ des exclusivités", selon l'alinéa 2 de l'article L 330-3 ; qu'il est d'abord invoqué une violation des mentions impératives du document d'information précontractuelle (DIP) : - la non précision des activités de chaque groupe, le DIP est intitulé RIVALIS ; que la société BM Est France est présentée comme une société distincte du groupe Rivalis comme étant le master partenariat, ce qui est une information confuse puisqu'elle est ensuite présentée comme étant à la tête de Rivalis France, - l'identité des dirigeants : l'information est imprécise, la société Rivalis étant dirigée par la famille N... ( en fait M. V... N... et M. R... N...), la société BM Est France étant gérée par M. V... N..., - le montant du capital social du groupe Rivalis est indiqué page 9 ainsi que celui de la société BM Est France, - le numéro Sirene ne serait pas mentionné mais l'extrait KBis figure dans l'annexe 1 du DIP, - le numéro et la durée de la licence de la société BM Est France ne figure pas dans le DIP, - s'agissant de la domiciliation bancaire, le DIP ne mentionne qu'une seule domiciliation bancaire ; il n'est pas contesté que la société possède cinq domiciliations bancaires, - l'information fiable et sincère sur le réseau d'exploitants: il est mentionné l'historique du réseau; il n'y a pas d'information concrète sur le réseau, - les rapports obligatoires de l'article L 451-1-2 du code monétaire et financier prévus au dernier alinéa de l'article R 330-1 4° ne concernent pas le franchisé qui n'est pas côté ; - la présentation du réseau d'exploitants et notamment la liste des entreprises qui en font partie ; que cette liste est censée figurer au DIP mais les feuilles correspondantes sont blanches ; elle aurait été transmise selon l'accusé de réception et de confidentialité signé par Mme D... le 23 mars 2011 comme étant à part du DIP ; que le franchiseur fait ensuite référence à un envoi par mail ; qu'il est justifié d'une demande en ce sens à une collaboratrice le 22 mars 2011 sans qu'un tel envoi ne soit justifié ; qu'il n'est dès lors pas établi que le franchiseur ait satisfait à son obligation d'information en ce sens ; que par ailleurs, force est de constater que la liste ne précise pas la date de cessation des contrats ou leur résiliation à l'issue de leur échéance un an avant la délivrance du document conformément au paragraphe C) du 5 ° de l'article R330-1 ; que le champ des exclusivités n'est pas davantage précisé ; - la présence d'une autre personne exerçant dans la même zone d'activité n'est précisée que dans le contrat de préréservation et ne figure pas dans le DIP ; que le DIP prévoit également une analyse du marché qui est celui des très petites entreprises (TPE); que les chiffres datent de 2002, 2003 et 2004 , soit des données particulièrement anciennes et qui constituent des généralités sur les TPE ; que le sondage de la clientèle Rivalis a été réalisé en 2004 ; que concernant plus précisément le marché local, il est indiqué au DIP que l'étude est remise lors de la journée de sélection ; que ces informations n'ont pas été transmises ; qu'il est donc établi donc établi plusieurs manquements au DIP qui ne permettaient pas une information claire et loyale à l'égard de Mme D... ; que par ailleurs, le document fourni par la société Rivalis indiquait le chiffre d'affaire réalisable par le partenaire, complété par des informations transmises le 21 avril 2010 qui prévoient un résultat avant impôt de -6 943,90 euros la première année, 53 371,10 euros au bout de deux ans et de 535 174,10 euros au bout de la 5ème année ; que le fonds de commerce était en outre valorisé à hauteur de 419 100 euros ; qu'or, Mme D... a subi une perte de 24 116 euros en 2011 et de 17 563 euros en 2012 ; que si les comptes prévisionnels ne figurent pas dans les éléments devant se trouver dans le document d'information précontractuelle, ils doivent, lorsqu'ils sont communiqués, présenter un caractère sérieux ; qu'il n'y a pas d'obligation de résultat quant aux prévisions faites mais elle doivent être de qualité et le franchiseur est tenu d'informer son partenaire avec loyauté et sincérité, tant en ce qui concerne le montant de l'investissement qu'il devra consentir, que pour ce qui est de l'état général et local du marché des produits faisant l'objet du contrat et notamment de la situation concurrentielle existante et prévisible lorsqu'elle est de nature à avoir un impact significatif sur le chiffre d'affaires à réaliser ; qu'en l'espèce, les prévisions envisagées telles qu'adressées par Rivalis se sont révélées très optimistes ; que si l'aléa d'une activité économique ne peut être totalement écarté dans l'échec de la structure crée par Mme D..., les prévisions présentées doivent être prudentes et réalistes, notamment au regard des investissements réalisés à hauteur de près de 63 000 euros ; que les résultats n'ont pu être approchés que ce soit de près ou de loin, de même que le ratio de contacts/ clients ; qu'il est fait état par BM Est France que de très nombreux conseillers affichent une excellente santé financière et produit des chiffres sur les années 2011 et 2012 ; que la zone d'intervention desdits partenaires n'est pas précisée ; qu'aucun ne figure sur la liste de la zone nord dont Mme D... faisait partie ; qu'il n'est pas davantage précisé le début du contrat ni les conditions quant à son exercice, notamment avec l'exclusivité ou non ; qu'il ne peut démontrer la rentabilité du concept Rivalis que pour certains partenaires et ne permet pas d'accréditer les chiffres prévisionnels de BM Est France tels que présentés à Mme D... ; qu'en tout état de cause, les résultats des partenaires énumérés ne rejoignent pas le niveau de rémunération antérieure de Mme D... qui s'attendait à une rémunération au moins équivalente sinon supérieure ; que la transmission des comptes prévisionnels permet au futur franchisé de s'engager en connaissance de tous les éléments et il ne peut être contesté que ces prévisions sont déterminantes dans le consentemen ; qu'en l'espèce, les informations incomplètes ou manquantes, l'absence d'un état réel du réseau et du marché local et la distorsion entre les chiffres prévisionnels, particulièrement optimistes et les chiffres réalisés sont de nature à induire en erreur quant aux perspectives de rentabilité envisagées par Mme D... qui de surcroit, n'avait aucune compétence particulière dans le domaine du progiciel comptable et dans la direction d'une société crée pour exercer l'activité de partenaire pour avoir quitté son emploi salarié ; que l'espérance de gain en rapport avec le chiffre d'affaires annoncé ayant été déterminant dans le consentement de Mme D..., qui espérait gagner autant voire plus que dans son emploi précédent, le vice du consentement quant à une erreur substantielle sur la rentabilité doit être retenu, entraînant la nullité du contrat ; que du fait de l'annulation du contrat, la société Accel Tpe doit être restituée dans ses droits; qu'elle justifie avoir versé la somme de droit d'entrée de 33 488 euros, de redevances de 14 891 euros, de formation de 14 500 euros et des frais de colloque de 719,99 euros, et de 6 970,10 euros soit un montant total de 70 568,29 euros ; que la société Accel Tpe fait état de préjudices soit l'indemnisation de pertes d'exploitation sur les années 2011 et 2012 et du manque à gagner à hauteur de 1 300 566,50 euros ; que le contrat de franchise étant annulé, la société Accel Tpe ne peut réclamer l'allocation d'un préjudice financier correspondant à la non obtention des résultats commerciaux qu'elle était en droit d'attendre et de pertes d'exploitation ; que Mme D... étant dépourvue de tout revenu pendant les 18 mois de son activité Rivalis, alors qu'elle était salariée auparavant et percevait des revenus réguliers pour son activité d'ingénieur, elle doit bénéficier de la restitution de ses revenus ; qu'il est justifié de revenus annuels en 2010 de 58 141 euros soit un montant de 87 212,50 euros correspondant à des revenus sur 18 mois ;

1/ ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motif ; qu'en affirmant, pour retenir l'absence d'une information claire et loyale au profit de Mme D... que, s'agissant de l'information fiable et sincère sur le réseau exploitant, il n'y a pas d'information concrète sur le réseau quand elle relevait que le DIP mentionnait l'historique du réseau, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QU'en jugeant que la société BM Est France n'établissait pas avoir satisfait à son obligation d'information quant à la présentation du réseau et notamment de la liste des entreprises qui en font partie, quand, par un courrier du 23 mars 2010, régulièrement versé aux débats, Mme D... certifiait avoir « reçu par mail les informations précontractuelles prévues par le décret d'application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 (125 pages annexes comprises) » et avoir « reçu l'annexe intitulée « Liste des partenaires », que BM Est France lui avait adressée le 22 mars 2010, le courriel de BM Est France mentionnant l'envoi à Mme D... de la liste des 50 partenaires les plus proches du lieu d'implantation de Mme D... sur la zone Nord, la cour d'appel a dénaturé, par omission, le courrier de Mme D... du 23 mars 2010, violant ainsi l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

3/ ALORS QU'en jugeant que la liste des membres du réseau « ne précise pas la date de cessation des contrats ou leur résiliation à l'issue de leur échéance un an avant la délivrance du document conformément au paragraphe C) du 5° de l'article R. 330-1 » quand ces précisions doivent être portées dans le DIP et que le DIP précisait clairement en page 12 que 35 partenaires avaient quitté le réseau au cours de l'année précédant la remise du DIP, 13 contrats ayant expiré, BM Est France en ayant résilié 9, 12 partenaires ayant résilié leur contrat, 1 contrat ayaynt été résilié d'un commun accord entre BM EST France et le partenaire (pièce adverse 11, 12), la cour d'appel a dénaturé, par omission, le DIP, en méconnaissance de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

4/ ALORS QUE le DIP doit indiquer la présence d'autres établissements membres du réseau implanté dans le même secteur ; qu'en jugeant que la société BM Est France avait manqué à son obligation d'information, la présence d'une autre personne exerçant dans la même zone d'activité n'étant précisée que dans le contrat de préréservation et ne figurant pas dans le DIP, quant cette information n'avait pas à figurer dans le DIP, cette autre personne n'étant pas établie dans le secteur 7 choisi par Mme D..., mais dans le secteur 3, et ne faisant qu'à titre exceptionnel suivre un seul client du secteur 7, la cour d'appel a violé l'article R. 330-1, 5° d) du code de commerce ;

5/ ALORS QUE l'erreur sur la rentabilité du concept ne peut conduire à la nullité du contrat de franchise que si les comptes prévisionnels d'exploitation ont été établis par le franchiseur et qu'ils étaient manifestement erronés ; que la société BM Est France faisait valoir que les comptes prévisionnels n'avaient pas été établis par ses soins mais par Mme D... elle-même, assistée de son expert-comptable, le franchiseur s'étant borné à fournir à Mme D... une matrice en transmettant une clef USB contenant un guide et un tableau Excel de comptes d'exploitation prévisionnels qu'il incombait à la candidate de remplir en fonction de ses propres prévisions et objectifs ; que la société BM Est France invoquait à cet égard le courriel de Mme D... du 19 mars 2010 démontrant la réception de ce tableau Excel à remplir (pièce n° 115), la capture d'écran de ce guide devant permettre au candidat d'établir ses premiers objectifs et qui rappelait que « cet outil est un guide et n'engage en rien la responsabilité du Groupe Rivalis quant aux chiffres que vous allez y inscrire et la réalisation de ces mêmes objectifs » (pièce n° 84), le courriel de Mme D... du 23 mars 2010 démontrant que Mme D... avait elle-même fourni les chiffres et qu'elle avait été assistée pour ce faire de son expert-comptable (pièce adverse n° 14 et 15) ; qu'en se bornant à retenir que les comptes prévisionnels avaient été établis et adressés à Mme D... par la société BM Est France, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il ne résultait pas de l'ensemble de ces éléments que la société BM Est France n'était pas l'auteur des comptes prévisionnels et qu'à supposer que Mme D... ait pu commettre une erreur, cette dernière n'était pas imputable à la société BM Est France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 (devenu 1132 du même code) ;

6/ ALORS subsidiairement QUE l'erreur sur la rentabilité du concept ne peut conduire à la nullité du contrat de franchise que si les comptes prévisionnels d'exploitation ont été établis par le franchiseur et qu'ils étaient manifestement erronés ; qu'en se bornant à relever, pour retenir à l'encontre du franchiseur une faute tenant à l'établissement de comptes prévisionnels qui auraient induit en erreur Mme D... quant aux perspectives de rentabilité envisagées par cette dernière, que ces comptes étaient « très optimistes » et que les chiffres contenus dans les comptes prévisionnels n'avaient pas été atteints par Mme D..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 (devenu 1132 du même code) ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-15249
Date de la décision : 24/06/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 14 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 jui. 2020, pourvoi n°18-15249


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.15249
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